Biarent... Peut-être faudrait-il évoquer le contenu de ce disque et glisser deux mots ce qu'il faut en retenir ? N'hésite pas à en faire la présentation puisque tu as lancé le sujet, je me contente du contenu !
Trenmor, Symphonie, Deux sonnets pour violoncelle et orchestre (Luc Dewez : violoncelle ; Pierre Bartholomée)On consultera avec profit deux disques disponibles en streaming édités par Cypres :
Poème Héroïque, Rapsodie Wallonne, Contes d'Orient (Diane Andersen : piano ; Pierre Bartholomée)Le
Poème sent son
Strauss ou son
Berlioz (voire, si l'on ose l'anachronisme,
Rachmaninoff et ses penchants les moins subtils ), on pourrait imaginer l'utiliser pour illustrer des scènes d'amour. À défaut d'originalité, il y a clairement du métier.
La
Rhapsodie est une sorte de concerto pour piano en plus léger, truffé de thèmes populaires, avec des échos de
Tchaikovsky (tentations lyriques) et
Saint-Saëns (tentations héroiques). Le II, retenu dans son expression, ne fait pas dans la subtilité pour la mélodie ou les textures (c'est terriblement convenu), et pianote les touches les plus aiguës avant de lancer un finale heureusement brillant, virtuose et canaille. Charmant mais absolument pas mémorable (voire irritant, selon ses dispositions).
Heureusement, il reste la pièce de résistance ! Les
Contes sont une collection orientaliste en 11 mouvements qui brasse du cliché et où l'on voit défiler une quantité incalculable de compositeurs, avec
Rimsky et
Bizet en première ligne. Ah, l'introduction ou les tournoiements de la danse orientale ne font pas dans la subtilité, ce qui n'empêche pas la pièce d'être éminemment plaisante et de contenir son lot de belles choses : le rêve de l'émir et cette espèce de fanfare à la
Dukas, le chant d'amour très cinématique avec ses soupirs cuivrés (entre moments retenus d'
Antar et qualité hypnotique de
Beni Mora), les tintannabulis et envolées lyriques du violon dans la Rêverie tirées de
Rimsky. Enthousiasme évoque les espagnolades françaises (
Bizet et
Massenet), La chanson de l'Ukraine et le Chant d'Hervor rappellent
Ippolitov-Ivanov et les folkloristes russes (une pincée de
Tchaikovsky et de
Lyadov). Effet de lune est un nocturne enchanté qui se veut impressionniste, le génie en moins (une sorte de
Gaubert dénervé). Le long finale récapitule les thèmes utilisés précédemment avant de conclure sur
El Cid et
Carmen. Un régal
Quintette avec piano, sonate pour violoncelle et piano (Diane Andersen : piano ; Marc Drobinsky : violoncelle ; Quatuor Danel)À mon avis, l'album à découvrir prioritairement. La parenté stylistique avec
Franck et
Lekeu est évidente (épanchements intenses et cyclisme "mortel"), mais pourquoi gâcher son plaisir ?
Dans le quintette, des soupirs d'ennui laissent bien vite place à des motifs motoriques (ah, le crescendo à 14:00 et l'ébullition à partir de 14:12 !), au sein d'une texture étonnament aérée (les tentations orchestrales sont vraiment minimes) où le piano tient une place prépondérante. Le spectre de la sonate pour violon de Franck est palpable. L'Intermezzo démarre par une figure très sombre au piano, avant d'être rejoint par des cordes frémissantes, fiévreuses (schubertiennes ?), une sorte de calme maniaque après les montagnes russes du I où le piano tresse des guirlandes ou fait couler des fontaines de notes, avant de retomber sur ses inquiétantes notes initiales. Le III revient à des affects plus outrés, beaucoup de désespoir, la proximité avec Lekeu se fait vraiment sentir (la tension insoutenable à partir de 10:00, avec cette densification progressive du matériau avant de revenir à cette clarté et cet élancement initial). Le finale voit une couverture du spectre progressive, pour la première fois dans des teintes chaudes, avant la péroraison franchement souriante. Fortement recommandé.
La sonate est intéressante, plus personnelle mais peut-être une coche en dessous question inspiration : après un long premier mouvement assez sombre, le II est une sorte de tempête sous un crâne tout à fait saisissante, là où le très concis III est une rumination silencieuse. Le IV revisite les thèmes du I avec beaucoup de bonheur et de contrastes, dont une magnifique conclusion apaisée.