Autour de la musique classique

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 Charles Ives

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MessageSujet: Re: Charles Ives   Charles Ives - Page 2 EmptyVen 18 Avr 2008 - 1:45

ce n'est que l'intro, ça risque de lasser assez rapidement.
Donc, pour les disques je conseillerai n'importe quel Michael Tilson-Thomas (surtout pas Litton par exemple)
en priorité la 4ème symphonie, (couplée avec la 1ère, qui est l'autre extrême)
Charles Ives - Page 2 61nzmn10
ou plus accessible peut-être, avec les deux pièces les plus célèbres d'Ives
Charles Ives - Page 2 61tspr10
pour une vision plus variée, mais aussi plus anecdotique
Charles Ives - Page 2 51aynz10
sinon il y a aussi le DG Bernstein de la 2ème symphonie (pour ses compléments de programme très réussis)
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MessageSujet: Re: Charles Ives   Charles Ives - Page 2 EmptyVen 18 Avr 2008 - 2:18

Merci !

Je vais voir ce que l'on trouve de ça facilement alors !
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arsen6203
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MessageSujet: Re: Charles Ives   Charles Ives - Page 2 EmptyVen 18 Avr 2008 - 15:31

Merci Sud pour cette intro pour la symphonie n°4.

Au niveau enregistrement, les CDs de Tilson Thomas que tu cites sont peu facile à trouver. Mais on peut avoir pour une 15aine d'€ chez Amazon un coffret "cheap" de 3CDs reprenant les enregistrements de Tilson Thomas:
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MessageSujet: Re: Charles Ives   Charles Ives - Page 2 EmptyVen 18 Avr 2008 - 16:02

excellent, si j'avais su! je trouve les versions de Tilson-Thomas admirables, en fait ce petit tour dans la musique d'Ives m'a grandement aidé à réviser la vision que j'avais de ce chef (dévouvert il y a longtemps avec la version de Rhapsody in blue, dans l'orchestration d'origine de Grofé, avec Gershwin sur piano-roll)

donc, suite de l'analyse de la 4ème

Nomenclature de la 4ème symphonie
(comme quoi j'ai appris des mots sur ce forum I love you )

Selon la déclaration de Stokowski peu avant la création et l’enregistrement qui suivit dans la foulée, la 4ème symphonie « est au chœur de la problématique d’Ives ».
Elle résume en effet toutes les techniques compositionnelles abordées par Ives, laissant en suspens divers problèmes d’interprêtation, que les chefs d’orchestre n’étaient pas en mesure de résoudre au moment de sa rédaction :

La symphonie fait appel à un effectif orchestral hors du commun, même si, en nombre, il reste inférieur à celui du Sacre ou de la 8ème symphonie de Mahler. L’instrumentum est le suivant :
Bois: 3 flutes, 2 piccolos, 2 hautbois, 3 clarinettes, 3 bassons, auquels s’ajoutent ad libitum saxophone ténor, alto et baryton.
Cuivres : 4 cors, 6 trompettes, 2 cornets, 4 trombones, tuba.
Percussions et claviers : timbales, tambour, grosse caisse, tam-tam (tambour indien), triangle, cymbales, 2 gongs, cloches, glockenspiel, celesta, harpe, piano, piano 4 mains, piano quart de ton, orgue, theremin.
Chœur mixte
A la section de cordes habituelles s’ajoute un orchestre distant (ici dénommé « chœur distant ») consistant en un groupe de 5 violons, 1 alto et 2 harpes.
Cet effectif est mobilisé pour une œuvre dont la durée excède à peine la demi-heure, très exactement (et ce n’est sans doute pas un hasard) dans la version Tilson-Thomas, 33 minutes 33 secondes.
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MessageSujet: Re: Charles Ives   Charles Ives - Page 2 EmptyVen 18 Avr 2008 - 16:11

Spatialisation : la question de l’orchestre distant.

La 4ème symphonie tente de reformuler (voire d’apporter des réponses) à la Question sans réponse, dont la première version date de 1906. Dans cette œuvre, Ives adopte pour la première fois un dispositif orchestral dissocié. The Unanswered question recourt à un ensemble de cordes (non dénombrées) qui joue de la coulisse. Seul sur scène un quatuor de bois (4 flutes à l’origine) répond à une question formulée 7 fois par une trompette qui se tient derrière le public, au fond de la salle. La Question sans réponse est la première partie d’un dyptique (Considération sur une question sérieuse, et Considérations sur une questions sans importance, qui est la pièce Central Park in the Dark) dont les intentions se prolongent aussi dans le mouvement de « Comédie » de la 4ème symphonie.
Cette interrogation sur une « mise en espace » de la musique, agite Ives depuis son enfance et réapparait à de nombreuses reprises dans sa musique, requerrant parfois des musiciens en mouvement, ou en surplomb de la scène. Dans le 1er mouvement de la 4ème symphonie, l’orchestre distant, qu’Ives surnommait « L’Etoile de Bethleem » était censé se trouver, non pas en coulisse, mais suspendu au-dessus de la scène. Il joue le thème « Plus près de Toi, mon Dieu », celui que joua l’orchestre du Titanic au moment du naufrage.
Il semble que l’influence du père ait été déterminante en la matière. Georges Ives dirigeait une harmonie militaire, et Ives raconte comment, assis dans le parc communal il entendit fréquemment se mélanger les musiques de divers Marching-band, qui remontaient les rues adjacentes en sens inverse, tandis que l’orchestre jouait autre-chose sous le kiosque.
Dans le projet d’Universe-symphony, esquissé en 1911-12 (« une description en sons plutôt qu’en musique ») Ives avait envisagé un dispositif de plein air encore plus vaste. Il note dans le 3ème catalogue de son œuvre : « 3 groupes orchestraux principaux ; 1) supérieur (les nuages)
2) inférieur (la terre) 3) la pulsation (percussion). Le groupe inférieur est divisé en plusieurs orchestres (5 au moins) ; le groupe supérieur est divisé en 5 groupes de cordes en contrepoint ; le groupe médian comprend 18 parties de percussions. Au summum de l’activité, on compte 31 voix différentes de contrepoint ». Les masses orchestrales devaient être réparties au sommet de deux collines, alors que d’autres occuperaient les vallées intermédiaires. Le dernier mouvement de la 4ème symphonie se rattache aussi à cette conception de la « pulsation » universelle, puisqu’on y entend le groupe de percussions scander imperturbablement un rythme basique sur lequel viennent se greffer des cellules rythmiques en décalage. Sur la partition, Ives précise qu’il s’agit d’un « ensemble de percussions sous-terraines ». Ce groupe de percussions doit, si l’on respecte les recommandations de l’auteur, être installé sous la scène.
L’exécution de la partition fait donc le plus souvent appel à des chefs d’orchestres assistants, feignant d’ignorer ce qui se passe dans les autres groupes orchestraux (« ta main gauche ignore ce que fait ta main droite » en quelque sorte) de façon à obtenir une superposition des motifs, des rythmes et des tonalités.
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MessageSujet: Re: Charles Ives   Charles Ives - Page 2 EmptyVen 18 Avr 2008 - 16:13

La question de la tonalité et de ses divisions chez Ives

Dans la 4ème symphonie, Ives oppose un centre puissament tonal (le 3ème mouvement, la fugue qui commence dans le plus pur ut majeur) à un déferlement de mouvements poly-rythmiques, et poly-tonaux, ou délibérément atonaux, auxquels se mélangent des harmonies en quart de ton.
Il n’y a pas d’intention sérielle ou systémique chez Ives. Tous ces éléments coexistent et cohabitent. Là encore, il s’agit d’une longue éducation de l’oreille et de l’esprit remontant à l’enfance. Ives enfant s’amusait à chanter des mélodies populaires, entre autres celles de Stephen Foster (Campton races, Jenny with the light brown hair), tandis que son père l’accompagnait au piano dans une autre tonalité. L’écoute de chorales d’église inexpérimentées, produisant des dissonances par erreur, des retards rythmiques, semble l’avoir aussi fortement impressionné, au point de ressentir ces accidents comme de nouvelles sources de beautés insoupçonnées.
« J’avais entendu dans mon enfance certaines expériences de mon père (avec des verres d’eau accordés dans des intervalles plus ou moins larges que le demi-ton) et certaines divisions du ton m’étaient familières. Dans la salle du catéchisme à l’Eglise Centrale Presbytérienne de New York, il y avait deux pianos qui se trouvaient accordés à des hauteurs variant à peu près d’un quart de ton, et j’essayai d’y plaquer simultanément quelques accords. Mais l’un de ces pianos fut déplacé avant que je puisse vraiment y habituer mes oreilles. »(Scrapbook) De ce souvenir naîtront les pièces pour duo de piano en quart de ton, révélées au public en 1923, mais sans doute conçues bien avant 1910 et les premières intuitions de Wychogradsky et Haba dans ce domaine.

Souvenir du père encore : à propos d’une discussion sur quelques pages d’une mélodie de jeunesse s’achevant sur des dissonances irrésolues qui avaient fait enrager Horatio Parker (le professeur d’Ives à Yale) : « Père répondit : « Dis à Parker que toute dissonnance n’appelle pas forcément une résolution, si on n’en éprouve pas le besoin, pas plus qu’il n’est obligatoire de tresser la queue d’un cheval simplement parce que c’est la mode en vogue » (Memos 116)
« Pourquoi devrait-on se débarrasser définitivement de la tonalité ? je ne vois pas. Pourquoi devrait-elle être constamment présente ? je ne vois pas non plus. A mon sens, cela dépend… de ce qu’on essaye de faire, de l’état d’esprit, du moment de la journée ou d’autres accidents de la vie quotidienne » (Essays 117)
Sur la musique de l’avenir : « Dans quelques siècles, quand les enfants des écoles siffleront des mélodies populaires en quart de ton –quand l’échelle diatonique sera aussi obsolète que l’échelle pentatonique l’est aujourd’hui- peut-être ces expériences d’avant-garde seront-elle aussi facilement reconnues qu’aisément exprimées. Mais peut-être la musique n’est-elle pas destinée à satisfaire la bizarre finitude de l’humain. Peut-être est-il préférable d’espérer que la musique demeurera un langage transcendental, au sens le plus extravagant du terme ».(Essays 71).

Evidemment l’originalité de la démarche d’Ives pose non seulement des problèmes aux éxécutants, mais suscite l’incompréhension des milieux musicaux, qu’il ne cesse de stigmatiser dans ses écrits :
« Le classique est bon pour les siècles des siècles, le moderne est mauvais pour les siècles des siècles. Ils ne se limitent pas toujours à « bon et mauvais ». En général, il rangent (dans leur jolis petits esprits étriqués) tout ce qui est conforme à leurs habitudes de son et de technique, du côté de l’idiome classique, que ce soit bon ou mauvais. Tout ce qui sort de cette norme, ils le jettent au panier, c’est une musique qui n’existe pas. Quand bien même ils trouveraient dans cette dernière catégorie quelque chose d’intéressant ou de comparable au meilleur de la catégorie précédente, leur tournure d’esprit les pousse à formuler des sentences du genre : « si vous regardez par la fenêtre et trouvez du plaisir à voir la montagne, comment, à travers la même fenêtre pouvez-vous éprouver du plaisir à contempler l’océan ? » (Memos 121-122)
Ce rejet semble avoir conforté Ives dans la volonté d’aller toujours plus loin, sans jamais céder à la pression. Ainsi le 2ème quatuor, (Quatuor à cordes pour quatre hommes qui conversent, discutent, se disputent (in re : Politik, se battent, se serrent la main, se taisent –puis grimpent au sommet de la montagne pour voir le firmament) est né par provocation, d’une réaction au conservatisme des habitués des concerts du dimanche : « une de mes meilleures choses, mais les vieilles dames (homme ou femme) n’aiment pas ça du tout : ça les rend dingues… Après un concert du Kneisel Quartet dans la vieille salle du Mendelssohn Hall, je commençai la partitition d’un quatuor, à moitié par rage, à moitié par plaisanterie, à moitié pour essayer, m’entraîner, et m’amuser à voir ces violoneux se lever de leur chaise et se comporter en hommes »(Memo 74)
Le troisième et dernier mouvement de ce quatuor (qui au début crie, racle et grince avant de s’achever dans la contemplation des étoiles), est aussi une des sources de la conclusion de la 4ème symphonie.
Des musiciens comme de ses auditeurs Ives réclame de l’audace et du courage : « On confond souvent la beauté en musique avec le confort qui permet aux oreilles de se reposer dans un fauteuil moelleux ». A la fin de la note de programme, à propos du deuxième mouvement de sa 4ème symphonie (sans doute le plus complexe et le plus difficile de toute sa musique) Charles Ives écrivit :
« Il est à supposer que toute musique basée sur plus d’un ou deux schémas rythmiques, mélodiques ou harmoniques, requiert de l’auditeur qu’il joue une part active. Les chefs, les instrumentistes, et les compositeurs, en règle générale, font de leur mieux, et tirent le meilleur profit de la musique, et incidemment, de la vie – bien que ça ne remplisse pas leurs poches. De nombreux auditeurs font de même, mais il est un type d’auditeur qui refuse de faire la moitié du chemin et de se projeter à la rencontre des exécutants, et même en fait de faire le premier pas dans cette direction ; le mieux qu’il peut offrir c’est le prix d’une place et une inertie réceptive déductible de ses prédilections ou de ses habitudes auditives statiques… Certains auditeurs de ce genre demandent uniquement une sorte d’apaisement de l’oreille, dans des limites pré-établies ; s’ils l’obtiennent, il mettent l’étiquette « magnifique » sur la musique ; s’ils ne l’obtiennent pas, ils la dénigrent –c’est mauvais et laid pour eux, « ridicule du début à la fin »… Ce que la musique est ou devrait être réside dans la remarque d’un philosophe inconnu d’il y a un demi-siècle : « Comment peut-il exister une mauvaise musique ? Toute musique vient du ciel. S’il y a quelquechose de mauvais dedans, c’est moi qui l’y ai apporté. La Nature bâtit des montagnes et des prairies, et l’homme y dépose des clôtures et des panneaux indicateurs ».
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MessageSujet: Re: Charles Ives   Charles Ives - Page 2 EmptyVen 18 Avr 2008 - 23:16

Intentions programmatiques et sources

Pour le concert Goossens de 1927, qui comprenait le Prélude et le troisième mouvement (devenu plus tard le deuxième comme on l’a déjà vu), Ives livra au public les pistes suivantes :
« Cette symphony comprend 4 mouvements –un prélude, une fugue majestueuse, un troisième mouvement dans la veine de la comédie, et un finale au contenu spirituel et transcendental. Le programme esthétique de l’œuvre consiste dans la recherche des questions du Quoi ? et du Pourquoi ? que l’esprit de l’homme pose à la vie. C’est là particulièrement le sens du Prélude. Les trois mouvements qui lui succèdent sont les diverses réponses que donne l’existence… La Fugue expose les réactions de la vie dans le domaine du formalisme et de la ritualisation. Le mouvement qui lui succède n’est pas un scherzo… C’est une comédie au sens où le « Chemin de fer céleste » d’Hawthorne est une comédie… »
En ce qui concerne la structure et l’agencement général, on est le plus souvent confronté à deux, trois, ou quatre ensembles instrumentaux distincts, chacun centré sur des cellules rythmiques et des tempi différents qui se superposent dans un tissu où s’imbriquent des lignes mélodiques dérivées des hymnes religieux ou des chansons populaires et patriotiques. Parfois les citations littérales sont destinées à être brièvement reconnues, avant qu’elles ne se fragmentent en cellules, disparaissant, comme en rêve à l’arrière-plan, jusqu’à devenir inaudible. En fait, comme on le trouvera plus tard chez Zimmermann, il n’y a pratiquement aucun matériel rythmique ou mélodique original, le travail consiste à manipuler des samples, anticipant les techniques compositionnelles de l’électronique moderne. Une description des différents mouvements ne peut donc se passer de la référence aux multiples sources et citations qui en constituent la texture.

1er mouvement : Prélude (Maestoso)

Ce bref mouvement de moins de 4 minute se compose de 41 mesures. Contrairement à la plupart des œuvres d’Ives pour grand orchestre qui commencent d’habitude dans un climat méditatif, la symphonie commence par une déclaration fortissimo dans la ligne de basse, à laquelle succède imédiatement un écho de fanfare, avant que les trémolos de cordes ne fassent leur entrée, relayés par « l’ensemble distant » (l’Etoile de Bethleem suspendue au-dessus de la scène) qui entonne un fragment instrumental de Bethany de Lowell Mason « Plus près de Toi mon Dieu » tandis que l’orchestre principal énonce la phrase initiale du gospel « In the Sweet By and By ». Entre alors le chœur, d’abord à l’unisson puis à quatre voix « Watchman, tell us of the night », hymne de l’épiphanie (Lowell Mason encore sur le texte de John Browning), sur les paroles

“Watchman, tell us of the night.
What its signs of promise are:
Traveler, o’er yon mountain’s height.
See that glory beaming star!
Watchman, aught of joy or hope?
Traveler, yes, it brings the day.
Promised day of Israel.
Do’st thou see its beauteous ray? Oh see!”


Le remaniement de cet hymne introductif a connu au moins six versions différentes dans la production d’Ives. La première, pour violon et piano destinée à un mouvement de la 1ère sonate, date de 1901, année où Ives le retravaille en un morceau pour soprano et orgue. En 1905, il en fait une transcription pour cor et cordes : ces trois versions perdues auraient d’après les notes du compositeur présenté déjà un caractère bi-tonal, le thème de l’hymne en ré majeur se superposant à un accompagnement en si mineur. En 1911, Ives remanie la version piano-violon sous la forme qu’il présente aujourd’hui comme troisième mouvement de la première sonate pour violon et piano. En 1913, il en fait un nouvel arrangement vocal, la mélodie Watchman incluse dans la première édition des 114 songs. Après la répétition « Oh see », le mouvement se termine pianissimo et meurt dans le silence.
Les exégètes ont pu identifier dans la texture orchestrale, d’autres citations de "Crusader's Hymn," "Proprior Deo," "Something for Thee", "Welcome Voice," et "Westminster Chimes".
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MessageSujet: Re: Charles Ives   Charles Ives - Page 2 EmptyVen 18 Avr 2008 - 23:23

2ème mouvement : Comedy (Allegretto)

Ce mouvement, l’un des plus développé de toute la musique d’Ives (un peu plus de 11 minutes) occupe l’auteur à partir de 1908. Il se rattache au projet d’une série d’ouvertures dont le sujet est « Men of litterature ». Certaines de ces ouvertures projetées auraient dû être des mouvements pour piano et orchestre, voire des concertos. Dans la première version de ce projet (dès 1908) on trouve Emerson Overture, Hawthorne Piano Concerto, et Orchard House Overture (Orchard house étant la maison des Alcott). Les esquisses donnent naissance vers 1911 aux trois premiers mouvements de la sonate pour piano n°2 « Concord Sonata » dont la composition prend place concurremment à la 4ème symphonie. Le Set d’ouverture dont Ives continue à parler dans ses mémos se transforme en une nouvelle liste, comprenant une « Robert Browning ouverture » (seule pièce qui subsiste) mais excluant les mouvements antérieurs, preuve qu’ils ont trouvé place ailleurs.
D’après des annotations marginales sur le manuscrit de la 2ème sonate, l’esquisse complète du concerto pour piano d’après Hawthorne aurait été achevée le 20 août 1913, en même temps que la version définitive de Watchman (la mélodie) et le deuxième mouvement de la sonate, dont il serait a priori le développement ou l’adaptation. Dans une interview avec le pianiste John Kirkpatrick en 1935, Ives prétend en effet que le 2ème mouvement de la sonate a été originellement conçu comme un morceau pour piano seul, et non une adaptation du concerto (dont le manuscrit est perdu ou détruit). Le concerto aurait servi, tel quel, de troisième mouvement à la 4ème symphonie jusqu’en 1916, après quoi Ives aurait entièrement recomposé le mouvement pour lui donner sa forme actuelle, en même temps qu’il simplifie considérablement le matériel d’origine pour la première publication de la Concord Sonata (en 1921). Néanmoins, peu satisfait du compromis, il réintègre les complexités d’origine pour la révision de la sonate (publication 1947) et retravaille le mouvement pour piano « Hawthorne », qui devient une pièce indépendante sous le titre « The celestial Railroad » (achevé mais non publié avant la mort d’Ives) intitulé de la nouvelle d’Hawthorne dont s’inspire la musique.

The Celestial Railroad (traduction d’origine « Voyage céleste à chemin de fer ») de Nathaniel Hawthorne est une satire basée sur The Pilgrim’s Progress de John Bunyan (1675), œuvre qui raconte la marche des pèlerins jusqu’aux portes de la cité céleste, à travers un paysage constitué de lieux symboliques tels que la Vallée de l’humiliation, la Vallée de l’ombre de la mort etc. Dans la nouvelle d’Hawthorne, le narrateur raconte un rêve durant lequel, équipé du livre de Bunyan faisant office de « guide du routard », il accomplit le pèlerinage, sous le patronnage d’un personnage ambigu, qui se révèlera finalement être une incarnation du diable. Mais, au lieu d’entreprendre ce pèlerinage à pied, avec le baluchon de ses vices et tentations sur le dos, il découvre qu’une ligne de chemin de fer a été construite, qui permet d’aller –avec tout le confort du 19ème siècle- de la Cité de la Destruction jusqu’au ponton du ferry qui mène au pied de la montagne de la Cité Céleste. Il ne l’atteindra jamais, car le ferry fait naufrage, au moment où il se réveille. Il s’agit donc d’une « comédie » satirique, dans le sens où l’œuvre de Dante est elle-même une « comédie ».

Dans les notes qu’Ives livre à Henry Bellamann pour la rédaction du programme du concert de 1927, Ives décrit ce mouvement de la façon suivante : « En fait, la nouvelle d’Hawthorne peut être considérée comme une sorte de programme incidental, dans lequel le progrès du monde permettant de se déplacer facilement, avec plaisir et confort, entre en opposition avec l’épreuve des Pèlerins dans leur périple à travers les marécages. Les épisodes lents (du mouvement symphonique) sont sans cesse perturbées, contrariés et vaincus par ce qui précède. Le rêve, ou la fantaise, s’achève par une irruption brutale de la réalité –la célébration du 4 juillet à Concord, Massachussets- avec fanfare, batterie d’harmonie, etc… »

Contrairement à celui de la sonate ou à Celestial Railroad dont les arpèges agités plongent l’auditeur dans un immédiat tourbillon, le deuxième mouvement de la symphonie commence dans une atmosphère calme, pas totalement apaisée, qui traduit peut-être l’endormissement et l’accès à l’univers du rêve, où les petites percussions (piano d’orchestre, glockenspiel, triangle) se fondent dans des nappes de cordes en quart de ton. Il semble qu’un paysage se forme, par bribes, avant que la locomotive commence à s’ébranler, dans une musique imitative qui n’est pas sans évoquer Pacific 231 et même l’Apprenti sorcier de Dukas. Cette introduction semble illustrer pas à pas le début de la nouvelle d’Hawthorne : « Il y a peu, passant à travers la porte des rêves, je visitai cette région de la terre où s’étend la fameuse Ville de la Destruction. Je fus très intéressé d’apprendre, par la rumeur de ses habitants qu’un chemin de fer avait été récemment établi reliant cette ville populeuse et florissante à la Cité Céleste. Ayant quelque heures devant moi, je résolus de satisfaire ma curiosité dévorante en effectuant le voyage vers cette destination…(…) Au sortir de la ville, à peu de distance de ses faubourgs, notre voiture passa sur un pont de construction élégante, quelque peu étroit à mon avis pour pouvoir soutenir un poids important. De part et d’autre s’étendait un vaste cloaque, qui n’aurait pu être plus désagréable à la vue ni à l’odorat, tous les égouts de la terre y eussent-ils déversé ensemble leur pollution ».

Après les premiers sifflement de la soupape à vapeur, les effluves du rêve s’entremêlent aux avancées cahotiques de la mécanique. Commencent alors les bouffées de musique urbaines tantôt au premier plan, tantôt rejetées dans les lointains à mesure que le train traverse les différents paysages sonores. Ives agit comme s’il pilotait une console de mixage, faisant surgir les voix, baissant impromptument le volume de certaines bandes de fréquences pour en placer d’autres à l’avant. Le contrate entre l’avancée des pèlerins et le voyage matériel et terrestre se manifeste par l’alternance et le mélange d’épisodes de ragtime –Ives en a laissé de nombreux dans ses musiques pour le théâtre-, de danses de salon (jusqu’au menuet) de sections plus tranquilles d’hymnes religieux, rapidement enfouies sous des empilements de fanfares grotesques et tonitruantes. La section finale est empruntée à la Country Band March de 1903, non sans un rappel de Yankee Doodle, évoquant le réveil en fanfare du protagoniste au milieu des festivités de fête nationale.
En fait la structure du mouvement fait écho à Central Park in the Dark (le pendant de la Question sans réponse, la réflexion sur un sujet sans importance) où l’on entend dans la paix nocturne des bouffées de musique de cabaret se rapprocher et s’éteindre dans les lointains.

Parmi les emprunts plus ou moins reconnaissables, on entend (dans l’ordre, les hymnes en majuscules) :
THE BEAUTIFUL RIVER, BEULAH LAND, Camptown Races, Columbia, the Gem of the Ocean, Garryowen, GOD BE WITH YOU, Hail! Columbia, HAPPY LAND, Home! Sweet Home!, Irish Washerwoman, Long, Long Ago, Marching Through Georgia, MARTYN, In de Cold Ground (Massa) NETTLETON, Old Black Joe, On the Banks of the Wabash, Pig Town Fling, Reveille, St. Patrick's Day, Street beat, SWEET BY AND BY, THROW OUT THE LIFE-LINE, Tramp, Tramp, Tramp, Turkey in the Straw, Westminster Chimes, Yankee Doodle; "Country Band" March (Ives)Whasington Post March (Sousa), Hello! Ma Baby, Peter, Peter, Pumpkin-Eater.

Voici la description –éclairante- du mouvement telle que Michaël Tilson-Thomas (chef de la version de référence de la 4ème symphonie) le concevait en 1994 :
Citation :
« Le second mouvement donne une autre réponse au sens de l’existence : « Eh bien, ce sont les choses telles qu’elle semblent être ». Ce deuxième mouvement parle de la Maya, du monde matériel… Il fait référence à tout ce qui se passe en Amérique, en particulier aux assaults de la méchanisation, l’aspect bruyant de la civilisation moderne… C’est une parodie du remue-ménage et de la prédominance du bruit dans la société actuelle, et une parodie du genre de musique qu’on joue quand les dames prennent le thé, qu’elles boivent de la limonade rose en écoutant de la musique de salon. La musique de salon est fabriquée à partir de l’hymne « Beulah Land » ; il s’agit d’une forme très mahlerienne, mais avec une harmonisation délirante et totalement déglinguée. En arrière-plan, les instruments de l’orchestre, ceux qu’Ives appelait les instruments de l’ombre, continuent à jouer de la façon la plus conventionnelle, sans se préoccuper de l’hymne au premier plan. C’est juste un grand pot-pourri de tout ce qui constituait la musique du temps… L’attitude d’Ives vis-à-vis de cette musique, c’est simplement qu’il s’agit d’une partie de la comédie humaine. Parfois vulgaire, parfois sentimentale, parfois mystérieuse, finalement beaucoup de bruit pour rien… Et puis, d’un seul coup, tout est balayé. Comme s’il y avait un grand coup de vent soudain et qu’il ne reste que quelques altos s’essayant désespérément à jouer un sextuplet de quadruples croches qui s’évanouissent dans le vide… »
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MessageSujet: Re: Charles Ives   Charles Ives - Page 2 EmptyVen 18 Avr 2008 - 23:25

3ème mouvement : Fugue (Andante moderato con moto)

Ce mouvement apporterait donc une réponse dans le domaine du « formalisme et de la ritualisation ». Il semble immédiatement compréhensible, et infiniment rassurant… à condition de le détacher de l’ensemble. Mais apporte-t-il une réponse intemporelle, ou bien surannée ? L’intention est-elle ironique ou nostalgique. Que signifie son déplacement après l’étrange déchaînement de la comédie. N’est-il pas lui-même une autre forme de comédie ?
La plupart des commentateurs s’en débarassent assez rapidement, puisque les oreilles ont enfin trouvé une position confortable dans le fauteuil moelleux.

Ce mouvement remonte aux sources les plus anciennes dans la production d’Ives. Il fait référence à l’enfance, au réconfort du partage avec la congrégation, des thèmes bien souvent évoqués dans la première manière d’Ives. Il semble même renouer avec un « avant » antérieur à cette première manière.
Ives a composé la première version de cette fugue, qui n’en est pas vraiment une du point de vue canonique, entre 1896 et 1898, pour son professeur de composition Horatio Parker, sous la forme d’une pièce pour orgue, aujourd’hui perdue. Parmi les premières partitions soumises à Parker, Ives avait apporté une Fugue antérieure à celle-ci, dont les quatre voix étaient écrites dans quatre tonalités différentes, ce qui n’avait pas manqué de mettre en fureur le professeur. Avant d’examiner les sources de ce mouvement, il faut se souvenir que l’énonciation même du mot Fugue, explicitement noté par Ives sur la partition, est forcément lié à l’enseignement délivré par son père, auteur lui-même, pour des besoins éducatifs d’une Fugue (4th Fugue 1891) qui trente ans plus tard servira de base à la composition de la 4ème sonate pour piano et violon. Cette pièce est sans doute liée à l’anecdote maintes fois évoquée par Charles :
« Père m’avait longuement tenu sur les partitions de Bach en m’apprenant l’harmonie et le contrepoint jusqu’à ce que j’entre à l’université… Il disait souvent « Si tu sais écrire une fugue de façon correcte, alors je suis d’accord pour que tu essayes d’en écrire une de façon incorrecte –pourvu que ce soit bien écrit. L’important est de savoir ce que tu fais, et pourquoi tu le fais ». Cette réflexion pourrait s’appliquer à nombre de fugues de Chostakovich par exemple…

Le sujet de la fugue de 1898 est basé sur le choral de Lowell Mason, Missionary Hymn (« From Greenland’s icy mountains » 1824), le contre-sujet est emprunté à l’hymne d’Oliver Holden, Coronation (« All Hail the Power of Jesus’Name » 1793). La même année Ives commence son premier quatuor à cordes « From the Salvation Army : a revival service », dont le premier mouvement intitulé chorale est l’orchestration pour corde du même morceau. Ce quatuor, achevé en 1902 contient de nombreuses autres citations : Beulah Land en particulier, qui n’apparaît pas dans la Fugue est présent dans les trois autres mouvements (comme dans la quatrième symphonie). Ce quatuor suscita l’indignation de Parker, qui ne pouvait concevoir qu’une composition sérieuse fût basée sur des thèmes de « white spirituals ».
Ives donna une nouvelle version de cette composition en 1909, orchestrée pour ensemble de cordes, bois et cuivre, comprenant une entrée dramatique de l’orgue.
En 1911, pour la 4ème symphonie, il en accentua la complexité et le développement, introduisant dans les dernières mesures la citation de « Joy to the world » qu’on attribue en général à Haendel, qui utilise ce thème dans Le Messie. Il recommanda par la suite que l’introduction du 1er quatuor soit supprimée, le réduisant à trois mouvements (comme le suivant). Lors du concert Hermann de 1933, les trois derniers mouvements du quatuor furent joués dans un arrangement pour orchestre à cordes, à la suite de la fugue. (Les interprêtes modernes du 1er quatuor l’ont remise à sa place depuis).

En plus des deux sources principales déjà citées on y trouve des citations de ANTIOCH, WELCOME VOICE. Bach, Toccata and Fugue in D Minor ("Dorian") bwv538, CHRISTMAS, et CHURCH TRIUMPHANT.
Ces citations semblent se concentrer autour de la figure du Messie: néanmoins, on peut se demander dans quelle mesure elles ne représentent pas aussi un “autoportrait” musical, en même temps qu’une sorte de pied de nez au conformisme, ce point central pouvant apparaître par opposition comme une provocation.
Si belle soit la musique, la question de la signification de son insertion entre les deux mouvements les plus résolument avant-gardistes d’Ives, ne me parait pas tout à fait tranchée : en effet Ives donne une dernière réponse à la question initiale, réponse qui ne semble pas aller véritablement dans la même direction.
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MessageSujet: Re: Charles Ives   Charles Ives - Page 2 EmptyVen 18 Avr 2008 - 23:29

4ème mouvement : Finale (Very slowly, Largo Maestoso)

Les premières mesures du finale sont confiées au groupe de percussions (caisse claire, tambour indien, grosse caisse), à vide, qui énoncent un motif ostinato qui se poursuit jusqu’à la conclusion, dans une mesure à 4/4 tandis que le « chœur distant », introduit, dans une mesure à 6/2 un rappel de l’introduction du Prélude. Parallèlement la masse principale, cuivres en avant, dans des dynamiques qui n’excèdent pas le mezzo-forte commence à énoncer des altérations complexes de Bethany de Lowell Mason (« Plus près de toi mon Dieu ») harmonisé avec d’autres fragments d’hymnes (Dornance d’Isaak Baker Woodbury, Martyn de Simeon Butler March et Missionary Chant d’heinrich Zeuner, ainsi que: ANTIOCH, AZMON, HAPPY LAND, NETTLETON, PROPRIOR DEO, ST. HILDA, SOMETHING FOR THEE) et de chansons (Street beat, Westminster Chimes).
La mélodie crée par ces superpositions se déroule comme une lente procession, dans un mouvement ascendant qui évoque « l’appel de la montagne », titre du finale du second quatuor (1907-1911) dont la dernière section sert de base aux mesures finales. Cette fantaisie contrapuntique dérive de la Memorial Slow March pour orgue (perdue), construite avant 1901 et développée en une vaste tapisserie pour orchestre entre 1910 et 1916.
Enfin, le quatrième ensemble, le chœur mixte apparaît de nouveau, énonçant le thème principal (Bethany), sans texte, comme une mélodie « déduite » des tatonnements du développement qui précède, avec cependant une très légère altération de l’original, qui suffit à modifier l’impression général d’apaisement, pour faire basculer l’ensemble du côté du mystère insondable, et lui conférer une fonction proche de ce que pourrait être la répétition d’un manthra.
Dans le second quatuor, l’image finale de réconciliation était « gravir la montagne pour contempler le firmament ». Ici le chœur sans paroles semble venir des profondeurs de la montagne, exactement comme le chœur invisible qu’on peut trouver dans la scène de l’oracle du deuxième acte de Fervaal de d’Indy (tel que Debussy l’imite dans Sirènes ou Krenek dans l’introduction de Jonny spielt auf). Cette répétition d’une construction qui se désagrège, crée un effet d’étrangeté comparable au procédé employé par Koechlin dans la Méditation de Purun Baghat du Livre de la Jungle, et le tic-tac de la pulsation qui réapparait sous la texture incline au rapprochement avec d’autres musiques de l’orient. L’image d’une fusion avec le divin se décale vers une sorte de panthéisme, qui n’est plus la figuration d’une « élévation », mais plutôt d’une dissolution dans un univers rendu au déluge.

Voici comment Tilson-Thomas (in Viva Voce, conversations avec Edward Seckerson) analyse l’impact de ce dernier mouvement :
Citation :
« Ives introduit un nouveau groupe : l’ensemble de percussions, qui représente le cliquetis de l’horloge universelle. Récemment j’ai eu la chance de pouvoir jouer cette pièce à San Francisco avec de véritables percussions sous-terraines… La différence est stupéfiante. Je trouve remarquable que cet homme ait su exactement ce qu’il faisait en imaginant ces choses. Lorsqu’on lit les instructions de la partition spécifiant « un ensemble de percussions sous-terraines », ça a l’air complètement absurde. Mais si vous le faites vraiment, en réservant un espace comparable à celui de la fosse, d’où il puissent jouer, en dessous de la scène, le rendu est fantastique. Donc, cet ensemble joue ce curieux motif rythmique qui suggère le tic-tac de l’horloge universelle. Le thème est toujours le même, celui de l’existence humaine. Et cette fois-ci la réponse prend la forme d’une sorte de procession, de procession de deuil, dont la mélodie est l’une des combinaisons les plus abouties chez Ives de phrases empruntées à diverses sources mélangées. C’est une mélodie triste et éminemment expressive. Quel ensemble ! les violons de l’Etoile de Bethleem jouent avec un violon solo sur scène, et petit à petit, de plus en plus de violons s’y ajoutent… “Plus près de toi mon Dieu” apparaît, sur les harmonies sombres et tragiques de la ligne de basses, celles de la procession, qui enflent de façon désespérée, déchirant et désagrégeant les modulations. Entrent les forces orchestrales du tutti, cuivres, bois et percussions, qui portent plusieurs phrases vers un sommet étincelant, mais paradoxal -aussitôt balayé, un des effets favoris d’Ives. Cet énorme son disparaît, laissant place à un seul violon sur fond de pianos désaccordés, qui jouent, dans les lointains une harmonisation superbe en quart de ton de « Plus près de Toi ».
C’est ce genre de constraste qui structure le mouvement, menant au plus impressionnant des climax, où « Plus près de toi » répété par les cuivres graves est aux prises avec le même hymne dans sa combinaison originale qui tourbillone jouée par l’orchestre distant. Et juste à ce moment, quand le happy-end devrait survenir, tout change du tout au tout, pour se muer en un véritable calvaire, où les sons semblent des âmes entraînées vers les abysses par le pouvoir effrayant de l’orchestre… C’est typique chez Ives de représenter ce moment d’exaltation et de recherche spirituelles par les sons les plus dissonants et les plus criards… Tout converge dans une intensité telle que ça en devient insupportable, et soudain ça s’arrête… Il faut se détourner, les derniers petits reliefs de nerfs que les flammes ont tordu en vrilles conduisent aux prémices d’une longue et lumineuse coda. Le chœur reprend, sans paroles la dernière phrase de Bethany « Malgré tout, tous mes chants se dirigent vers Toi, Seigneur »… au moment où le chœur en arrive à cette phrase ultime, nous parvenons à la raison d’être de cette symphonie. Dans l’hymne original, le chœur chantait la septième augmentée de l’échelle, ut dièse. Mais, à la dernière reprise, Ives abaisse ce septième degré pour revenir au do naturel, si bien que « Plus près de toi » n’est plus une cadence diatonique, mais plutôt une cadence modale. Par cette modification, il transmute l’hymne congrégationnel d’une petite communauté de Nouvelle-Angleterre en l’accordant à la musique ancienne, en une musique de caractère asiatique qui épouse toutes les traditions de toutes les musiques du monde. Puis, alors que toutes les strates superposées de mélodies continuent à se dérouler, la procession se retire lentement. C’est comme si tous les peuples de la terre chantaient, puis la planète elle-même, avec tous ses occupants chantant à l’unisson, s’éloigne de son orbite, et disparaît… »

Pour aider à la compréhension de ce finale, il est utile de se référer au dernier mouvement de l’Orchestral Set n°2 (achevé vers 1919, soit à une période où Ives travaille encore à polir le dernier mouvement de la 4ème symphonie, ou bien juste après l’étape de sa première construction). Le parallèle entre ces musiques est saisissant et aide à comprendre en quoi l’évolution de la pensée philosophique d’Ives est insensiblement passée d’une expérience théologique à une expérience de nature profane et humaine, imprégnée certes d’un certain mysticisme, mais qui s’éloigne de la réponse que la foi et le ritualisme pouvaient sembler apporter.
Le titre du 3ème mouvement de l’Orchestral Set n°2 suffirait presque à l’expliquer : “ From Hanover Square North, at the End of a Tragic Day, the Voices of the People Again Arose”
(D’Hanover Square, à la fin d’un jour tragique, les voix de la foule s’élevèrent à nouveau). Dans l’un des passages les plus bouleversants de ses Mémos (92-93) Ives révèle en partie la clé de l’inspiration de cette pièce (rappelons que l’expérience ici relatée date du 8 mai 1915) :
Citation :
« Nous vivions dans un appartement au 27 West 11th Street. Sur la table du petit déjeuner, le journal du matin annonçait le naufrage du Lusitania. Je me souviens, en allant au travail, que les visages des gens dans le métro aérien et dans les rues, témoignaient de quelque chose d’inhabituel. Tous ceux qui venaient au bureau, qu’ils en parlent ou se taisent, montraient les signes qu’ils partageaient la compréhension d’une expérience sérieuse (Les visages disaient que ça signifiait la guerre, si les langues ne le faisaient pas). En quittant le bureau vers 18 heures, j’entrai dans la station « L » de la 3ème avenue, à Hanover Square. Comme j’arrivai sur la plateforme, une foule dense attendait l’arrivée des trains, qui avaient été bloqués un peu plus bas, et tandis qu’on patientait, un orgue de barbarie jouait dans la rue en contrebas. Quelques ouvriers, assis le long des voies commencèrent à siffler l’air, d’autres se mirent à chanter ou à fredonner le refrain. Un ouvrier arriva sur la plateforme, une pelle sur l’épaule, et se joignit au chœur, puis un banquier de Wall Street, en guêtres blanches, avec une cane, se mêla à l’ensemble, et il ne semblaient pas qu’ils le fissent pour se distraire, juste parce qu’ils pouvaient exprimer ainsi les sentiments qui les avaient agité toute la journée. Il se dégageait de tout cela un sentiment de dignité. L’organiste parut le sentir et rapprocha son instrument de la plateforme en jouant du plus fort qu’il pouvait (et il sembla alors que tous les habitants de New York allaient se joindre à la masse chorale). Puis le premier train arriva, et la foule se précipita à l’intérieur, et la chanson finit par s’éteindre, mais l’effet sur la foule contin uait à se manifester. Presque personne ne disait mot, il semblait que les gens sortaient d’un service religieux. En remontant vers les banlieues, ça et là de petits groupes recommençaient à chanter ou à murmurer des bribes du même air.
Qu’est-ce que c’était que cet air ? Ce n’était pas un hit de Broadway, ni un tube de comédie musicale, ce n’était nu une valse, ni une danse populaire, ni un air d’opéra ou une mélodie classique, ni même quelque chose dont ils connaissaient la mélodie. C’était seulement le refrain. C’était (seulement) le refrain d’un hymne, un gospel qui avait ému les gens des générations passées. C’était seulement « In the Sweet Bye and Bye ». Ce n’était pas une chanson écrite pour faire de l’argent, ou par un professeur de musique –mais par quelqu’un qui livrait à chacun une expérience.
Le 3ème mouvement est basé là-dessus fondamentalement, ce qui se passa à la station « L ». Il y a des rythmes et des thèmes secondaires, qui y sont liés au sens large, mais la facture générale est censée refléter ce que ressentent ces gens, qui vivent, travaillent, et, occasionnellement traversent la même expérience profonde, ensemble. »

By the Sweet Bye and Bye et Bethany ont toujours hanté la musique d’Ives. Leur utilisation, même si elle reste conforme à l’idée de réunion et de congrégation, a peut-être changé de signification pour lui au cours du temps. Ce n’est pas tant l’idée de Dieu qu’ils portent, mais plutôt celle d’une expérience collective à travers la musique, la spontanéité de la réaction humaine devant la douleur et la mort, l’identité de l’humain qui lutte contre l’absurdité et l’inéluctable. L’humanité s’enfonce vers le néant, régresse vers le milieu aquatique d’avant la naissance, et pourtant les voix des hommes continuent à s’élever au-dessus des eaux. Le torpillage du Lusitania (1915) rejoint cet autre événement symbolique qu’évoque en filigranne la 4ème symphonie en guise de réponse universelle à la question de l’existence, l’orchestre du Titanic continuant à jouer -« Save Our Souls »- tandis que les derniers danseurs s’enfoncent dans le ventre de l’océan.
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MessageSujet: Re: Charles Ives   Charles Ives - Page 2 EmptyDim 20 Avr 2008 - 20:29

Passionnant sud ! Merci ! cheers
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MessageSujet: Re: Charles Ives   Charles Ives - Page 2 EmptyDim 20 Avr 2008 - 20:34

tiens? une réaction?
non je plaisante, mettre au net toutes mes constatations sur cette oeuvre m'a vraiment passionné. Je n'avais pas accompli depuis longtemps ce genre de démarche intellectuelle, et les remarques d'Ives lui-même sur la musique sont assez tordantes en même temps que d'une profondeur peu attendue.
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joachim
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MessageSujet: Re: Charles Ives   Charles Ives - Page 2 EmptyDim 20 Avr 2008 - 20:50

Comme je l'ai dit au début du topic, cette quatrième symphonie, à cause de sa complexité et de son atonalisme, est celle que j'aime le moins parmi les quatre symphonies (à tel point que c'est la seule que je n'ai pas en CD).

Mais avec les explications convaincantes de Sud, je vais la réécouter, pour voir si elle me fait toujours la même impression Wink
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MessageSujet: Re: Charles Ives   Charles Ives - Page 2 EmptyDim 20 Avr 2008 - 20:56

je reconnais que c'est un peu difficile à première écoute... j'ai mis 25 ans à la digérer, mais ça permet de remettre en perspective tout le reste de Charles Ives et pas mal de la musique qui lui succède.
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MessageSujet: Re: Charles Ives   Charles Ives - Page 2 EmptyDim 20 Avr 2008 - 20:57

Ah bon, moi j'ai aimé tout de suite. Smile
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MessageSujet: Re: Charles Ives   Charles Ives - Page 2 EmptyLun 21 Avr 2008 - 10:46

sud273 a écrit:
La section finale est empruntée à la Country Band March de 1903, non sans un rappel de Yankee Doodle, évoquant le réveil en fanfare du protagoniste au milieu des festivités de fête nationale.

Ives a aussi utilisé cette fanfare dans la section centrale du deuxième mouvement de son Orchestral set n°1, il me semble (le camp de Putnam)
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MessageSujet: Re: Charles Ives   Charles Ives - Page 2 EmptyLun 21 Avr 2008 - 10:59

oui en effet elle apparait presque en entier dans ce mouvement de l'orchestral set 1. Elle est aussi citée dans Hawthorne et Celestial railroad (puisque tout celà dérive du même matériel) et son intro qui n'est pas reprise dans ces pièces apparait dans la mélodie He is there.
Curieusement elle ne figure dans aucune des 4 listes de ses oeuvres établies par Ives lui-même, alors qu'on en possède un autographe complet.
Elle comporte elle-même des emprunts à Arkansas Traveler, The Battle Cry of Freedom, The British Grenadiers, The Girl I Left Behind Me, London Bridge, Marching Through Georgia, Massa's in de Cold Ground, My Old Kentucky Home, Street beat, Violets, Yankee Doodle; Sousa, Semper Fidelis March.
(première publication et première exécution en tant que telle attestée 1974)


Dernière édition par sud273 le Lun 21 Avr 2008 - 11:01, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Charles Ives   Charles Ives - Page 2 EmptyLun 21 Avr 2008 - 11:00

Merci de ces précisions.

J'aurai l'occasion d'alimenter ce fil très prochainement, car le coffret Bernstein sur les Américains que j'ai reçu contient deux CD entiers consacrés à Ives, qui contiennent la 2è symphonie que je connais déjà, plus des trucs qu'il me reste à découvrir.
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MessageSujet: Re: Charles Ives   Charles Ives - Page 2 EmptyLun 21 Avr 2008 - 13:39

Réécouté la 2è symphonie avec Bernstein. Petite remarque sur l'interprétation : c'est très bien dirigé, mais la prise de son n'est pas franchement glorieuse, le tout est voilé (on se croirait dans les années 60 Confused ), pâteux (la caisse claire) et les cuivres vrillent les oreilles. Cela dit, Bernstein met le feu à l'oeuvre, donc ce n'est pas grave.
Cette 2è que j'avais assez moyennement aimée s'est ici révélée de manière plus franche: de belles couleurs, beaucoup d'émotion aussi, qu'à la relecture de mon commentaire je me rends compte d'avoir zappée, notamment dans la très belle introduction et dans le mouvement lent, vraiment magnifique. Le deuxième mouvement est sympa aussi, très animé, plein de feu et de passion, et une veine mélodique indéniable. Par contre, j'ai encore quelques problèmes avec le finale, qui en dépit d'une bonne humeur évidente et communicative, se perd un peu dans des bavardages sans objet ; et je ne comprends toujours pas l'intérêt de cette horrible dissonance finale, qui ne tombe même pas sur un temps fort, et ne cadre pas du tout avec le reste. Pince-sans-rire je veux bien, mais là ce n'est pas très marrant, sa blague.
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MessageSujet: Re: Charles Ives   Charles Ives - Page 2 EmptyDim 11 Mai 2008 - 10:46

impressionant Sud, en arrivant sur ce topic Ives, je ne connais que par uen seule ouvre La question sans réponse, depuis quelques mois par un devoir à faire en musique. A la première écoute, je me suis dit bon interessant à étudier je m'y met, j'ai trouvé le sujet interessant, un peu facile, bon c'était un sujet de bac (j'aimerais tomber sur un sujet comme ça en juin, un 19 n'est jamais dérangeant Mr.Red ), mais quand je me suis mise à étudier l'oeuvre, il n'a fallu en vérité que je n'écoute l'oeuvre que deux fois la première écoute et une deuxième pour des éléments du sujet et la troisième pour vérifier que je n'avais rien oublié, d'habitude j'ai besoin d'écouter les oeuvres un nombre incalculable de fois vérifier chaque détail, mais là autant j'ai toruvé la première écoute interessante, dès la deuxième, je m'ennuyais, cet oubli de la pulsation par une lenteur extrême et ce cycle des cordes, vraiment j'ai du mal, j'ai réécouté l'oeuvre il n'y a pas longtemps, même combat, je m'ennuie... Alors j'aimerais savoir ce que vous pensez de cette oeuvre.
En totu cas merci Sud pour cet éclairage, je pense écouter la 4ème symphonie pour trouver un jugement nouveau sur ce compositeur.


Je sais que le titre du topic est Ives Symphonie mais je n'ai pas trouvé un autre sujet sur Ives, et le lien était que Sud me fait revoir mon jugement alors bon
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MessageSujet: Re: Charles Ives   Charles Ives - Page 2 EmptyDim 11 Mai 2008 - 11:04

je ne sais pas bien que répondre: il y a un écart entre l'effet direct à l'écoute et l'intérêt intellectuel de cette musique peut-être?
Peut-être faut-il essayer Central Park in the Dark; on trouve souvent chez Ives ces nappes de cordes statiques, ça peut facilement donner l'impression qu'il ne se passe rien, à moins d'avoir un tempérament contemplatif.
Je pense qu'après plusieurs écoute ton jugement se valide de lui-même, si tu t'ennuies, ça ne sert pas à grand-chose de continuer, tu as compris comment ça fonctionne.
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MessageSujet: Re: Charles Ives   Charles Ives - Page 2 EmptyDim 11 Mai 2008 - 12:24

sud273 a écrit:
je ne sais pas bien que répondre: il y a un écart entre l'effet direct à l'écoute et l'intérêt intellectuel de cette musique peut-être?

c'est ce que je me suis dit aussi, parce que j'ai beaucoup aimé travaillé dessus, mais l'écouter...
Je vais essayer de trouver d'autres Pièces de lui à écouter t je verrais ce que j'en pense!
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MessageSujet: Re: Charles Ives   Charles Ives - Page 2 EmptyDim 11 Mai 2008 - 20:54

Tu as compris l'argument de la Question sans réponse ?

La trompette pose la question du pourquoi de l'existence, pourquoi sommes nous sur terre ? La trompette pose la question sur un fond "cosmique" représenté par les cordes. Le quatuor de flûtes essaie de répondre, mais la trompette insatisfaite repose la question, 6 fois en tout. A un moment donné, les flûtes deviennent atonales, donnent l'impression de dire n'importe quoi.
A la fin, la trompette repose la question une dernière fois, et les cordes finissent par se taire. La question de l'existence est restée sans réponse...
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MessageSujet: Re: Charles Ives   Charles Ives - Page 2 EmptyLun 12 Mai 2008 - 10:05

joachim a écrit:
Tu as compris l'argument de la Question sans réponse ?

Oui je pense bien avoir compris, c'est pour ça que j'ai eu un réel interet à l'étudier et que j'ai eu une bonne note après.
Mais quand j'y pense cette musique me fait penser à du Rousseau (oui bonjour les comparaisons hehe ): un véritable interet litteraire et philosophique, magnifique à étudier des idées géniales (enfin pas tout le temps non plus), mais à lire, je m'ennuie... XD
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MessageSujet: Re: Charles Ives   Charles Ives - Page 2 EmptyLun 12 Mai 2008 - 12:40

Booboup a écrit:
cette musique me fait penser à du Rousseau ... un véritable interet litteraire et philosophique... des idées géniales

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MessageSujet: Re: Charles Ives   Charles Ives - Page 2 EmptyLun 12 Mai 2008 - 13:55

WoO, je me demande juste si Booboup pense qu'il est aussi compositeur. Smile
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MessageSujet: Re: Charles Ives   Charles Ives - Page 2 EmptyLun 12 Mai 2008 - 14:42

DavidLeMarrec a écrit:
WoO, je me demande juste si Booboup pense qu'il est aussi compositeur. Smile
D'ailleurs certains passages du Devin font penser au final de la quatrième d'Ives, non? pig
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MessageSujet: Re: Charles Ives   Charles Ives - Page 2 EmptyLun 12 Mai 2008 - 14:44

z'êtes bêtes pété de rire

oui j'avais prévenu que ma comparaison était terrible, mais n'empêche que je ressens la même chose, je me désole pour Ives, parce que le pauvre quand même, être comparé à Rousseau, boaf il le saura jamais
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MessageSujet: Re: Charles Ives   Charles Ives - Page 2 EmptyLun 12 Mai 2008 - 14:53

Jaky a écrit:
DavidLeMarrec a écrit:
WoO, je me demande juste si Booboup pense qu'il est aussi compositeur. Smile
D'ailleurs certains passages du Devin font penser au final de la quatrième d'Ives, non? pig
oui comme tous les opéras de RVW d'ailleurs...
les élucubrations de Rousseau sur un système de notation musicale pourraient cependant constituer un exemple intéressant de remise en cause pré-ivesienne du système figé de la musique tempérée.
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MessageSujet: Re: Charles Ives   Charles Ives - Page 2 EmptyMar 13 Mai 2008 - 15:34

Décidément, vous avez remonté tous les fils que je voulais remonter Shocked

Découvert plein de courtes pièces pendant mes petites vacances.
Firemen Parade on Main Street est étrange, curieusement bruyant, dans un langage plus ou moins atonal qui rappelle beaucoup les "heureuses cacophonies" de la 4è symphonie, avec une orchestration délirante, comme une vision de cauchemar. Ca ne dure que deux minutes, donc c'est chouette, mais j'avoue que ça pourrait devenir lassant. Tone Road n°1 exploite un peu la même veine, pas très passionnant à mon goût. J'ai aussi écouté un Hymn for Strings étrange et fascinant, avec cette écriture d'Ives si particulière pour les cordes, aux frontières de la tonalité, cette impression nocturnale de mystère et d'angoisse. Enfin j'arrive aux deux chefs d'oeuvre: Central Park in the Dark est un coup de génie, il commence tout doucement, dans un lyrisme élégiaque plus mystérieux qu'inquiet, et développe un terrifiant crescendo qui est à tomber par terre, avant de s'évanouir dans le noir. Gloups, c'est terrifiant: à ne pas écouter seul dans le noir! Ives négocie là l'une de ses plus belles réussites après la 4è symphonie pour moi. The Unanswered Question est tout aussi convaincant, très bien résumé par Joachim, et remarquablement bien écrit par Ives qui transcrit très bien en signes musicaux sa "question sans réponse". Fascinant. J'aime assez ce compositeur qui, cela dit, n'est pas un musicien facile.
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MessageSujet: Re: Charles Ives   Charles Ives - Page 2 EmptyMar 13 Mai 2008 - 15:45

assez d'accord avec tout ça, les versions de Bernstein sont d'ailleurs bienvenues car on joue rarement Firemen Parade (comme le match de footbal qu'il n'a pas enregistré non plus et qui est une pièce intéressante). J'aime beaucoup Central Park in the dark, je ne trouve pas ça terrifiant en revanche, juste un peu nostalgique, c'est bien le couplage idéal pour la 4ème, avec la Question sans réponse.
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MessageSujet: Re: Charles Ives   Charles Ives - Page 2 EmptyMar 13 Mai 2008 - 15:51

Quand j'enregistrerai tout ça pour DG, je me souviendrai du conseil.
Nostalgique? Oui, au début, et dans les derniers instants aussi. Mais quand même, je maintiens, le crescendo central est assez renversant.
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MessageSujet: Re: Charles Ives   Charles Ives - Page 2 EmptyDim 8 Juin 2008 - 17:37

arsen6203 a écrit:
Pour la "Universe Symphony" en fait il en existe 3 versions:
Celle de David Porter (1994 ou 1999?) pour la Ives Society qui n'a jamais été enregistré et qui apparement est plus un travail d'éditeur avec quelques reconstitutions en utilisant les partitions de Ives.
Celle de Larry Austin (1994) effectuée contre l'avis de la Ives Society mais selon la volonté de Ives. CAD en reprenant l'idée de base et les thèmes musicaux mais en créant une oeuvre nouvelle. Il s'agit donc d'une oeuvre de Larry Austin sur la musique de Ives mais il ne s'agit pas non plus de variations (il y a l'idée de base et les thèmes condensés en une quarantaine de minutes).
La dernière est de Johnny Reinhard (1990-1996) et a été effectuée avec l'accord de la Ives Society (qui apparemment s'est un peu fait forcer la main). Il s'agit là d'un vrai travail de reconstruction avec réécriture des pages manquantes. Reinhard se base aussi sur les descriptions de Henry Cowell auquel Ives avait demandé de l'aide pour achever la symphonie (Cowell refusera).
Lou Harrison a semble-t-il hésité à faire sa propre édition de la symphonie mais a finalement renoncé. C'est lui qui donne à Reinhard du bout des doigts une copie des partitions.
20 minutes d'extraits de la version de Reinhard sont dispo ici (site de la maison de disque):
http://www.stereosociety.com/ivesCDUniverse.html

Je viens d'écouter cette version de l'Universe symphony revue par Larry Austin, interprété par l'orchestre de Cincinatti dirigé par Gerhard Samuel.

Quand je dis revue, c'est tellement revu qu'il ne doit pas y avoir une note de Ives là dedans. C'est rempli de percussions, ça sonne comme du Boulez. Une horreur !

Moi qui croyait faire une découverte d'un inédit de Ives, je suis servi.

Le CD est complété par l'Orchestral Set n° 2 et l'Unanswered Question. ça au moins c'est du vrai Ives.
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MessageSujet: Re: Charles Ives   Charles Ives - Page 2 EmptyDim 8 Juin 2008 - 20:45

Ahhh ce n'est pas l'original qu'interprète Samuel. Je n'avais jamais entendu la symphonie Universe et pensait entendre l'original. Expérience très décevante pour moi qui m'attendait à quelque chose de tout à fait différent de la part d'Ives.

Ca me rassure de savoir que ce n'est pas l'original. Quelle version non-revisitée pourrais-tu me conseiller ? Very Happy
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MessageSujet: Re: Charles Ives   Charles Ives - Page 2 EmptyDim 8 Juin 2008 - 21:07

il n'y a pas de version originale. Ives a travaillé pendant 20 ans sur les esquisses et il a laissé tomber en affirmant que d'autres seraient plus à même que lui de terminer le projet. Il y a une autre version enregistrée beaucoup plus courte mais j'ai oublié la référence (la version Austin existe aussi dans un autre enregistrement allemand dirigé par un certain Stern et couplée avec la 2èùe symphonie)
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MessageSujet: Re: Charles Ives   Charles Ives - Page 2 EmptyLun 8 Déc 2008 - 19:32

Etrange cette quatrième symphonie, l'écoute au disque en supprime le côté spatial avec les deux orchestres (et le choeur, il est où ?) et donne un sentiment de musique méditative à programme.

Pour l'instant, je crois que j'ai préféré l'orchestral set n°2, il va falloir que je réécoute plus attentivement.
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MessageSujet: Re: Charles Ives   Charles Ives - Page 2 EmptyLun 8 Déc 2008 - 19:36

tu n'as pas de "Watchman"? dans le prélude? je crois qu'il faut changer de version alors, le choeur apparaît assez birèvement dans le dernier mouvement aussi. Le 3ème mouvement de l'OS2 existe en version avec choeurs ad lib.
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MessageSujet: Re: Charles Ives   Charles Ives - Page 2 EmptyLun 8 Déc 2008 - 19:39

Sisi, j'ai les choeurs, mais je me demandais comment tout cela était disposé.
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MessageSujet: Re: Charles Ives   Charles Ives - Page 2 EmptyLun 8 Déc 2008 - 19:47

normalement je pense, derrière l'orchestre, le "choeur distant" est le petit ensemble orchestral "au-dessus" de la scène avec 2 violons, un alto, une harpe je crois, je ne sais plus l'effectif exact. Il y a aussi des pupitres en coulisse me semble-t-il et l'ensemble de percussion sous la scène pour le dernier mouvement.
Dans la question sans réponse la trompette principale est censée être placée derrière le public au fond de la salle.
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MessageSujet: Re: Charles Ives   Charles Ives - Page 2 EmptyLun 8 Déc 2008 - 19:58

sud273 a écrit:

Dans la question sans réponse la trompette principale est censée être placée derrière le public au fond de la salle.

Oui, en concert l'effet est étonnant, le petit effectif est éparpillé et cela donne un effet très poétique, les appels de la trompette. Sa spatialisation n'est pas du tout gadget comme chez des compositeurs plus récents.

J'imagine que c'est plus massif dans cette symphonie n°4, enregistré c'est dissonant, mais je me demande comment fonctionne l'effet de dialogue entre orchestre.

Un vrai marginal, Charles Ives, je ne connaissais pas du tout.
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MessageSujet: Re: Charles Ives   Charles Ives - Page 2 EmptyLun 8 Déc 2008 - 21:29

un génie, oui! Very Happy
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MessageSujet: IVES / MALHER : témoignage   Charles Ives - Page 2 EmptyMar 16 Déc 2008 - 10:52

Bertrand67 a écrit:
Je ne sais pas si un sujet existe déjà sur ces oeuvres ? Je n'en ai pas trouver alors j'ouvre celui-ci. Pourquoi cet interet soudain du Mahlerien que je suis pour Ives ? Eh bien tout simplement grace au hasard ! Je suis tomber sans m'y attendre sur 2 très beaux disques qui m'ont tappés dans l'oeil, les symphonies 1 à 4 d'Ives par Andrew Litton. Maintenant le contenu est-il aussi au rendez-vous, à l'instar du contenant ?
Je ne connais strictement rien à Ives et encore moins à ses symphonies !
D'où les questions suivantes: Ives bien ou pas bien ? Celà pourrait-il me plaire ? Enfin Les deux sacd de Litton sont-ils valables ?

Beaucoup de mystères à lever donc ! Wink

Charles Ives - Page 2 >67540SA Charles Ives - Page 2 CHYP-67525-SA

J'ai eut la chance d'écouter un extrait d'une symphonie de Malher aux côtés d'Henri Louis de la Grange (grand biographe de G.Malher)
Il me demanda à l'époque (il y a longtemps ..) ce que je pensais de ce que nous avions entendu :
étant néophyte , seul le coeur parla : "çà me rappelle IVES !" m'entends-je lui répondre ! Ce qui l'étonna ,(il en faut beaucoup pour l'étonner ) puisqu'il en reparla au diner "de la réflexion du petit jeune" sur Malher ....
Et je reste sur cette "parentée" entre les deux compositeurs, pour avoir creusé depuis la réponse, par une collection des oeuvres des deux compositeurs..
Charles Ives est assez étonnant et son histoire aussi ....
Son dernier projet était de placer des orchestres depart et d'autre d'une vallée et de les faire jouer ensemble ....ses oeuvres sont de cette nature !

Michel
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MessageSujet: Re: Charles Ives   Charles Ives - Page 2 EmptySam 20 Déc 2008 - 22:05

J'aime beaucoup la Symphonie N°04, pour ma part.


Dernière édition par Zeugma le Sam 20 Déc 2008 - 22:20, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Charles Ives   Charles Ives - Page 2 EmptySam 20 Déc 2008 - 22:13

Attention, Ives n'est pas libre de droits... Mais ce que tu proposes est intéressant !
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MessageSujet: Charles Ives, sonates pour Piano   Charles Ives - Page 2 EmptyMar 30 Déc 2008 - 22:27

Je viens d'écouter ce disque ;

Charles Ives - Page 2 51BERCDBNXL._SS400_

Il s'agit de la deuxième Sonate pour piano de Ives (qui n'en a écrit que deux me semble-t-il d'ailleurs), couplée avec la sonate pour piano de Barber. Je passe sur celle de Barber dont je n'ai deja plus aucun souvenir, pour me concentrer sur celle de Ives. Je n'avais jamais entendu une pièce pour piano de Ives auparavant, et cette sonate dite "Concord Sonata" qui jouit d'une excellente réputation, est véritablement fascinante, j'oserai même employer le terme de chef d'oeuvre; Composée en 1916 (révisée en 1947 je crois), il est véritablement difficile de la catégoriser tant elle peut sembler lorgner du coté d'un Prokofiev avant d'afficher soudainement une facette étonamment Debussyste, le tout avec une coloration folklorique typiquement nord-américaine, c'est dire si elle relève d'une esthétique particulière et que l'on ne retrouve finalement nulle-part ailleurs que chez Ives. Le style d'Hamelin sied plutot bien à cette pièce, sa virtuosité rigide faisant ressortir les contours rugueux de la pièce, mais je pense que l'on peut trouver mieux ailleurs, notamment dans une approche mettant l'accent sur la très grande beauté harmonique de l'oeuvre, lui conférant toute sa poésie et sa grace. L'une des grandes sonates pour piano du XXème siècle.
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MessageSujet: Re: Charles Ives   Charles Ives - Page 2 EmptyMar 30 Déc 2008 - 23:26

Virtuosité rigide, je ne dirais pas ça. Il y a une certaine 'objectivité' dans le jeu de Hamelin, sans pathos, mais c'est tout à fait souple.

Par ailleurs, je me permets de te conseiller de réécouter la Sonate de Barber, en particulier le mouvement lent, avec son thème atonal bancal développé en variations comme un vrai thème. C'est assez génial aussi.
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MessageSujet: Re: Charles Ives   Charles Ives - Page 2 EmptyMer 31 Déc 2008 - 1:00

Tu à raisons je viens de réecouter la sonate de Barber et ce n'est pas si mal que ca en fait Mr. Green .
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MessageSujet: Re: Charles Ives   Charles Ives - Page 2 EmptyJeu 22 Jan 2009 - 12:38

Puis-je débouler comme éléphant dans magasin de porcelaine avec les quatuors qu'il a composé et qui sont de fort bonne facture ...
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MessageSujet: Re: Charles Ives   Charles Ives - Page 2 EmptyVen 20 Fév 2009 - 22:44

A propos de la première symphonie (tiré du fil Playlist) :

Spiritus a écrit:
j'aime bien, c'est très frais, presque un pastiche de Dvorak. Pas du tout du "vrai" Ives mais quelque chose d'attachant.

sud273 a écrit:
dans la version MTT (sur édition critique révisée) on se rend compte que c'est beaucoup plus du Mahler que du Dvorak en fait, et après écoute des mélodies -celles tirées du thème initial du I- on perçoit que l'intention estbeaucoup moins tranquillement classique qu'il n'y parait.

J'ai surtout aimé les deux premiers mouvements. La fin du premier est très impressionnante et n'a rien à envier à Dvorak ou à Mahler. Le dernier mouvement m'a semblé déjà légèrement plus moderne.

J'ai enchaîné avec la symphonie n°4 sur le même disque, toujours dirigée par Michael Tilson-Thomas. C'était ma deuxième écoute. La première n'avait pas été concluante et je n'avais pas aimé l'assemblage-collage d'éléments disparates à la fois très modernes et très classiques. Je n'ai pas encore lu les longs commentaires de Sud sur la quatrième, quelques pages en arrière, mais je vais m'y atteler. Pour le moment je peux juste dire que j'aime surtout le second mouvement avec ses explosions complètement jouissives et dans une moindre mesure la fugue très lyrique qui lui fait suite. J'ai du baisser le son lors du dernier mouvement pour ne pas ameuter les voisins et je trouve le prélude complètement insignifiant. Lors de ma première écoute les aspects les plus radicalement modernes m'avaient fait penser à Tishchenko.


Dernière édition par WoO le Ven 20 Fév 2009 - 22:53, édité 3 fois
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MessageSujet: Re: Charles Ives   Charles Ives - Page 2 EmptyVen 20 Fév 2009 - 22:47

Le prélude me fait plutôt penser à du Schönberg. Mais tout a déjà été dit sur cette oeuvre, en effet dévore ce qu'a écrit sud, c'est éclairant et révélateur!
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