ONP – Salomé, Strauss – Young / Steier – oct.-nov. 2022

Opéra Bastille — du 12 octobre au 5 novembre 2022. Avant-première Jeunes le 12 octobre

Salomé — Richard Strauss, sur un livret de Hedwig Lachmann d'après Oscar Wilde

Direction musicale : Simone Young
Mise en scène : Lydia Steier
Décors : Momme Hinrichs
Vidéo : Momme Hinrichs
Costumes : Andy Besuch
Lumières : Olaf Freese
Dramaturgie : Maurice Lenhard

Salomé : Elza van den Heever
Herodes : John Daszak
Herodias : Karita Mattila
Jochanaan : Iain Paterson
Narraboth : Tansel Akzeybek
Page der Herodias : Katharina Magiera
Erster Jude : Matthäus Schmidlechner
Zweiter Jude : Éric Huchet
Dritter Jude : Maciej Kwaśnikowski
Vierter Jude : Mathias Vidal
Fünfter Jude : Sava Vemić
Erster Nazarener : Luke Stoker
Zweiter Nazarener : Yiorgo Ioannou
Erster Soldat : Dominic Barberi
Zweiter Soldat : Bastian Thomas Kohl
Cappadocier : Alejandro Baliñas Vieites
Ein Sklave : Marion Grange

Spectacle retransmis en direct le 27 octobre à 20h sur L'Opéra chez soi et sur medici.tv, et dans les cinémas UGC. Diffusion le 4 novembre à 21h sur Mezzo live HD. Diffusion le 30 novembre à 19h dans les cinémas CGR.

Diffusion sur France Musique le 19 novembre.

———
John Daszak, souvent entendu à l'ONP la saison passée, a remplacé Zoran Todorovich en Hérode.

L'ONP met systématiquement en ligne de petits extraits de répétitions, je trouve ça bien : https://www.operadeparis.fr/saison-22-23/opera/salome (en bas de la page)

Apparemment la mise en scène méritait l'avertissement : https://twitter.com/adalberon_pala/status/1580290819948281856 .

Il y a des photos sur le site de l'ONP. (et Mattila-Hérodias n'est pas topless, on voit bien que c'est une prothèse)

J'ai déjà eu des impressions bien pires visuellement à partir de quelques photos avant de voir un spectacle.

Xavier a écrit:

Il y a des photos sur le site de l'ONP. (et Mattila-Hérodias n'est pas topless, on voit bien que c'est une prothèse)

Oui, tout à fait. Ça paraît logique, puisque Mattila avait refusé le topless lorsqu'elle avait fait Salomé dans la mise en scène de Dodin : elle avait demandé à enlever le bas plutôt que le haut !

Xavier a écrit:

J'ai déjà eu des impressions bien pires visuellement à partir de quelques photos avant de voir un spectacle.

Certes, mais j'ai pas spécialement envie d'aller voir Mathias Vidal se toucher. (J'ai quand même pris une place, depuis une galerie où je pourrai regarder ailleurs lorsque ça deviendra trop pénible.)

C'est effectivement du moche comme vu des dizaines de fois (et des mecs avec des fusils d'assaut ? Pitié...), mais c'est surtout ce que dit Adalbéron sur ce qui se passe sur scène qui consterne.

DavidLeMarrec a écrit:

Xavier a écrit:

J'ai déjà eu des impressions bien pires visuellement à partir de quelques photos avant de voir un spectacle.

Certes, mais j'ai pas spécialement envie d'aller voir Mathias Vidal se toucher. (J'ai quand même pris une place, depuis une galerie où je pourrai regarder ailleurs lorsque ça deviendra trop pénible.)

Honnêtement, j'ai l'impression que les descriptions que j'ai lues sont un peu caricaturales.

Bon, j'ai une place, mais je n'ai plus du tout envie d'y aller maintenant...

C'est bien pour cela qu'il faut plutôt éviter d'en savoir trop avant de voir un nouveau spectacle.

Rocktambule a écrit:

Bon, j'ai une place, mais je n'ai plus du tout envie d'y aller maintenant...

itou

La musique est toujours bonne, et la distribution formidable !

Visuellement, vous verrez bien, mais Adalbéron était surtout déçu de mal entendre le détail au parterre (et en début de série) !

A Bastille on va au parterre pour entendre les voix, pas l'orchestre, ça c'est sûr...

Stolzing a écrit:

C'est effectivement du moche comme vu des dizaines de fois (et des mecs avec des fusils d'assaut ? Pitié...), mais c'est surtout ce que dit Adalbéron sur ce qui se passe sur scène qui consterne.

Oui, que ce soit moche ou « vulgaire », tout ça n'est pas très grave et d'ailleurs très subjectif (même si bon, ces costumes à la mode à Berlin y'a 10 ans et ces lumières pâles dans ce décor grisâtre, on a connu plus flamboyant) ; le problème principal de cette production est l'accumulation des invraisemblances qui naissent d'événements ajoutés (la gang bang à la place des la Danse des 7 voiles, l'exécution de Salomé avant la scène finale ou le massacre de tout le monde par le page d'Hérodiade) et la mollesse d'exécution : il se passe objectivement plein de choses (plus que dans le livret original), mais il ne se passe rien.

Elle ne se suicide pas à la fin ? (tarte à la crème des metteurs en scène de génie)
Quelle déception !

J'étais au fond du 1er balcon hier mais face à la scène.

Première Salomé que je voyais et entendais en vrai. La mise en scène de Lydia Steier m'a moins irrité que je ne l'aurais pensé. Au début, je ne me concentrais pas forcément d'ailleurs sur ce qui se passait à l'étage et ces jeunes personnes qui allaient être utilisées comme objet sexuel avant d'être exécutées même si c'est répétitif effectivement. La scène de la danse de Salomé est pour moi ratée car on a pas de danse tout simplement. Le viol collectif de Salomé ne passe pas pour moi même si on comprend au départ que cela ne doit pas de dérouler ainsi puisqu'elle pousse Hérode et lui grimpe dessus après qu'il ait commencé à lui enlever ses sous vêtements. La fin m'a plu, j'ai trouvé cela beau, Salomé s'élevant dans la cage avec Jochanaan, c'est elle qui chante d'ailleurs tandis que la comédienne jouant le double et probablement la vraie Salomé est au sol avec la tête et se fait tuer à la fin.

La direction de Simone Young ne m'a pas emballé, j'ai trouvé qu'elle était fade, sans proposition, sans tension.

Elza van den Heever valait le déplacement, quelle présence scénique (j'avais déjà beaucoup apprécié sa Crysothémis l'année dernière) et quelle voix, quelle intelligence du texte et de l'interprète !!! Elle impressionne quand elle tient tête à Hérode à la fin. Elle domine clairement le duo avec Jochanaan.

Ian Paterson m'a laissé indifférent en Jochanaan, ne m'a pas impressionné en Prophète, la voix ne passait pas toujours dès qu'il n'était pas sur scène. Ce n'était bien sûr pas mal chanté du tout mais il ne m'a pas marqué.

John Daszak est pour moi le deuxième artiste qui incarnait son personnage à la perfection et vocalement, cela se tenait très bien, même s'il y a sans doute mieux mais le rôle est très difficile (j'y aime beaucoup Zednik au disque et j'y ai adoré Vickers en live audio d'Orange).

Karita Mattila m'a fait de la peine, beaucoup de scories et on sent qu'elle est dépassée vocalement. Beaucoup de cabotinage effectivement. Dommage pour cette grande artiste que j'aurais aimé entendre dans ses grandes heures en vrai.

Joli Narraboth vocalement de Tansel Akzeybek.

Rien de particulier à dire des autres interprètes dont tout de même Mathias Vidal en Vierter Jude et Eric Huchet en Zweiter Jude.

Assez d'accord (mais pas totalement) avec Aurele.

Quel chef d'oeuvre que cet opéra, vu pour la 2e fois en live (et 1ere scenique)! Un régal!!

Beau plateau, avec Heever superbe et le bon Ioxanaan de Paiterson (au moins quand il est sur scene donc audible). Belle voix tranchante, chant sobre, je ne pense pas qu'il faut beaucoup plus dans ce role qui est bien chantant mais pas un puits de psychologie ama.... Daszak tres sonore et engagé, voix un peu usée mais bon Hérode. Mattila fait le job; tous les autres tres bien.

Young fait aussi le job, meme si c'est sans doute un peu 1er degré et un peu trop fort (au 2e balcon; se placer au parterre?): l'orchestre est tres bien et pour moi ca fonctionne assez bien (meme si j'ai aussi préféré son Parsifal et meme si j'espere, surtout, qu'on ne va pas lui donner trop souvent les grands chefs d'oeuvre germaniques..... )

La mise en scence en un mot: vulgaireglauquebanaletrash.... Je pense qu'on cherche à dessiner à tres gros traits une approximation de Salome qui permet à des néo-spectateurs ignares complets de suivre les grandes idées... Je suis assez résistant en matiere de ms, je ferme les yeux et j'écoute et j'évite de me laisser pourrir l'oeuvre.... Dommage tout de meme....

J'y étais aussi hier, au 2è balcon, et n'ai pas trop compris les critiques acerbes lues à droite et à gauche sur la direction de Young.

Certes, je n'ai pas trouvé ça extraordinaire, mais c'était propre, en place, beau, sans couvrir les chanteurs, il faut souligner que l'orchestre a livré une prestation parfaite (il faut quand même se rappeler que ce n'est pas simple à jouer!), et pour moi du 2è balcon ça n'était ni bruyant ni brouillon, de toute façon je n'aime pas quand on fait jouer l'orchestre en sourdine dans ce type de musique, et pour moi ici l'équilibre était tout à fait bon, même parfait en fait. (quand Paterson était en coulisse, on l'entendait de très loin, mais on l'entendait quand même)
Donc à moins d'attendre une interprétation particulièrement originale ou marquante, pas de quoi être vraiment déçu.

D'accord avec ce qui vient d'être dit sur la distribution, en soulignant aussi la très belle voix très bien projetée du Page.

Pour la mise en scène, je suis assez partagé mais au final il y a de vraies belles choses (comme la fin soulignée par Aurèle), ça ne m'a pas gâché le spectacle, loin de là, et  surtout, si les choix peuvent interroger vis-à-vis du livret (mais pour moi, ça raconte quand même quelque chose qui me semble tout à fait en lien avec le livret de Salomé, on n'est pas à côté), je trouve que tout est bien fait par rapport à la musique, combien de fois a-t-on vu des mises en scène trash ou décalées où la musique se trouve en complet décalage avec ce qu'on voit sur scène, là non, il y a un travail là-dessus et je trouve que ça fonctionne vraiment.
Du 2è balcon on ne voyait pas complètement ce qui se passait à l'étage mais on en voyait suffisamment pour comprendre les orgies et les violences, en fait on manquait surtout les visages mais c'était finalement approprié, ça déshumanisait encore plus ce qui s'y passait.
Après, je comprends très bien qu'on puisse détester ça, mais ça n'a pas été mon cas, notamment du fait de ce lien entre scène et musique.
Ma moitié a même été carrément enthousiaste.

Bon , ma description de la mise en scene ne voulait surtout pas diminuer ceux qui ont apprécié! Mais je vois quelques gros écarts (viol collectif) et quelques exagérations vulgaires (ce qui n'est pas interdit au théatre....) mais inutiles, et j'ai percu ca comme une sorte de simplification à destination d'un public novice surtout. Bien sur qu'il y avait des idées valables, et ca ne m'a pas dérangé (mon épouse si).

Equilbre chant/orchestre un peu chargé pour moi quand meme, melme si on entendait toujours Heever et Paterson en effet, et meme si la partie orchestrale est splendide évidemment.... J'ai été tres ému à bien des moments (à condition de ne pas trop regarder la scene...) Je serais bien retourné avec un placement un peu moins loin....

Merci pour vos retours Patzak et Xavier. Steier n'a pas trahi le livret par sa proposition effectivement, excepté pour moi durant la danse des 7 voiles.

Je ne critique pas l'orchestre de l'Opéra, je critique l'absence de vision de Young. Je sais en plus que l'œuvre est très difficile à jouer. Xavier, concernant Mattila, tu considères comme Patzak qu'elle fait le job ou tu es plus sur mes impressions ?

Je ne sais pas si cette production sera reprise ailleurs qu'à Paris ou dans de futures saisons mais j'espère que van den Heever rechantera le rôle, peut-être même à l'international car elle mériterait d'être de nouveau engagée pour interpréter Salomé. Je n'avais malheureusement pas vu la production d'Olivier Py à Strasbourg pour citer une production récente qui avait plutôt séduit.

Voilà des retours qui font plaisir à lire.

(Sur Daszak usé : probablement l'effet fin de série, parce qu'en Golitsyne, il irradiait de santé, et c'était un rôle plutôt plus large, il y a peu de temps.)

Je ne verrai pas cette production (je voir le Schatzgräber de Schreker à la place, et je n'avais pas de place pour tout), mais vu la description des surenchères scéniques, pour déjà œuvre vue deux fois, je survivrai.

aurele a écrit:

Xavier, concernant Mattila, tu considères comme Patzak qu'elle fait le job ou tu es plus sur mes impressions ?

Bof, effectivement on a une impression de cabotinage, mais vocalement il n'y a pas grand chose, on aurait pu trouver 50 chanteuses pouvant faire mieux à mon avis. (c'est triste d'ailleurs quand je me rappelle de son Ariane à Naxos dans la même salle, mais c'était il y a 10 ans peut-être)

DavidLeMarrec a écrit:

(Sur Daszak usé : probablement l'effet fin de série, parce qu'en Golitsyne, il irradiait de santé, et c'était un rôle plutôt plus large, il y a peu de temps.)

La voix n'est pas la plus belle, mais pour moi ce n'était pas du tout usé!

Xavier a écrit:

Bof, effectivement on a une impression de cabotinage, mais vocalement il n'y a pas grand chose, on aurait pu trouver 50 chanteuses pouvant faire mieux à mon avis. (c'est triste d'ailleurs quand je me rappelle de son Ariane à Naxos dans la même salle, mais c'était il y a 10 ans peut-être)

2015 pour Ariadne, un peu plus de 7 ans car c'était en février. Elle doit chanter de nouveau Herodias en février 2023 à Toronto et Klytämnestra au Deutsche Oper de Berlin en mars.

J'ai moi aussi passé une excellente soirée, seule Mattila m'a paru vraiment en-dessous, la voix n'a éclaté qu'à de rares occasions.
Elsa van der Heever est vraiment fabuleuse! La voix est chaude, puissante, bien timbrée, capable de beaucoup de nuances, et quelle présence sur scène, on ne voit qu'elle. Elle ne fait vraiment pas semblant de jouer.
Un peu plus partagé sur Daszak, je l'ai parfois senti à la limite de la justesse mais il ne déraille pas et quelle insolence vocale!
Iain Paterson est un beau prophète, plutôt sobre. La décision de le sonoriser est-elle spécifique à cette production ou est-ce la norme dans Salomé? En tout cas c'était dommage car le son était assez moche.
Très bel orchestre de l'ONP, chatoyant, très sonore, on profite vraiment de la richesse et de la variété inouïe de l'orchestration straussienne.
Je n'ai donc pas détesté non plus Simone Young, qui m'a semblé faire le job de manière honnête, même si les derniers accords auraient pu être plus violents.

La mise en scène fonctionne bien, certaines scènes glacent le sang et mettent mal à l'aise, d'autres sont peut-être moins réussies (le viol collectif était très chorégraphié, ça donnait une impression étrange, comme si on voulait dédramatiser l'horreur qui se joue sous nos yeux), mais je n'ai pas vu matière à scandale ni à indignation.

Le jeudi 27 octobre on pouvait se replacer sans problème en bas du 1er balcon, d'où l'équilibre était parfait entre la fosse et la scène.

tomseche89 a écrit:

est-ce la norme dans Salomé?

Non.

Qu'est-ce que tu entends par sonorisé?

A moins qu'ils changent le dispositif d'un soir à l'autre, je ne vois pas de quelle sonorisation tu parles, quand il n'était pas sur scène, on l'entendait assez peu, vraiment de loin, pas du tout l'impression d'une sonorisation...

Xavier a écrit:

Qu'est-ce que tu entends par sonorisé?

A moins qu'ils changent le dispositif d'un soir à l'autre, je ne vois pas de quelle sonorisation tu parles, quand il n'était pas sur scène, on l'entendait assez peu, vraiment de loin, pas du tout l'impression d'une sonorisation...

J'étais persuadé que les interventions de Paterson en coulisse étaient sonorisées Le son me paraissait légèrement amplifié et transformé, en tout cas très peu naturel...

Xavier a écrit:

aurele a écrit:

Xavier, concernant Mattila, tu considères comme Patzak qu'elle fait le job ou tu es plus sur mes impressions ?

Bof, effectivement on a une impression de cabotinage, mais vocalement il n'y a pas grand chose, on aurait pu trouver 50 chanteuses pouvant faire mieux à mon avis. (c'est triste d'ailleurs quand je me rappelle de son Ariane à Naxos dans la même salle, mais c'était il y a 10 ans peut-être)

Et même en février 2019 en Princesse Étrangère de Rusalka, la voix sonnait encore sacrément dans Bastille. Là, il n'y a vraiment plus grand chose à entendre. Denoke était finalement autrement plus sonore à Aix alors que j'imaginais Mattila beaucoup plus en forme vocalement.

Sinon, un peu perturbé par certains moments très explicites (je dois être un peu pudibond...) comme la masturbation (ça aurait pu être montré de façon un peu moins crue) et le viol collectif (le "viol" consenti par Hérode ok... la suite... ça m'a un peu perturbé).
Chouette idée en effet la fin.

Musicalement c'était plutôt très chouette avec cette Salomé mélange de délicatesse et de fer, un Hérode en effet impressionnant, Jochanaan sonore... et orchestre qui se tient même si on pouvait attendre plus de nuances.

tomseche89 a écrit:

Xavier a écrit:

Qu'est-ce que tu entends par sonorisé?

A moins qu'ils changent le dispositif d'un soir à l'autre, je ne vois pas de quelle sonorisation tu parles, quand il n'était pas sur scène, on l'entendait assez peu, vraiment de loin, pas du tout l'impression d'une sonorisation...

J'étais persuadé que les interventions de Paterson en coulisse étaient sonorisées Le son me paraissait légèrement amplifié et transformé, en tout cas très peu naturel...

J'ai moi aussi entendu (à l'avant-première jeune depuis le parterre) que Paterson était (mal) sonorisé pour les passages où Iokanaan est supposé être dans la citerne.

(j'y étais le 27 octobre, au 2e balcon)

Je vous trouve indulgents avec Simone Young, qui m'a en partie gâché ma soirée. Certes l'équilibre avec le plateau est respecté, mais j'ai trouvé ça opaque dans les équilibres et plat dramatiquement. Inégal aussi, on croit que ça va s'améliorer à l'arrivée d'Hérode et de sa cour et puis ça retombe rapidement. Rien à voir avec les raffinements de Bychkov dans Elektra. Malgré tout il y a du contrebasson rigolo et puis cette contrebasse dont les coups d'archet imitent ceux du bourreau.

Les chanteurs : je crois que vous avez tout dit ? Une magnifique Salomé, un Daszak charismatique qui s'en donne à cœur joie. Quelques rôles secondaires qui m'ont bien plu : Tansel Akzeybek en Narraboth, Katharina Magiera en page. Iain Paterson correct mais quand même assez fade, et inaudible depuis le second balcon pour ses interventions hors scène. Si c'est sonorisé il faut vraiment améliorer le système.

Je ne fais que réagir à certaines de vos remarques sur la mise en scène : le décor, les costumes ne m'ont pas trop déplu, je n'ai pas trouvé ça gris. Sur un fond sombre se détachent les robes blanches de Salomé et Jochanaan, Hérode et sa cour maculent l'ensemble de quelques couleurs vertes ou rougeoyantes.

Est-ce un viol collectif auquel on assiste pendant la danse des sept voiles ? Je ne suis pas sûr puisque Salomé, après que son beau-père commence à lui retirer ses vêtements, semble prendre les opérations en main, déterminée à obtenir la tête du prophète. Est-ce que ça suffit à considérer qu'elle consent à tout ?

Parmi les moments que j'ai trouvés ratés : pendant toute la première partie, ces cadavres encore chauds que des gardes déguisés en Minions traînent un à un sur toute la longueur du plateau pour les jeter à la fosse, ça tourne au comique de répétition. Et puis la scène de masturbation, on pourrait éviter aux chanteurs ces scènes assez ridicules. Le personnage d'Hérodias est quant à lui totalement escamoté, et Mattila se retrouve à cabotiner sans but, en chantant bien mal qui plus est.

Pour tout dire j'ai eu du mal à prendre la mise en scène complètement au sérieux, même s'il y a quelques idées et un parti pris d'ensemble à peu près cohérent.

Bilan : bof !

mickt a écrit:

Est-ce un viol collectif auquel on assiste pendant la danse des sept voiles ? Je ne suis pas sûr puisque Salomé, après que son beau-père commence à lui retirer ses vêtements, semble prendre les opérations en main, déterminée à obtenir la tête du prophète. Est-ce que ça suffit à considérer qu'elle consent à tout ?

Ca ne peut pas etre completement explicite, mais la suggestion m'a semblée tres forte. De toutes facons, peut-on etre "consentante" à l'age de Salome? Et puis Strauss lui-meme disait que Salome est une jeune femme pudique... (Faudrait aller voir aussi du coté des commentateurs de Wilde, c'est quand meme son texte.)

J'y étais pour la dernière, samedi 5. Il y aurait beaucoup à dire pour commenter de façon exhaustive cette soirée à Bastille... Mais, comme je n'ai pas aimé le temps que j'y ai passé, et que je n'ai pas vraiment envie de me replonger dans les souvenirs de ce spectacle, tentons de faire court...

Musicalement, j'avais de grosses attentes. C'est sur cette œuvre que s'ouvre l'ouvrage passionnant The rest is noise, d'Alex Ross, qui pose cet opéra comme rien de moins que la transition entre la musique du XIXème siècle et celle du XXème. J'attendais aussi d'entendre les changements progressifs de tonalité, de do mineur à do majeur, l'intervalle de triton, un interlude en do dièse mineur, et le fameux accord de huit sons après la décollation. Bref, je n'ai rien entendu de tout cela.

La mise en scène m'a tout de suite dégoûté : on assiste à un défilé de cadavres, descendus maladroitement par deux robocops sur un long escalier étroit, puis jetés dans un trou (charnier, incinérateur ?). Les détails morbides ne sont pas épargnés : on jette de temps en temps seulement un membre, une main... C'est à vomir. Si je pensais au début que je pourrais me concentrer sur l'action et/ou la musique, évitant que mon regard se pose sur ces curiosités de mise en scène, l'ennui se répandant par ailleurs, je n'ai pu en faire l'économie. Que dire de la masturbation de Salomé au-dessus de la citerne où est enfermé Saint-Jean-Baptiste ? Que dire de la scène de viol collectif ? D'ailleurs, est-ce vraiment un viol ? Plutôt une sorte de prostitution malsaine, Salomé étant consentante, pour atteindre son but... elle en ressort tout de même la robe en sang. Décor unique, vaguement modulable, toujours moche, dans des tons de gris, façon abattoirs désaffectés ou friche industrielle. Costumes affreux, la robe blanche de Salomé ne sert qu'à mettre en relief les dégoulinures sanglantes qui couvrent le plateau, sans parler du costumes "seins à l'air" de la mère de Salomé, femme d'Hérode, où les combinaisons post-covid jaunes des figurants. J'ai trouvé ça à la fois ridicule, générateur de malaise, déversant le propos de l'opéra. Je suis très loin d'être un spécialiste, ni même un habitué ou un amateur, mais il me semblait jusque-là que la mise en scène devait suggérer, et non aller au-delà du propos.

Côté musique, je n'ai pas accroché. Volontairement, je n'avais jamais écouté de disque, pour tout découvrir en live. Bien sûr, je connaissais la Danse des sept voiles, mais dans une version alternative, au piano, joué par Richard Strauss lui-même (disque Masters of the piano roll). Outre que la musique sert à illustrer la partouze sanguinolente, je n'ai pas retrouvé son rythme, son thème caractéristiques. Par ailleurs, j'ai trouvé l'opéra (ou l'interprétation ? je n'ai pas de point de comparaison) très criard, vraiment pas en finesse. Je n'y ai pas retrouvé la magie de l'orchestre de Richard Strauss, que j'admire tant dans ses poèmes symphoniques.
Quelques beaux passages méritent d'être mentionnés : l'obstination de Salomé à réclamer la tête de Saint-Jean-Baptiste, et le désespoir d'Hérolde à lui proposer la terre entière à la place...
J'avais lu ici le point du chanteur hors plateau, sonorisé ou non : je dirais non sonorisé, et que c'était justement bien dommage. On n'en entendait pas grand chose !

Livret plutôt désespérant, même si c'est d'Oscar Wilde. Je ne connaissais pas ce récit biblique. La jeune Salomé mérite plutôt une bonne fessée et qu'on ne donne pas cas à ses caprices. Bref, je divague avec mon regard de bonhomme de 2022.

Second balcon plutôt bien plein. Beaucoup d'étrangers, ça ne parlait quasiment qu'anglais autour de moi. Ça soupirait beaucoup aussi, peut-être en faisais-je partie inconsciemment : j'ai dû regarder ma montre une bonne dizaine de fois.

Rocktambule a écrit:

Volontairement, je n'avais jamais écouté de disque, pour tout découvrir en live.

Je trouve que c'est difficile d'apprivoiser un opéra pour la première fois en live. Entre le livret et les surtitres, la mise en scène plus ou moins fidèle, les chanteurs, l'orchestre, on ne sait pas très bien où donner de la tête. Qui plus est avec une écriture aussi touffue que celle de Strauss.

Citation :

Beaucoup d'étrangers, ça ne parlait quasiment qu'anglais autour de moi.

Oui les touristes sont de retour et c'est une bonne nouvelle pour l'ONP, qui devrait faire le plein jusqu'à la fin de l'année.

mickt a écrit:

Je trouve que c'est difficile d'apprivoiser un opéra pour la première fois en live. Entre le livret et les surtitres, la mise en scène plus ou moins fidèle, les chanteurs, l'orchestre, on ne sait pas très bien où donner de la tête. Qui plus est avec une écriture aussi touffue que celle de Strauss.

Ça dépend vraiment de l'œuvre, de la production, du spectateur. Je reviens de Der Schatzgräber de Schreker à Strasbourg, encore moins user friendly que Salomé, et honnêtement, ça facilite tellement les choses par rapport au seul disque ou même au DVD… Se préparer pour le Ring, oui, sans doute, mais en réalité certains accrochent simplement à l'histoire ou à l'impact physique / dramatique / émotionnel. Et se préparer pour de l'Offenbach, c'est plutôt se divulgâcher.

Je crois que Salomé peut très bien encaisser l'une ou l'autre approche.

Rocktambule a écrit:

Par ailleurs, j'ai trouvé l'opéra (ou l'interprétation ? je n'ai pas de point de comparaison) très criard, vraiment pas en finesse. Je n'y ai pas retrouvé la magie de l'orchestre de Richard Strauss, que j'admire tant dans ses poèmes symphoniques.

Tu connais Elektra ?

C'est un Strauss très différent des poèmes symphoniques, oui, plus âpre, mais pas vraiment en finesse, c'est tout l'inverse (et c'est même, en termes d'invention musicale, beaucoup plus sophistiqué que ses poèmes symphoniques un peu uniment gentils).

Pour autant, criard, oui, ça peut.

Citation :

Livret plutôt désespérant, même si c'est d'Oscar Wilde.

Ah bon, pourquoi ?

DavidLeMarrec a écrit:

Tu connais Elektra ?

Bien que vous me l'ayez tous conseillé la saison dernière, je n'y suis pas allé pour ces mêmes raisons après l'écoute de quelques minutes au disque... Ça commence à crier dès la première mesure...

Quant au livret, je n'ai pas réussi à entrer dans l'histoire. Entre les décors, les costumes, la mise en scène, et la musique qui finalement ne m'a pas plu, ce n'était peut-être pas le pire, mais j'y ai retrouvé une des caractéristiques de ce genre littéraire, une façon maladroite de ne pas aller tout droit, de fonctionner par périphrases, ou plus simplement de tourner autour du pot en faisant toujours en sorte que ça soit très légèrement inintelligible.

Orchestralement, il n'y a pas plus fin que Salomé et Elektra (à égalité avec 2-3 autres opéras peut-être) chez Strauss.

Bien sûr, il y a aussi du massif et du spectaculaire, mais la palette est vraiment d'une richesse inouïe.

Je ne vois pas un seul poème symphonique à la hauteur, ou même presque... pourtant j'aime beaucoup la majorité d'entre eux.

Rocktambule a écrit:

Bien que vous me l'ayez tous conseillé la saison dernière, je n'y suis pas allé pour ces mêmes raisons après l'écoute de quelques minutes au disque... Ça commence à crier dès la première mesure...

D'accord, de ce fait c'est cohérent.

Dommage, parce que c'est vraiment incroyable, beaucoup plus subtil que les poèmes symphoniques… mais oui, c'est une ambiance un peu hystérisante… essaie peut-être de passer d'abord par des opéras plus lyriques comme Ariadne ou Arabella.

Citation :

Quant au livret, je n'ai pas réussi à entrer dans l'histoire. Entre les décors, les costumes, la mise en scène, et la musique qui finalement ne m'a pas plu, ce n'était peut-être pas le pire, mais j'y ai retrouvé une des caractéristiques de ce genre littéraire, une façon maladroite de ne pas aller tout droit, de fonctionner par périphrases, ou plus simplement de tourner autour du pot en faisant toujours en sorte que ça soit très légèrement inintelligible.

Je trouve ça assez franc, moi. On comprend assez bien les enjeux…

Sinon Rocktambule n'a qu'à écouter Karajan en faisant abstraction des gens qui crient fort par-dessus la musique, ça fonctionne très bien. Et pourquoi pas essayer le Chevalier à la rose, moins braillard (?).

(d'autant que je redis ma mauvaise opinion de la direction d'Young !)

Déjà, pour cerner les goûts initiaux en matière de lyrique, quels sont les opéras auxquels tu as le plus accroché jusqu'ici rocktambule (bon, si tu réponds LULLY, ça nous avancera pas beaucoup, mais y a quand même une certaine variété dans le corpus de Strauss qui permet effectivement plusieurs approches) ? Je fais moi-même partie des gens qui préfèrent le symphonique à la base, et qui ont accroché d'emblée aux poèmes symphoniques de Strauss, et moins facilement à ses opéras (d'ailleurs il n'y en a pas tellement que j'apprécie beaucoup, mais Salomé en fait partie).

mickt a écrit:

Sinon Rocktambule n'a qu'à écouter Karajan

Oui, c'est vrai que la version, somptueuse, gomme les acidités et les méchancetés de la partition, ça pourrait aider.

Citation :

Et pourquoi pas essayer le Chevalier à la rose, moins braillard (?).

… mais un peu verbeux. Arabella me paraît plus immédiatement accessible, avec moins de blabla et moins (pas) de baisses de tension. Ou pourquoi pas Ariadne.

Roupoil a écrit:

Déjà, pour cerner les goûts initiaux en matière de lyrique, quels sont les opéras auxquels tu as le plus accroché jusqu'ici rocktambule (bon, si tu réponds LULLY, ça nous avancera pas beaucoup, mais y a quand même une certaine variété dans le corpus de Strauss qui permet effectivement plusieurs approches) ? Je fais moi-même partie des gens qui préfèrent le symphonique à la base, et qui ont accroché d'emblée aux poèmes symphoniques de Strauss, et moins facilement à ses opéras (d'ailleurs il n'y en a pas tellement que j'apprécie beaucoup, mais Salomé en fait partie).

Typiquement, toi, je te verrais bien aimer Arabella ! (Et Die Ägyptische Helena peut-être ?)

Roupoil a écrit:

Déjà, pour cerner les goûts initiaux en matière de lyrique, quels sont les opéras auxquels tu as le plus accroché jusqu'ici rocktambule (bon, si tu réponds LULLY, ça nous avancera pas beaucoup, mais y a quand même une certaine variété dans le corpus de Strauss qui permet effectivement plusieurs approches) ? Je fais moi-même partie des gens qui préfèrent le symphonique à la base, et qui ont accroché d'emblée aux poèmes symphoniques de Strauss, et moins facilement à ses opéras (d'ailleurs il n'y en a pas tellement que j'apprécie beaucoup, mais Salomé en fait partie).

Je suis un éternel débutant en opéra... Cette saison, c'est la première fois que je (re)prends un abonnement à l'ONP, après le traumatisme wagnérien (Le crépuscule des dieux) qui m'aura tenu une bonne dizaine d'années (et qui m'avait fait revendre la totalité de mon abonnement de l'époque).

Bien sûr, il y a des exceptions : j'y suis retourné pour Samson et Dalila, pour la Khovanchtchina plus récemment, beaucoup aimés... et finalement pas si souvent !

Les tropismes évoluent avec la vie : il y a 10 ans, je courais les récitals de piano. Maintenant, c'est le symphonique.

Merci pour les conseils (Salomé / Karajan, et les 2 autres opéras). Je vous rejoins sur le fait que c'est difficile de découvrir un opéra au disque : il faudrait être assis à suivre le livret pour y comprendre quelque chose, et donc ne rien faire d'autre à côté (en vidéo, c'est pareil). C'est l'aspect narratif et théâtral qui coince, et non le chant comme je le pensais au départ (j'étais hier au Requiem allemand à RF, et ça ne fait pas du tout le même effet).

Rocktambule a écrit:

Quant au livret, je n'ai pas réussi à entrer dans l'histoire. (...) j'y ai retrouvé une des caractéristiques de ce genre littéraire, une façon maladroite de ne pas aller tout droit, de fonctionner par périphrases, ou plus simplement de tourner autour du pot en faisant toujours en sorte que ça soit très légèrement inintelligible.

C'est le texte de la piece de Wilde qui, sans etre Racine ou Shakespeare, est tout de meme un des tres tres rares livrets d'opéras qui a un gros intéret poétique en soi (au niveau des phrases, du langage, des métaphores, je ne parle pas de l'intrigue). A part le Songe d'une Nuit d'Ete et peut-etre Oedipe d'Enesco, plus Elektra (dont le texte est moins beau que Salome tout de meme), je n'en vois pas trop... Pour moi, c'est une fusion texte-musique assez unique, alors que le plus souvent, on a une musique géniale et un texte assez quelconque (les vers de Wagner, lol...; je ne parle pas de l'intrigue: Wagner est super-efficace). Maintenant, Bastille comme 1ere expérience ce n'est pas idéal.... Et comme dit Mickt, avec un nouvel opéra, en live, on ne sait pas trop où donner de la tete....

DavidLeMarrec a écrit:

Typiquement, toi, je te verrais bien aimer Arabella !  (Et Die Ägyptische Helena peut-être ?)

Je m'étais fait une bonne partie des opéras de Strauss il y a quelque temps (il doit probablement en rester des traces dans un recoin du forum, d'ailleurs), et... je n'avais pas aimé Arabella . Ca m'a laissé le souvenir d'un robinet de cordes straussiennes permanent, je n'avais pas accroché (mais faudra quand même que je réessaye à l'occasion). Mes préféres outre Salomé, ce sont le Chevalier, Intermezzo et Cappriccio (pour ce dernier, ce n'est pourtant a priori pas trop ma came, mais la musique est tellement belle...). Curieusement, j'ai toujours du mal avec Elektra.