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| Bartok : discographie pour les quatuors | |
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| Total des votes : 45 | | |
| Auteur | Message |
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DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97923 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: Bartok : discographie pour les quatuors Dim 28 Fév 2021 - 23:40 | |
| - Eusèbe a écrit:
- Les Vegh, c’est sûrement très bien, mais je ne les ai jamais écoutés. Juillard, c’est peut-être un peu cérébral par rapport à tes attentes.
Spectre très aéré, approche tellurique et rugueuse, mais effectivement dans le même temps une forme de détachement, de pure interprétation formelle. Assez particulier. |
| | | jpwol Mélomane averti
Nombre de messages : 449 Age : 34 Localisation : Paris Date d'inscription : 14/02/2009
| Sujet: Re: Bartok : discographie pour les quatuors Lun 1 Mar 2021 - 15:01 | |
| Oui j'ai peur que cette approche des Juilliard soit intimidante pour un premier contact... Dans tous les cas j'ai écouté et adoré les deux premiers quatuors ainsi que le 5ème par les Takacs (II). En revanche, quelle noirceur, quel pessimisme...Même les quelques éclats me semblent plein de désillusion. Pas une musique à écouter "en fond", mais avec la concentration requise j'ai trouvé ça très riche et émotionnellement intense. J'ai pu écouter le 5ème quatuor par le Jerusalem Quartet: quelle claque ! Dans le premier mouvement j'ai eu l'impression d'entendre plus de lignes et de détails, c'est magnifique. Je crois que je vais rester un certain temps en compagnie de ces pièces |
| | | Anaxagore Mélomane chevronné
Nombre de messages : 3094 Age : 59 Date d'inscription : 06/01/2012
| Sujet: Re: Bartok : discographie pour les quatuors Sam 30 Oct 2021 - 17:34 | |
| Je me suis fait une petite écoute comparée des huit versions des quatuors de Bartók dont je dispose dans mes armoires, et j’en livre ici les résultats. Inscrits dans la descendance des derniers quatuors de Beethoven, les quatuors de Bartók constituent une tentative de synthèse alchimique du folklore hongrois et de la tradition savante occidentale. Chaque quatuor campe un univers très singulier. C’est pourquoi je me propose de livrer mes impressions quatuor par quatuor, étant acquis qu’un même ensemble ne réussit pas nécessairement toutes les œuvres avec la même pertinence. Premier quatuorVégh IIDans une belle prise de son, les Végh donnent une interprétation très expressive, voire expressionniste, de ce premier quatuor. Refusant absolument le beau son et toute recherche plastique, ils insistent sur la continuité mélodique de l’œuvre, parfois au détriment de la pulsation rythmique, ce qui nous vaut un dernier mouvement un peu décevant. Le son est très charnu, dense, lourd même, mais la justesse est plus d’une fois problématique (problème récurrent avec les Végh). C’est une interprétation assez radicale et, comme telle, à connaître, mais un peu unidimensionnelle. BergLes Berg sont, sans surprise, beaucoup plus virtuoses et brillants, avec un jeu très vibré et une prédominance du premier violon. La beauté plastique est ici ouvertement recherchée, mais cela donne hélas quelque chose de très lisse, voire parfois un peu creux. Ce qui est accentué par une prise de son lointaine et beaucoup trop réverbérée. Les Berg passent en outre totalement à côté de l’enracinement magyar de l’œuvre. Techniquement, c’est très supérieur aux Végh, et le final est de ce point de vue mieux rendu, mais je trouve tout cela au total assez décevant. EmersonPlus rapide que les Véhg et que les Berg, le quatuor Emerson tente une sorte de compromis entre expressivité et virtuosité technique. Aidé par une prise de son de bien meilleure qualité que celle des Berg, il donne quelque chose de plastiquement assez abouti, mais sans la brillance un peu superficielle de ceux-ci. Si le final est mieux rendu que chez les Végh, on reste néanmoins fort loin de la plénitude expressive et de l’authenticité magyare de ceux-ci. Une version très américaine et civilisée de l’œuvre de Bartók. DiotimaDans une excellente prise de son, les Diotima donnent une version très introspective, très sobre et intériorisée du premier quatuor. Les tempi sont assez lents, parfois trop selon mon goût. La sonorité est moins vibrée que chez les Berg et les Emerson et, comme les Végh, ils se montrent surtout sensibles à la dimension mélodique de l’œuvre, au détriment du « motorisme » spécifiquement bartokien (final). En un mot, plus l’expression que la virtuosité (Berg, Emerson), mais aussi plus l’introspection que l’expressionnisme (Végh). KellerLa prise de son est ici plus lointaine et réverbérée, mais sans excès. C’est dommage parce qu’on ressent moins physiquement la présence des instruments. Sinon, cette version est d’une qualité superlative. Les Keller arrivent à allier l’intensité et l’intériorité du premier mouvement avec la danse du final. Le jeu est sobre, peu vibré, mais les tempi sont nettement plus rapides (environ 29’ comme les Végh) qu’avec les Diotima. Techniquement, c’est nettement supérieur aux Végh, mais on a en outre le sens du rythme, du folklore et de la danse qui font défaut à tant d’autres. C’est un peu la quadrature du cercle et c’est remarquable. HongroisLa prise de son est ancienne mais très belle, au plus près des instruments. C’est une version magnifique, plus brillante (davantage de vibrato) et expressive que celle des Keller, mais aussi plus lente et moins dansante. L’expression est ici très intense mais moins intériorisée que chez les Keller ou les Diotima. Le sens du rythme est moindre aussi que chez les Keller, mais supérieur à celui des Végh, et avec une technique supérieure à celle de ces derniers. C’est une belle réussite. Takács IIVoilà tout autre chose. À rebours des Végh, des Hongrois, des Keller ou des Diotima, les Takács optent pour une expressivité délibérément extravertie, mais sans la brillance un peu superficielle des Berg (beaucoup moins de vibrato) et avec un enthousiasme et un dramatisme qu’on ne trouve pas chez ces derniers. La prise de son, très claire, est délibérément réverbérée, ce qui donne une ampleur quasi-orchestrale au quatuor. À certains moments, on a même l’impression d’entendre un orchestre à cordes. Le tempo est rapide, voire endiablé (final) et les Tákacs emportent tout sur leur passage. On peut trouver l’intériorité des précédents autrement exemplaire, mais l’enthousiasme et le dramatisme des Tákacs sont vraiment communicatifs. Je dis oui ! Tokyo ISuperbe prise de son pour une version qui joue la carte du modernisme. L’homogénéité et la virtuosité sont ici époustouflantes. Précision, fermeté des attaques et des traits : aucune mollesse dans cette approche d’une beauté plastique assez étourdissante et aux tempi rapides. Et cela ne se fait pas au détriment de l’intensité expressive, mais quand même au dépens de l’authenticité magyare. Le quatuor de Tokyo est né aux USA et arbore une esthétique assez proches des ensembles américains. C’est en un mot trop civilisé, surtout dans le final qui est très loin de la folie que savent y insuffler les Takacs ou encore de la danse des Keller. Mais c’est très beau. Hormis peut-être les Berg, il n’y a pas vraiment de ratage ici. Mais, si je dois faire un choix personnel pour ce premier quatuor, j’opte d’abord pour les Keller et les Takács.
Dernière édition par Anaxagore le Mer 17 Nov 2021 - 14:38, édité 5 fois |
| | | Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 91596 Age : 43 Date d'inscription : 08/06/2005
| Sujet: Re: Bartok : discographie pour les quatuors Sam 30 Oct 2021 - 18:09 | |
| Super, merci. Je vais me faire un petit parcours en picorant parmi les versions dont tu as parlé. (je n'en connais pas encore beaucoup, à part Keller et Diotima) |
| | | Cololi chaste Col
Nombre de messages : 33410 Age : 43 Localisation : Bordeaux Date d'inscription : 10/04/2009
| Sujet: Re: Bartok : discographie pour les quatuors Sam 30 Oct 2021 - 18:15 | |
| Il manque le quatuor Juilliard, tout de même. _________________ Car l'impuissance aime refléter son néant dans la souffrance d'autrui - Georges Bernanos (Sous le Soleil de Satan)
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| | | Anaxagore Mélomane chevronné
Nombre de messages : 3094 Age : 59 Date d'inscription : 06/01/2012
| Sujet: Re: Bartok : discographie pour les quatuors Sam 30 Oct 2021 - 18:58 | |
| - Cololi a écrit:
- Il manque le quatuor Juilliard, tout de même.
C'est vrai ; c'est un manque... et un trou dans ma discothèque. Mais ce n'est hélas plus disponible ... |
| | | Bruno Luong Mélomaniaque
Nombre de messages : 1750 Date d'inscription : 07/08/2012
| Sujet: Re: Bartok : discographie pour les quatuors Dim 31 Oct 2021 - 10:01 | |
| Les juilliard ont enregistrés au moins1949 et en stéréo 2 fois, en mono 1949 et en stéréo 1963. Le cycle mono vient d'être réédité dans le coffret [i]The Early Comumba Recording. [/i]
Malgré le trou ca reste un très beau panorama. |
| | | Anaxagore Mélomane chevronné
Nombre de messages : 3094 Age : 59 Date d'inscription : 06/01/2012
| Sujet: Re: Bartok : discographie pour les quatuors Dim 31 Oct 2021 - 13:39 | |
| - Xavier a écrit:
- Super, merci.
Avec plaisir . - Bruno Long a écrit:
- Malgré le trou ca reste un très beau panorama.
Merci . La suite arrive bientôt et j'écouterai une version des Juilliard en streaming. |
| | | Iskender Mélomane chevronné
Nombre de messages : 2700 Age : 57 Localisation : Bretagne Date d'inscription : 11/08/2009
| Sujet: Re: Bartok : discographie pour les quatuors Lun 1 Nov 2021 - 15:17 | |
| Merci pour cette synthèse en cours Anaxagore. Lorsque tu as posté Keller et Diotima en playlist, je me suis dit "voilà mes versions préférées". Et puis tu as ajouté les hongrois et Takacs II, et là je me suis dit "c'est vrai, j'adore aussi ces deux-là." Quant aux Tokyo, j'en suis curieux. Tes posts vont m'être utiles et feront partie de ces posts du forum auxquels je sais que je peux me référer ; d'autant que si je fréquente régulièrement les quatuors 4-5-6, ce n'est pas trop le cas des trois premiers. |
| | | Anaxagore Mélomane chevronné
Nombre de messages : 3094 Age : 59 Date d'inscription : 06/01/2012
| Sujet: Re: Bartok : discographie pour les quatuors Lun 1 Nov 2021 - 16:38 | |
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| | | Anaxagore Mélomane chevronné
Nombre de messages : 3094 Age : 59 Date d'inscription : 06/01/2012
| Sujet: Re: Bartok : discographie pour les quatuors Lun 1 Nov 2021 - 18:19 | |
| Voici la suite : Deuxième quatuorVégh IIVersion expressionniste, grimaçante, sans aucune concession au beau son. Aucune des âpretés de cette musique ne nous est épargnée. Le son est charnu, creusé, mat, parfois couinant, ce qui est accentué par la prise de son très proche. C’est délibérément « laid ». Dans cette optique, le final funèbre et désespéré est particulièrement réussi : c’est un cortège menaçant de spectres et d’apparitions grimaçantes. La virtuosité n’est par contre pas le fort des Végh et le second mouvement, dont la pulsation rythmique n’est pas particulièrement mise en valeur, ne trouve pas chez eux la hargne qu’on serait en droit d’attendre ici. Au total, l’écoute de cette version est fort éprouvante et on en sort un peu exténué. BergLe problème de cette version, c’est vraiment la prise de son trop lointaine et trop réverbérée. Si on y ajoute un déséquilibre entre les voix avec la prédominance du premier violon très vibré de Günter Pichler, on a tous les ingrédients qui expliquent ma déception. C’est beaucoup trop lisse et extérieur, brillant mais un peu creux. Dans des tempi nettement plus rapides que chez les Végh, l’âpreté de la musique de Bartok est bien rendue, mais le son est trop peu charnu, trop brillant pour permettre un dépassement de sa surface. Cela se vérifie en tout cas dans le moderato initial et dans le lento final. L’allegro central est mieux rendu, avec davantage de violence et de percussion que chez les Végh. Les Berg en illustre mieux le motorisme spécifique. Mais, au total, je n’adhère pas trop. Tokyo ITempi assez lents pour une version très personnelle. Le moderato est intensément expressif et d’une très grande beauté plastique, mais avec un excès sensible de vibrato. L’allegro est curieusement lent et très appuyé avec des accents très massifs. On retrouve ici la grande précision des attaques, des accents et des traits qui fait la spécificité de l’approche des Tokyo. Le lento final est un véritable nocturne, intense mais une nouvelle fois trop vibré. La réalisation est superlative pour une approche plutôt objective d’une grande beauté plastique. Mais c’est au détriment de l’authenticité magyare. La prise de son est toujours aussi réussie. HongroisBelle prise de son. Les sonorités sont mates et rêches. Comme chez les Végh, refus total du beau son et de la belle plastique, mais c’est quand même mieux maîtrisé techniquement. L’approche est aussi beaucoup plus intérieure (peu de vibrato) et pudique, dans des tempi plus lents. L’esthétique est moins expressionniste, loin du monde spectral des Végh. Le second mouvement manque quand même de sauvagerie et de folie : cela ne danse pas. Le nocturne final est très beau, très intériorisé. KellerLà, c’est le coup de foudre ! Ce que les Keller font ici est extraordinaire. Dans la premier mouvement, l’intensité en même temps que la sobriété de l’expression, la souplesse agogique, la fluidité dans la conduite des voix, la beauté des sonorités sont magnifiques. Dans le second, cela danse comme jamais, avec un naturel confondant. Dans le nocturne final, nos quatre musiciens font entendre des sonorités magiques et envoutantes. Pour les trois mouvements, les tempi sont d’une manière générale plus rapides que la moyenne. On est très loin de l’âpreté des Végh, mais cela sonne avec une telle évidence qu’on se dit que « cela doit sonner comme ça ». J’adore même si je continue à regretter cette prise de son trop lointaine. Takács IIL’interprétation des Takács montre grosso modo les mêmes caractéristiques que celles du premier quatuor : lyrisme intense et extraverti, dramatisation du discours, ampleur quasi-symphonique, beauté plastique, sans que cela soit au détriment de l’âpreté (les dissonances frottent). Le second mouvement, à la pulsation bien accentuée, danse comme il se doit. Le nocturne final, trop extérieur, manque par contre un peu de mystère. Une très belle version mais qui me subjugue moins que celle des Keller. EmersonOn se rapproche ici de ce que font les Berg, mais en beaucoup mieux réussi. Dans une belle prise de son et sur des tempi un peu plus lents que la moyenne, les Emerson allient, comme dans le premier quatuor, la virtuosité et la perfection technique avec un dramatisme très extraverti et brillant (trop de vibrato à mon goût). Le second mouvement, très pulsé, est hargneux, mordant et rageur à souhait. Le nocturne final retrouve les accents mystérieux qui manquaient un peu aux Takács mais hélas toujours avec un excès de vibrato. C’est bien. DiotimaAvec les Diotima, on se rapproche plutôt de l’optique des Végh, mais en plus retenu et moins éprouvant. Dans la continuité avec les options du premier quatuor, les quatre musiciens adoptent, dans des tempi légèrement plus lents que la moyenne, une certaine réserve expressive. Pas de recherche de la brillance (peu de vibrato) ou de la virtuosité gratuite, mais une intériorisation douloureuse et pudique du discours. Dans cette optique, le second mouvement perd un peu de son mordant et de sa sauvagerie, mais le final par contre, méditation nocturne nimbée de mystère, est magnifiquement réussi. Très belle prise de son. Juilliard (1981)Écouté en streaming sur mon ordinateur, dans des conditions sonores de moins bonne qualité que pour les autres versions. Les Juilliard ont une approche épurée, rigoureuse, dépassionnée, un peu cérébrale, du second quatuor. Refusant la brillance et l’effet, ils font avant tout ressortir, avec une grande sobriété, la logique musicale du discours, avec des timbres plutôt mats et râpeux. Dans cette optique, le second mouvement apparaît un peu sage et mesuré, à distance de l’enracinement populaire magyar de cette musique. Le nocturne final est par contre assez miraculeux et me rappelle l’excellence des Juilliard dans les pièces pour quatuor de Webern. On y retrouve la même atmosphère raréfiée, puissamment évocatrice. Bonne prise de son. Au total, une belle version. Pour ce second quatuor, mon cœur ne balance pas, j’opte sans hésitation pour les Keller .
Dernière édition par Anaxagore le Ven 5 Nov 2021 - 2:48, édité 3 fois |
| | | Cololi chaste Col
Nombre de messages : 33410 Age : 43 Localisation : Bordeaux Date d'inscription : 10/04/2009
| Sujet: Re: Bartok : discographie pour les quatuors Lun 1 Nov 2021 - 19:21 | |
| Il y a qq années il y avait une écoute comparée sur le 4° quatuor sur le fofo, si ça t'intéresse. _________________ Car l'impuissance aime refléter son néant dans la souffrance d'autrui - Georges Bernanos (Sous le Soleil de Satan)
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| | | Anaxagore Mélomane chevronné
Nombre de messages : 3094 Age : 59 Date d'inscription : 06/01/2012
| Sujet: Re: Bartok : discographie pour les quatuors Lun 1 Nov 2021 - 19:54 | |
| - Cololi a écrit:
- Il y a qq années il y avait une écoute comparée sur le 4° quatuor sur le fofo, si ça t'intéresse.
Ah oui, merci. Je lirai ça quand j'arriverai au quatrième quatuor . |
| | | Anaxagore Mélomane chevronné
Nombre de messages : 3094 Age : 59 Date d'inscription : 06/01/2012
| Sujet: Re: Bartok : discographie pour les quatuors Mar 2 Nov 2021 - 14:10 | |
| Troisième quatuorBergDe toute évidence, le modernisme agressif du troisième quatuor convient mieux aux Berg que le post-romantisme finissant des deux premiers. Ils en illustrent avec la virtuosité qu’on leur connaît toute la modernité d’écriture, tout en lui donnant une réalisation plastique hautement aboutie. Leur approche est ample, quasi-symphonique et très contrastée. Ils déploient une grande richesse de timbres, soulignant avec brio tous les modes d’attaque déployés par le compositeur ( sul ponticello, martellato, col legno, glissando). Cette fois, c’est mieux réussi. Végh IILes Végh restent fidèle à leur approche âpre et sans concession. Leur vision est plus chambriste que celle des Berg et elle honore mieux que ceux-ci le côté nocturne et mystérieux de l’œuvre. Il sont plus sensibles que les autrichiens à ce qui y demeure malgré tout de continuité mélodique et ils donnent donc une interprétation moins contrastée que ces derniers. Ils sont aussi, sans surprise, beaucoup plus sobres, avec leurs timbres mats, voire ingrats, captés de très près. KellerComme les Végh, les Keller recherchent la continuité mélodique de l’œuvre, mais cette fois en rupture avec toute forme de modernisme outré. Ils tendent à gommer l’âpreté et les aspérités au profit d’une vision plus apaisée, pudique et retenue. Leur sonorité est beaucoup plus sensuelle et avenante que celle des Végh et la réalisation plastique beaucoup mieux soignée. On cherchera en vain ici la hargne, le mordant des Berg, mais c’est au profit d’une vision plus homogène et surtout plus accessible du chef-d’œuvre de Bartók. Certainement une bonne version pour découvrir le quatuor. HongroisComme les Keller, les Hongrois recherchent la continuité mélodique, mais avec moins de retenue expressive, ce qui est sans doute favorisé par la magnifique prise de son au plus près des cordes. Dans un tempo plus retenu que la moyenne, ils donnent une vision lyrique qui tend à inscrire ce quatuor dans la continuité post-romantique des deux premiers. C’est dire que le modernisme n’est pas non plus ce qui intéresse les hongrois qui sont moins sensibles que d’autres aux accents brusques, aux ruptures du discours (Berg), à l’âpreté des dissonances (Végh). C’est néanmoins très beau et convaincant. DiotimaCe que les Diotima font ici est tout simplement magnifique ! Ils choisissent d’illustrer la modernité du quatuor mais le font d’une manière bien plus convaincante que les Berg. Ils donnent une lecture discontinue et séquentielle et diversifient à l’extrême chacun des épisodes. En jouant sur toute l’amplitude de l’échelle dynamique, en mettant clairement en valeur les différents modes d’attaque de leur instrument, en diversifiant au maximum les timbres et en valorisant les différents types d’écriture, ils singularisent au maximum chaque séquence et créent une diversité enchanteresse de climats opposés. Lecture moderniste certes, mais aussi intensément poétique. Et le tout dans une prise de son superlative. Je suis conquis. EmersonPlus j’écoute ce quatuor, plus je me dis que c’est un chef-d’œuvre absolu (ce dont je n’ai en réalité jamais douté, mais ici ça sonne comme une évidence). Et comme tous les chefs-d’œuvre, il n’est pas univoque. Les Emerson me le prouvent en proposant quelque chose de tout à fait différent et d’assez extraordinaire. En adoptant des tempi beaucoup plus rapides que la moyenne (ils jouent le quatuor en moins de 14 minutes, là où tous les autres prennent au moins 15 minutes), ils font de cette œuvre une véritable danse macabre. Ils optent donc pour la continuité, non sur le plan mélodique, mais bien sur le plan rythmique. Ce qui les intéresse, c’est le mouvement. Cela va continuellement de l’avant, avec une férocité, un mordant, une sauvagerie que je n’avais jamais soupçonné dans ce quatuor. Et la réalisation plastique et la prise de son sont somptueuses. J’achète. Tokyo IEncore une approche passionnante ! Ici le troisième quatuor devient le frère du premier concerto pour piano et c’est l’amour de Bartók pour la percussion qui est convoqué. Les Tokyo, optant pour la veine moderniste de l’œuvre, en donnent une approche littéralement « percussive ». Le son est d’une densité incroyable, dru, épais, et on en vient à se demander combien de cordes les musiciens ont cassées durant l’enregistrement . Ils jouent tous les accents avec une brutalité de forcenés, mais dans une approche rythmique qui est fort recherchée. Ils démontrent en effet une grande souplesse agogique et les contrastes de tempi sont nombreux. Il y a une sorte de conflit permanent entre la volonté de relance et de continuité du mouvement et les accents verticaux qui brisent l’élan. Inutile de souligner que la virtuosité et la finition plastique sont sans failles. C’est un peu unidimensionnel comme approche mais on entend là plein de choses jamais entendues ailleurs, et ça mérite le détour. Takács IIFidèles à leur conception symphonique très opulente (on ne cherchera ici aucune sobriété !), les Takács illustrent la veine post-romantique et folklorisante de l’œuvre. Pratiquant une respiration très ample, ils recherchent avant tout la continuité mélodique et gomment beaucoup de la modernité du quatuor. Enregistrés à distance, avec beaucoup de réverbération, leur amplitude dynamique est quasiment limitée aux nuances forte. Peu de place ici pour la suggestion ou le susurrement. Tout est asséné avec une certaine grandiloquence. Par contre, ceux qui sont rebutés par le modernisme de ce quatuor en trouveront certainement ici une porte d’entrée idéale. Les Takács en illustrent idéalement la veine traditionnelle. Juilliard 1981Approche très originale, austère, en demi-teinte, avec des timbres mats — mais très séduisants — et des archets légers (on est à l’opposé du son lourd, dru et dense des Végh). Les Juilliard donnent une lecture plutôt cérébrale de ce quatuor, clairement architecturée et où les plans sont posément distingués. La prise de son, elle-même assez sèche, accentue cette impression d’austérité. Les épisodes mordants, voire brutaux, sont étrangement apaisés tandis que, dans les moments d’accalmie, nos quatre musiciens déploient une poésie nocturne très suggestive et mystérieuse. Dans l’optique qui est celle des Juilliard, c’est cohérent et parfaitement réalisé. Ce quatuor est, parmi les six, sans doute le plus difficile d’accès. Sa concentration et sa concision sont intimidantes. Il reste que c’est un pur chef-d’œuvre et sa richesse nécessite des approches très contrastées. Mon brelan de cœur est le suivant : dans la veine post-romantique : les Hongrois ; pour la veine moderniste : les Diotima ; pour le mouvement et la danse : les Emerson. Mais je ne bouderais pas les Tokyo. En réalité, toutes les versions ont ici quelque chose à offrir qui mérite d’être découvert.
Dernière édition par Anaxagore le Ven 5 Nov 2021 - 2:46, édité 1 fois |
| | | Bruno Luong Mélomaniaque
Nombre de messages : 1750 Date d'inscription : 07/08/2012
| Sujet: Re: Bartok : discographie pour les quatuors Mar 2 Nov 2021 - 14:50 | |
| Merci. Je continue à suivre ça attentivement. |
| | | Anaxagore Mélomane chevronné
Nombre de messages : 3094 Age : 59 Date d'inscription : 06/01/2012
| Sujet: Re: Bartok : discographie pour les quatuors Ven 5 Nov 2021 - 2:45 | |
| Quatrième quatuor
Végh II
On retrouve ici le son dense, granuleux, lourd, épais mais aussi un peu ingrat des Végh, et enregistré au plus près des cordes. Dans des tempi, contre toute attente, un peu plus rapides que la moyenne, ils donnent à l’œuvre une grande continuité mélodique mais, cette fois, aussi rythmique (difficile d’y échapper dans ce quatuor). Dans les deux mouvements extrêmes, la pulsation est très lourdement accentuée. Le nocturne central est mystérieux à souhait, le fantomatique second mouvement est idéalement fuyant, tandis que les cordes de l’allegretto pizzicato crépitent comme un feu de bois. Le souvenir du folklore hongrois n’est en outre pas oublié par nos musiciens et affleure çà et là en filigrane. C’est, à mon sens, l’une des plus belles réussites de l’intégrale des Végh.
Berg
La lecture de Berg est beaucoup plus immédiatement avenante et sensuelle que celle des Végh, mais aussi beaucoup plus superficielle. L’approche est objective et « moderniste ». Les timbres sont séduisants, ronds et chaleureux, tandis que la prise de son lointaine accentue l’ampleur symphonique que les autrichiens donnent à l’œuvre. Les premiers et dernier mouvements y trouvent une lecture efficace et très percussive, mais où la précision des accents est émoussée par la réverbération excessive. Les trois mouvements centraux y perdent par contre beaucoup de leur poésie. Les fantômes fuyants du second ont disparu, de même que les crépitements du troisième. Et on cherchera en vain la poésie nocturne du mouvement central, joué d’une manière platement objective. Une version sans doute mieux adaptée que celle des Végh pour découvrir le quatuor, mais qui ne va pas très loin.
Takács II
Comme les Berg, les Takács proposent une vision symphonique très ample de ce quatuor, mais ils sont beaucoup mieux enregistrés que ces derniers. On a en réalité, tout le long, l’impression d’entendre un orchestre à cordes : on est vraiment à l’exact opposé de la conception chambriste des Végh. Pour le reste, foin ici du modernisme percussif. Les musiciens optent plutôt pour une conception romantique, expressionniste, très extravertie. Avec eux, la musique de Bartók crie, hurle, racle, gémit (les glissandi et les dissonances sont particulièrement mis en valeur). Le motorisme les intéresse beaucoup moins et la régularité de la pulsation rythmique est nettement moindre que chez les Végh ou les Berg, les accents étant par ailleurs émoussés par la réverbération. Ce que les mouvements centraux perdent en poésie, ils le gagnent en couleurs, lesquelles sont ici incroyablement diversifiées et riches. S’il faut choisir une version « symphonique », j’opte pour celle-ci de préférence à celle des Berg : elle est beaucoup plus inventive et engagée. Il reste qu’elle manque pour le moins de sobriété : nos quatre musiciens qui ne font pas dans la dentelle en rajoutent beaucoup. Il faut noter que cette version comptait parmi les gagnantes de l’écoute comparée consacrée à ce quatuor en 2011.
Diotima
On est ici à l’opposé des Takács avec une version chambriste qui illustre résolument la veine moderniste, voire avant-gardiste, du compositeur. Dans une magnifique prise de son, très claire, les Diotima donnent une lecture objectiviste qui fouille la partition dans tous ses détails et en illustrent avant-tout le côté expérimental. Ils mettent en évidence, avec une violence raffinée, la complexité structurelle de l’œuvre, mais aussi les jeux de timbre et d’intensité ainsi que tous les modes d’attaque, beaucoup plus que son motorisme ou son enracinement magyar — pour le coup complètement ignoré. Leur sonorité est dense, granuleuse, incisive mais jamais lourde comme l’était celle des Végh. Elle est par ailleurs beaucoup plus sensuelle et avenante que celle de leurs grands frères hongrois. Les accents, les traits sont ici fins, cinglants et précis. Cela nous vaut des mouvements extrêmes particulièrement fouillés et un second mouvement expérimental qui préfigure directement la musique contemporaine pour cordes. Le mouvement central, très poétique, retrouve par contre son ambiance nocturne, tandis que l’allegretto pizzicato joue le rôle d’intermezzo crépitant. Une grande version.
Tokyo I
La version des Tokyo n’est pas sans analogies avec celle des Diotima. Ici aussi, on a une approche moderniste et objective de la partition, mais en nettement moins fouillé que chez leurs cadets. Captés de près et dans des tempi légèrement plus retenus, les japonais déploient eux aussi une approche anguleuse à la violence raffinée. Mais ce qu’ils perdent en analyse, ils le gagnent en homogénéité et en continuité. On les sent avant tout attentifs au mouvement qui est sans cesse relancé, là où les français s’attachent surtout à décortiquer. On retrouve leurs qualités habituelles d’incisivité, de précision et de clarté, mais cela ne va pas sans une certaine froideur dans les deux premiers mouvements et dans le dernier. Le nocturne central par contre, mystérieux, ainsi que l’allegretto pizzicato, tout en demi-teintes, sont fort réussis. Je reste malgré tout au total un peu mitigé.
Juilliard 1981
Des sonorités sèches, râpeuses, mates et pourtant très séduisantes (j’aime beaucoup), pour une approche une nouvelle fois plutôt objective, à la fois rigoureuse, incisive, énergique, pulsée et en même temps remarquablement architecturée. On a ici à la fois le sens de l’analyse et le sens du mouvement : c’est très fouillé et, dans le même temps, ça avance avec détermination … Par ailleurs, les Juilliard ne haussent jamais le ton et privilégient les demi-teintes à l’opposé de la hargne rageuse que l’on peut trouver ailleurs. On ne recherchera évidemment pas ici les traces de l’idiome magyar qu’on trouvait chez les Végh, ni la fougue romantique des Takács, et tout cela paraîtra sans doute à certains abstrait et désincarné. Mais je ne me suis pour ma part jamais ennuyé et, dans cette optique un peu cérébrale, c’est remarquablement équilibré et réalisé. J’aime beaucoup. N.B. J’ai jeté une oreille à la version 1963 des Juilliard — qui était l’une des gagnantes de l’écoute comparée de 2011 — et les options n’y semblent pas très différentes, sinon qu’elle semble un peu plus rapide et encore plus incisive. Il faut dès lors peut-être la privilégier.
Hongrois
Avec les Hongrois, on retrouve une version romantique et idiomatique, axée sur la continuité mélodique et l’expression. Point l’expression extravertie, voire débraillée, des Takács, mais plutôt celle d’un lyrisme pudique. Dans le premier mouvement, c’est moins la rigueur rythmique, la précision des accents ou la fermeté de l’architecture qui les intéressent que la conduite mélodique des voix, le tout avec une souplesse agogique qui donne le sentiment d’un monde mouvant. Les trois mouvements centraux sont admirables de poésie, le second retrouvant son côté spectral que perdaient les versions modernistes en le réduisant à une banale étude sur les modes d’attaque. Le dernier mouvement enfin allie assez idéalement le motorisme bartokien, et donc une pulsation régulière, avec le lyrisme du premier. Au total, une version qui coule naturellement et qui donne de bout en bout le sentiment d’une improvisation, en faisant droit à la veine populaire magyare de cette musique. Une très grande version.
Emerson
Dans des tempi sensiblement plus rapides que la moyenne et avec des sonorités sèches, râpeuses, incisives, mordantes, les Emerson réussissent ce que les Tokyo, décidément trop lisses, avaient raté : une version entièrement axée sur le rythme, le mouvement ou le motorisme bartokien. Sans cesse, le mouvement est relancé dans une extraordinaire poussée en avant, et cela ne se fait heureusement pas trop au détriment des détails de la partition. La recette est appliquée à tous les mouvements, hormis le nocturne central qui fait ici office d’ilot d’apaisement. La technique des quatre musiciens est sans faille et leur réalisation d’une grande beauté plastique. Une version moderniste et objective, très bien captée, qui fait l’impasse sur l’idiome magyar, mais qui n’en est pas moins grisante. Elle comptait d’ailleurs parmi les gagnantes de l’écoute comparée de 2011.
Keller
La version des Keller est étonnamment proche de celle des Végh, mais elle est aussi beaucoup plus séduisante. Elle peut dès lors, selon moi, avantageusement remplacer cette dernière. Elle est en effet nettement supérieure sur le plan technique (notamment la justesse) et la réalisation plastique. Les sonorités sont ici, comme chez les Végh, très denses, épaisses, granuleuses et même intentionnellement lourdes, mais beaucoup plus avenantes. À l’instar de leurs aînés, les Keller adoptent des tempi modérés et axent leur lecture sur la continuité mélodique et l’expression idiomatique. Dans le premier mouvement, la conduite horizontale des voix est verticalement heurtée par la brutalité et la lourdeur des accords accentués. Le second retrouve ses allures spectrales, le mouvement lent son ambiance nocturne traversée de cris et le troisième sa diversité de couleurs et ses crépitements. Dans le final enfin, on retrouve une pulsation très lourdement accentuée, mais dans un mouvement qui est relancé de manière inexorable. Une très belle version.
Les versions de ce quatrième quatuor sont assez difficiles à départager, tant elles illustrent des aspects différents de la richesse intrinsèque de l’œuvre. Aucune ne réalise vraiment la quadrature du cercle en opérant une sorte de synthèse idéale, ... pour autant que cela soit possible. Pour mon propre compte, j’en retiens surtout quatre. Dans la veine idiomatique, les Hongrois, pour leur spontanéité proche de l’improvisation, et les Keller, plus graves, sombres et rigoureux. Dans la veine moderniste ou objectiviste, les Juilliard (en préférant peut-être la version de 1963 à celle de 1981), pour la synthèse qu’ils opèrent de l’analyse et du mouvement, et les Emerson, pour leur illustration du motorisme bartokien. Ceux qui voient dans le quatrième quatuor surtout une œuvre expérimentale, n’oublierons pas les Diotima.
Dernière édition par Anaxagore le Ven 12 Nov 2021 - 0:53, édité 1 fois |
| | | Anaxagore Mélomane chevronné
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| Sujet: Re: Bartok : discographie pour les quatuors Mer 10 Nov 2021 - 14:37 | |
| Cinquième quatuorAvec ce cinquième quatuor, Bartók tourne le dos aux expérimentations avant-gardistes des deux précédents pour revenir à un romantisme folklorisant et mélodieux beaucoup plus immédiat, de même qu’à une illustration beaucoup plus classique de la forme-sonate et à des fonctions tonales beaucoup plus clairement affirmées. Végh IILes Végh donnent une lecture rigoureuse, clairement architecturée du quatuor, mais d’une architecture de chair qui résulte, sans aucun intellectualisme, de la conduite lyrique et expressive des voix de la polyphonie. La dimension folklorique est sans surprise particulièrement mise en valeur. La structure des deux mouvements extrêmes (deux formes- sonate) est bien rendue, de même que l’ambiance nocturne du second et du quatrième mouvement, ou que la détente du scherzo central. J’avoue néanmoins que la sonorité ingrate et couinante des Végh, ainsi que leur justesse très approximative m’ont assez largement gâché le plaisir. Ces problèmes passent beaucoup mieux dans le contexte extrêmement dissonant des deux quatuors précédents où les tritons et les secondes abondent. Mais dans le quatuor présent où Bartók déploie des mélodies beaucoup plus diatoniques, plutôt que des courts motifs dissonants, ils deviennent vite assez pénibles. BergDans une prise de son lointaine, avec trop de réverbération, on a ici une version très ample, symphonique, virtuose (final très rapide) de ce quatuor. Les Berg en ont une vision objective, classique, extravertie et qui vise la beauté plastique. Les timbres sont évidemment ronds, brillants et la technique est sans faille, mais le résultat est une nouvelle fois très lisse et superficiel. On ne rencontre bien sûr plus les problèmes de justesse des Végh mais on perd aussi leur chaleur, leurs couleurs et leur souplesse. Le résultat est ici raide, parfois confus en raison de la prise de son et froid. Je n’adhère pas trop. HongroisDans des tempi sensiblement plus lents et avec des sonorités râpeuses et mates, captées de très près, les Hongrois propose, pour ce cinquième quatuor, une version très intériorisée, au lyrisme pudique. Cette grande réserve, cette introversion même, conviennent très bien aux deux mouvements lents, en particulier le premier des deux qui atteint ici au sublime. Le premier mouvement souffre peut-être d’un certain manque d’ampleur et d’architecture. Le scherzo central, qui est comme improvisé, est étonnamment retenu. Le final, pourtant mené tambour battant, semble lui aussi un peu trop réservé. Je dois par ailleurs noter au passage que la justesse n’est pas parfaite, mais cela m’a moins gêné que chez les Végh. Une version poétique qui parle la langue hongroise sans accent et avec profondeur, mais qui est un peu unilatérale. EmersonLes Emerson donnent du cinquième quatuor une version classique de grand style, ample, puissamment architecturée, tant au niveau de chacun des mouvements que du quatuor dans son ensemble, et d’une grande beauté plastique. Leurs sonorités sont incisives, mates mais chaleureuses et la prise de son très équilibrée est magnifique. On ne trouvera pas ici les accents populaires des versions plus idiomatiques, mais l’illustration de l’art savant du compositeur à son plus haut point de maturité. Dans cette optique, les deux mouvements extrêmes sont particulièrement réussis : l’architecture complexe du premier ressort avec une clarté parfaite, de même que celle du final endiablé, joué avec une virtuosité sans failles. Mais les trois mouvements centraux sont du même niveau : les deux mouvements lents, sans atteindre la profondeur méditative des Hongrois, sont magnifiques de poésie nocturne, tandis que le scherzo central danse comme il le faut. Je suis conquis. Une très grande version. KellerCe que font ici les Keller est extraordinaire : ils réalisent la quadrature du cercle. Ils dramatisent le discours et lui insufflent une intensité expressive très prenante, tout en assumant l’ampleur, la virtuosité, la beauté formelle et le sens architectural des Emerson dans les mouvements extrêmes et la profondeur méditative des Hongrois dans les mouvements lents. Les tempi sont sensiblement plus rapides qu’ailleurs, mais aussi plus souples. On trouve ici un équilibre idéal entre l’investissement subjectif, la souplesse agogique et la puissance expressive d’une part et les recherches formelles du compositeur d’autre part. Et la prise de son un peu distante ne m’a, pour une fois, pas dérangé. C’est selon mon avis une version vraiment magistrale. Tokyo IÉtonnante version que celle des Tokyo ! Avec la précision et la parfaite homogénéité qui les caractérisent, ceux-ci illustrent avant tout la veine moderniste du compositeur, en axant leur interprétation sur le rythme et le motorisme bartokien. Dans des tempi sensiblement plus lents que la moyenne, il surarticule le discours en lui imprimant une pulsation régulière et en y accentuant avec brutalité tous les accents. Il en résulte une conception très séquentielle des deux mouvements extrêmes où l’architecture globale se perd un peu mais où la logique motivique se trouve au contraire clairement mise en valeur. Les mouvements centraux ne manquent pas pour autant de lyrisme et de poésie, même si on y retrouve ce sens poussé de l’articulation et de la métrique. Une vision personnelle et originale, que d’aucuns trouveront raide et froide, mais qui a le mérite de faire entendre autre chose. J’ai personnellement bien aimé. Juilliard 1981Dans une prise de son très rapprochée et avec des timbres mats, rêches, agressifs, les Juilliard exploitent eux aussi la veine moderniste de la musique de Bartók. Leur vision est très rude et, dans des tempi assez lents proches de ceux des Tokyo, ils alternent, dans le premier mouvement, les séquences très dissonantes verticalement accentuée et les séquences mélodiques beaucoup plus lyriques. Comme les Tokyo, ils articulent très fort le discours, mais c’est moins son motorisme brutal que son âpreté qui les intéresse. Ils soulignent à souhait les dissonances et se soucient peu de la beauté plastique de leur approche. Leur lecture des mouvements lents est objective, mais non dénuée de cette poésie nocturne peuplée d’ombres qui leur sied. Le scherzo, éminemment ambigu, multiplie les atmosphères opposées et est lui aussi très réussi. L’allegro final, pris plutôt modérément et très articulé, est assez grinçant. Au total, la version des Juilliard est beaucoup moins cérébrale que ce à quoi on aurait pu s’attendre ; elle est même très expressive et plutôt grimaçante. J’aime beaucoup. DiotimaDans une belle prise de son et sur des tempi, une nouvelle fois, relativement modérés, les Diotima renouent avec la continuité mélodique propre aux Végh et aux Hongrois. Plutôt que le motorisme, l’âpreté des dissonances, ou la violence des accents, c’est un lyrisme expressif plutôt serein qui les intéresse ici. À la régularité de la pulsation des Tokyo ou des Juilliard, les Diotima substituent, dans le premier mouvement, une grande souplesse agogique qui épouse les épanchements de la courbe mélodique des voix de la polyphonie. Les trois mouvements centraux tournent le dos à l’inquiétude des Julliard pour un lyrisme apaisé. La nuit du second mouvement est paisible, un peu mystérieuse, sans les ombres menaçantes des Juilliard, tandis que le scherzo est unimement allègre. L’allegro final, assez modéré, conclut le quatuor dans la même ambiance plutôt positive. Dans cette optique, il s’agit d’une réalisation pleinement cohérente mais qui ne fait peut-être pas assez droit à la richesse ambiguë de l’œuvre. Takács IIDans ce cinquième quatuor, les Takács restent fidèles à la conception ample et symphonique, intensément expressive et extravertie, qu’ils ont des quatuors de Bartók. Cela convient plutôt bien au premier mouvement puissant et bien architecturé et au final, joué avec virtuosité dans un tempo très rapide. Les deux mouvements lents optent pour le lyrisme mais perdent beaucoup de leur ambiance nocturne mystérieuse, surtout le second. L’extraversion caractérise à nouveau le scherzo, qui perd de la sorte beaucoup de sa subtilité. Une version puissante, virtuose, quasi-orchestrale, de ce quatuor, mais où celui-ci perd beaucoup — je trouve — de sa richesse, de son ambiguïté et de sa complexité. Pour ce cinquième quatuor, mon cœur se porte une nouvelle fois en priorité vers les Keller, pour leur conciliation des contraires et la richesse de leur approche, mais je reviendrai également sans aucun doute aux Emerson pour leur classicisme de grand style, aux Juilliard pour leur modernisme grimaçant et aux Tokyo pour leur approche surarticulée et motorique. |
| | | Benedictus Mélomane chevronné
Nombre de messages : 15565 Age : 49 Date d'inscription : 02/03/2014
| Sujet: Re: Bartok : discographie pour les quatuors Mer 10 Nov 2021 - 14:46 | |
| Je n'ai pas forcément grand chose à ajouter (parce que je ne suis pas un grand connaisseur du corpus, que je connais pas toutes les versions, et que je suis le plus souvent d'accord avec toi quant à celles que je connais), mais merci pour ce panorama absolument passionnant, qui éclaire toutes ces versions de manière à la fois synthétique et très évocatrice! |
| | | Anaxagore Mélomane chevronné
Nombre de messages : 3094 Age : 59 Date d'inscription : 06/01/2012
| Sujet: Re: Bartok : discographie pour les quatuors Mer 10 Nov 2021 - 15:35 | |
| - Benedictus a écrit:
- Je n'ai pas forcément grand chose à ajouter (parce que je ne suis pas un grand connaisseur du corpus, que je connais pas toutes les versions, et que je suis le plus souvent d'accord avec toi quant à celles que je connais), mais merci pour ce panorama absolument passionnant, qui éclaire toutes ces versions de manière à la fois synthétique et très évocatrice!
Merci Benedictus . |
| | | Anaxagore Mélomane chevronné
Nombre de messages : 3094 Age : 59 Date d'inscription : 06/01/2012
| Sujet: Re: Bartok : discographie pour les quatuors Dim 14 Nov 2021 - 18:17 | |
| Sixième quatuor
Le plus sombre des quatuors de Bartók est composé de quatre mouvements convergeant tous vers le dernier noté Mesto (triste), qui développe une mélodie profondément mélancolique et désabusée. Chacun des mouvements précédents est initié par une amorce, chaque fois plus insistante, de ce mouvement final. Le premier est un Vivace, le second une marche (Marcia), le troisième une Burletta grotesque et grimaçante.
Végh II
Il y a comme une affinité élective entre d’une part le style des Végh, avant tout axé sur la conduite mélodique des voix et l’expressivité, et d’autre part ce sixième quatuor néoromantique et essentiellement mélodique. Les musiciens hongrois trouvent assurément le ton juste et le tempo adéquat dans chacun des mouvements. Mais leurs sonorités mates, ingrates et couinantes, quasiment sans aucun vibrato, pourtant très bien captées, me sont, je l’avoue, difficiles à supporter. On pourrait dire que cela colle bien au caractère désespéré de ce quatuor, mais si on y ajoute les problèmes de justesse, cela devient vraiment pénible. Une version historique, assurément idoine quant à son caractère, mais qu’on évitera en tout cas pour découvrir le quatuor.
Berg
Confirmant leur optique habituelle, les Berg donnent au sixième quatuor une ampleur quasi symphonique et lui impriment un dramatisme extraverti qui n’est pas ce qui lui convient forcément le mieux. Dans une perspective réverbérée et une prise de son trop lointaine (dont ils ne sont certes pas responsables), ils pratiquent un vibrato excessif qui confine ici au mauvais goût. Cela passe éventuellement dans les deux premiers mouvements, même si nos quatre musiciens n’illustrent pas le contrepoint du premier comme il le faudrait. Par contre, ils manquent de sarcasme dans la burletta et, surtout, ils passent complètement à côté de la solitude glacée et du climat de désolation morbide du mesto final. Une version trop extérieure qui démontre une nouvelle fois combien les Berg demeurent étrangers à cette musique.
Takács II
Une version inattendue ! À l’instar des Berg, les Takács restent fidèle à leur conception ample et « orchestrale », et je m’attendais dès lors à une interprétation à contresens, mais c’est pourtant une réussite. Ils substituent en effet à l’objectivité froide, impersonnelle et extérieure des autrichiens un engagement très subjectif dans la veine post-romantique des premiers quatuors. Et ils insufflent de la sorte à la totalité de l’œuvre une urgence et une violence fiévreuse qui font mouche. Ils dramatisent le discours du premier mouvement et lui donnent ainsi une ampleur insoupçonnée. La marche acquiert, sous leurs archets, une véhémence et même une brutalité nouvelles, tandis que leur burletta est grimaçante et grotesque à souhait. Dans le final enfin, plutôt que la solitude, la désolation et la raréfaction silencieuse, ils illustrent une fièvre désespérée. Même si c’est à rebours ce qu’on entend le plus souvent dans ce quatuor, c’est une réussite, d’autant plus que la réalisation technique et plastique est de toute beauté. J’approuve.
Keller
Dans des tempi sensiblement plus rapides que la moyenne, les Keller insufflent à l’œuvre une urgence dramatique, mais beaucoup plus introvertie que celle des Takács. C’est de l’intérieur qu’ils investissent le discours et qu’ils lui donnent une profonde intensité. Ils conduisent les voix de la polyphonie avec une grande clarté et surtout une grande fluidité, avec des sonorités mates, très peu vibrées, mais parfaitement justes. Jamais ils ne haussent le ton, optant pour un mezza voce assez permanent, renforçant ainsi l’ambiance intimiste de leur approche. Le premier mouvement acquiert de la sorte une urgence fluide qui est très prenante. La marche a moins de violence que celle des Takács mais la burletta, goguenarde, très souple agogiquement, est fort réussie. Le mesto final, très intériorisé, retrouve, dans une telle optique, le climat intimiste de désolation glacée et désabusée qui lui sied. Une grande version qui conclut une grande intégrale.
Diotima
Ce que font ici les Diotima est tout simplement miraculeux. Avec une intensité expressive très pudique et retenue, proche de celle des Keller, ils substituent à l’urgence dramatique de ceux-ci et des Takács, une exploration posée, précise et soutenue des moindre recoins de la partition. Dans des tempi nettement plus lents que les Keller, et avec une grande souplesse agogique et rythmique, tout en bénéficiant d’une prise de son d’anthologie, ils usent de toute l’amplitude de l’échelle dynamique pour mettre en valeur tous les détails de l’écriture bartokienne. On pourrait craindre qu’un tel sens de l’analyse mène à une approche intellectualiste et froide, mais ce n’est absolument pas le cas. Tout ici est au service d’une poésie très intériorisée qui m’a, pour ma part, profondément touché. Le mesto final en particulier, est bouleversant. Il atteint à une mélancolie sans pareil, mais avec une pudeur telle qu’on évite absolument tout pathos. Les sonorités peu vibrées des musiciens sont par ailleurs magnifiques. Une immense interprétation qui constitue avec celle du troisième quatuor le sommet de l’intégrale des Diotima.
Tokyo I
Les Tokyo nous laissent une interprétation très singulière de ce sixième quatuor, dépassionnée, intellectualisée, presque abstraite. Dans des tempi très retenus, ils s’attachent avant tout à l’architecture et au mouvement. Sans cesse, ils relancent ce dernier en le pulsant de manière très sensible, avec une attention toute particulière aux accents. Ils évitent toute brillance en cultivant des timbres mats, avec même une certaine âpreté, et s’abstiennent également d’élever la voix en privilégiant comme les Keller une sorte de mezza voce. Il s’ensuit une vision très homogène de l’œuvre, presque monolithique, qui n’illustre particulièrement ni le dramatisme du premier mouvement, ni la violence de la marche du second, ni l’ironie grinçante du troisième, mais qui en souligne la continuité rythmique (j’ai même songé à Stravinsky dans le troisième!). Les trois introductions et le mesto final se détachent de tout le reste, comme l’épicentre de ce quatuor, et campent idéalement un climat de désolation et de raréfaction proche du silence, avec malheureusement un premier violon à la sonorité trop vibrée. Tout cela est très particulier et est assurément à connaître comme tel, même si à rebours de ce qu’on attend habituellement dans ce quatuor.
Emerson
Les Emerson, dans ce qui est la plus rapide de toutes les versions (moins de 28 ‘ !), donnent une interprétation objective et classique de ce sixième quatuor. Ils axent leur lecture sur l’urgence dramatique, l’architecture et une expressivité très extravertie. Le mouvement est perpétuellement relancé dans une conduite des voix parfaitement claire. Toute l’amplitude de l’échelle dynamique est utilisée et les sonorités sont brillantes, pour une réalisation à la beauté plastique parfaitement aboutie. Dans le mesto final, les musiciens déploient un vibrato hélas très excessif et une expressivité un peu théâtrale. En réalité, ils réussissent ce que les Berg avaient raté : une version classique « beethovenienne » de ce quatuor, mais ils font complètement l’impasse sur sa dimension plus « subjective » : son expression mélancolique et désabusée. Le final à cet égard est exécuté à contresens. Une version correcte mais pas exceptionnelle.
Hongrois
Avec des timbres râpeux, délibérément « laids », constamment mais modérément vibrés, les Hongrois donnent une version très idiomatique, mais aussi très subjectivement engagée et violemment expressionniste du sixième quatuor. Avec une très grande souplesse agogique, ils axent leur interprétation sur la conduite mélodique des voix, d’où il résulte une architecture de chair très mouvante. Chaque musiciens pratique un legato assez systématique et investit sa partie avec une grande intensité. Le climat est de bout en bout délibérément tragique, âpre et grimaçant. Après un premier mouvement fiévreux, la Marcia et la Burletta sont grotesques et dérisoires à souhait, comme un cortège de masques sanguinolents et de pantins désarticulés à la Ensor. Le Final est quant à lui plus désespéré que mélancolique, désabusé jusqu’à la neurasthénie. Dans le genre, c’est parfaitement abouti et sans concurrence, mais c’est à déconseiller absolument aux dépressifs chroniques : ils ne s’en remettraient pas !
Juilliard 1981
Ce qui frappe immédiatement avec les Juilliard, c’est leur sonorité inimitable : ces timbres modérément vibrés, absolument mats, rêches, granuleux, terreux et pourtant très séduisants sans jamais être brillants. Dans des tempi modérés, sans jamais élever la voix (mezza voce permanent) et avec une grande mobilité agogique, ils offrent une interprétation très intimiste, où le drame, l’ironie grinçante, le grotesque et la douleur sont bien présents mais comme intériorisés, tenus pudiquement à distance. Ils jouent tout sans éclat, « l’air de rien », parfois même avec douceur, en sorte qu’une mélancolie diffuse irradie toute leur interprétation. On est très loin de la cérébralité qu'on leur prête habituellement, tout autant que de l’expressionnisme sanglant des Hongrois. Dans cette optique les trois premiers mouvements sont étonnamment retenus, tandis que le mesto final est tout simplement bouleversant. Du tout grand art. Une immense interprétation.
Ce sixième quatuor a beaucoup de chance au disque et bénéficie de plusieurs versions de haut vol. Mon cœur se porte prioritairement vers les Juilliard pour la pudeur, la profondeur et la densité et vers les Diotima pour la précision analytique et l’émouvante poésie de leur approche. Mais je ne peux oublier l’expressionnisme « gore » des Hongrois, l’urgence dramatique intériorisée et la fluidité des Keller ou l’interprétation à contresens, extravertie mais pourtant réussie, des Takács. |
| | | Eusèbe Mélomaniaque
Nombre de messages : 1599 Age : 48 Localisation : Paris/ Lille Date d'inscription : 23/09/2014
| Sujet: Re: Bartok : discographie pour les quatuors Sam 20 Nov 2021 - 14:19 | |
| Merci pour ce passionnant tour d'horizon, qui m"aidera à approfondir un corpus qui me fascine et m'échappe toujours un peu |
| | | Mefistofele Mélomaniaque
Nombre de messages : 1459 Localisation : Under a grey, rifted sky Date d'inscription : 17/11/2019
| Sujet: Re: Bartok : discographie pour les quatuors Sam 20 Nov 2021 - 14:51 | |
| Synthèse d'une remarquable clarté et aux descriptions très évocatrices. Merci beaucoup de partager cela avec nous. |
| | | Anaxagore Mélomane chevronné
Nombre de messages : 3094 Age : 59 Date d'inscription : 06/01/2012
| Sujet: Re: Bartok : discographie pour les quatuors Sam 20 Nov 2021 - 16:57 | |
| C'est avec plaisir. Merci à vous . |
| | | darkmagus Mélomane chevronné
Nombre de messages : 2502 Localisation : sud-est Date d'inscription : 04/10/2013
| | | | arnaud bellemontagne Gourou-leader
Nombre de messages : 25934 Date d'inscription : 22/01/2010
| Sujet: Re: Bartok : discographie pour les quatuors Sam 20 Nov 2021 - 22:34 | |
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| | | Anaxagore Mélomane chevronné
Nombre de messages : 3094 Age : 59 Date d'inscription : 06/01/2012
| | | | Iskender Mélomane chevronné
Nombre de messages : 2700 Age : 57 Localisation : Bretagne Date d'inscription : 11/08/2009
| Sujet: Re: Bartok : discographie pour les quatuors Dim 12 Déc 2021 - 10:47 | |
| Écoute de l'intégrale du Jerusalem quartet Je n'ai pas en tête toutes les références d' Anaxagore, ni une connaissance aussi approfondie du corpus (je suis plus familier des trois derniers). De sorte que sur cette écoute j'ai bissé le n°6 pour le réécouter à l'aune des critères que tu développes dans ta passionnante écoute comparée que je lis et relis. Et du reste j'espère lire ton avis sur cette récente intégrale des Jerusalem réalisée en deux temps et achevée en 2020. (Peut-être l'as-tu évoquée en playlist, je n'ai pas retrouvé.) Mais mon impression générale est quand même qu'on a affaire ici à une intégrale d'une excellente finition, mais sans doute un peu hédoniste et confortable et à la plastique un peu internationale. Il y a bien une palette de sonorités différentes, mais on a l'impression que quand le quatuor joue par exemple sul ponticello, il le fait parce que c'est demandé par Bartók plus que par choix expressif et ce n'est pas forcément très naturel. On voudrait un peu plus de vigueur et de décadence à certains moments (et Dieu sait si je ne suis pas un grand fan des excès de violence des Belcea). Cela n'empêche pas de beaux moments méditatifs et - me semble-t-il - des tempi assez judicieux. À ce niveau d'excellence instrumentale et de prise de son, je préfère de très loin les Diotima qui à défaut d'avoir l'ADN magyar ont beaucoup plus de parti-pris interprétatifs et de modernité. Cette intégrale des Jerusalem est néanmoins belle à écouter et est peut-être une bonne porte d'entrée pour qui a besoin de découvrir et/ou d'apprivoiser ce corpus. |
| | | Anaxagore Mélomane chevronné
Nombre de messages : 3094 Age : 59 Date d'inscription : 06/01/2012
| Sujet: Re: Bartok : discographie pour les quatuors Dim 12 Déc 2021 - 11:57 | |
| Je n'ai pas encore écouté les Jerusalem, mais c'est en projet . |
| | | Benedictus Mélomane chevronné
Nombre de messages : 15565 Age : 49 Date d'inscription : 02/03/2014
| Sujet: Re: Bartok : discographie pour les quatuors Dim 12 Déc 2021 - 12:05 | |
| Je n'ai écouté qu'une fois les deux disques (et sans doute pas de manière assez attentive), et mon impression rejoint tout à fait celle d'Iskender. |
| | | Bruno Luong Mélomaniaque
Nombre de messages : 1750 Date d'inscription : 07/08/2012
| Sujet: Re: Bartok : discographie pour les quatuors Dim 12 Déc 2021 - 12:36 | |
| Je devrais gouté des Jerusalem en straeming qui ne m'a pas convaincu. Diotima m'a totalement convaincu. |
| | | Rubato Mélomane chevronné
Nombre de messages : 14630 Date d'inscription : 21/01/2007
| Sujet: Re: Bartok : discographie pour les quatuors Dim 12 Déc 2021 - 13:26 | |
| La version du Arcadia Quartet est très bien aussi; une jeune formation prometteuse...amha! |
| | | Anaxagore Mélomane chevronné
Nombre de messages : 3094 Age : 59 Date d'inscription : 06/01/2012
| Sujet: Re: Bartok : discographie pour les quatuors Jeu 16 Déc 2021 - 13:15 | |
| Quatuor n° 1Dans une belle prise de son, les Arcadia offrent du premier quatuor une version très intériorisée et pudique qui n’est pas sans rappeler celle des Diotima. Comme ceux-ci, ils adoptent des tempi plutôt lents ; mais ce qui les distingue d’emblée, c’est un sens constant et particulièrement affirmé du cantabile. Je ne connais pas de versions plus « chantantes » que celle-ci. Du premier au dernier mouvement, les quatre voix parfaitement équilibrées chantent comme jamais, ce qui nous vaut une lecture curieusement apaisée, presque apollinienne, dont toute âpreté ou violence ont été gommées. Les deux premiers mouvements s’accommodent parfaitement de ce lyrisme éperdu ; le dernier en revanche y perd un peu de son ivresse dionysiaque. Mais, au total, c’est une très belle version, plutôt convaincante, idéale à mon sens pour découvrir cette œuvre. Quatuor n° 2Les Arcadia confirment dans ce second quatuor leur option pour le chant et en donnent une version avant tout lyrique. Dans un tempo assez allant, ils donnent au premier mouvement une certaine urgence dramatique et démontrent un parfait équilibre dans la conduite des voix, mais ils substituent à l’irénisme du premier quatuor une expression beaucoup plus douloureuse. On retrouve la même option lyrique dans le second et dans le troisième mouvement. Le second est pris assez lentement et accentue assez lourdement la pulsation, mais au détriment de la sauvagerie que j’y attendrais. Le nocturne final retrouve l’expressivité douloureuse du premier mais ignore le climat mystérieux que d’autres savaient y mettre. Sans réaliser, comme le faisaient les Keller, la plus grande unité dans la plus grande diversité de climats, les Arcadia signent néanmoins ici, dans l’optique qui est la leur, une nouvelle réussite. Quatuor n° 3Encore une version extraordinaire de ce chef-d’œuvre ! C’est à une exubérante explosion de couleurs que nous convient ici les Arcadia. Tirant de leurs instruments des sonorités ensorcelantes, ils multiplient les atmosphères contrastées et, exploitant au mieux la sève folklorique de l’œuvre, ils valorisent la moindre formule mélodique, tout comme, avec une grande souplesse agogique, les rythmes de danse. Point ici d’âpreté, ni d’ambiances nocturnes ou mystérieuses, ni d’expérimentations modernistes : c’est plutôt la vitalité joyeuse de l’âme hongroise qui s’exprime sans retenue. Je reste pantois face à la diversité d’approches que tolère ce quatuor. On pourra certes trouver que les Arcadia en honore davantage la diversité que l’unité, mais leur lecture est vraiment grisante. J’adore. Quatuor n° 4Les Arcadia, conformément à leur optique plutôt lyrique, donnent une version qui rappelle celles des Végh ou des Keller et qui est donc axée avant tout sur l’expression et la continuité mélodique. Comme chez ces derniers, la ligne horizontale, dans les deux mouvements extrêmes, est brisée par des accents intentionnellement denses et lourds, d’autant plus que les tempi sont ici plutôt retenus. Il reste que nos musiciens semblent moins inspirés par ce quatuor ouvertement moderniste que par les précédents. Cela transparaît tout particulièrement dans les trois mouvements centraux qui n’échappent pas à une certaine banalité. Les ombres fuyantes du second mouvement sont absentes, le nocturne central manque de poésie et de mystère (le violoncelle déclame sa partie de manière fort littérale), tandis que l’allegretto pizzicato apparaît bien sage. À aucun moment, le quatuor n’est pris par cette fièvre et cette fougue qui faisaient tout le prix de l’interprétation du Troisième. C’est bien mais sans plus. Quatuor n° 5Curieuse approche que celle des Arcadia dans ce cinquième quatuor ! Ils ne se départissent pas de leur option lyrique — laquelle devrait a priori bien convenir à cette œuvre — mais la manière dont il l’applique ici est assez particulière et originale. Dans le premier mouvement, ils opposent une continuité mélodique extrêmement fluide, voire allusive et fuyante, aux silences et aux accents verticaux assénés avec une certaine violence. Le mouvement s’écoule comme une coulée liquide qui va sans cesse de l’avant, au risque de la désarticulation, mais celle-ci est évitée précisément par les accents et les silences qui structurent le discours. Les trois mouvements centraux sont très réussis. Les deux nocturnes sont mystérieux à souhait tandis que l’ambiguïté du scherzo central, retrouvant la fluidité mélodique du premier mouvement, est parfaitement honorée. Le final quant à lui offre à nos musiciens l’occasion de pousser leur optique jusqu’à ses plus extrêmes conséquences. Ils lui donnent l’allure d’une coulée continue que plus rien ne retient. Les lignes mélodiques extrêmement fuyantes et insinuantes s’entrecroisent dans un mouvement qui va perpétuellement de l’avant jusqu’à la ritournelle d’orgue de barbarie qui précède le point final. J’avoue avoir été assez dérouté par cette lecture qui s’oppose autant au classicisme très architecturé des Emerson, au motorisme surarticulé des Tokyo, au modernisme grimaçant des Juilliard, qu’à la quadrature du cercle idéale des Keller. Il me faudra réécouter cela, mais c’est assurément original. Quatuor n° 6Dans le sixième quatuor, les Arcadia peuvent laisser s’épanouir leur art du chant avec pleine liberté ; et ils ne s’en privent pas. Cela chante comme jamais, avec un naturel confondant, une intensité expressive de chaque instant, un équilibre parfait entre les voix, mais aussi avec une certaine réserve ou pudeur. Le premier mouvement, bien architecturé, est très fluide, mais sans aller, comme dans le cinquième, jusqu’aux limites de la liquéfaction. Les transitions sont très souples mais sans que cela remette jamais en question la clarté de la structure. Les second et troisième mouvements apparaîtront bien sages en regard de la concurrence, mais là aussi le lyrisme des Arcadia a l’art de tout rendre naturel et immédiatement accessible. Le final, très pudique, affiche une douce mélancolie, mais sans le désespoir ou la tragédie que d’autres y mettaient. Au total, une version qui passe peut-être un peu à côté de la profonde dimension tragique de l’œuvre, mais qui coule avec un tel naturel et une telle immédiateté qu’elle constitue sans doute la version idéale pour ceux qui seraient rétifs à son âpreté et à sa noirceur. L’intégrale des Arcadia culmine — selon mon goût bien sûr — dans le premier et surtout dans le troisième quatuor, dont ils donnent une version extraordinaire. Au total, il s’agit d’une intégrale idéale pour la découverte du corpus, en tout cas pour ceux qui seraient a priori rebutés par son âpreté légendaire. Elle est tout entière dominée par un art très naturel et idiomatique du chant, qui la rend peut-être parfois un peu lisse mais en tout cas très avenante. |
| | | Rubato Mélomane chevronné
Nombre de messages : 14630 Date d'inscription : 21/01/2007
| Sujet: Re: Bartok : discographie pour les quatuors Jeu 16 Déc 2021 - 16:20 | |
| Merci Anaxagore pour cette analyse très fouillée. |
| | | Anaxagore Mélomane chevronné
Nombre de messages : 3094 Age : 59 Date d'inscription : 06/01/2012
| Sujet: Re: Bartok : discographie pour les quatuors Sam 18 Déc 2021 - 2:25 | |
| - Rubato a écrit:
- Merci Anaxagore pour cette analyse très fouillée.
Avec plaisir . Prochaine intégrale : celle des Jerusalem ... |
| | | Ravélavélo Mélomane chevronné
Nombre de messages : 9130 Localisation : Pays des Bleuets Date d'inscription : 28/09/2015
| Sujet: Re: Bartok : discographie pour les quatuors Sam 18 Déc 2021 - 4:33 | |
| Je viens de voter, le Sixième a ma préférence, au lu de ta description: - Anaxagore a écrit:
- Sixième quatuor
Le plus sombre des quatuors de Bartók est composé de quatre mouvements convergeant tous vers le dernier noté Mesto (triste), qui développe une mélodie profondément mélancolique et désabusée. Pour le moment ces oeuvres me sont inconnues. |
| | | Anaxagore Mélomane chevronné
Nombre de messages : 3094 Age : 59 Date d'inscription : 06/01/2012
| Sujet: Re: Bartok : discographie pour les quatuors Lun 14 Fév 2022 - 17:47 | |
| JerusalemJe confirme tout à fait ce qu’ Iskender a écrit ci-dessus. C’est une intégrale d’une grande beauté plastique mais qui, assez lisse, passe un peu à côté de l’essence de la musique de Bartók. Les sonorités des musiciens sont magnifiques: assez vibrées, brillantes sans être clinquantes. Ils déploient dans les nocturnes et les mouvements méditatifs une expressivité fort intense et assez introvertie, qui est prenante (le début du premier quatuor, le début et la fin du second, les deux nocturnes du cinquième ou le mesto du sixième). Par contre, ils se montrent assez indifférents à l’enracinement magyar de cette musique, à son motorisme et à sa modernité. À cet égard, les troisième et quatrième quatuors sont très décevants. Comme le remarque très justement Iskender, ils paraissent ne pas savoir quoi faire de la multiplication des différents types d’attaque. Ils les jouent parce que c’est écrit, mais sans en faire le support d’une quelconque expression. Par ailleurs, leur jeu manque souvent de mordant et de pulsation. Je ne suis pas certain que cette musique soit ce qui leur convient le mieux. Au total, il n’y a bien sûr rien de déshonorant, mais, dans les intégrales récentes, ils ne s’imposent pas et je privilégierais nettement pour ma part les Diotima et les Arcadia. |
| | | yannig Mélomane averti
Nombre de messages : 109 Age : 59 Date d'inscription : 20/10/2008
| Sujet: Bartok/Lindsay Sam 15 Juil 2023 - 22:53 | |
| Je ne sais pas si je me trompe, mais personne n'a parlé de la version par le Quatuor Lindsay... Je ne les connais pas (encore), mais peut-être que d'autre ici ont déjà découvert cela ? |
| | | Contenu sponsorisé
| Sujet: Re: Bartok : discographie pour les quatuors | |
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