RF - Berlioz/Elgar - Gardiner/ Tamestit - 4 et 5/02/22

Hector Berlioz : Harold en Italie
Edward Elgar : In the south ; Sospiri

Antoine Tamestit, alto
John Eliot Gardiner, dir.
Orchestre philharmonique de Radio-France

Harold en Italie est décidément une des plus belles oeuvres de Berlioz, tellement originale, plus belle encore que la Fantastique (mais c'est mon avis personnel).
Et l'interprétation, ce soir, était de celle que l'on n'oublie pas, avec un Tamestit égal à lui-même, se déplaçant, tout au long de l'oeuvre, autour de l'orchestre. Une très bonne idée car ainsi
le public qui est sur les côtés a parfois droit à un son direct !
La direction de Gardiner était éblouissante, donnant un caractère tour à tour enflammé et rêveur, rendant très lisibles les solos des bois joués avec avec beaucoup de poésie, faisant claquer les cuivres à l'envi,
usant d'une dynamique très large, avec des pianissimi à peine audibles. Et l'Orchestre philharmonique répondait parfaitement, virtuose et brillant comme jamais.
A noter que l'orchestre a joué le dernier mouvement debout. J'ai eu la vague impression que le son passait moins bien au premier balcon de côté. Mais ce n'est peut-être qu'une impression !
Il est dommage que nous n'entendions pas davantage Gardiner à la tête d'un orchestre à Paris, car il est vraiment excellent ; et en plus il dirige très bien la musique française.
Après une telle oeuvre, difficile de faire le poids. L'ordre du programme est d'ailleurs étonnant. N'aurait-il pas été plus judicieux de jouer Elgar au début et Berlioz après l'entracte ?
Au début de "In the south", ouverture écrite par Elgar après un voyage en Italie, on croit vraiment entendre du Richard Strauss. Ensuite, Elgar reprend le dessus, même si Strauss est encore présent par moments.
C'est une oeuvre un peu touffue, bruyante presque d'un bout à l'autre, sans thèmes marquants pour attirer l'attention, et pas une seconde on ne pense à l'Italie ! Intéressante tout de même.
Le concert s'est achevé par Sospiri, jolie oeuvre mélancolique très courte pour cordes, avec quelque touches de harpe et d'orgue.
Ce concert est redonné ce samedi soir. N'hésitez pas à y aller pour vous consoler des annulations d'opéras !

Moins enthousiaste que toi : j'ai trouvé ça moins précis qu'à l'ordinaire chez le Philhar' (pas de sorties de route, mais moins totalement ensemble que de coutume), et la salle accentuait des timbres assez gris. Mais à partir Park, Calderini et le violoncelle solo, je n'ai reconnu personne (c'était Doise au hautbois ?  il lui ressemblait un peu mais je ne l'ai pas vu depuis si longtemps qu'il m'a semblé avoir pris vingt ans !) : possible qu'il y ait eu beaucoup de remplacements de dernière minute. Clairement ce n'est pas la bonne période pour entendre des concerts joués au cordeau.

Pour autant, j'ai trouvé le programme très chouette, vraiment différent de l'habitude (en effet, In the South, peut-être la meilleure œuvre orchestrale d'Elgar, a ses élans richardstraussiens assez délicieux !). Et l'idée de faire un peu de mise en scène pour Harold était vraiment idéale. (Tamestit est même revenu pour le microsolo d'In the South, ce que peu de solistes – aucun – ne fait !)

DavidLeMarrec a écrit:

c'était Doise au hautbois ?  il lui ressemblait un peu mais je ne l'ai pas vu depuis si longtemps qu'il m'a semblé avoir pris vingt ans !

Oui (je n'étais pas au concert mais il a été cité à la radio). J'espère qu'il ne fréquente pas le forum.

C'est vraiment qu'à chaque concert que j'ai vu dernièrement, ce n'était pas lui, ça doit faire depuis plusieurs années.

Par ailleurs, médiums superbes comme toujours chez lui.

Et dire que ce programme ne me disait rien au début. Mais je me disais que ça plairait bien à une amie à moi férue de Berlioz et de culture britannique ! Et finalement, je crois que j'ai assisté à un de mes meilleurs concerts de la saison. Les deux pièces d'Elgar étaient sublimes à mon goût, surtout la dernière avec l'apport subtile de l'orgue. Très belle soirée vendredi dernier.

Critique parue sur Bachtrack: https://t.co/2V92NoL18A

andika a écrit:

surtout la dernière avec l'apport subtile de l'orgue.

Subtile est le mot, il y a quatre notes tenues successivement au pédalier.

DavidLeMarrec a écrit:

andika a écrit:

surtout la dernière avec l'apport subtile de l'orgue.

Subtile est le mot, il y a quatre notes tenues successivement au pédalier.

Mais c'était mieux de mettre ça plutôt que des cuivres finalement. Ca amène quelque chose de différent en fait, une texture particulière, qu'on ne retrouverait pas avec la petite harmonie ou des cuivres. J'ai aimé cette idée. Et ça permettait de bien redescendre après deux œuvres assez excitantes

Mon amie assez fana de Berlioz se dodelinait un peu pendant Harold, c'était très marrant à observer.

andika a écrit:

Mais c'était mieux de mettre ça plutôt que des cuivres finalement. Ca amène quelque chose de différent en fait, une texture particulière, qu'on ne retrouverait pas avec la petite harmonie ou des cuivres. J'ai aimé cette idée. Et ça permettait de bien redescendre après deux œuvres assez excitantes

Ça a excédé mon voisin de derrière (dans le carré des critiques / invités) : il trouvait scandaleux de jouer ça pour les cordes alors que le reste de l'orchestre était présent sur scène. (J'avoue ne pas avoir compris le problème de leur voler 5 minutes de temps…)

DavidLeMarrec a écrit:

andika a écrit:

Mais c'était mieux de mettre ça plutôt que des cuivres finalement. Ca amène quelque chose de différent en fait, une texture particulière, qu'on ne retrouverait pas avec la petite harmonie ou des cuivres. J'ai aimé cette idée. Et ça permettait de bien redescendre après deux œuvres assez excitantes

Ça a excédé mon voisin de derrière (dans le carré des critiques / invités) : il trouvait scandaleux de jouer ça pour les cordes alors que le reste de l'orchestre était présent sur scène. (J'avoue ne pas avoir compris le problème de leur voler 5 minutes de temps…)

Un habitué de l'opéra de Paris sans doute

DavidLeMarrec a écrit:

In the South, peut-être la meilleure œuvre orchestrale d'Elgar

Il y a tout de même les deux symphonies, Cockaigne, Enigma, Falstaff, toutes oeuvres plus réussies à mon avis.

J'aime beaucoup Cockaigne aussi ! (Moins les deux autres, mais je n'ai pas de souvenir précis de Falstaff, et je comprends qu'on soit davantage intéressé par les Enigma.)

Encore un concert réservé grâce à la promo de fin d'année, que je n'aurais pas sélectionné dans l'abonnement de saison.

Souvenirs du dernier concert de Gardiner à RF : une symphonie n°3 de Brahms, jouée à un rythme effréné, en replacement du Requiem allemand.

Berlioz : j'ai beaucoup aimé la petite mise en scène, Tamestit qui déambule sur le plateau. Heureusement que j'avais lu le message de Fritelli avant d'aller au concert, car on aurait pu croire qu'un altiste retardataire entrait sur scène après le début de l’œuvre, ne sachant par où passer pour se glisser jusqu'à son pupitre. Le dernier mouvement joué debout n'apporte pas grand chose effectivement, et les musiciens ont particulièrement fait résonner leurs chaises et leurs talons, peut-être en signe de désapprobation ? Gardiner ne semble ni s'amuser ni s'émouvoir de cette mise en scène, dont on ne saura finalement pas si elle a été demandée par lui, l'orchestre ou Tamestit.
Quant à l’œuvre : menée à un tempo impressionnant, cuivres extrêmement sonores, très vivante, particulièrement enlevée ! Je pense ne l'avoir déjà entendue sur scène qu'une seule fois, je ne l'écoute pas particulièrement au disque... et pourtant, il y a une proximité évidente, comme si je la connaissais par cœur. Les thèmes s'écoulent, parfaitement identifiables. Je suis très surpris d'apprécier autant ce concerto / poème symphonique, alors que j'ai tant de mal avec sa Symphonie fantastique...

Elgar : de In the South, il ne me restera rien du tout. Est-ce typique d'Elgar ? De la musique agréable à écouter, mais dont il ne reste rien de particulier à l'oreille. Certes, l'orgue n'aura joué que quelques notes subtiles pour Sospiri, mais j'aime bien l'intervention de l'orgue dans les œuvres symphoniques, lorsqu'il soutient l'orchestre avec un fond sonore duveteux. Mais, encore un morceau dont il ne me restera pas grand chose.

Un concert qui valait le coup d'être vu pour la mise en scène, et pour l’œuvre de première partie !

Rocktambule a écrit:

Le dernier mouvement joué debout n'apporte pas grand chose effectivement, et les musiciens ont particulièrement fait résonner leurs chaises et leurs talons, peut-être en signe de désapprobation ?

(C'est vraiment l'impression que j'ai eue. En tout cas que ça les intéressait peu et qu'ils n'ont pas donné à la chose la solennité, l'énergie, la surprise qui auraient permis de le faire fonctionner.)

Citation :

Gardiner ne semble ni s'amuser ni s'émouvoir de cette mise en scène, dont on ne saura finalement pas si elle a été demandée par lui, l'orchestre ou Tamestit.

Mon hypothèse : c'est le soliste qui a dû réclamer la mise en scène (en tout cas il était hautement consentant à ce qu'il semble !). En revanche lever l'orchestre, c'est forcément un désir du chef. Certains orchestres le font régulièrement (mais pourquoi pour le dernier mouvement seui ? pour encourager la tonicité ? compromis obtenu d'un orchestre réticent ?).

DavidLeMarrec a écrit:

Rocktambule a écrit:

Le dernier mouvement joué debout n'apporte pas grand chose effectivement, et les musiciens ont particulièrement fait résonner leurs chaises et leurs talons, peut-être en signe de désapprobation ?

(C'est vraiment l'impression que j'ai eue. En tout cas que ça les intéressait peu et qu'ils n'ont pas donné à la chose la solennité, l'énergie, la surprise qui auraient permis de le faire fonctionner.)

Citation :

Gardiner ne semble ni s'amuser ni s'émouvoir de cette mise en scène, dont on ne saura finalement pas si elle a été demandée par lui, l'orchestre ou Tamestit.

Mon hypothèse : c'est le soliste qui a dû réclamer la mise en scène (en tout cas il était hautement consentant à ce qu'il semble !). En revanche lever l'orchestre, c'est forcément un désir du chef. Certains orchestres le font régulièrement (mais pourquoi pour le dernier mouvement seui ?  pour encourager la tonicité ?  compromis obtenu d'un orchestre réticent ?).

Le compte rendu dans Bachtrack, signalé par Andika, nous apprend que Tamestit et Gardiner ont fait la même mise en scène aux Proms en 2018.
Quant à faire lever l'orchestre pendant qu'il joue, j'ai déjà vu Gardiner le faire faire dans de la musique baroque, je ne sais plus où et quand, mais pendant tout le concert ! Avec l'Orchestre de Radio-France, c'était la grève assurée !

DavidLeMarrec a écrit:

J'aime beaucoup Cockaigne aussi !  (Moins les deux autres, mais je n'ai pas de souvenir précis de Falstaff, et je comprends qu'on soit davantage intéressé par les Enigma.)

Il y a un passage qui m'a beaucoup plu dans "In the south", c'est,  vers 7 ou 8 minutes,  lorsque Elgar empile des notes l'une après l'autre pour finir par un accord dissonant. L'effet est très réussi (je ne sais si cela a un nom),
et visiblement il était content de lui puisqi'il le fait huit fois de suite en orchestrant différemment.

Fritelli a écrit:

Quant à faire lever l'orchestre pendant qu'il joue, j'ai déjà vu Gardiner le faire faire dans de la musique baroque, je ne sais plus où et quand, mais pendant tout le concert !

Ce n'était pas pour le concert Berlioz de la Philharmonie, avec Richardot et l'ORR ?

Il me semble que le LSO jouait debout pour le concert Schumann de Gardiner il y a 2-3 ans. Et l'ORR aussi joue parfois debout.

Tamestit et Gardiner ont déjà donné Harold ensemble avec l'ORR, déjà avec la petite dramaturgie. Je crois que Tamestit s'est inspiré pour ça du concerto de Jörg Widmann, qui demande au soliste de se balader dans l'orchestre, pour se rapprocher de tel ou tel pupitre.

Tamestit avait aussi fait la même chose avec l'OP et Harding à la Philharmonie, je crois même me souvenir qu'il avait terminé le morceau tout en haut de l'arrière-scène avec quelques musiciens de l'orchestre.