SAMEDI 14 MAI 2022 – 20h30
Grande salle Pierre Boulez, Philharmonie de ParisHans Abrahamsen —
Vers le silence, création française
Clara Schumann —
Concerto pour pianoJohannes Brahms —
Symphonie n° 3Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks
Yannick Nézet-Séguin, direction
Beatrice Rana, piano
C'est la Troisième de Bruckner qui était annoncée initialement, avant d'être remplacée par Brahms et Abrahamsen. Changement un peu désinvolte, mais qui permettait de proposer un programme plus cohérent : l'association Brahms-Schumann, évidente (la Troisième de Brahms porte de plus assez fortement la marque de la
Rhénane de (Robert) Schumann). Quant à l'œuvre d'Abrahamsen, elle est composée de quatre mouvements qui, comme l'annonce le titre, ont une conclusion silencieuse, de même que la symphonie de Brahms.
Abrahamsen : création assez longue, près de 30 minutes, qui m'a plutôt intéressé. Quatre mouvements au déroulement proche, une ouverture violente ou agitée, puis un cheminement vers une fin sereine. Chaque mouvement comporte quelques thèmes, de courtes cellules mélodiques qui les ponctuent, mais l'ensemble reste dominé par une écriture micro-tonale (pardon si je maîtrise mal le terme), dans des couleurs plutôt pâles. L'orchestration est développée, difficile pour les cordes, qui impressionnent, en particulier dans des passages tempêtueux, les associations de timbres sont intéressantes. Le quatrième mouvement m'a paru de trop. La note de programme parle d'une composition s'organisant autour des premiers nombres premiers (sic), du chiffre 100, des quatre éléments (terre-eau-air-feu) auxquels s'ajoute la quintessence. On veut bien le croire.
[entracte]
Clara Schumann : je découvrais l'œuvre, plaisante et bien interprétée. Joli dialogue violoncelle-piano dans le deuxième mouvement, troisième de belle allure et fougueux. Les thèmes ne me sont pas restés dans l'oreille, mais il faudrait que je réécoute. Pour une compositrice de 16 ans, c'est en tout cas plus qu'un simple morceau d'école.
Bis à quatre mains de Rana et Nézet-Séguin, en hommage à Nicholas Angelich, la Valse n°15 en La Majeur Op.39 de Brahms.
Brahms : disons-le tout net, c'était grisant. Une lecture torrentielle, romantique, d'un engagement de tous les instants. Nézet-Séguin n'a jamais lâché la bride, et, usant de beaucoup de rubato, portait l'orchestre à des accès d'une grande violence, irrespirables, qui vous clouaient au fauteuil. Interprétation d'une seule coulée, Nézet ne baissant pas la baguette entre les mouvements, et enchaînant presque
attacca, tout en préservant l'intelligence de l'ensemble.
C'était seulement la deuxième fois que j'entendais l'orchestre en concert : j'ai été bluffé par les cordes, hyper-tendues, denses, fouettées. Un vrai mur de son. J'aurais tout de même un reproche : elles avaient tendance à dominer le spectre et à rendre inaudibles les vents, en particulier la petite harmonie, pourtant fort belle (2e mouvement). Cor solo glorieux aussi.
Remplissage tout juste correct, triomphe aux saluts (non, cette symphonie n'est pas forcément difficile à mettre en fin de programme). Quel phénomène ce Yannick !
Le concert donné à Hambourg est disponible en ligne : https://youtu.be/Ng21yCJZksk (mais interruptions régulières de pub chez moi) (4e mouvement de la symphonie à 1:53:05)