On l’oublie souvent, mais les chœurs mixtes (sexuellement) qui ont commencé à voir le jour à la fin du dix-huitième siècle n’ont pas remplacé du jour au lendemain les chœurs mixtes masculins (hommes et garçons).
Tout le monde a déjà dû voir, je pense, cette peinture de Balthasar Wigand représentant une exécution de
la Création dirigée en 1808 par Salieri. Pas de femmes dans le chœur, sinon la soliste (qui chantait également les chœurs, comme il était d’usage à l’époque). Dans le livret d’un de ses disques (j’ai oublié lequel), Gunar Letzbor souligne qu’en Autriche la musique religieuse a continué d’être interprétée par des maîtrises tout au long du dix-neuvième siècle dans la plupart des églises. Je ne sais pas si les messes de Schubert ont été créées par des chœurs masculins, en tout cas c’est l’option retenue par Bruno Weil.
http://www.amazon.com/Schubert-Masses-105-167-324/dp/B0065HDLB2/ref=sr_1_11?s=music&ie=UTF8&qid=1462104363&sr=1-11
Les Petits Chanteurs de Vienne avaient déjà amorcé leur déclin. Les pupitres de soprano et d’alto sont corrects, mais les solistes garçons ne sont en général pas terribles — il y en a même un assez catastrophique, dans la messe n
o 5. C’est l’occasion d’entendre dans les enregistrements de 1995 le soprano Alexander Nader, quinze ans à l’époque, et chantant en fausset, comme pas mal de garçons de Vienne ou de Montserrat. Je suis convaincu que la plupart des garçons sopranos de seize ou dix-sept ans d’autrefois dont certains baroqueux nous ont rebattu les oreilles pour justifier leur choix de ne pas faire appel à des garçons dans la musique sacrée ancienne étaient en fait de jeunes falsettistes comme les adolescents Nader ou Cenčić.
Enfin, cette musique n’étant pas vraiment ma tasse de thé, passons.
Les messes et oratorios de Haydn par Bruno Weil sont bien plus intéressants.
Ce coffret chez Sony est une aubaine :
la Création, quatre des six dernières grandes messes, des motets et la
Missa Sunt bona mixta malis.
https://www.jpc.de/jpcng/classic/detail/-/art/Joseph-Haydn-1732-1809-Die-Sch%F6pfung/hnum/3158786
Les solistes les plus présents sont l’exquise Ann Monoyios, le ténor Jörg Hering et Harry van der Kamp. Excellent orchestre canadien, Tafelmusik, dirigé par Jeanne Lamon. Quand il est comme ici dans son élément, le Tölzer Knabenchor est génial. Les couleurs en sont magnifiques, et le caractère mâle affirmé du pupitre d’alto tranche agréablement avec celui des pupitres de falsettistes auxquels nous ont habitués ces dernières décennies. Le style angélique cucul, très peu pour Tölz ! La
Missa Sunt bona mixta malis est particulièrement sombre. Parmi les plus belles réussites du coffret, la
Nelsonmesse, la
Paukenmesse et bien sûr
Die Schöpfung. Sublime
Salve Regina.
Ledit
Salve sur VousTube :
watch?v=FzY1cRfBVLgLa messe des Timbales (
Paukenmesse) :
watch?v=kR-8SuMcJggIl manque dans ce coffret les deux dernières grandes messes (
Harmoniemesse et
Schöpfungsmesse), que Weil avait pourtant enregistrées pour Sony, mais en
live, il est vrai. La prise de son y est nettement moins bonne. Dans l’une d’elles, la voix d’un soprano se détache par ailleurs du pupitre, du coup nettement moins homogène (Maximilian Hinz, muant, chantant en fausset). Pour les collectionneurs :
http://www.arkivmusic.com/classical/album.jsp?album_id=169889
Voilà quelques années, Bruno Weil a réenregistré
la Création (en concert). Personnellement, je préfère la version Sony.
http://www.qobuz.com/fr-fr/album/die-schopfung-la-creation-joseph-haydn/4260052380826
J’avais assisté aux
Saisons à Irsee et je désespérais de voir un jour paraître un enregistrement de Weil. Tout vient à point à qui sait attendre, malheureusement sans Monoyios :
http://www.qobuz.com/fr-fr/album/die-jahreszeiten-joseph-haydn/4260052380819
Bruno Weil a par ailleurs enregistré avec le Tölzer Knabenchor et Tafelmusik (mais sans Monoyios, snif !) le requiem de Mozart. Bourrins à souhait, les ténors s’en donnent à cœur joie — j’avoue, j’adore. Globalement, une version très sèche, et même un peu trop à mon goût, avec par exemple un « Recordare » sans pitié. Seul moment d’émotion, mais un peu convenu, forcément, le « Lacrimosa ». Le chœur reste très bon, mais je l’ai connu plus en forme, surtout les altos.
http://www.qobuz.com/fr-fr/album/mozart-requiem-k-626-tafelmusik/0886445145472#item
watch?v=G9AVDjiRGBsPour finir, même si je dois avouer que je manque sérieusement de comparaisons s’agissant des symphonies de Schubert, j’ai beaucoup aimé la Huitième de Weil — pas romantique pour un sou (soit exactement ce qu’il me fallait) — :
http://www.allmusic.com/album/franz-schubert-symphonies-no-7-8-no-8-9-mw0001796669