Verdi - AIDA

Ericc a écrit:

Ricciarelli, Aurèle dit clairement qu'il bute à cause des aigus, je le comprend : si le "pavento" de sa phrase d'entrée ne passe pas, autant savoir qu'on aura ça jusqu'au bout. Et comme je ne pense pas me tromper en disant qu'il penche vers des voix considérées comme typiquement verdiennes genre Price ou Arroyo. La voix du role en somme... Ca non plus ça ne se discute pas et il a le même problème avec son Amelia du Bal.

Je ne connais pas encore son Amelia en intégralité. Je comprends qu'on puisse être ému par cette artiste (voir ce que j'ai mis dans le topic consacré à Domingo à propos du de duos sous la direction de Gavazzeni). Néanmoins, il y a incontestablement des limites.

J'ai donné l'info dans un autre topic mais comme certaines personnes ne s'intéressent pas à la rubrique "interprètes", je vais reposter l'info ici.
Angela Gheorghiu a confirmé dans une interview pour "Classica", magazine dont elle fait la une ce mois-ci qu'il y a un projet d'enregistrement de cet opéra sous la direction d'Antonio Pappano avec Jonas Kaufmann en Radamès.
Que pensez vous de ce projet, de l'adéquation des deux chanteurs en particulier?

Pour une fois que Gheorghiu prend un risque... Et puis Kaufmann, il peut tout chanter, puisqu'il a été établi que c'est Dieu sur terre.

Ce qui me réjouit, moi, c'est d'entendre Pappano dans un standard, c'est à chaque fois une véritable aventure, pour ne pas dire une révélation !

DavidLeMarrec a écrit:

Pour une fois que Gheorghiu prend un risque...

A-t-elle vraiment le type de voix requis? J'en doute. Gheorghiu est un soprano lyrique comme l'était Freni notamment et non un soprano spinto même si elle a déjà chanté certains rôles appartenant à cette catégorie comme Tosca. Les classifications sont perméables pour certains rôles.

Mouais... bon, déjà, j'aime pas trop la dame hein... comme ça les choses sont dites! Mais disons que nous sortir Gheorghiu/Kaufmann/Pappano c'est pas forcément super nouveau... Et comme ça, ça me tente pas trop. Disons que je ne trouve pas que leur voix aillent vraiment ensemble! Elle toujours sur la retenue à vouloir faire du beau son. Lui toujours sombre et intellectuel... mais le tout sans vrai emportement!

J'espère qu'on aura par contre une Amneris qui dépote! Borodina, Barcelona... enfin quelque chose avec de la personnalité à revendre quoi!

aurele a écrit:

A-t-elle vraiment le type de voix requis?

Qu'est-ce que ça peut me faire ?

Elle a les notes, elle a l'ampleur pour être entendue en salle, et de toute façon c'est en studio. Après, est-ce que le rôle l'inspirera, on verra, mais discuter de la différence entre lirico (elle est surtout lirico parce qu'elle est très précautionneuse) et spinto pour un enregistrement studio d'un rôle qu'elle ne rechantera peut-être plus jamais, c'est quand même couper les mouches en six.

aurele a écrit:

A-t-elle vraiment le type de voix requis? J'en doute. Gheorghiu est un soprano lyrique comme l'était Freni notamment et non un soprano spinto même si elle a déjà chanté certains rôles appartenant à cette catégorie comme Tosca. Les classifications sont perméables pour certains rôles.

Oui, enfin Freni l'a chanté sur scène, contrairement à Tosca... donc Gheorghiu doit pouvoir se débrouiller question notes... après au niveau du personnage... à voir...

Leurs tempérament ne collent pas totalement ensemble mais leurs deux timbres vont bien ensemble, même si moins que lorsqu'elle chantait avec son époux (je ne dis pas ex-époux car dans l'interview accordée pour "Classica", elle a confirmé qu'ils sont toujours mariés, ce qui n'est qu'un détail).
Amneris est mon rôle favori et j'espère que le choix de Pappano me plaira.

Polyeucte a écrit:

Mouais... bon, déjà, j'aime pas trop la dame hein... comme ça les choses sont dites! Mais disons que nous sortir Gheorghiu/Kaufmann/Pappano c'est pas forcément super nouveau... Et comme ça, ça me tente pas trop. Disons que je ne trouve pas que leur voix aillent vraiment ensemble! Elle toujours sur la retenue à vouloir faire du beau son. Lui toujours sombre et intellectuel... mais le tout sans vrai emportement!

Je suis d'accord sur le fait que les timbres ne se marient pas du tout, lui avec beaucoup d'harmoniques de nez, elle avec beaucoup de rondeur... vu les différences de volume et des parties, je pense que le schéma inverse (type Bjoner / Bergonzi) serait plus payant.

Citation :

J'espère qu'on aura par contre une Amneris qui dépote! Borodina, Barcelona...

Borodina l'a déjà fait chez Harnoncourt (et c'est ultra-opaque).

DavidLeMarrec a écrit:

Borodina l'a déjà fait chez Harnoncourt (et c'est ultra-opaque).

Oui, mais en direct au Kirov (avec Gorchakova, Galouzine et Gergiev), c'est top!
Et puis moi, j'aime bien quand c'est un peu opaque!

Polyeucte a écrit:

J'espère qu'on aura par contre une Amneris qui dépote! Borodina, Barcelona... enfin quelque chose avec de la personnalité à revendre quoi!

Il paraît qu'elle y est sensationnelle !

bAlexb a écrit:

Il paraît qu'elle y est sensationnelle !

Oui, c'est aussi ce que j'ai lu!

bAlexb a écrit:

Il paraît qu'elle y est sensationnelle !

Elle ne le chante pas régulièrement à ma connaissance. Je l'identifie plus facilement au répertoire rossinien qu'à Verdi.

Moi je dirais Waltraud Meier avant qu'il ne soit VRAIMENT trop tard

Francesco a écrit:

Moi je dirais Waltraud Meier avant qu'il ne soit VRAIMENT trop tard

Moi j'aurais bien aimé Kožená, elle s'encroûte dans du baroque facile...

Francesco a écrit:

Moi je dirais Waltraud Meier avant qu'il ne soit VRAIMENT trop tard

Il n'est jamais trop tard.

Non mais vous imaginez les monuments de Meier menacés de ruine dans ce répertoire et face à un couple aussi juvénil et chantant ? Ce serait pyramidal (justement ).

Kozena aussi, dans un autre genre, c'est vrai ... et l'équilibre serait absolument différent mais en fait l'un comme l'autre me semble peu probable.

Francesco a écrit:

Non mais vous imaginez les monuments de Meier menacés de ruine dans ce répertoire et face à un couple aussi juvénil et chantant ?

Plutôt bien, oui !

J'en salive d'avance (alors que ça ne se fera pas ... )

On va probablement se taper Garanca.

Antonacci serait pas mal non plus, non ?

Francesco a écrit:

J'en salive d'avance (alors que ça ne se fera pas ... )

On va probablement se taper Garanca.

Ah oui, c'est vrai ! (je l'avais oubliée celle-là)

Meier serait fascinante mais la voix est abimée aujourd'hui, les moyens se sont amoindris.
Kozena :

Francesco a écrit:

Antonacci serait pas mal non plus, non ?

Je ne pense pas qu'elle ait les moyens du rôle.
Concernant Garanca, cela fait partie des rôles dont elle rêve mais Pappano va avoir du boulot s'il veut la convaincre d'enregistrer. A mon avis, toute la distribution n'est pas encore décidée et Gheorghiu va sûrement jouer sa prima donna et va demander à avoir un droit de regard.

Francesco a écrit:

Antonacci serait pas mal non plus, non ?

Ce serait une vraie bonne idée. Le rôle est suffisamment à découvert pour ne pas la faire forcer désagréablement, et ça donnerait un éclairage très neuf sur le personnage.

Beaucoup plus réaliste que mon petit troll (au départ, j'avais pensé dire Kirchschlager, mais en fait ça ne me faisait pas tant envie que ça), et même si ça ne se fera assurément pas, beaucoup plus adéquat.

Otello va faire une syncope en voyant certaines de vos propositions à mon avis.

Antonacci ou Meier en Amnéris ? Je ne vois pas trop comment ça pourrait faire sauter qui que ce soit au plafond.

Simone Kermes à la limite je comprendrais mieux.

aurele a écrit:

Meier serait fascinante mais la voix est abimée aujourd'hui, les moyens se sont amoindris.

Pffffffffffffffffffffffff

Francesco a écrit:

Antonacci ou Meier en Amnéris ? Je ne vois pas trop comment ça pourrait faire sauter qui que ce soit au plafond.

C'est surtout le nom de Kozena qui était je l'espère une boutade qui risque de le faire sauter au plafond. Je ne vois pas Antonacci dans le rôle, ni Garanca. Meier a déjà chanté le rôle à la scène. On peut trouver au moins un live. Après, elle enregistre très peu en studio et je ne crois pas qu'elle accepterait. Par ailleurs, comme je l'ai dit, ses moyens ne sont plus ce qu'ils étaient dans les années 1990, époque à laquelle elle chantait le rôle.

Et donc ?

Moi, je proprose que Gheorghiù fasse les deux rôles.

Ca au moins ce sera une version ORIGINALE ! Et de nos jours, on peut faire de ces miracles sonores...

Francesco a écrit:

Et donc ?

et donc quoi? Je ne connais pas encore beaucoup Ekaterina Gubanova qui va chanter le rôle à Orange mais je me dis, pourquoi pas? Borodina serait une possibilité. Je n'ai pas entendu la version Harnoncourt. J'avais dû en entendre quelques extraits mais cela ne m'a pas marqué.

aurele a écrit:

C'est surtout le nom de Kozena qui était je l'espère une boutade

Sinon ?

Il est évident que ni Magda ni Tony ne sont intéressés par ça, donc ça règle la question. En revanche, personnellement, un plateau allégé du genre Harnoncourt, mais encore plus zoziaux, ça m'intéresserait bien sûr. Quitte à réduire l'orchestre pour octuor à vents.

Citation :

Par ailleurs, comme je l'ai dit, ses moyens ne sont plus ce qu'ils étaient dans les années 1990, époque à laquelle elle chantait le rôle.

Surtout, la voix sonne assez moche dans ce répertoire, ce n'est pas un grain très adapté aux grandes cantilènes lyriquissimes.

aurele a écrit:

Francesco a écrit:

Antonacci ou Meier en Amnéris ? Je ne vois pas trop comment ça pourrait faire sauter qui que ce soit au plafond.

C'est surtout le nom de Kozena qui était je l'espère une boutade qui risque de le faire sauter au plafond. Je ne vois pas Antonacci dans le rôle, ni Garanca. Meier a déjà chanté le rôle à la scène. On peut trouver au moins un live. Après, elle enregistre très peu en studio et je ne crois pas qu'elle accepterait. Par ailleurs, comme je l'ai dit, ses moyens ne sont plus ce qu'ils étaient dans les années 1990, époque à laquelle elle chantait le rôle.

Et pourtant aujourd'hui encore elle ferait mille fois mieux que toutes les tâcheronnes qui martyrisent ce rôle à longueur de saisons. Marrant, hein ?

Wagneropathe a écrit:

Et pourtant aujourd'hui encore elle ferait mille fois mieux que toutes les tâcheronnes qui martyrisent ce rôle à longueur de saisons. Marrant, hein ?

Espérons que l'une des soirées d'Orange sera retransmise soit à la TV, soit à la radio pour pouvoir entendre Gubanova dans le rôle. Zajick a du métier derrière elle et elle assure encore. Je ne connais pas vraiment les autres interprètes actuelles.

J'espère qu'il se passera (enfin) quelque chose à Orange car c'est la eniéééme Aïda qu'il nous monte...

Sinon, concernant l'association Kaufmann/Gheorghiu, pour ce que j'ai entendu -live à Londres d'Adriana / Madame Butterfly studio- je ne bouderais pas mon plaisir : c'est plutôt fun.

Est ce que quelqu'un pourrait me dire s'il y a des différences notables, particulièrement de qualité sonore, entre ces deux versions de la même année (une de la Scala, l'autre de Munich...si j'ai bien compris)?

J'ai trouvé la première sur spotruc mais pas la seconde : j'avoue que je ne suis pas très doué avec leur recherche




Merci d'avance.

Wagneropathe a écrit:

aurele a écrit:

Francesco a écrit:

Antonacci ou Meier en Amnéris ? Je ne vois pas trop comment ça pourrait faire sauter qui que ce soit au plafond.

C'est surtout le nom de Kozena qui était je l'espère une boutade qui risque de le faire sauter au plafond. Je ne vois pas Antonacci dans le rôle, ni Garanca. Meier a déjà chanté le rôle à la scène. On peut trouver au moins un live. Après, elle enregistre très peu en studio et je ne crois pas qu'elle accepterait. Par ailleurs, comme je l'ai dit, ses moyens ne sont plus ce qu'ils étaient dans les années 1990, époque à laquelle elle chantait le rôle.

Et pourtant aujourd'hui encore elle ferait mille fois mieux que toutes les tâcheronnes qui martyrisent ce rôle à longueur de saisons. Marrant, hein ?

C'est sympathique pour toutes les artistes qui ont chanté l'oeuvre . Tu es sérieux là ou c'est une boutade?

Ripley a écrit:

Est ce que quelqu'un pourrait me dire s'il y a des différences notables, particulièrement de qualité sonore, entre ces deux versions de la même année (une de la Scala, l'autre de Munich...si j'ai bien compris)?

J'ai trouvé la première sur spotruc mais pas la seconde : j'avoue que je ne suis pas très doué avec leur recherche




Merci d'avance.

Je ne connais que le live de Munich qui est une excellente version. J'en ai parlé à plusieurs reprises sur le forum, notamment dans ce topic. Désolé de ne pas pouvoir t'aider.

Parution le 26 mai chez Myto Historical d'un live de La Scala de 1960 dirigé par Nino Sanzogno avec Birgit Nilsson, Pier Miranda Ferraro, Giulietta Simionato, Cornell MacNeil, Nicolai Ghiaurov, Agostino Ferrin, Giuliana Matteini et Piero De Palma. Il y a du bon monde dans cette distribution mais déjà que Nilsson ce n'est pas ma tasse de thé en général, je n'ose imaginer ce que cela doit donner dans ce rôle, surtout en live. Je connais quelques extraits de la version de studio Mehta et ce côté grosse voix plus adaptée au style de Wagner ou de Strauss ne me convient pas dans un rôle comme celui d'Aida, personnage fragile.

La joie d'avoir pu enfin réentendre la voix monumentale du baryton oublié Giuseppe Scandola, me ferait volontiers classer la bande son de ce DVD parmi les "versions de référence" (je rappelle qu'il n'y a rien de plus facile que de couper l'image d'un DVD, pour s'en servir comme d'un CD audio):



/watch?v=REekp7ERJko

/watch?v=tE_4lOxRSBA

Amusant de penser que Martinucci se contente du petit rôle du messager dans l'intégrale Caballe-Domingo-Muti...

Nouveau DVD à paraître en juillet chez DECCA sur le plan international : http://www.deutschegrammophon.com/cat/single?sort=newest&PRODUCT_NR=0743428&ADD_OTHER=1&per_page=50&flow_per_page=50&presentation=flow&UNBUYABLE=1

Il s'agit du report en DVD du live du 24 octobre 2009 du Met retransmis dans les cinémas. Je n'étais pas allé au cinéma et ce DVD ne me fait pas spécialement envie. Cette production de Sonja Frisell a déjà eu les honneurs du DVD chez Deutsche Grammophon et est le témoignage d'une soirée de 1989. Je n'ai pas ce DVD et je n'en connais que des extraits mais la distribution est autrement plus enthousiasmante. Je ne vois pas l'intérêt de cette nouvelle parution. Voici pour comparer les deux distributions et le nom des chefs :

1989 :


Aida : Aprile Millo
Radamès : Plácido Domingo
Amneris : Dolora Zajick
Amonasro : Sherrill Milnes
Ramfis : Paata Burchuladze
King : Dimitri Kavrakos
Messenger : Mark (W.) Baker
Priestess : Margaret Jane Wray

Conductor : James Levine

2009 :

Aida : Violeta Urmana
Radamès : Johan Botha
Amneris : Dolora Zajick
Amonasro : Carlo Guelfi
Ramfis : Roberto Scandiuzzi
King : Stefan Kocán
Messenger : Adam Laurence Herskowitz
Priestess : Jennifer Check

Conductor : Daniele Gatti

[quote="aurele"]Nouveau DVD à paraître en juillet chez DECCA sur le plan international : http://www.deutschegrammophon.com/cat/single?sort=newest&PRODUCT_NR=0743428&ADD_OTHER=1&per_page=50&flow_per_page=50&presentation=flow&UNBUYABLE=1

Il s'agit du report en DVD du live du 24 octobre 2009 du Met retransmis dans les cinémas. Je n'étais pas allé au cinéma et ce DVD ne me fait pas spécialement envie. Cette production de Sonja Frisell a déjà eu les honneurs du DVD chez Deutsche Grammophon et est le témoignage d'une soirée de 1989. Je n'ai pas ce DVD et je n'en connais que des extraits mais la distribution est autrement plus enthousiasmante. Je ne vois pas l'intérêt de cette nouvelle parution. Voici pour comparer les deux distributions et le nom des chefs :

1989/2009
Aida : Aprile Millo/Violeta Urmana
Hum... kif kif... Millo est franchement pas passionnante du tout! Urmana, je ne connais pas dans le rôle.

Radamès : Plácido Domingo/Johan Botha
Ah ben Botha clairement pour moi... ça changera un peu!

Amneris : Dolora Zajick/Dolora Zajick
Dur choix

Amonasro : Sherrill Milnes/Carlo Guelfi
Aucun des deux... Milnes est à bout et Guelfi c'est vraiment moche!

Conductor : James Levine/Daniele Gatti
Rien que sur le nom, je dirais Gatti... Levine n'étant pas passionnant là dedans je trouve...

mieux vaut le DVD de 1989
Millo bien plus en phase avec les exigences du rôle qu'Urmana
Domingo moins papouf que Botha et surtout mieux chantant
Zajick, phénoménale tout le temps
Milnes est fatigué mais de loin très supérieur à Guelfi
et Levine, formidable chef lyrique est de très loin très supérieur à la baguette sagement professionnelle de Gatti.

J'ai terminé l'écoute de l'Aïda d'Harnoncourt... et je vais dire merci à l'Aïda d'Oranges, qui m'a fait écouter des enregistrements autres du coup Après le très sage, professionnel et bien chantant enregistrement de Karajan (Tebaldi superbe, Bergonzi d'une rare noblesse, Simionato magnifique...), je me suis penché sur Harnoncrout donc... et grand bien m'en a pris!

Déjà la direction! Tout ou presque est extrêmement détaillé, soigné et intelligent. Depuis les nuances rares, jusqu'aux changements de tempi violents et contrastés. Sa direction donne un nouveau sens à certains détails, renforçant la séparation entre les mondes de l'apparence (triomphe assez pompiers) et ceux de la religion ou de la vie privée. L'orchestre répond à ce chef plutôt habitué au baroque avec intelligence, sachant assécher ses magnifiques cordes par exemples pour donner des couleurs plus "anciennes" à certaines phrases. Magnifique travail!
Le choeur est au même niveau, penchant dans les passages sacrés vers le choeur baroque, sans sacrifier à l'exaltation du triomphe!

Vocalement, j'avais un peu peur de certains et au final, je suis convaincu par tous!
Au rayon des valeurs sûres, Borodina et Salminen. Elle, déjà entendue dans une vidéo du Kirov en 95, trouve en Amnéris un personnage à sa mesure, puissante mais humaine. Aucune tension dans l'aigu ou dans le grave, tout est chanté avec intelligence et on sent la touche du chef dans certaines nuances rarement produites. Lui compose un Ramfis moins glorieux que souvent, mais d'une autorité un peu sèche et vénérable.
Hampson en Amonasro, j'avais des doutes... si le chanteur est intelligent, je craignais qu'il ne singe un baryton verdi. Et bien non! Il vient avec sa voix claire, son style venant du Lied et nous propose l'un des Amonasro les plus intelligents que j'ai jamais entendu! Loin de la brute guerrière, on a un père, un roi... Il donne au personnage une tendresse rare, mais aussi une inflexibilité nécessaire pour son royaume. Enfin un Amonasro nuancé!
La Scola surprend par son timbre clair. Quelques soucis dans les aigus guerriers, mais la légerté du timbre et de la voix enlèvent l'armure du guerrier pour montrer le jeune amoureux. Un peu dans la veine de Bergonzi, sans en avoir néanmoins toutes les beautés. Mais on est content de ne pas voir un ténor grossir pour faire du Del Monaco!
Enfin Gallardo-Domâs... Déjà qu'une Freni en Aïda semblait légère, ici ça me semble encore plus léger... ou du moins plus assumé. Soprano lyrique, la chanteuse propose comme les autres un chant rarement entendu dans ce rôle, sans poitrinage, faisant usage de ses armes qui sont la délicatesse, les nuances piani et la beauté du timbre. Aucun effet ici. Un petit soucis avec le fameux ut du Nil, mais peut importe. C'est superbe et parfaitement en accord avec le chef, La Scola et Hampson.

Au final, une vraie belle découverte parce qu'il est rare d'entendre Aïda aussi bien chantée et dans un style aussi personnel. Une autre vision assurément, mais qui a toute sa place avec la vision "traditionnelle" de l'oeuvre qu'on trouve aisément chez Solti (Leontyne Price, Vickers, Gorr, Merrill...) ou en 51 à Mexico (Callas, Del Monaco, Dominguez, Taddei...)

Polyeucte a écrit:

Au final, une vraie belle découverte parce qu'il est rare d'entendre Aïda aussi bien chantée et dans un style aussi personnel. Une autre vision assurément, mais qui a toute sa place avec la vision "traditionnelle" de l'oeuvre qu'on trouve aisément chez Solti (Leontyne Price, Vickers, Gorr, Merrill...) ou en 51 à Mexico (Callas, Del Monaco, Dominguez, Taddei...)

Pas si loin que ça, finalement (dans l'esprit ; pas forcément dans la lettre) de la version Abbado à laquelle je reste très attaché. Quelque chose de très humain, qui sait jouer la carte de l'intimisme, de la caractérisation (musicale, notamment, ce qui est loin d'être une évidence). Tu as raison ; une très belle version qui a, au moins, le mérite de défendre et d'assumer une belle originalité !

Polyeucte a écrit:

L'orchestre répond à ce chef plutôt habitué au baroque

Enfin, habitué au baroque... il a certes débuté par là, mais ça fait au moins trente ans qu'il ne joue plus que Monteverdi et Bach, et encore, de temps à autre. A la date d'Aida, il avait quand même enregistré de nombreux cycles symphoniques majeurs (Haydn, Mozart, Beethoven, Schubert, Mendelssohn, Schumann...), il n'y avait guère que Bruckner qu'il lui restait à faire.

Sinon, je suis d'accord, la direction est intéressante, mais n'évite pas les facilités pompières ni les petites baisses de tension ; et le plateau est totalement satisfaisant. C'est surtout pour le jeune couple que je reviens volontiers à cette version, comme tu le dis ils assument totalement d'avoir une couleur différente de la tradition, et ça fonctionne formidablement, on a de vrais amoureux et pas des archétypes un peu musclés. La souplesse de phrasé de La Scola (malgré un timbre un peu... métallique ) et une technique en deçà de ses illustres devanciers, est impressionnante, c'est le plus beau Celeste Aida que j'aie entendu - tout simplement parce qu'il ne martèle pas ses appuis et portamenti, tout est dans la grâce aérienne.

à part La Scola pour qui j'avais exprimé une légère réserve, je suis d'accord avec Polyeucte et c'est à peu près ce que j'avais écrit lors de la sortie de l'intégrale.

DavidLeMarrec a écrit:

Enfin, habitué au baroque... il a certes débuté par là, mais ça fait au moins trente ans qu'il ne joue plus que Monteverdi et Bach, et encore, de temps à autre. A la date d'Aida, il avait quand même enregistré de nombreux cycles symphoniques majeurs (Haydn, Mozart, Beethoven, Schubert, Mendelssohn, Schumann...), il n'y avait guère que Bruckner qu'il lui restait à faire.

Tu sais, pour moi Harnoncourt c'est avant tout Monteverdi... Ou Mozart... enfin bref, pas du Verdi un peu tardif!

Dans le représentation que toi ou le grand public s'en font, sans doute, mais je soulignais juste qu'en fait ce n'est pas du tout hors de son champ d'action, et qu'à cette date ça faisait vingt ans qu'il jouait infiniment plus de XIXe que de XVIIe-XVIIIe en une saison.
Il a fait un excellent Requiem de Verdi aussi.

voilà ce que j'écrivais à l'époque:
Quelle agréable surprise que cette version d’Aida proposée par Nikolaus Harnoncourt et pourtant dieu sait qu’on appréhendait quelque peu l’introduction de cet ancien spécialiste du baroque dans le répertoire verdien! Certes ses visions de Fidelio, du Freischütz se voulaient plus romantiques que les romantiques eux-mêmes et ses récentes incursions dans l’univers viennois de la famille Strauss avaient été enthousiasmantes mais de là à aborder Verdi et, qui plus est, avec Aida qui est une œuvre bien plus difficile à restituer qu’il n’y paraît, on pouvait craindre un fiasco! Hé bien, il n’en est rien! Cette version, rôdée à la scène à Zürich, est sans doute l’une des plus passionnantes qui aient été réalisées depuis la très belle version Muti (EMI). Le mérite en revient - à tout seigneur tout honneur - à Harnoncourt qui, très intelligemment, a gardé une formation orchestrale traditionnelle - le Wiener Philharmoniker - et a préféré travailler sur l’architecture même de l’œuvre tant sur le plan vocal que sur le plan orchestral. A juste titre, il rend l’ouvrage très intimiste par un allègement stupéfiant du tissu orchestral sans pour autant sacrifier la pompe de la scène du triomphe (une des plus réussies de toute la discographie) et allant même jusqu’à utiliser des trompettes égyptiennes fabriquées pour l’occasion. Tout l’art d’Harnoncourt réside aussi dans ce souci qu’il a de rendre chaque détail orchestral, y compris les plus inattendus! Bien évidemment, la distribution se coule avec bonheur dans un tel écrin. Cristina Gallardo-Domâs ne pourrait peut-être pas s’acquitter du rôle d’Aida à la scène mais il faut bien admettre que ce qu’elle offre ici est de toute beauté: timbre charnu et radieux, ligne de chant savamment contrôlée, art exquis des nuances (excepté dans l’air du Nil où le contre-ut est plus mezzo-forte que pianissimo). Olga Borodina est une Amnéris sensuelle et spectaculaire par sa puissance vocale et son engagement dramatique. Thomas Hampson est le plus humain de tous les Amonasro de la discographie: le personnage souvent interprété comme un rustre sans cœur, y gagne ici une dimension insoupçonnée et par conséquent un intérêt véritable. Matti Salminen offre sa généreuse voix de basse profonde au personnage de Ramfis qui n’y était guère habitué; là aussi, le personnage s’en trouve davantage caractérisé. Légère réserve, en revanche, en ce qui concerne le Radamès de Vincenzo La Scola: en effet, la voix sonne un peu étriquée et se métallise considérablement dans l’aigu et il n’est pas rare qu’en dépit des micros il soit couvert de temps en temps par ses partenaires. Cette réserve minime ne doit pas pour autant empêcher l’acquisition de cette version d’autant que tous les rôles secondaires sont admirablement tenus et que la prise de son est luxueuse.