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Auteur | Message |
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DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: A la découverte du LIED - mode d'emploi Dim 10 Déc 2006 - 15:06 | |
| Suite à la demande d'hier soir, voici donc un début de panorama. C'est un premier jet, à mon avis trop touffu. Je commence par des définitions, qui peuvent vous intéresser. Je poursuis par l'étude des styles propres aux grandes figure du lied. Il y a des choses qui peuvent vous être utiles ou non, selon votre degré de familiarité avec ce répertoire. Dans le cas de paragraphes avec trop de références précises pour le débutant, je l'ai signalé, vous pourrez y revenir plus tard si vous le souhaitez.
J'ai pour l'instant bouclé la partie des origines jusqu'aux contemporains de Schubert (Schubert compris).
J'ai prévu d'aborder plus loin, mais on peut éventuellement inverser l'ordre : - le mode d'emploi d'écoute - les oeuvres majeures - des pistes discographiques => pour la découverte => les pépites.
Naturellement, si des choses sont obscures ou pas encore expliquées, je répondrai bien volontiers.
Préalable :
[J'ai placé les références discographiques entre crochets.]
Je précise aussi que je vais beaucoup parler de lieder de type : - strophique : un seule musique est utilisée pour les différents couplets ; - varié thématiquement : des thèmes peuvent revenir, mais pas à l'identique ; - récitatif : on épouse la déclamation parlée, dans l'esprit du récitatif d'opéra ou en épousant la littéralité poétique.
Je vais citer beaucoup de titres pour guider ceux qui connaissent déjà quelques oeuvres, ou pour donner des idées d'illustration musicale des indications que je peux donner. Il n'est pas indispensable de les connaître pour suivre le propos.
Enfin, j'ai placé à cette adresse une version html, beaucoup plus lisible, que je mettrai à jour. Je ne peux pas mettre tous les termes en italique pour le BBcode du forum, j'y passerais ma journée. EDIT : J'ai finalement mis en page pour le forum, je n'ai pas mis en ligne la page html. Il doit manquer un ou deux italiques ici ou là, mais rien de bien grave.
Dernière édition par le Dim 10 Déc 2006 - 15:47, édité 1 fois |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi Dim 10 Déc 2006 - 15:08 | |
| 1. Qu'est-ce ?
Le lied (pluriel lieder) désigne les oeuvres vocales non dramatiques (généralement poétiques) dans la musique savante occidentale. Le terme signifie "chant", "chanson". C'est un terme tout à fait courant en allemand. L'équivalent de l'anglais song, en réalité.
On emploie toujours ce terme spécifique, du fait du rayonnement du genre et de son style propre, alors qu'on parlera de mélodies pour beaucoup d'autres domaines comme le domaine français, le domaine russe, voire le domaine espagnol et le domaine italien. Dans les deux derniers cas, on peut aussi parler respectivement de canciones (et romanzas) ou canzoni (et romanze). Pour le domaine scandinave, on parlera de mélodies ou de lieder.
2. Caractéristiques
Le lied se distingue, comme l'indique son nom, par sa volonté de puiser aux sources populaires. Il revendique volontiers une forme strophique (celle que recommandait Goethe, et qui lui faisait préférer Zelter à Schubert), une harmonie simple, une mélodie aisée à retenir et à chanter. Le lied de ne définit pas, contrairement à ce que devient très rapidement l'opéra, comme un genre technique, brillant, difficile à exécuter. Il est plutôt destiné à l'intimité, au plaisir de mettre en musique, pour un compositeur, des textes aimés, de se les approprier plus encore.
L'apparition du genre peut se dater vers la première moitié du dix-huitième siècle, lorsque les arias de cour et les galanteries cèdent la place à une mise en musique plus sérieuse et plus discrète à la fois. Et surtout où la langue vernaculaire (locale), l'allemand, affirme ses droits au coeur d'une Europe où, France à part, triomphe l'italien. Les lieder de Carl Philip Emmanuel Bach figurent parmi les premiers connus. [Il existe un disque CPO avec Klaus Mertens accompagné au pianoforte.]
La part la plus célèbre de l'histoire du lied (Schubert-Schumann- Brahms-Wolf) se fonde sur des textes du romantisme allemand, et associe de ce fait l'imaginaire de la forme lied à des climats sombres où tout le désespoir d'une âme peut s'épancher auprès de poètes choisis.
3. Styles
3.1. Les débuts.
J'ai déjà cité les lieder, reprenant des textes religieux, de Carl Philip Emmanuel Bach.
Ceux de Mozart sont plus légers, de petites pièces de circonstance, gentiment mélodiques, présentant souvent une situation pittoresque. Pas d'inquiétude ici, des pièces charmantes, sans prétention, qui, au fond, fabriquent une sorte d'air non plus de concert mais de salon - (comme au commencement de la mélodie française dans la première moitié du XIXe siècle. On n'est pas très éloigné des airs galants de cour, assez faciles pour être chantés par tous. En un certain sens, Mozart n'appartient pas à l'imaginaire du lied. [On peut recommander néanmoins les disques par Elly Ameling de l'intégrale Mozart chez Philips. C'est vraiment délicieux, une gâterie.]
Ceux de Beethoven entament plus sérieusement le genre. Des mises en musique de poètes romantiques, des cycles (Faust-Lieder, An die Ferne Geliebte), mais aussi des pièces plus folkloriques, dont un d'harmonisations d'airs célèbres pour voix, violon, violoncelle et piano, qui ne sont pas tous en anglais (voir en particulier les mélanges linguistiques WoO 158a). [Il faut entendre l'excellente version tirée de l'intégrale Beethoven chez DGG, avec Malcom Martineau au piano.] |
| | | Jaky Mélomane chevronné
Nombre de messages : 9426 Age : 64 Localisation : Ch'tite ville Date d'inscription : 23/07/2005
| Sujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi Dim 10 Déc 2006 - 15:23 | |
| L'adresse ne marche pas : Not Found "The requested URL /lied.html was not found on this server. Apache/ProXad [Dec 3 2006 11:06:17] Server at operacritiques.free.fr Port 80" |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi Dim 10 Déc 2006 - 15:33 | |
| - Jaky a écrit:
- L'adresse ne marche pas :
Not Found
"The requested URL /lied.html was not found on this server.
Apache/ProXad [Dec 3 2006 11:06:17] Server at operacritiques.free.fr Port 80" Je ne l'ai pas encore mis en ligne. Mais je crois que je vais mettre en forme directement, ça n'est pas si long, en somme, et ce sera plus agréable pour vous. |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi Dim 10 Déc 2006 - 15:37 | |
| 3.2. Franz Schubert
Schubert constitue bien évidemment la pierre angulaire du genre. Il met en musique certains poètes mineurs (comme Mayrhofer), certains poètes considérés comme secondaires mais d'une maîtrise tout à fait intéressante (comme Müller), et beaucoup des grands poètes de son temps (Goethe, Schiller, Heine...) - Hölderlin et Eichendorff manquent, trois fois hélas, à l'appel.
3.2.1. Les outils de Schubert
Schubert écrit des tessitures assez confortables en apparence pour la voix, des étendues peu brillantes le plus souvent (il y a des exceptions, comme le très bizarre An Herrn Josef von Spaun), mais forme un véritable chant lyrique, qui réclame une tenue vocale et une expressivité très performantes. Il renonce très nettement au chant strophique pour coller le plus possible au sens du texte, en utilisant des structures alternées de type thème/couplet, mais variés à chaque fois (Erlkönig par exemple). Au début de sa carrière, il écrit aussi de grandes fresques récitatives (la plus large est Der Taucher, en deux versions, qui reprend in extenso le texte de Schiller et dure plus de vingt-cinq minutes !), sans grands retours thématiques, des séquences brutes. Ce n'est que plus tard qu'il utilise à dessein les formes strophiques. Plus le temps passe, plus l'équilibre s'établit retour des thématiques et variations de celles-ci. Dans l'ultime Schwanengesang, tous les lieder réutilisent des thématiques, et aucun n'est exactement strophique ! Dans les cas où le chant strophique apparaît, il est délibéré, pour mimer une chanson, une forme archaïque (par exemple Eine altschottische Ballade d'après Herder) - et le texte y est assez expressif pour se passer de variation musicale.
Le piano, lui, est écrit de façon très simple. Rarement un seul accompagnement, il est lui aussi sujet à variations. Le plus souvent, il épouse la ligne vocale, lui répondant de façon tronquée, ponctuant le discours. Le lied schubertien bénéficie amplement de cette respiration extraordinaire qui lui est propre.
3.2.2. Exploration très complète du genre
Cette partie s'adresse en priorité aux lecteurs qui ont déjà une connaissance du lied, elle aborde certains points étonnants dans la production de Schubert, mais elle est un peu détaillée.
3.2.2.1 Expérimentations
599 lieder officiellement recensés (le chiffre est symbolique, mais il y en a un peu plus si on compte les refontes (changements de tonalité, voire version initiale sans triolets pour Erlkönig !), les oeuvres mixtes (piano, soliste et choeur) et le très beau Gruppe aus dem Tartarus inachevé. Sur ce chiffre, Schubert procède à maintes expérimentations qui explorent les confins de la forme lied, plus loin qu'aucun autre (et ce n'est pas une vaine formule).
Exemples : - Les deux Der Taucher, en raison de leur longueur (vingt-cinq minutes) et de leur 'hétérocléité' thématique. - Die Nacht, également long d'une vingtaine de minutes, reprend des textes d'Ossian traduits en allemand par Harold. Il se découpe en trois parties composées à peu près à la même époque, mais pas de façon successive. Die Nacht proprement dit (Die Nacht ist dumpfig und finster), où le Premier Barde chante une nuit romantique en diable - habitée par la nature et peuplée de fantômes. Lass Wolken an Hügeln ruh'n, du même numéro au catalogue Deutsch (D.534), a été complété par l'éditeur Diabelli. Le maître de cérémonie reprend la parole et invite à se remémorer les héros d'antan, puis à danser et à partir en chasse. Sur quoi, une sonnerie prévue par Diabelli débouche sur le chant de chasse D.521 (Jaglied, sur un texte de Werner), écrit antérieurement, et d'un tout autre ton : Trarah, trarah, auf, auf, auf ! Il s'agit ici pour partie d'une refonte de l'éditeur, mais Schubert a tout de même juxtaposé initialement ces deux Ossian aux climats si différents, et dont le texte est traité avec une minutie particulièrement évocatrice. Jamais joué, mais chef-d'oeuvre d'invention. - L'insertion de choeurs (Ständchen/Zögernd leise, Szene aus Faust, Mirjams Siegesgesang), qui répondent, qui créent un climat, qui agissent selon les cas... - La mise en musique d'une lettre (An Herrn Josef von Spaun), grand récitatif d'opéra qui culmine sur contre-ut atteint par un saut d'octave (!) avec descente chromatique. Pour la seconde moitié, un air véhément de type opéra seria, avec agilité et deux contre-ut attaqués à cru et suivis de longues gammes descendantes (Schubert n'a jamais écrit cette note dans un autre lied). Ce type de lieder brillants se trouve plus souvent chez Zelter (jusqu'à sib3 pour les ténors, jusqu'à l'ut1 pour les basses !). - Dans les textes français et italiens, Schubert explore d'autres veines, et n'hésite pas à mélanger des textes, à les détourner de leur contexte pour créer une nouvelle réalité, un pastiche parfaitement crédible mais qui, pour qui connaît les pièces d'origine, est parfaitement étrange. Tout particulièrement, Il traditor deluso, pièce typique de l'air de stupeur du traître malgré lui dans l'opéra seria, écrit en clef de fa (c'est-à-dire prévu pour voix d'homme grave), et qui mélange deux textes de Métastase, dont le premier constitue en réalité la dernière réplique d'Athalie dans le Joade de Metastasio !
Bref, un réservoir d'invention immense. Toutefois, on ne se limite pas aux expérimentations.
3.2.2.2. Types de lieder
Schubert pose aussi des types de lieder assez divers. Il en existe en grand nombre dans ces catégories, parfois mêlées : totalement récitatifs, collant au texte sans retours thématiques ; strictement strophiques au contraire (une seule mise en musique pour toutes les strophes) ; bucoliques ; mythologiques ; autour de la mort ; les badins, les furieux, les tendres... Chacun de ces caractères dispose de son traitement musical, et crée une sorte de réseau dans l'oeuvre de Schubert, en plus de l'aspect formel du retour thématique que j'évoquais précédemment. Si je cite des aspects thématiques, c'est que le ton y est particulier. Vous risquez y trouver des choses semblables, et c'est intéressant si vous aimez. La classification se fait plus aisément ainsi que par écrivain - là, on ne rencontre pas de similitudes très notables.
3.2.3. La spécificité de Schubert ou Schubert pré-impressionniste
Si une chose frappe, dans la manière de Schubert, c'est bien son jeu permanent avec le figuralisme. De nombreux traits évoquent des bruissements de feuilles, des reflux d'eau, des chants d'oiseaux, des sons de pas. Pourtant, le choix de l'imitation n'est jamais fait. Schubert choisit, en réalité, de reproduire l'impression que donne la perception de ces sons. Ces figures sont utilisées non pas pour camper un décor, mais pour donner à sentir l'atmosphère du lied, pour y plonger sans remède l'auditeur. Cet usage, à la fois efficace et délicat, constitue à mes yeux l'un des charmes les plus puissants de la littérature schubertienne.
Bien entendu, la profondeur de l'atmosphère, la séduction mélodique et l'inventivité harmonique y participent grandement aussi. Mais ce sont des paramètres plus connus. On peut tout trois les entendre simultanément dans Ihr Bild, d'après Heine, tiré du Schwanengesang.
3.2.4 Aborder les cycles
Cette partie est un peu plus touffue. Vous pouvez vous y reporter selon vos besoins.
On cite généralement trois cycles. - Die Schöne Müllerin, "La Belle Meunière". Histoire tragique d'un meunier amoureux de la meunière. Sur des textes de Müller. Musique assez naïve. - Die Winterreise, "Le Voyage d'Hiver". Cheminement du voyageur, ancien amoureux éconduit, vers l'anéantissement. Sur des textes de Müller. Considéré comme le chef-d'oeuvre de Schubert. Une oeuvre d'une égalité d'inspiration admirable, en tout cas. Un bon moyen d'entrer dans l'univers schubertien, puisqu'on dispose d'une continuité sur les vingt-quatre lieder qui le composent. - Der Schwanengesang, "Le Chant du Cygne". Ensemble constitué de façon posthume par l'éditeur parmi les derniers lieder de Schubert, en regroupant une série sur des textes de Rellstab, une série sur des textes de Heine, plus un Seidl totalement dépareillé. Lieder d'excellente qualité et de tons très divers.
Néanmoins, je me permets d'en ajouter trois autres. - Les Abendröte, poèmes sur des textes des Schlegel de différentes époques. Parfois considéré comme un cycle par les musicologues spécialistes. - Les Faust-Lieder. Etrangement, on n'en parle jamais, on les joue toujours dépareillés, surtout Gretchen am Spinnrade ("Marguerite au rouet"), qu'on considère souvent comme le point de départ du talent de Schubert (ce qui est pour le moins schématique), voire comme l'acte de naissance du lied allemand (ce qui est oublier Beethoven). S'y ajoutent Gretchens Bitte ("La prière de Marguerite") et la Szene aus Faust, pour voix d'homme, voix de femme, choeur mixte à l'unisson et piano. Il s'agit de la fameuse scène de Marguerite à l'église, qui n'est étrangement jamais donnée, sans doute à cause de la lourdeur du dispositif pour les quatre minutes de l'exécution... On y sens déjà chez Schubert, un sens prodigieux du texte, qui dépasse très largement sa littéralité. Une véritable interprétation. [La version définitive a été gravée par McLaughlin/Hampson/Johnson dans le treizième volume de l'intégrale Hyperion.] - De même, on oublie les Scott. Schubert a écrit quatre lieder sur des traductions de The Lady of the Lake ("La Dame du Lac"). On y trouve les trois chants d'Ellen (Ellens Gesang I, II & III) et le Lied des gefangenen Jägers (Chant du chasseur prisonnier), qui se répondent parfaitement. Le troisième chant d'Ellen est le fameux Ave Maria, qui développe la prière non pas angélique en latin, mais celle, en allemand, d'un jeune fille qui aime - "Entends, ô jeune femme, la prière d'une jeune femme". (C'est pourquoi le chanter en latin et la bouche en coeur est un blasphème sans nom.) |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi Dim 10 Déc 2006 - 15:45 | |
| 3.3. Les contemporains de Schubert
Schubert est considéré, et à juste titre, comme la figure la plus importante du lied. Il faut bien entendu nuancer, puisque d'autres dimensions seront ensuite servies par d'autres compositeurs, qui peuvent tout à fait convaincre plus largement selon les attentes de l'auditeur.
Mais, parmi les compositeurs contemporains (extrêmement intéressants) que je vais citer, tout en restant dans un style similaire, Schubert emporte la palme de la profondeur.
3.3.1. Le mythe négatif Zelter
Carl Friedrich Zelter était un ami proche de Goethe, et son préféré parmi les compositeurs qui le mettaient en musique. Goethe était partisan de l'usage strophique, plus largement utilisé par Zelter. Schubert, grand admirateur du poète, lui avait écrit en y joignant une composition, qui ne reçut jamais de réponse. Stupeur en Musicoland : comment un si grand homme pouvait-il souffrir d'une telle cécité esthétique ? On inventa même l'idée qu'il n'avait pas même daigné ouvrir le courrier, pensant qu'il s'agissait du Franz Schubert vivant à alors à Dresde (autre compositeur de moindre envergure). Inutile de préciser que Zelter fit largement les frais de ce dépit musicographique. Goethe n'avait aucun goût en musique, et l'affaire est réglée.
Pourtant, Zelter est un compositeur tout à fait intéressant, au style assez comparable à Schubert. On retrouve les mêmes séquences de phrases courtes, les mêmes réponses du piano, le même figuralisme - toutes proportions gardées. Sans réaliser de la musique à programme, les traits du piano évoquent discrètement ici le luth, là le vent, là encore la marche du wanderer, etc. Disons qu’à l’instar de Schubert, Zelter nous place loin de l’abstraction pianistique d'un Schumann – Schumann dont les figures épousent plus l'idée de la scène que son contexte concret, on y reviendra.
Certes, on n'a pas ce génie de l'atmosphère, de la modulation expressive, du dit pudique, de la force dramatique qui caractérisent les derniers Schubert. Néanmoins, le tout venant de Zelter est meilleur que bon nombre des premiers Schubert, récitatifs un peu désarticulés et gratuits, et sensiblement proche en qualité de pas mal de lieder de la première moitié du catalogue de Schubert. Certes, au même âge, Zelter faisait sans nul doute sensiblement moins bien, puisque Schubert, dès la seconde moitié de sa vingtaine, pulvérise le catalogue d'une vie de son rival en goetheries.
Il n'empêche que cette oeuvre est hautement passionnante et ne mérite pas l'opprobre qu'on voudrait jeter sur celui qui eut l'outrecuidance d'éclipser absolument Schubert dans l'esprit du 'grand Goethe'. Plus conventionnelle, sans doute (notamment dans les modulations). Et assez comparable du point de vue de la facture. Mais nullement dénuée de charme, d'idées, voire d'inspirations remarquables.
D'une manière générale, Zelter prête moins d'attention aux entités strophiques. De deux façons. 1. Ce peut être en les mêlant dans un débit parfois serré, qui contraint légèrement le texte, l'assujettit à la musique - sans pour autant le dénature, évidemment. 2. Ou ce peut être en traitant de façon rigoureusement identique des strophes, sans évolution - tandis que le sens littéraire, lui, change. Une forme qu'on peut trouver un peu figée, pas très inventive. Der Zauberlehrling (« L’apprenti sorcier ») a un côté, il faut bien le reconnaître, assez exaspérant, avec ses nombreuses strophes tout en gammes, sans la moindre variation. Sans un chanteur intelligentissime, l'ennui et l'agacement guettent. C'est sans doute là le principal reproche que l'on pourra faire à Zelter, et il n'est nullement généralisable.
Car on rencontre chez Zelter mainte fulgurance. * Par exemple le thème du « Roi de Thulé » (Der König in Thule), avec ses accords simples, médiévalisants, et arpégés à la façon du luth, qui convoquent immédiatement un 'ailleurs' temporel. La mélodie est d'une simplicité envoûtante et ineffable, bien qu'on puisse lui reproche de ne pas avoir un pendant très individualisé pour la seconde partie des quatrains - ce qui peut créer une certaine monotonie Néanmoins, l'effet en est très réussi. * Les vocalisations à la façon seria, qui surgissent au détour d'une mélodie, l'éloignant du seul texte dans un hors-genre assez unique pour le lied. * Cet Erlkönig (« Le Roi des Aulnes ») beaucoup plus proche de la ballade que de la narration effrénée, où l'on ressent le rythme de la chevauchée, comme bercé par la chanson. On y retrouve un peu la distinction que nous faisions précédemment dans le traitement du König in Thule, entre le traitement mis à distance, façon ballade, et celui, totalement empathique et plus imaginatif musicalement, façon récit libre. A ceci près que l' Erlkönig de Zelter crée un trouble, et fait pénétrer l'auditeur dans le cadre de la ballade, par son accompagnement imitatif, dans un traitement musical certes strophique, mais dont l'effet est bien inhabituel. * Pour finir - la liste serait longue -, une des plus impressionnantes réussites de Zelter : les plus beaux chants du harpiste (Harfenspieler I, II & III) du répertoire. Le seul qui puisse rivaliser est le terrible glissement inexorable du chromatisme descendant de Wer sich der Einsamkeit ergibt, chez Wolf, dans sa version orchestrée a posteriori. Pour le reste, Schubert, Schumann, Wolf doivent s'incliner. Le naturel de Zelter, qui n'a pas cherché à exalter la dimension déprimante et la déréliction sinistre de ces textes, mais sert en toute simplicité ce texte, avec une certaine clarté dans les couleurs, triomphe ici. L'une de ses plus grandes réussites dans le domaine du lied. Il ne faut pas ici s'attendre à un choc esthétique, son propos n'est pas d'inventer des formules musicales inédites ou saisissantes. Simplement se laisser flatter par son charme très réel.
Je signale un commentaire plus détaillé sur Zelter, ainsi qu'une bibliographie/discographie pour ceux qui seraient intéressés.
On peut, au choix, suivre Ludwig Holtmeier pour le pouvoir d'évocation du piano (avec Hans Jörg Mammel), ou Dietrich Fischer-Dieskau pour le chant (avec Aribert Reimann).
3.3.2. Loewe, le parent pauvre
Carl Loewe est plus célèbre, et parfois joué. Souvent mal interprété, aussi. Sa musique ne dispose pas du même degré de fusion avec le texte, avec une certaine étrangeté parfois à l'univers poétique servi. Sa musique est difficile, tout simplement. On y rencontre le caractère de désolation de certains Wolf, sans la même grâce musicale peut-être. Le propos paraît parfois étonnamment moderne, oui. Il reste considéré comme du sous-lied, ce qui est un peu exagéré, mais il est évident que la comparaison avec Schubert le dessert fortement.
3.3.3. Tant d'autres.
On connaît assez bien Komm ! de Meyerbeer, belle pièce sur Heine, ou encore les lieder de Franz. Peut-être moins ceux de Haydn, Salieri, Hummel, Spohr, Weber, Rossini et Kreutzer. On a parlé de Franz Schubert de Dresde, qui attise la curiosité sans illusion de tout un chacun.
Mais qu'en est-il de Reichardt, Zumsteeg, Gyrowetz, Weigl, Franz Schubert de Dresde, Vogl, Unger (également poète), Tomašek, Eberwein, Dietrichsein, Krufft, Berger, Neukomm, Hüttenbrenner, Bürde, Randhartinger, Lachner, Vesque von Püttlingen, Hiller, Banck ?
Plutôt qu'un long discours, je recommande la connaissance du coffret attenant à l'intégrale Hyperion et consacré aux contemporains de Schubert. La plupart de ces oeuvres n'ont jamais été enregistrées ailleurs. On y trouve des pièces réellement intéressantes. |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi Dim 10 Déc 2006 - 15:51 | |
| La suite au prochain épisode : Bob Schumann strikes back.
J'ai fait mon job pour l'instant, je vous laisse commenter et débattre à présent. |
| | | Jorge Caliméro baroqueux
Nombre de messages : 6307 Age : 36 Localisation : Strossburi Date d'inscription : 20/10/2005
| | | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| | | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi Dim 10 Déc 2006 - 16:02 | |
| Allez, disons que tu empruntes ceci : Schubert, Winterreise, Fischer-Dieskau/Demus, DGG 1964, c'est un standard. Ca te donne déjà le temps de méditer, et ça me laisse le temps d'arriver à la section discographique. |
| | | Jorge Caliméro baroqueux
Nombre de messages : 6307 Age : 36 Localisation : Strossburi Date d'inscription : 20/10/2005
| Sujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi Dim 10 Déc 2006 - 16:18 | |
| Ma médiathèque est fermée le lundi et n'ouvre le mardi qu'à 12h.
Et je connais déjà ce disque. |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi Dim 10 Déc 2006 - 16:19 | |
| - Jorge a écrit:
- Ma médiathèque est fermée le lundi et n'ouvre le mardi qu'à 12h.
Je devrais plutôt faire un sujet sur le second degré, je crois. - Citation :
- Et je connais déjà ce disque.
Et ? Dis-nous tout. Tu veux un truc qui déménage, avec du pianoforte et des notes non vibrées, c'est ça ? J'en ai même qui font des coloratures, tu vois ! |
| | | Jorge Caliméro baroqueux
Nombre de messages : 6307 Age : 36 Localisation : Strossburi Date d'inscription : 20/10/2005
| Sujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi Dim 10 Déc 2006 - 16:25 | |
| Ah non alors!
Je hais le piano-forte et dans le chant j'aime beaucoup le vibrato (Ma version préférée de Dido de Purcell est Susan Graham c'est dire....).
Pas forcement un truc qui démenage mais un truc vraiment triste.
Par exemple: j'aime bien Das Lied der Trennung de Mozart. |
| | | Kia vomi
Nombre de messages : 6939 Age : 38 Date d'inscription : 21/10/2006
| Sujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi Dim 10 Déc 2006 - 16:27 | |
| Si je peux me permettre, quelques bouquins pour approfondir le lied: * Guide de la mélodie et du lied, dirigé par Brigitte François-Sappey, Gilles Cantagrel chez Fayard * Le lied, de Christophe Combarieu dans la collection Que-sais-je n°412 * Aspects du Lied romantique allemand, de Serge Guth chez Actes Sud * Le Lied allemand, de André Tubeuf chez Bourin-Julliard * Le Lied romantique allemand, de Marcel Beaufils chez Gallimard |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi Dim 10 Déc 2006 - 16:27 | |
| - Jorge a écrit:
- Ah non alors!
Je hais le piano-forte et dans le chant j'aime beaucoup le vibrato (Ma version préférée de Dido de Purcell est Susan Graham c'est dire....).
Pas forcement un truc qui démenage mais un truc vraiment triste.
Par exemple: j'aime bien Das Lied der Trennung de Mozart. Pourtant, il existe de très belles versions avec pianoforte, mais je n'insiste pas. Si tu veux du déprimant, nous avons ce qu'il faut en magasin. Ca va de Hotter à Goerne. |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi Dim 10 Déc 2006 - 16:28 | |
| - Kia a écrit:
- Si je peux me permettre, quelques bouquins pour approfondir le lied:
* Guide de la mélodie et du lied, dirigé par Brigitte François-Sappey, Gilles Cantagrel chez Fayard * Le lied, de Christophe Combarieu dans la collection Que-sais-je n°412 * Aspects du Lied romantique allemand, de Serge Guth chez Actes Sud * Le Lied allemand, de André Tubeuf chez Bourin-Julliard * Le Lied romantique allemand, de Marcel Beaufils chez Gallimard Non seulement tu peux te permettre, mais je compte bien sur ton concours, ami diablotin. |
| | | Jaky Mélomane chevronné
Nombre de messages : 9426 Age : 64 Localisation : Ch'tite ville Date d'inscription : 23/07/2005
| Sujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi Dim 10 Déc 2006 - 16:36 | |
| Connaissez vous des liens avec des traductions des lieders? Cela fait XXX années que j'écoute Frauenliche und leben de Schumann sans connaître les paroles… C'est d'ailleurs grâce à eux et Kathleen que j'ai commencé à apprécier les lieder et plus généralement le chant… |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi Dim 10 Déc 2006 - 16:50 | |
| La somme incontournable est la plate-forme animée par Emily Ezust :
http://www.recmusic.org/lieder/ . |
| | | Jaky Mélomane chevronné
Nombre de messages : 9426 Age : 64 Localisation : Ch'tite ville Date d'inscription : 23/07/2005
| | | | Morloch Lou ravi
Nombre de messages : 9912 Date d'inscription : 14/10/2006
| Sujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi Dim 10 Déc 2006 - 17:04 | |
| Vous en avez révé, DLM l'a fait |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi Dim 10 Déc 2006 - 17:05 | |
| Merci Morloch ! - Jaky a écrit:
- DavidLeMarrec a écrit:
- La somme incontournable est la plate-forme animée par Emily Ezust :
http://www.recmusic.org/lieder/ . Je ne suis malheureusement pas polyglotte, en anglais les lieders de Schumann me resteront tout aussi incompréhensibles. J'ai ça ailleurs, je te passe le lien. A savoir, Chamisso n'est pas moins mièvre dans la langue originale, je n'y suis pour rien ! |
| | | joachim Mélomaniaque
Nombre de messages : 1232 Age : 78 Localisation : Nord (avesnois/thiérache) Date d'inscription : 02/03/2006
| Sujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi Dim 10 Déc 2006 - 17:25 | |
| Et alors, personne ne songe à complimenter David pour ses explications ? C'est clair, concis, bien compréhensible, et ça nous donne envie d'en connaître encore plus. Bravo, David Personnellement, le lied, (et encore plus la mélodie française), est l'aspect musical que j'aime le moins, ce qui ne signifie pas que je n'en écoute pas, bien au contraire. Mais je n'ai presque rien en CD sauf la Belle Meunière et le Voyage d'Hiver, et quelques autres. Tu as raison de dire qu'on méconnait trop Zelter, qui d'ailleurs, et contrairement à Schubert, ne s'est presque consacré qu'au lied (d'ailleurs je ne connait rien d'autre de lui à part un concerto pour alto). En revanche, je trouve que tu es sévère envers Karl Loewe. Il me semble que ses ballades sont uniques en leur genre, on ne trouve même pas l'équivalent chez Schubert. Mais ce n'est que mon avis. En tout cas, merci encore pour ton exposé. Nous attendons la suite (Schumann, Liszt, Wolf....) |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi Dim 10 Déc 2006 - 17:46 | |
| - joachim a écrit:
- Et alors, personne ne songe à complimenter David pour ses explications ? C'est clair, concis, bien compréhensible, et ça nous donne envie d'en connaître encore plus.
Bravo, David Merci Joachim ! - Citation :
- Tu as raison de dire qu'on méconnait trop Zelter, qui d'ailleurs, et contrairement à Schubert, ne s'est presque consacré qu'au lied (d'ailleurs je ne connait rien d'autre de lui à part un concerto pour alto).
Il a aussi écrit pour clarinette, il y a quelques petites choses de publié, mais peu, c'est vrai. - Citation :
- En revanche, je trouve que tu es sévère envers Karl Loewe. Il me semble que ses ballades sont uniques en leur genre, on ne trouve même pas l'équivalent chez Schubert. Mais ce n'est que mon avis.
Il n'était pas dans mon intention d'être sévère ! Si tu veux développer quelque chose, je te suis volontiers ! - Citation :
- En tout cas, merci encore pour ton exposé. Nous attendons la suite (Schumann, Liszt, Wolf....)
C'est entendu ! |
| | | entropie Muet ventriloque
Nombre de messages : 4234 Localisation : cherbourg Date d'inscription : 13/05/2006
| Sujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi Dim 10 Déc 2006 - 18:15 | |
| C'est vraiment super ! Merci David ! |
| | | antrav Papa pingouin
Nombre de messages : 37304 Date d'inscription : 08/12/2005
| Sujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi Dim 10 Déc 2006 - 18:16 | |
| Merci pour ce guide du lied en 10 leçons. Remarquable comme toujours. J'avoue attendre avec impatience Wolf (et peut-être Schoenberg et Berg?) qui m'est plus facile de compréhension que Schubert et ce petit bijou de Winterreise que tu m'avais conseillé. |
| | | sofro Tonton
Nombre de messages : 2268 Localisation : LYON Date d'inscription : 19/09/2005
| | | | calbo Pertusienne
Nombre de messages : 28126 Age : 53 Localisation : Pictavia Date d'inscription : 29/08/2006
| Sujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi Dim 10 Déc 2006 - 19:11 | |
| Un dossier très intéressant et bien présenté. Nous attendons avec impatience une petite discographie |
| | | Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 91578 Age : 43 Date d'inscription : 08/06/2005
| Sujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi Dim 10 Déc 2006 - 20:15 | |
| - joachim a écrit:
- Et alors, personne ne songe à complimenter David pour ses explications ?
Bah... C'est David quoi. Ben si, merci David, en plus je ne connais pas vraiment à fond le domaine des lieder de Schubert. D'ailleurs que penses-tu de Souzay là-dedans? |
| | | Octavie Mélomane du dimanche
Nombre de messages : 81 Localisation : entre Vercors, Chartreuse et Belledonne Date d'inscription : 03/04/2006
| Sujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi Dim 10 Déc 2006 - 20:53 | |
| - Citation :
- Ceux de Beethoven entament plus sérieusement le genre. Des mises en musique de poètes romantiques, des cycles (Faust-Lieder, An die Ferne Geliebte), mais aussi des pièces plus folkloriques, dont un d'harmonisations d'airs célèbres pour voix, violon, violoncelle et piano, qui ne sont pas tous en anglais (voir en particulier les mélanges linguistiques WoO 158a). [Il faut entendre l'excellente version tirée de l'intégrale Beethoven chez DGG, avec Malcom Martineau au piano.]
Faut-il lire « en allemand » ? - Citation :
- L'insertion de choeurs (Ständchen/Zögernd leise, Szene aus Faust, Mirjams Siegesgesang), qui répondent, qui créent un climat, qui agissent selon les cas...
Ils ont tous écrit sur Faust ?! Est-ce que ces « scènes sur Faust » sont regroupées parfois ? Il me semble ne jamais les avoir trouvées toutes ensemble… [bon, en lisant le message suivant, je sais où les trouver… merci ] Je n’y connais pas grand-chose, mais j’ai découvert (devinez grâce à qui… ) il y a peu Matthias Goerne, d’abord dans le voyage d’hiver, puis surtout dans le chant du cygne. Pour le voyage d’hiver, que j’avais eu du mal à écouter en entier sans m’ennuyer avec Fassbänder, j’ai vraiment apprécié la chaleur de cette voix (paradoxal vu l’œuvre, mais c’est vraiment l’impression que j’ai eu). Et puis, j’ai découvert ce chant du cygne, et là, véritable coup de foudre ! Dans les deux cas, c’est un enregistrement en public à Wigmore Hall, avec Alfred Brendel, et c’est (pour autant que je puisse en juger) du très grand ! (au fait, David, sais-tu si c’est du piano ou du pianoforte ?) C'est vrai qu'il y a de la diversité au sein même d'un cycle de poèmes, et même au cours d'un même poème ! Le "in der ferne", notament, dont la troisième strophe semble ne venir de nulle part ! (enfin, elle doit bien venir de quelque part, mais on a vraiment l'impression qu'on a "changé de couleur", c'est stupéfiant !) Sans parler du ton là aussi surprenant de "abshied", qui clôt le cycle de façon déroutante (mais David en parlera bien mieux si jamais il a envie de nous en parler...) Merci pour le sujet en tous cas ! |
| | | Jaky Mélomane chevronné
Nombre de messages : 9426 Age : 64 Localisation : Ch'tite ville Date d'inscription : 23/07/2005
| Sujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi Lun 11 Déc 2006 - 1:38 | |
| |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi Lun 11 Déc 2006 - 3:07 | |
| Merci à tous, c'est un plaisir de travailler pour vous ! Je m'y remettrai volontiers. - Xavier a écrit:
- D'ailleurs que penses-tu de Souzay là-dedans?
Souzay a un excellent allemand, et sa voix toujours bien placée. Cela dit, comme dans la mélodie française, l'expression est un peu neutre à mon goût. Ca reste d'excellent niveau et plus qu'écoutable bien entendu ! |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi Lun 11 Déc 2006 - 3:24 | |
| - Octavie a écrit:
-
- Citation :
- Ceux de Beethoven entament plus sérieusement le genre. Des mises en musique de poètes romantiques, des cycles (Faust-Lieder, An die Ferne Geliebte), mais aussi des pièces plus folkloriques, dont un d'harmonisations d'airs célèbres pour voix, violon, violoncelle et piano, qui ne sont pas tous en anglais (voir en particulier les mélanges linguistiques WoO 158a). [Il faut entendre l'excellente version tirée de l'intégrale Beethoven chez DGG, avec Malcom Martineau au piano.]
Faut-il lire « en allemand » ? Non, non, il faut bien lire "en anglais". La plupart de ces mélodies populaires sont en anglais (chants écossais, gallois, irlandais), mais dans les oeuvres sans opus classées WoO 158a, on trouve, outre l'anglais, l'espagnol, l'italien, le portugais , le russe et le hongrois, de l'allemand. - Citation :
-
- Citation :
- L'insertion de choeurs (Ständchen/Zögernd leise, Szene aus Faust, Mirjams Siegesgesang), qui répondent, qui créent un climat, qui agissent selon les cas...
Ils ont tous écrit sur Faust ?! Est-ce que ces « scènes sur Faust » sont regroupées parfois ? Il me semble ne jamais les avoir trouvées toutes ensemble… Ces scènes n'ont pas été réunies, mais sous forme de lied, Beethoven, Schubert et Wagner s'en sont occupés, en effet. Il existe des disques qui regroupent ceux de Beethoven ou Wagner, et le volume 13 de l'excellente intégrale Schubert chez Hyperion, consacré à Marie McLaughlin, les produit tous dans l'ordre de composition (avec Gretchens Bitte, complété par Britten, en dernier). Pour plus d'information sur ce volume, voir ici. - Citation :
- Je n’y connais pas grand-chose, mais j’ai découvert (devinez grâce à qui… ) il y a peu Matthias Goerne, d’abord dans le voyage d’hiver, puis surtout dans le chant du cygne. Pour le voyage d’hiver, que j’avais eu du mal à écouter en entier sans m’ennuyer avec Fassbänder, j’ai vraiment apprécié la chaleur de cette voix (paradoxal vu l’œuvre, mais c’est vraiment l’impression que j’ai eu). Et puis, j’ai découvert ce chant du cygne, et là, véritable coup de foudre ! Dans les deux cas, c’est un enregistrement en public à Wigmore Hall, avec Alfred Brendel, et c’est (pour autant que je puisse en juger) du très grand ! (au fait, David, sais-tu si c’est du piano ou du pianoforte ?)
C'est bien du piano, et c'est immense, oui, totalement. Son Winterreise était plus réussi avec Schneider, mais ce Schwanengesang avec Brendel est stupéfiant ! Et toujours autant d'idées... - Citation :
- C'est vrai qu'il y a de la diversité au sein même d'un cycle de poèmes, et même au cours d'un même poème ! Le "in der ferne", notament, dont la troisième strophe semble ne venir de nulle part ! (enfin, elle doit bien venir de quelque part, mais on a vraiment l'impression qu'on a "changé de couleur", c'est stupéfiant !)
Oui, c'est exact, on bifurque en majeur, on répète le texte (la troisième et dernière strophe occupe la moitié de la durée), et l'accompagne change, s'arpège. - Citation :
- Sans parler du ton là aussi surprenant de "abshied", qui clôt le cycle de façon déroutante (mais David en parlera bien mieux si jamais il a envie de nous en parler...)
Qui clôt la première moitié du cycle, les Rellstab. Mais tu veux peut-être parler de Die Taubenpost ? Une conclusion pas très heureuse de l'éditeur, mais finir sur Der Doppelgänger, façon Leiermann, est un peu raide, je reconnais. |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi Lun 11 Déc 2006 - 4:56 | |
| La rosée du matin.
3.4. Robert Schumann
Robert Schumann est le second compositeur le plus joué et le plus enregistré dans le lied, et je gage même que son Dichterliebe ("Amour(s) du poète", sur des textes de l'Intermezzo de Heine), adaptable à toutes les voix (sauf les basses), valorisant pour le pianiste, sur textes célèbres et de longueur moins exigeante, est sans doute le cycle le plus fréquemment exécuté au concert.
Pourtant, si l'époque et le style musical peuvent paraître, de loin, semblables à Schubert (car de loin, rien ne ressemble à un lied qu'un poème joué avec chanteur/piano - un lied), l'attitude de Schumann face à la mise en musique de ces textes est profondément différente.
A partir de Schumann (du dernier Schubert, en réalité), les formes strophiques ne sont plus utilisées - Fanny et Félix Mendelssohn seront les derniers à en faire un usage régulier.
A noter, pour Schumann, on compte avec les numéros d'opus, ce qui ne facilite pas toujours les choses, surtout lorsqu'il s'agit de groupes hétéroclites. Ils existent chez Schubert (et figurent seuls en tête des éditions Peters), mais ne sont que peu employés depuis l'élaboration du catalogue Deutsch.
1. Principes de la mise en musique chez Schumann
On parle souvent de l'émancipation du piano chez Schumann. Ce n'est pas faux, mais c'est inexact puisque, on l'a vu, il joue déjà chez Schubert un rôle déterminant : phénomènes d'introduction ou d'écho, suggestion du décor... Néanmoins, Schumann donne une plus grande autonomie à l'accompagnateur, à qui il confie une partie largement indépendante, plus virtuose, un peu sous forme d'un prélude pour piano seul. A la fin du Dichterliebe ou de Frauenliebe und Leben ("L'amour et la vie d'une femme", sur des textes de Chamisso), le piano procède à la "remontée" de thèmes antérieurs, et conclut seul, dans une coda autonome d'une minute environ.
L'écriture vocale, réclamant souvent une étendue moindre, est généralement assez sobre et lyrique, loin des ruptures schubertiennes. Schumann, très clairement, s'inscrit dans une visée de continuité du discours musical.
Le traitement du texte musical est également différent. On pourrait parler d'une certaine abstraction. Schumann traite le texte poétique dans sa globalité. Il n'est pas question d'individualiser les strophes (sauf besoin évident), de ménager des contrastes expressifs fulgurants : chez Schumann, le texte est une entité autonome, un monde à part, avec ses procédés et ses couleurs propres. Procédés qui la plupart du temps se maintiennent jusqu'à la fin de la pièce. Schumann apparaît moins sensible au mot poétique qu'à son sens. Là où Schubert explorait le moindre recoin expressif du texte, jusqu'au décousu (dans sa jeunesse), Schumann s'empare d'un esprit d'ensemble, sur lequel il pose sa musique - le texte s'y fondra ensuite, sans réelle modulation expressive interne. Bien sûr, il y a de nombreuses formes ABA, mais guère plus.
Le piano joue donc sa partie, et le texte se déroule indépendamment, d'une traite, dans l'esprit choisi.
2. Les duos
Schubert avait écrit de nombreuses oeuvres incluant un choeur ou un dialogue (Antigone und Oedip, Shilrik und Vinvela, Eine alstchottische Ballade, Adieux d'Hector et Andromaque, etc.). Mais Schumann (de même que Mendelssohn) emploie parfois le duo. Chanté de façon homophonique (même rythme pour les deux parties), souvent à la sixte - prévu pour deux femmes ou pour voix de femme et ténor. C'est un début pour un genre assez développé.
Par exemple : - Quatre duos Op.34 ; - Quatre duos Op.78 ; - Tragödie III.
3. Les cycles
Les cycles, par leur cohérence, sont toujours la voie privilégiée pour aborder le lied. Chez Schumann, comme chez Brahms, les lieder sont publiés par groupes, mais tous ne sont pas cohérents.
On peut donc citer comme cycles :
- Le Liederkreis Op.24 sur des textes de Heine. =>Plus lumineux que de coutume, ce Schumann surprend et séduit ; parfois enregistré, mais peu donné. - Les Myrten Op.25. =>Contient notamment les célèbres Widmung et Du bist wie eine Blume. Le cycle complet, assemblage de poètes divers, est rarement donné. - Le Liederkreis Op.39 sur des textes d'Eichendorff. => Considéré à juste titre comme une forme d'apogée du lied romantique. Les poèmes riants d'Eichendorff servent de cadre à un épanchement très communicatif. Voisinent des réussites absolues (Waldesgespräch, Mondnacht, Auf einer Burg, Frühlingsnacht) avec des textes que je trouve vraiment dénaturés par la mise en musique (Schöne Fremde, qui abandonne le mythe et l'émerveillement pour une ritournelle plus commune). C'est aussi ce qui arrive avec Der Schatzgräber, lied isolé d'après Eichendorff, très amoindri par sa mise en musique. Néanmoins, à ce peu d'exceptions près, ce Liederkeis Op.39 constitue un monument incontournable de l'histoire du lied. - Frauenliebe und Leben Op.42 ("L'amour et la vie d'une femme", textes de Chamisso). => Textes mièvres (y compris dans la langue originale), mise en musique gracieuse, avec de grands moments, surtout la rencontre et la mort. Cheval de bataille des voix féminines. [Entendre Kathleen Ferrier, inapprochable, et plus récemment Bernarda Fink, dans un style plus épique.] - Dichterliebe Op.48 ("Amour(s) du poète", textes tirés de l'Intermezzo de Heine). => Le cycle le plus exécuté, une collection de miniatures de tonalités diverses, autour du discours d'un amoureux éconduit. Fausse joie, amertume, ironie mordante, affliction, désespoir cynique se succèdent, servis un par un (à la façon de Schumann), mais avec une grande efficacité. Le piano joue sa pleine indépendance, et entretient volontiers, à la fin de certaines pièces, des échos thématiques. - Gedichte der Königin Maria Stuart Op.135 ("Poèmes de la reine Marie Stuart"). => Les poèmes déchirants de Marie Stuart, notamment l'Adieu à la France, l'adresse à Elisabeth Ière, l'Adieu au monde... - Et j'ajoute pour les pressés la minuscule trilogie Tragödie I, II & III (Heine). => Une série de trois lieder qui se font suite. Etonnant.
Voilà pour ce maillon incontournable que constitue Schumann. |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi Lun 11 Déc 2006 - 6:08 | |
| 3.5. Clara Wieck-Schumann
Imaginez si Chopin, au lieu de mélodies intimistes aux accents populaires, avait écrit du lied de concert. Clara Schumann est dans cette veine - toujours cette fièvre Schumannienne tempérée par la suprême élégance chopinienne. Sa musicalité fait ici des merveilles.
Comme chez Schumann, le piano, virtuose (plus encore chez elle), est largement autonome. L'art de la mise en atmosphère est sans doute moindre, mais - qu'on me pardonne - l'art de la mise en musique d'un texte est, lui, d'une bien plus grand subtilité. Dans le flux musical qui parcourt le morceau, Clara Schumann ménage des hésitations, des retouches, des redites dont le ton change. Si peu que l'interprète y soit sensible, l'effet est véritablement merveilleux. Pour autant, l'écriture mélodique est très vocale, avec de belles lignes d'un port admirable.
Clara Schumann n'est décidément pas un compositeur de lied mineur. A titre personnel, j'y suis plus sensible qu'à Schumann, Mendelssohn, Brahms ou Wolf.
[Le disque de Christina Högman chez BIS rend tout à fait justice à cette écriture remarquable.]
3.6. Fanny Mendelssohn-Hensel
L'aînée de Felix a publié un certain nombre de lieder initialement sous le nom de son frère. Malgré sa disparition prématurée, elle laisse un petit catalogue de lieder assez aboutis.
L'écriture vocale en est assez instrumentale, et même dans les poèmes les plus tristes, toujours dépourvue de gravité. Pourvus d'une élégance plus modeste que la virtuosité flamboyante, l'oeillade enflammée de Clara.
On peut trouver un petit côté inoffensif à ces lectures musicales qui ne sondent jamais beaucoup plus loin que la bienséance les affects contenus dans les poèmes. Il est vrai que l'individualité de chaque atmosphère est peut-être moins réussie que chez d'autres, que le détail du texte passe un peu à la trappe. Il n'en demeure pas moins que l'inspiration musicale est de très belle facture, et on peut difficilement y rester insensible.
[De même, Christina Högman tire le meilleur de ces pièces.]
3.7. Felix Mendelssohn
Dans le domaine vocal, Mendelssohn a plus brillé par sa musique religieuse (les incontournables Elias et Paulus, les Psaumes suprêmes) ou par sa musique de scène (Le Songe d'une Nuit d'Eté, Antigone, Oedipe à Colone et Athalie) que par ses opéras (Die Hochzeit des Camacho Op.10, opéra comique en deux actes et Heimkehr aus der Fremde Op.89, liederspiel en un acte, sont, disons, des réussites relatives) ou ses lieder.
L'écriture 'liederistique' de Mendelssohn est d'une grande naïveté, aussi régulière que ses Lieder ohne Worte ("Romances sans paroles"), tout autant dépourvue de surprises et de relief. Pour un résultat, on s'en doute, assez distant du texte.
Il faut connaître pour compléter sa connaissance de Mendelssohn, mais il y a plus intéressant à fréquenter : Zelter, Fanny Hensel, Loewe... |
| | | - Mélomane chevronné
Nombre de messages : 9357 Date d'inscription : 10/03/2006
| Sujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi Lun 11 Déc 2006 - 12:09 | |
| Magnifique ! Superbe ! Voilà un topic que je sauvegarde. |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi Lun 11 Déc 2006 - 13:14 | |
| |
| | | entropie Muet ventriloque
Nombre de messages : 4234 Localisation : cherbourg Date d'inscription : 13/05/2006
| Sujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi Lun 11 Déc 2006 - 14:00 | |
| Bien sur il y a les connaissances impressionantes mais surtout c'est vraiment trés clair et pas du tout diffficile à lire et vu la densité du contenu c'est un vrai tour de force. Chapau Bas ! |
| | | Octavie Mélomane du dimanche
Nombre de messages : 81 Localisation : entre Vercors, Chartreuse et Belledonne Date d'inscription : 03/04/2006
| Sujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi Lun 11 Déc 2006 - 21:06 | |
| - DavidLeMarrec a écrit:
- Octavie a écrit:
-
- Citation :
- Ceux de Beethoven entament plus sérieusement le genre. Des mises en musique de poètes romantiques, des cycles (Faust-Lieder, An die Ferne Geliebte), mais aussi des pièces plus folkloriques, dont un d'harmonisations d'airs célèbres pour voix, violon, violoncelle et piano, qui ne sont pas tous en anglais (voir en particulier les mélanges linguistiques WoO 158a). [Il faut entendre l'excellente version tirée de l'intégrale Beethoven chez DGG, avec Malcom Martineau au piano.]
Faut-il lire « en allemand » ? Non, non, il faut bien lire "en anglais". La plupart de ces mélodies [populaires sont en anglais (chants écossais, gallois, irlandais), mais dans les oeuvres sans opus classées WoO 158a, on trouve, outre l'anglais, l'espagnol, l'italien, le portugais , le russe et le hongrois, de l'allemand. Un pan de mon ignorance s'effondre ! - Citation :
-
- Citation :
- C'est vrai qu'il y a de la diversité au sein même d'un cycle de poèmes, et même au cours d'un même poème ! Le "in der ferne", notament, dont la troisième strophe semble ne venir de nulle part ! (enfin, elle doit bien venir de quelque part, mais on a vraiment l'impression qu'on a "changé de couleur", c'est stupéfiant !)
Oui, c'est exact, on bifurque en majeur, on répète le texte (la troisième et dernière strophe occupe la moitié de la durée), et l'accompagne change, s'arpège. C'était donc ça. Tout s'explique. (Enfin, tout, non, heureusement !) - Citation :
-
- Citation :
- Sans parler du ton là aussi surprenant de "abshied", qui clôt le cycle de façon déroutante (mais David en parlera bien mieux si jamais il a envie de nous en parler...)
Qui clôt la première moitié du cycle, les Rellstab. Mais tu veux peut-être parler de Die Taubenpost ? Une conclusion pas très heureuse de l'éditeur, mais finir sur Der Doppelgänger, façon Leiermann, est un peu raide, je reconnais. Non, je parlais bien de celui qui conclue le premier cycle à l'intérieur du cycle (qui constitue une entité propre, non ?) Il est vrai que Die Taubenpost fait un peu isolé ; dans un enregistrement par Peter Schreier/Andreas Schiff, le disque se poursuit avec 2 autres lieder d'après Seidl, un premier dont je ne retrouve plus le titre, et "bei dir allein". Le premier s'accordait parfaitement avec Die Taubenpost, et ça concluait très bien le cycle "habituel", tant au niveau du texte (on continuait sur le thème du pigeon voyageur) que de la musique ; j'essaierai de retrouver le titre. Un grand merci pour toutes ces pistes, j'entrevois de belles découvertes ! |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi Lun 11 Déc 2006 - 21:43 | |
| Je suis très content si c'est clair, Entropie, l'enjeu était précisément que ce ne soit pas trop indigeste !
Sinon, pour le numéro complétaire. Il s'agit du 878 ! Am Fenster.
On ajoute souvent Herbst D.945 au milieu. C'est le cas dans ce disque Schreier/Schiff, mais aussi chez Goerne. |
| | | Octavie Mélomane du dimanche
Nombre de messages : 81 Localisation : entre Vercors, Chartreuse et Belledonne Date d'inscription : 03/04/2006
| Sujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi Mer 13 Déc 2006 - 18:26 | |
| - DavidLeMarrec a écrit:
- Sinon, pour le numéro complétaire. Il s'agit du 878 ! Am Fenster.
Il sait tout. Effectivement, après un moment de doute, le texte me dit quelque chose... Je ne sais pas où je suis allée chercher qu'il était toujours question de pigeon voyageur... - Citation :
- On ajoute souvent Herbst D.945 au milieu. C'est le cas dans ce disque Schreier/Schiff, mais aussi chez Goerne.
Mais pas toujours à la même place, il me semble ; chez Van Dam/Afanassiev, il est même ajouté simplement à la fin. Sait-on si Schubert avait l'intention de l'intégrer au cycle des Rellstab lieder ? |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi Mer 13 Déc 2006 - 20:14 | |
| - Octavie a écrit:
-
- Citation :
- On ajoute souvent Herbst D.945 au milieu. C'est le cas dans ce disque Schreier/Schiff, mais aussi chez Goerne.
Mais pas toujours à la même place, il me semble ; chez Van Dam/Afanassiev, il est même ajouté simplement à la fin. Sait-on si Schubert avait l'intention de l'intégrer au cycle des Rellstab lieder ? Chez les éditions Peters, il est ajouté au début... En réalité, c'est un lied de la même époque sur un texte de Rellstab, mais que l'éditeur n'avait pas inclus lorsqu'il a rassemblé les lieder qui en ont fait le Schwanengesang. |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi Sam 16 Déc 2006 - 16:26 | |
| 3.8. Franz LisztLiszt a écrit, comme Beethoven, dans de nombreuses langues, mais de façon plus précise - pas simplement sous l'angle du chant populaire. Marginalement en anglais et en hongrois, un peu plus en italien et en français, très largement en allemand. 3.8.1. L'écriture en allemandL'écriture pianistique n'appartient pas au Liszt virtuose, plutôt au Liszt dépouillé (ou du moins au Liszt du lyrisme), avec toujours cette petite sècheresse, ce début d'ascétisme. La partition porte des indications (rédigées !) très précises sur les modes de jeu, notamment concernant l'équilibre avec le chanteur, les notes à privilégier dans le chant du piano, l'usage de la pédale, la relativité des nuances dynamiques, etc. Liszt se plaît à utiliser des figures qu'il réexploite ensuite sur le mode de la variation. Dédaignant superbement la forme strophique, les fins sont particulièrement travaillées, souvent sous forme d'extinction douce. Du côté vocal, les tessitures peuvent être très centrales ou au contraire assez longues, selon l'oeuvre. Liszt n'exploite pas une veine extrêmement mélodique, plutôt laissée du côté du piano, et lui préfère une forme mi-récitative mi-lyrique, avec des intervalles parfois larges, qui préfigure tout à fait Wagner. [Vous pouvez écouter Der König in Thule ("Le roi de Thulé") par Cord Garben, dans le récital Behrens, tout cela y apparaît très nettement, bien qu'il prenne avec quelque sens de la contradiction les indications du Maître.] 3.8.2. Dans d'autres languesEn italien, on sent une lointaine influence de type sérénade italienne (pour mettre en musique du Pétrarque !). En français, le sens du charmant est préféré, et ici, le strophique revient en force (avec variations, of course). Les Hugo se parent d'un goût délicieux, romances ravivées au contact du sacré. 3.9. Richard Wagner
Wagner a fort peu écrit en dehors de ses opéras. Quelques ouvertures, et une poignée de lieder et de pièces pour piano. 3.9.1. Les Wesendonck-LiederCeux-ci, écrits sur les poèmes de la femme de son mécène, son amante Mathilde Wesendonck qui lui inspira le sujet de Tristan und Isolde (Qu'est-ce qu'on dit ? - Merci Mathilde !), occupent une place à part. Ils sont prévus avec orchestre, et sont d'une qualité peut-être moindre que les oeuvres contemporaines de Wagner, mais tout à fait conséquente en elle-même. Il s'agit de la seule oeuvre non opératique, avec Siegfried-Idyll, qui soit reconnue et régulièrement exécutée. Et encore, vous le sentez, l'opéra n'est pas loin. Il existe une littérature abondante sur ces lieder qui mériteraient une longue étude à part. Disons simplement que leur lyrisme et l'intimisme de leurs textes sont très touchants, dès qu'ils sont bien servis. 3.9.2. Les lieder de jeunesseLa plupart datent du voyage à Paris de Wagner, au moment où le compositeur vend le livret du Vaisseau Fantôme à l'Opéra, faute de pouvoir vendre l'oeuvre entière pour payer ses dettes. Vous savez à quel point j'aime le jeune Wagner des Fées et de La défense d'aimer, on ne peut pas me suspecter de légitimer la posture "une oeuvre inconnue est une oeuvre qui n'avait pas la qualité suffisante pour demeurer". Eh bien, ces lieder s'apparentent assez largement à ses ouvertures. C'est-à-dure, pour faire simple et rester gentil, que ça ne vaut pas tripette. Cela dit, si vous êtes curieux, c'est assez amusant. Les Faust-Lieder Op.5 ( Sieben Lieder zu Goethes Faust) reprennent dans des harmonies de conservatoire quelques-uns des moments fort de Faust I : 1. Lieder der Soldaten ("Chants des soldats") 2. Bauer unter der Linde ("Paysan sous le tilleul") 3. Branders Lied ("Chanson de Brander") 4. Lied des Mephistopheles ("Chanson de Méphistophélès" - chanson de la puce) 5. Gretchen am Spinnrade ("Marguerite au rouet") 6. Melodram Gretchens (Mélodrame de Marguerite) 7. Lied des Mephistopheles ("Chanson de Méphistophélès" - sérénade) Mis à part le joli mélodrame, il n'y a rien de bien mémorable dans ces exercices - un jeune étudiant qui s'imagine compositeur en se confrontant aux chefs-d'oeuvres de la littérature d'une main mal assurée. L'ensemble pourrait fonctionner en ponctuation d'une pièce de théâtre, une musique de scène un peu quelconque, mais en tant que tel, n'a pas grand intérêt. [Néanmoins, l'anthologie Goethe par Dietrich Fischer-Dieskau rend ses quelques extraits tout à fait plaisants. Une seule intégrale est disponible, par Lo Koppel et Björn Asker, avec l'Hymnia Chamber Choir. Prise de son métallique (façon Naxos), et chanteurs vraiment moyens. Björn Asker, malgré un jeu pas toujours très subtil, avec une voix rude, comme pas entièrement maîtrisée, doit sûrement avoir de l'impact sur scène. Lo Koppel est beaucoup plus problématique (vraiment très), et l'ensemble n'est pas très léché, beaucoup de scories. Ajouté au faible intérêt de ces pièces, on est tenté de se retenir, sauf en voyant le prix : 3,5€ chez certains vendeurs en ligne. Publié chez Classico ou, moins cher, chez Scan Class. Contient également d'autres pièces de Wagner dont on parle ci-après.] Les autres lieder ? Der Tannenbaum (le sapin), Geburtstagsgruß an Cosima, Lied für Louis Kraft, et plusieurs pièces en français : Adieux de Marie Stuart, Dors mon enfant, Attente, Mignonne, Tout n'est qu'images fugitives et pour finir Les deux grenadiers. Seule cette dernière pièce retient l'attention, plus évocatrice, plus développée que chez Schumann, et vraiment bien écrite pour la prosodie française. [Pour un bouquet de lieder de Wagner, dont celui-ci, voir l'anthologie Hampson/Parsons chez EMI, ces Grenadiers y sont véritablement excellents. Sans doute la meilleure approche possible pour cette musique, avec les réserves que l'on sait sur sa qualité.] Verdict ? A moins d'être très intéressé par l'ensemble de la production de Wagner (mais commencez donc par Das Liebesverbot et Die Feen), on peut en rester à sa production opératique, aux Wesendonck et aux Deux grenadiers, sans remords aucun. 3.10. Friedrich Nietzsche compositeurJ'avais initialement prévu de traiter Nietzsche comme sous-partie du répertoire Wagner, mais à la réécoute, je suis sensiblement surpris de l'intérêt de l'oeuvre. Certes, musicalement, on assiste à un agencement très sage, avec des mélodies par segments (environ deux segments par vers), généralement des bouts de gamme agencés pour recréer les mouvements ascendants et descendants de la voix. Vocalement, l'écriture propose une tessiture extrêmement confortable. Le piano se montre très discret. Toutefois, le résultat est d'un charme très sûr. On peut penser aux délicieuses mélodies de Berlioz, sans doute pas profondes, mais vraiment séduisantes. Le problème réside sans doute dans le fait que l'on a un horizon d'attente différent, si l'on s'intéresse à Nietzsche. On attend quelque chose qui fasse écho à sa passion pour la musique novatrice, la musique de Wagner, la pensée subversive ou généalogique, le triple sens de chaque vers vécu comme un aphorisme. Rien de toute cela, nous avons de très belles romances tout à fait conformistes, qui laissent le texte un peu à distance, comme si le compositeur manquait des moyens pour 'crocheter' les points-clefs du texte. Néanmoins, on peut écouter avec plaisir cette quinzaine de lieder ainsi que les mélodrames (texte déclamé sur musique instrumentale), ou même des pièces pour piano dans le même goût. [Par exemple via le disque Fischer-Dieskau qui lui est consacré et qui contient, outre l'oeuvre pour lied, plusieurs exemples de mélodrames et une pièce pour piano pittoresque entre Liszt et Chabrier ( Nachklang einer Sylvesternacht - toutes proportions gardées).] A venir : Johannes Brahms, Hugo Wolf. |
| | | felyrops Mélomaniaque
Nombre de messages : 1855 Date d'inscription : 20/12/2006
| Sujet: A la découverte du Lied Dim 24 Déc 2006 - 14:46 | |
| Cher Kia, J'ai bien pris note de ta petite liste. Un hic: Je me suis mis à la recherche d'un des ouvrages que tu mentionnes, que j'ai acheté il y a 15 ans ou plus, qui doit se trouver dans une de mes boites à banane, au grenier ou autre-part, mais c'est chercher une aiguille dans une botte de foin. Si je me rappelle bien il doit s'agir d' André Tubeuf (Julliard) qui écrit (je cite de mémoire): quant à Mendelssohn-Bartholdi, je n'en parlerai pas, il n'a écrit rien d'intéressant. Je constate que d'autres membres de ce forum sont du même avis (endoctrinés par Tubeuf ou simplement inconscients?). C'est décadent! Encore faut-il rendre à Fanny ce qui lui appartient, mais cela a été fait entretemps. Votre avis??? |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi Dim 24 Déc 2006 - 15:39 | |
| - felyrops a écrit:
- Si je me rappelle bien il doit s'agir d' André Tubeuf (Julliard) qui écrit (je cite de mémoire): quant à Mendelssohn-Bartholdi, je n'en parlerai pas, il n'a écrit rien d'intéressant. Je constate que d'autres membres de ce forum sont du même avis (endoctrinés par Tubeuf ou simplement inconscients?).
Ce serait mal me connaître ! Parmi les choses qu'on peut porter à mon crédit (et aussi bien à mon débit), je n'aime pas les arguments d'autorité (et encore moins lorsqu'ils viennent de Tubeuf). Je précise donc tout de suite que je ne donnerai pas de bibliographie critique à la fin de mon parcours, parce que j'ai choisi, précisément, de ne présenter le lied qu'à partir de ma propre fréquentation du genre. Pas d'après un discours qui serait officiel et établi à l'avance, et que je me contenterais de valider. Mes remarques se fondent seulement sur mes écoutes, mes consultations de partitions et ma pratique. Je m'efforce autant que possible de ne pas porter de jugement de valeur ici, ou alors en le précisant explicitement (comme je l'ai fait pour Clara Schumann) ; mais pour ce qui est de Mendelssohn, je n'ai pas rencontré de lied qui me convainque vraiment. L'écriture musicale en est très homogène (rythme et harmonie assez primaires), et l'imagination textuelle tout à fait mince. Ca ne me semble pas, en toute objectivité, du niveau de Schubert et Schumann, même si on peut le préférer sans honte, c'est entendu. - Citation :
- C'est décadent! Encore faut-il rendre à Fanny ce qui lui appartient, mais cela a été fait entretemps.
Je ne saisis pas bien |
| | | Octavie Mélomane du dimanche
Nombre de messages : 81 Localisation : entre Vercors, Chartreuse et Belledonne Date d'inscription : 03/04/2006
| | | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi Sam 30 Déc 2006 - 21:21 | |
| 3.11. Johannes Brahms
Mais reprenons le cours des compositeurs officiels de lied.
Brahms, bien que pas si présent au concert, comparé à la Sainte Triade Schubert-Schumann-Wolf, et plus loin Berg, occupe une place de choix dans le panorama liederistique, et la discographie en témoigne avec prodigalité.
L'écriture de Brahms n'est sans doute pas la plus accessible, à cause d'une homogénéité de ton à travers le corpus et à travers les oeuvres. De façon très stable, on retrouve la même calme déploration, à peu près omniprésente.
3.11.1. Caractéristiques
Contrairement aux apparences, l'écriture vocale en est très exigeante, réclamant beaucoup de soutien (ce qui n'est pas aussi indispensable dans Schubert, Schumann, Zelter...), un ambitus peu ostentatoire mais bel et bien tendu vers l'aigu, et une belle qualité de timbre pour rendre ces pièces dans leur plénitude. Car c'est bien plénitude et homogénéité vocales qu'il s'agit d'assurer avant toute chose, et la discographie le révèle éloquemment. On pourrait dire qu'on trouve beaucoup, chez Brahms, une esthétique de la berceuse – berceuse tendue, berceuse sombre, mais berceuse.
Le piano, quant à lui, discret, indépendant, développe un langage de type musique de chambre. Musicalement, le traitement du lied brahmsien est assez riche, beaucoup de recherche dans les accompagnements tant au niveau du rythme que de l’harmonie. C'est là que réside une large part de l'intérêt de cette production, car on y rencontrera peu de véhémence, pas de contrastes dramatiques – lorsqu’ils existent, sont plus spécifiquement musicaux.
La mise en musique suit de près le texte, mais sans porter comme chez Schubert un supplément significatif du sens. Le texte se trouve en quelque sorte accompagné par la musique, une façon de musique de scène, qui aide, mais qui ne signifie pas.
3.11.2. Cycles et séries
Tout le corpus mélodique (très vaste) de Brahms est organisé en séries regroupées par opus, et de façon plus cohérente et moins fragmentaire que chez les deux Schumann. On peut citer quelques standards ou ensembles incontournables :
- Op.33 : Romanzen aus L. Tiecks Maguelone. Les quinze romances tirées de La Belle Maguelonne de Tieck constituent peut-être la porte d'entrée la plus évidente pour cet univers, avec ses accompagnements bondissants dont le tracé rappelle Schumann, avec son ton de rêverie amoureuse, sans doute plus théorisée que chez Müller, mais qui n'en rappelle pas moins des souvenirs schubertiens - il suffit de lire le titre français pour s'en persuader. - Op.121 : les fameux Vier Ernste Gesänge, pour voix grave et piano. "Quatre chants sérieux", c'est-à-dire sacrés ; méditations sur la mort à la clef. La série la plus connue de toute l'oeuvre de Brahms, à l'aspect imposant, à la technique exigeante. Il s'agit du dernier numéro d'opus publié avant la mort de Brahms, l'opus 122 étant posthume.
On peut aussi relever quelques oeuvres célèbres, comme l'Op.96 n°1 (Der Tod, das ist die kühle Nacht, d'après Heine) ou des séries réussies, tels les neuf numéros de l'opus 32.
[Chacun pourra aisément se repaître du grain de voix qui a sa préférence, de l'épaisseur Christa Ludwig aux acidités de Wolfgang Holzmair, du fait même des caractéristiques du lied brahmsien énoncées précédemment. On peut néanmoins avancer que Fischer-Dieskau, y compris dans les années soixante-dix, constitue une référence assez sûre.] |
| | | Octavie Mélomane du dimanche
Nombre de messages : 81 Localisation : entre Vercors, Chartreuse et Belledonne Date d'inscription : 03/04/2006
| Sujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi Dim 7 Jan 2007 - 21:30 | |
| - DavidLeMarrec a écrit:
- Frauenliebe und Leben Op.42 ("L'amour et la vie d'une femme", textes de Chamisso). => Textes mièvres (y compris dans la langue originale), mise en musique gracieuse, avec de grands moments, surtout la rencontre et la mort. Cheval de bataille des voix féminines. [Entendre Kathleen Ferrier, inapprochable, et plus récemment Bernarda Fink, dans un style plus épique.] Je viens de tomber là-dessus (presque par hasard) : Kathleen Ferrier y est absolument magnifique !!!! Quelle voix ! Et combien elle fait vivre son héroïne ! On a tout le temps de s'attacher à cette jeune fille enamourée, choisie par l'homme qu'elle aime, qui quitte ses soeurs, qui devient épouse puis mère (cet avant-dernier lied est chanté comme l'apogée du bonheur, et de quelle façon !), puis soudain, la mort de son mari. On ignore combien de temps il se passe entre les deux derniers lieder ; probablement, vu le ton général, de nombreuses et paisibles années, mais les lieder s'enchainent impitoyablement, avec une distorsion du temps : les quelques mois de la rencontre à la maternité s'étalent sur 7 lieder, puis il y a le dernier, qui arrive sans prévenir. Et rien pour "faire la transition". Après tant de bonheur, on se prend le dernier lied "en pleine figure", c'est bouleversant. Et vraiment (tant pis pour la répétition) Kathleen Ferrier est fantastique!! |
| | | felyrops Mélomaniaque
Nombre de messages : 1855 Date d'inscription : 20/12/2006
| Sujet: A la découverte du LIED Ven 12 Jan 2007 - 19:31 | |
| Salut David, étant connaisseur d'Alban Berg, tu connais à coup sûr "Dass war der Tag...", une de ses prémières chansons sur texte de R.M.Rilke.
Il y a deux mois, je voulais organiser un récital Berg-Kilpinen, pour lequel la chanson de Yryö Kilpinen sur le même texte de Rilke serait passée en création mondiale et confrontée à la version de Berg. Malheureusement cela m'était impossible, pour le pianiste et la soprano j'aurais dû payer 3.000 €, et ensuite encore trouver une salle.
C'est normal que ces artistes se fassent payer, mais la culture est dure en ces temps-ci, n'est-ce pas? |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi Mar 6 Fév 2007 - 13:57 | |
| Quelques textes déposés en mon absence ! - Octavie a écrit:
- DavidLeMarrec a écrit:
- Frauenliebe und Leben Op.42 ("L'amour et la vie d'une femme", textes de Chamisso). => Textes mièvres (y compris dans la langue originale), mise en musique gracieuse, avec de grands moments, surtout la rencontre et la mort. Cheval de bataille des voix féminines. [Entendre Kathleen Ferrier, inapprochable, et plus récemment Bernarda Fink, dans un style plus épique.] Je viens de tomber là-dessus (presque par hasard) :
Kathleen Ferrier y est absolument magnifique !!!! Quelle voix ! Et combien elle fait vivre son héroïne !
On a tout le temps de s'attacher à cette jeune fille enamourée, choisie par l'homme qu'elle aime, qui quitte ses soeurs, qui devient épouse puis mère (cet avant-dernier lied est chanté comme l'apogée du bonheur, et de quelle façon !), puis soudain, la mort de son mari. On ignore combien de temps il se passe entre les deux derniers lieder ; probablement, vu le ton général, de nombreuses et paisibles années, mais les lieder s'enchainent impitoyablement, avec une distorsion du temps : les quelques mois de la rencontre à la maternité s'étalent sur 7 lieder, puis il y a le dernier, qui arrive sans prévenir. Et rien pour "faire la transition". Après tant de bonheur, on se prend le dernier lied "en pleine figure", c'est bouleversant.
Et vraiment (tant pis pour la répétition) Kathleen Ferrier est fantastique!! C'est très exactement cela, oui, cette distorsion du temps. Kathleen Ferrier n'a jamais été aussi impressionnante que dans ce cycle. Contrairement à ses Mahler, d'ailleurs, l'expression est très précise. Un incontournable. |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi Mar 6 Fév 2007 - 14:02 | |
| - Citation :
- Il y a deux mois, je voulais organiser un récital Berg-Kilpinen, pour lequel la chanson de Yryö Kilpinen sur le même texte de Rilke serait passée en création mondiale et confrontée à la version de Berg. Malheureusement cela m'était impossible, pour le pianiste et la soprano j'aurais dû payer 3.000 €, et ensuite encore trouver une salle.
C'est dommage, tu aurais peut-être pu trouver de jeunes artistes prêts à le faire, non ? Ou même des amateurs. En tout cas, si c'est monté, fais-le nous savoir !
Dernière édition par DavidLeMarrec le Sam 8 Fév 2014 - 15:16, édité 1 fois |
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