Messiaen - Regards sur l'enfant Jésus (+catalogue d'oiseaux)

• Études de rythme (1949-50). Cantéyodjayâ (1948). Petites Esquisses d’oiseaux (1985-87).
Roger Muraro (piano)
En public, Paris, II.2001
Accord

Xavier a écrit:

Mais dans les oeuvres de la maturité, je trouve qu'il a une signature encore plus forte que la majorité des compositeurs, il a des systèmes précis, des harmonies à lui, des rythmes à lui, etc...

Curieusement, comme pour faire mentir Xavier, je trouve que les Études de rythme, bien que postérieures aux Vingt Regards sonnent finalement de manière plus impersonnelle que ces dernières (sauf certaines formules des Neumes rythmiques) - je ne sais pas, ça sonne bizarrement germanique pour du Messiaen, avec tantôt des essais de pointillisme à la Webern (Modes de valeur et d’intensité), tantôt de l’espèce de polytonalité motorik presque à la Hindemith.

En revanche, Cantéyodjayâ baby tu dead ça, composé juste avant est assez typique de Messiaen (il me semble qu’il y a certaines tournures qu’on retrouve dans la Turangalîla) - mais je n’aime décidément pas cette pièce. Outre les Vingt Regards, je préfère vraiment les œuvres ornithologiques tardives (et pour le coup radicalement idiosyncratiques): je suis maintenant en train d’écouter les Petites Esquisses, quelle merveille!

Benedictus a écrit:

• Études de rythme (1949-50). Cantéyodjayâ (1948). Petites Esquisses d’oiseaux (1985-87).
Roger Muraro (piano)
En public, Paris, II.2001
Accord

Xavier a écrit:

Mais dans les oeuvres de la maturité, je trouve qu'il a une signature encore plus forte que la majorité des compositeurs, il a des systèmes précis, des harmonies à lui, des rythmes à lui, etc...

Curieusement, comme pour faire mentir Xavier, je trouve que les Études de rythme, bien que postérieures aux Vingt Regards sonnent finalement de manière plus impersonnelle que ces dernières (sauf certaines formules des Neumes rythmiques) - je ne sais pas, ça sonne bizarrement germanique pour du Messiaen, avec tantôt des essais de pointillisme à la Webern (Modes de valeur et d’intensité), tantôt de l’espèce de polytonalité motorik presque à la Hindemith.

En revanche, Cantéyodjayâ baby tu dead ça, composé juste avant est assez typique de Messiaen (il me semble qu’il y a certaines tournures qu’on retrouve dans la Turangalîla) - mais je n’aime décidément pas cette pièce. Outre les Vingt Regards, je préfère vraiment les œuvres ornithologiques tardives (et pour le coup radicalement idiosyncratiques): je suis maintenant en train d’écouter les Petites Esquisses, quelle merveille!

Oui mais non.

Bonjour, d'abord, et enchanté de te voir participer à cette discussion.

Oui mais non, disais-je, simplement pour souligner ce que savent déjà les érudits et adeptes d'Olivier Messiaen dont je fais partie : les fameuses Études de rythme constituent une exception majeure chez ce compositeur.

H; Halbreich a écrit:

On sait que ce premier essais de prédétermination totale des paramètres musicaux est demeuré unique dans l'œuvre de Messiaen, qui ne persévéra pas dans cette voie. Sans doute avait-il vu avec dix ou quinze ans d'avance qu'elle représentait une impasse, même si cette impasse a permis une brève et éblouissante floraison de chefs-d'œuvres...

Note : ci-dessus, à propos du Mode de valeurs et d'intensités.

Le total chromatisme, déjà, c'est du gris, du noir et blanc. La couleur est partie.

c’est faux : les exemples d’organisation sérielle sont nombreux chez le compositeur, y compris avant les Études, qui semblent si dérangeantes qu’on veut systématiquement en faire une exception malheureuse alors que c’est pas terrible alors qu’elles sont pas si isolées mais au contraire dans la continuité de l’œuvre de Messiaen.

ensuite : en quoi le « total chromatisme » est moins coloré qu’un mode symétrique ?

lulu a écrit:

c’est faux : les exemples d’organisation sérielle sont nombreux chez le compositeur, y compris avant les Études, qui semblent si dérangeantes qu’on veut systématiquement en faire une exception malheureuse alors que c’est pas terrible alors qu’elles sont pas si isolées mais au contraire dans la continuité de l’œuvre de Messiaen.

Mouais. C'est pas faux. Mais Olivier Messiaen n'en abuse pas, ou il "noie cela" à l'intérieur de son langage, complexe et d'une grande cohérence.

Olivier Messiaen a écrit:

J’ai été très contrarié de l’importance démesurée que l’on a accordée à une petite œuvre, qui n’a que trois pages et qui s’appelle Mode de valeurs et d’intensités, sous le prétexte qu’elle aurait été à l’origine de l’éclatement sériel dans le domaine des attaques, des durées, des intensités, des timbres, bref, de tous les paramètres musicaux. Cette musique a peut-être été prophétique, historiquement importante, mais, musicalement, c’est trois fois rien…

Note : je ne suis pas expert en séries (enfin, j'ai lu le bouquin de Pierre Boulez, Penser la musique aujourd'hui, comme tout le monde), je le confesse, mais j'aurais tendance à voir également dans la fugue une organisation sérielle, par exemple. Bref.

lulu a écrit:

ensuite : en quoi le « total chromatisme » est moins coloré qu’un mode symétrique ?

J'aurais dû parler de mode à douze-zéro tonique(s).

PS : je taquine un peu, tout cela est plus compliqué, j'sais bien.

Au passage, je découvre cette interprétation du Catalogue : /watch?v=bMEAE9jSlqA

MON interprétation préférée [du moment] : la prise de son est excellente, les graves profonds, et le jeu du pianiste extraordinaire, tant par sa virtuosité (le gars a l'air branché musique contemporaine) que par son habileté à "jouer oiseau", à nous faire entendre que ce qu'il joue, ce sont les chants d'oiseaux vivants !

Benedictus a écrit:

DavidLeMarrec a écrit:

Messiaen – 20 Regards sur l'Enfant Jésus
– Peter Serkin (Decca)
– Håkon Austbø (Naxos)
– John Ogdon (Decca)
– Béroff (Decca)

Les cinq , c'est l'œuvre que tu notes, ou les versions (et les quatre seraient donc toutes très réussies)?

J'ai fait une moyenne des deux, disons l'intérêt du disque.

En l'occurrence, quatre des meilleures (nombreuses) versions disponibles (il manque Muraro et Kars), à mon sens.

Austbø est vraiment le plus satisfaisant pour moi sur la durée à la fois du cycle et des réécoutes, cette rondeur enveloppante, cette pudeur, jamais d'effets exotiques, on perçoit très bien la profondeur harmonique, la structure, franchement idéal.

Ogdon est une autre excellente adresse, un peu plus motorique, quelques duretés, mais là aussi, cycle très convaincant, vraiment persuasif de bout en bout.

Peter Serkin, c'est tout autre chose : pas beaucoup de couleurs, mais un sens du discours, une évidence de parole confondantes. Ça permet de suivre très agréablement le propos d'une tout autre façon.

Béroff fait le choix d'utiliser peu de fondu et de pédale, lecture très sèche, un peu dure, mais qui met à nu les arêtes de cette musique, vraiment passionnant.

Muraro est peut-être le plus fin, avec à la fois la poésie, les couleurs, l'étagement, le phrasé, la structure… mais la prise de son est vraiment dure, elle est même agressive et me lasse vite sur l'écoute du cycle complet.

Enfin Kars, que je ne connais que par fragment, pas au même niveau de maîtrise technique et discursive que les autres, mais très réussi sur le plan poétique.

J'ai aussi les extraits de Crossly, Pöntinen et Stott, que je n'ai jamais écoutés, et qui m'intriguent beaucoup !


(J'avais été assez déçu par la monochromie de Helmchen et, sans surprise, je n'aime pas beaucoup Aimard ici, comme toujours quelque chose de gris et d'uniforme, peu de relief… pianiste au répertoire passionnant, mais son jeu est un frein pour moi, j'essaie d'écouter ça par d'autres. )

DavidLeMarrec a écrit:

Ogdon est une autre excellente adresse, un peu plus motorique, quelques duretés, mais là aussi, cycle très convaincant, vraiment persuasif de bout en bout.

Peter Serkin, c'est tout autre chose : pas beaucoup de couleurs, mais un sens du discours, une évidence de parole confondantes. Ça permet de suivre très agréablement le propos d'une tout autre façon.

Béroff fait le choix d'utiliser peu de fondu et de pédale, lecture très sèche, un peu dure, mais qui met à nu les arêtes de cette musique, vraiment passionnant.

Muraro est peut-être le plus fin, avec à la fois la poésie, les couleurs, l'étagement, le phrasé, la structure… mais la prise de son est vraiment dure, elle est même agressive et me lasse vite sur l'écoute du cycle complet.

Je n'ai pas réécouté Ogdon, P. Serkin et Béroff depuis longtemps, mais ce que tu en dis correspond assez au souvenir que j'en avais gardé. Ce que tu dis de Muraro aussi, d'ailleurs (y compris sur la prise de son - même si je m'y fais apparemment mieux que toi sur la durée) - mais je l'avais réécouté il y a peu.

Après voir écouté et réécouté qqs versions, dont la très lente et assez surprenante version de Anton Batagov -j'aime bien-, j'avoue que celle d'Alice Ader me plait toujours autant.


Mais je crois que je ne vais pas trop m'attarder sur Osborne, Chamayou.

J'ai aussi les versions par Béroff et Serkin, mais en vinyle.
ça fait longtemps que je ne les i pas écoutées, mais dans mon souvenir, je préférais nettement la version Serkin

Chamayou est vraiment très réussi (je ne l'aime pas forcément beaucoup dans les autres répertoires, toujours un peu policé) : il le traite un peu comme du Chopin, avec un grand lyrisme et une très belle cohérence, ça paraît contre-intuitif sur le papier, mais ça coule vraiment de source et offre une perspective très différente, en nous rendant cette musique familière (ça où Béroff par exemple en accentue les angles et les parentés avec les langages atonals).

DavidLeMarrec a écrit:

Chamayou est vraiment très réussi (je ne l'aime pas forcément beaucoup dans les autres répertoires, toujours un peu policé) : il le traite un peu comme du Chopin, avec un grand lyrisme et une très belle cohérence, ça paraît contre-intuitif sur le papier, mais ça coule vraiment de source et offre une perspective très différente, en nous rendant cette musique familière (ça où Béroff par exemple en accentue les angles et les parentés avec les langages atonals).

j'avoue que je n'ai pas accroché.

j'ai pourtant essayé plusieurs fois

Ah, d'accord, tu avais essayé, je croyais que tu hésitais à acheter / écouter sérieusement !

C'est une version dont l'angle est assez singulier, il n'est pas illogique qu'elle ne séduise pas quelqu'un qui a déjà ses habitudes dans le cycle / qui aime son Messiaen plus radical.

Je préfère mille fois le côté un peu trop romantique de Chamayou à la mécanique froide de Béroff. Pour moi clairement Messiaen ne doit pas se jouer de façon froide et mathématique.
Muraro est idéal là-dedans.

Je ne trouve pas Chamayou trop romantique, ni Béroff froid (j'aurais plutôt dit anguleux), les deux révèlent des facettes intéressantes de cette musique.

Muraro, c'est formidable, mais avec la prise de son je n'arrive pas à écouter tout le cycle.

(Mon idéal à moi, c'est plutôt Austbø comme déjà signalé plus haut, mais il existe plein de grandes versions, et d'ailleurs j'ai vraiment changé d'avis sur Aimard, qui n'est pas très coloré mais dont on sent quand même la compréhension profonde du discours !)

DavidLeMarrec a écrit:

Ah, d'accord, tu avais essayé, je croyais que tu hésitais à acheter / écouter sérieusement !

C'est une version dont l'angle est assez singulier, il n'est pas illogique qu'elle ne séduise pas quelqu'un qui a déjà ses habitudes dans le cycle / qui aime son Messiaen plus radical.

un jour peut-être !

mais pour l'instant, j'ai surtout été séduit par Alice Ader (mis je ne suis peut-être pas objectif, je l'ai déjà rencontrée et enregistrée, pour du Emmnuel Nunes en concert), et l'étonnante version de Bagatov.

Et pour autant que je me souvienne, la version Peter Serkin, que je préférais nettement à la version Beroff (les 2 versions que j'ai en vinyle).

@CorvusCorax.


merci d’voir signalé Ciro Longobardi - cela semble exceptionnel. je suis également très satisfait de la performance de Josy de Oliveira.