André CAMPRA (1666-1744)

Oui réponse toute fraîche

Cool! Une bien bonne nouvelle alors... surtout que j'avais beaucoup aimé la production perso!

J'ai écouté hier soir Le carnaval de Venise par Hervé Niquet. J'ai a-do-ré. Particulièrement les trois actes qui déroulent l'intrigue. Bon, certes celle-ci tient sur un post-it. Mais la façon dont le récitatif a évolué dans cette période, l'inspiration mélodique, l'équilibre avec l'orchestre, tout cela me convient parfaitement. Il y a dans certains passages une inventivité rythmique que j'aime énormément.
Je suis moins enthousiasme sur l'acte italien, du moins le 1er divertissement sur l'Orfeo. C'est chouette, mais plus convenu, ça se détache moins de ce que j'ai pu entendre d'autre de cette période. En revanche je retrouve dans le bal des éléments de ce qui me plaît vraiment dans cette musique. Cette comédie-ballet est un vrai coup de cœur. Il va falloir que je poursuive avec une tragédie de Campra.

Si tu veux du neuf, dans ce cas : Idoménée de Campra (puis Tancrède), Callirhoé de Destouches, Pirame de Francœur & Rebel s'inscrivent dans cette généalogie d'innovations, de mobilité post-LULLYste.

Toute cette période intermédiaire entre LULLY et Rameau, où les opéras n'avaient d'ailleurs pas grand succès, sauf exception (dont Tancrède) à la cour comme à Paris, est particulièrement vivace (et contrairement aux opéras-ballets, dans les tragédies les livrets sont souvent très bons !).

Pas grand chose à rajouter après la belle présentation que Polyeucte a faite du spectacle d'Avignon-Versailles.

Et cet album en est le reflet.



Bon, quand même:

Résumé: (version uncut d'Il combattimento di Tancredi e Clorinda de Monteverdi)

Tancrède aime Clorinde

Clorinde aime Tancrède

Herminie aime Tancrède

Argant aime Clorinde

Isménor aime Herminie

...et forcément, tout ça finit mal!

Plus sérieusement, j'ai beaucoup aimé l'opéra (deux écoutes)...musicalement parlant.
Alors bien sûr tout ce qui est danses et ballets passe beaucoup moins bien au disque...on entend de l'agitation sur scène, des pas précipités sans savoir vraiment ce qu'il se passe.
Mais pour le côté purement musical, c'est très réussi, avec de belles atmosphères, l'action avance bien, de la vivacité dans les intermèdes orchestraux, de belles parties solo des chanteurs aussi...les choeurs sont très biens.
Pour la distribution, je suis d'accord avec Polyeucte , tous les principaux rôles sont bien tenus (Arnould/Tancrède un peu juste dans quelques notes graves)...mais le point faible est bien Erwin Aros (plutôt dans un registre de ténor ici) qui tient plusieurs rôles secondaires, un sage, la vengeance, un guerrier...
Le timbre est désagréable et le chant pas toujours très juste. Rien de rédhibitoire pour autant, ses interventions n'étant pas très nombreuses.

Au final, une belle découverte (une de plus).

Pour information, ça a été l'un des opéras les plus joués de toute l'histoire de l'Académie Royale de Musique… Énorme succès (sans doute à cause de la veine épique, dans une période où les Modernes avaient le vent en poupe ?).

Dramatiquement, Idoménée est plus resserré, c'est vrai que Tancrède reste un peu statique, beaucoup d'emprisonnements et de monologues amoureux dépités.

DavidLeMarrec a écrit:

Pour information, ça a été l'un des opéras les plus joués de toute l'histoire de l'Académie Royale de Musique… Énorme succès (sans doute à cause de la veine épique, dans une période où les Modernes avaient le vent en poupe ?).

Dramatiquement, Idoménée est plus resserré, c'est vrai que Tancrède reste un peu statique, beaucoup d'emprisonnements et de monologues amoureux dépités.

Une seule écoute d'Idoménée pour l'instant...

Les arts Florissants: William Christie – 1991
Bernard Deletré - Sandrine Piau - Monique Zanetti - Jean-Paul Fouchécourt - Marie Boyer
Jérôme Corréas - Richard Dugay - Mary Saint-Palais - Anne Pichard - Anne Mopin
Jean-Claude Saragosse

Deuxième écoute, et révélation...j'aime beaucoup cet opéra que finalement je préfère à Tancrède.

Ambiance sombre, intrigue resserrée, et de nombreux passages marquants...moins de danses/ballets aussi (dont je ne raffole pas!).

De belles scènes donc, comme celle de la rencontre d'Idoménée et Idamante (acteII scène 4), c'est dépouillé, mais prenant (rencontre père/fils).
Plusieurs monologues d'Electre sont très intéressants.
Ça reste tendu du début à la fin, et excepté la "pastorale" de l'acte IV scène 6 (musette, rigaudon, et les bergères), qui amène un peu de gaieté, le drame se fait ressentir en permanence.
Et un final qui fait froid dans le dos! (je sursaute au grand bruit annonçant l'arrivée de Nemesis!)

Idoménée
Quel feu dans mon sein se rallume!
Quel trouble renaissant! Quel poison me consume!

Et la toute fin:

Ilione
Pour le punir, laissez-le vivre,
C'est à moi seule de mourir.  

La distribution est excellente, avec l'Idamante remarquable de Fouchécourt; excellents aussi l'Idoménée de Deletré et l'Electre de Sandrine Piau. En fait je n'ai pas trouvé de point faible ici.

Et encore une fois, je ne sais pas si s'est lié à Christie, mais l'orchestre pourrait avoir un peu plus de "vivacité" (mais c'est quand même très bien)!

Je trouve Christie vraiment parfait ici d'équilibre entre la finesse et l'engagement, mais oui, c'est un studio du début des années 90, donc ça ne bouge pas du tout autant que ce qui se fait aujourd'hui (Arts Flo inclus).

Privilégie peut-être les versions plus récentes quand c'est possible.

DavidLeMarrec a écrit:

Je trouve Christie vraiment parfait ici d'équilibre entre la finesse et l'engagement, mais oui, c'est un studio du début des années 90, donc ça ne bouge pas du tout autant que ce qui se fait aujourd'hui (Arts Flo inclus).

Privilégie peut-être les versions plus récentes quand c'est possible.

Quand c'est possible...c'est là le problème car il y a beaucoup de versions (opéra en général) qui ne sont plus disponibles.

Et la plupart des opéras existent en une seule version. Je sais.

Disons que pour Rameau tu as intérêt à plutôt aller entendre des captations récentes.

Pour le reste, oui, le choix est ce qu'il est - étique.

Le Destin du Nouveau Siècle est une partition de Campra de 1700 qu'on pensait perdue et qui a été retrouvée en 2015 et ressuscitée en 2016 par l'ensemble La Tempesta dirigée par Patrick Bismuth. La médiathèque de Saint-Denis possédait en effet dans ses collections une copie de 1740, vraisemblablement une saisie révolutionnaire. L’œuvre totalement inédite s'articule en un Prologue et Trois Récits (chaque récit n'étant ni plus ni moins qu'une Entrée de ballet déguisée) sur un livret du Père du Cerceau. Ces différents Récits allégoriques servaient d'intermèdes à la tragédie Maxime martyr du même auteur laquelle fut jouée à Louis-le-Grand le mercredi 12 mai 1700 (durée 5h). Même usage et même contexte donc que pour le David et Jonathas de Charpentier. Le Destin du Nouveau Siècle est la seule œuvre connue de nos jours des 12 (!) que Campra composa pour Louis-le-Grand, c'est dire si cette redécouverte est précieuse et inespérée.

Le poème en lui-même n'a aucun intérêt et peut être résumé comme suit :

- Prologue : Saturne annonce qu'il va donner au monde un nouveau siècle aux peuples, lesquels sont divisés en deux parties : les uns pour la guerre, les autres pour la paix.
- Premier Récit : La Guerre - Mars invite les peuples à le suivre ; la Gloire, Bellone et Vulcain s'unissent pour allumer une guerre éternelle.
- Deuxième Récit : La Paix - Le Génie de la Terre supplie la Paix de venir ; celle-ci descend des cieux avec les Jeux, les Plaisirs et l'Abondance.
- Troisième Récit : Les peuples sont toujours divisés mais Minerve parvient à réconcilier tout le monde "Aimons les armes / Cultivons les arts"

Dans sa présentation de 6 pages, le premier violon Hélène Houzel retrace la découverte de la partition et les questions (sans réponse) que celle-ci pose : quelle est sa provenance ? Pourquoi cette copie 40 ans plus tard ? Y-a-t-il des ajouts propres à 1740 ? Ses autres interrogations me semblent plus être là pour justifier les choix interprétatifs (tributaires d'une certaine réalité économique) de l'ensemble... "Écrite en 1700, cette partition, si on se réfère aux pratiques de l'Académie Royale de Musique, aurait pu être à cinq parties. Mais on connaît en réalité peu les pratiques musicales des productions pour le collège Louis-le-Grand." Par ailleurs en 1740 l'écriture orchestrale aurait "énormément évolué". De conclure : "Alors ! Quel orchestre doit-on reconstituer pour jouer cette oeuvre ? Un orchestre calqué sur celui de l'Académie Royale en 1700 ou un petit ensemble tel qu'on pourrait l'imaginer dans un salon de moyenne importance au milieu du siècle ? Quelle est ici la vérité historique ? La question de la vérité historique a-t-elle seulement toujours un sens ?" [Ben voyons !] De fait il y a ici en tout et pour tout 11 cordes : 7 violons, 2 tailles de violon et 2 basses de violons. On est loin de l'écriture à cinq parties et ça s'en ressent au niveau des équilibres, on entend surtout les aigus, les cordes sonnent particulièrement acides, la justesse semble parfois approximative... Autres instruments employés : 1 théorbe, 1 clavecin, 2 hautbois, 1 flûte (jouée par une hautboïste), 1 basson, 2 trompettes et 1 percussion. Le chœur (Les Chantres du CMBV) est également allégé : 4 dessus, 4 hautes-contre, 4 tailles et 5 basses.

Vu l'omniprésence des chœurs qui dialoguent avec les solistes tout au long de l'œuvre, une optique grand effectif semblait plus aller de soi qu'une vision chambriste intimiste. Un nouveau siècle ça se fête ! Mais bon, de toute façon, les chœurs sont souvent coupés... Le livret est complet ce qui permet de suivre les coupes - qui ne sont précisées nul part - au fil de l'écoute. L’œuvre dure 1h45 comme le signale d'ailleurs Hélène Houzel dans sa présentation, mais comme on devine qu'il fallait faire tout tenir sur un seul disque ce sont plus de 20 minutes qui sont passées à la trappe. Heureusement toutes les danses semblent être là et l’œuvre est vraiment superbe (avec un tout petit effort d'imagination).

Cet enregistrement a été réalisé du 15 au 17 janvier 2021 à l'Opéra Royal de Versailles. La prise de son est un peu étrange, parfois les chanteurs ou les chœurs m'ont semblé plus distants ou différemment captés (ex: "Descendez paix charmante" on dirait que les choeurs chantent dans la pièce d'à côté, "Jeux, plaisirs innocents" - sur une basse de chaconne - où la voix de Florie Valiquette est bizarrement recouverte, etc.)

Côté chanteurs les "stars" ont droit à leur photo dans le livret et à la mention de leur rôle. Par contre impossible de savoir qui chante quel petit rôle (simple astérisque à côté du nom d'un chanteur du chœur...) Comme plus d'un quart du livret est composé de publicité à la gloire de l'ensemble (un peu) ou de Château de Versailles Spectacles (beaucoup) on aurait peut-être pu sacrifier juste une demi-page pour dire qui chante quoi... ça aurait été sympa pour les interprètes aussi. Mais dans cette œuvre même les stars ont de tous petits rôles. Seul Mathias Vidal sort vraiment du lot et m'a enthousiasmé. Thomas van Essen fait le job mais ses deux rôles sont bien trop insignifiants pour avoir un avis. Florie Valiquette est hors style. Claire Lefilliâtre arrive trop tard et est incompréhensible sans livret. Mauillon m'a un peu déçu, butant parfois sur le texte, inflexions un peu décalées, phrasé ne sonnant pas toujours naturel.

Merci beaucoup pour ton retour puisque nous sommes quelques-uns à être totalement déconnectés des parutions CVS désormais…

J'hésitais à prendre mon après-midi et claquer 50€ pour entendre cet inédit, mais pour du ballet galant en version de concert, je risque fort de passer mon tour.

DavidLeMarrec a écrit:

Merci beaucoup pour ton retour puisque nous sommes quelques-uns à être totalement déconnectés des parutions CVS désormais…

J'hésitais à prendre mon après-midi et claquer 50€ pour entendre cet inédit, mais pour du ballet galant en version de concert, je risque fort de passer mon tour.

Je pensais aussi y aller mais maintenant je ne suis plus aussi sûr.  
D'autant plus que présenter l'œuvre dans la salle des croisades avec ses deux piliers en plein milieu...
Pourquoi pas un placard à balais ?

WoO a écrit:

DavidLeMarrec a écrit:

Merci beaucoup pour ton retour puisque nous sommes quelques-uns à être totalement déconnectés des parutions CVS désormais…

J'hésitais à prendre mon après-midi et claquer 50€ pour entendre cet inédit, mais pour du ballet galant en version de concert, je risque fort de passer mon tour.

Je pensais aussi y aller mais maintenant je ne suis plus aussi sûr.  
D'autant plus que présenter l'œuvre dans la salle des croisades avec ses deux piliers en plein milieu...
Pourquoi pas un placard à balais ?

J'y étais allé une fois (toi aussi, non ?), pour Pyrrhus de Royer, j'étais tout au fond mais finalement très près, je voyais et entendais parfaitement.

Mais c'est un gros investissement en temps et un certain investissement en argent, alors pour un intermède…

(Pour ceux qui ne l'ont pas noté, c'est le mardi 12 avril, avec la même distribution.)

Non jamais fait. Mais j'ai le disque que j'aime beaucoup même si c'est une version light. Le dernier enregistrement baroque français de Guillemette Laurens
Dites le aux programmateurs : on l'aime, on s'en fiche qu'elle chante faux contrairement à Lefilliâtre

Sinon il reste des places, mais vu leur prix (45/60/98 sans la carte CVS ou 38/50/85 avec la carte CVS) et vu le son de l'orchestre, je pense que je vais me contenter du disque... L’œuvre est vraiment excellente, totalement axée sur le spectaculaire et la danse. On se prend à rêver sur ce que Vashegyi, avec ses choeurs, ou Dumestre, avec son sens des couleurs, pourraient en faire, tous deux excellant dans les pages les plus dansantes.

J'ai découvert Campra avec Idoménée, j'ai été émerveillé par la beauté et la profondeur de l'oeuvre, ensuite je suis passé aux motets et puis aux grand motets... Que dire... C'est tout bonnement magnifique ; avec Mondoville et Lully, il fait partie de mon top 3 baroque   voici les versions que j'ai :

Yano a écrit:

J'ai découvert Campra avec Idoménée, j'ai été émerveillé par la beauté et la profondeur de l'oeuvre, ensuite je suis passé aux motets et puis aux grand motets... Que dire... C'est tout bonnement magnifique ; avec Mondoville et Lully, il fait partie de mon top 3 baroque   voici les versions que j'ai :

J'ai les mêmes versions. C'est vrai que c'est magnifique  
Il y a aussi un disque de cantates: 

Merci pour l'info, Melody !
Je ne le connais pas celui-là

Sans un un chef-d'œuvre aussi absolu qu'Idoménée (vraiment une des tragédies lyriques les plus saisissantes - noire, resserrée), Tancrède est très bien aussi (et la version Schneebeli chez Alpha est excellente.)

Je note, je note !
Merci

Et dans un genre léger, Les Fêtes Vénitiennes est très chouette aussi...
Le spectacle réunissant Les Arts Florissants et Robert Carsen à l'Opéra-Comique avait été filmé à l'époque et diffusé, mais pas de DVD à la clé.

Je ne sais pas si tu es remonté plus haut dans la lecture du sujet @Yano. Je ne redis pas ce que j'avais écrit du Carnaval de Venise, que j'adore. La version Niquet a justement été récemment rééditée.

Oui, je suis tout ça

Je voulais dire un truc intéressant, mais vous avez déjà très bien couvert le sujet (Tancrède, Feſtes Vénitiennes…) et Idoménée / Exaudiat te Dominus / Notus in Judea constituent de toute façon le sommet du legs publié.

On trouve des bouts de l'Europe Galante, très importante historiquement, mais c'est pas très bien joué (Leonhardt) et pas complet… Les cantates ne sont pas non plus ce qu'il y a de mieux dans son catalogue, ni dans celui des cantates françaises en général (par rapport à Clérambault, Jacquet de La Guerre ou Bernier).