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| Le Ring expliqué ! | |
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Auteur | Message |
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Rubato Mélomane chevronné
Nombre de messages : 14619 Date d'inscription : 21/01/2007
| Sujet: Re: Le Ring expliqué ! Dim 25 Aoû 2013 - 8:54 | |
| - Cololi a écrit:
- olivier le normand a écrit:
- Quesion d'un pur néophyte aux spécialistes du Ring:
quels sont les instruments qui ouvrent le fameux Prélude de l'Or du Rhin?
Est-ce que ce sont bien les cordes graves qui produisent ce son à peine audible?
Merci Les contrebasses je crois. Et dans ce cas précis, pour atteindre le mi bémol, les contrebasses sont accordées ½ ton en dessous. |
| | | Rubato Mélomane chevronné
Nombre de messages : 14619 Date d'inscription : 21/01/2007
| Sujet: Re: Le Ring expliqué ! Lun 25 Nov 2013 - 8:26 | |
| Petite question: Siegfried se confectionne un pipeau, et quand il essaie d'en jouer il fait de nombreuses fausses notes. Alors, ces fausses notes sont-elles écrites telles quelles sur la partition, ou bien sont-elles en partie improvisées par l'instrumentiste ? |
| | | Golisande Mélomane chevronné
Nombre de messages : 7932 Age : 50 Localisation : jeudi Date d'inscription : 03/03/2011
| Sujet: Re: Le Ring expliqué ! Lun 25 Nov 2013 - 10:21 | |
| Les notes sont écrites (pour un cor anglais censé jouer en coulisses) et dessous Wagner a écrit "grell und unrein, zur Nachahmung eines rohen Rohrinstrumentes" (criard et mal joué, pour imiter un instrument en forme de tuyau grossier). Et au fait, le mi b grave au début de Rheingold, je me demande si ce ne sont pas des contrebasses à 5 cordes avec do ou si grave (cf. par ex. début de Zarathoustra de Strauss) plutôt que la corde de mi baissée d'un demi-ton — mais à vrai dire j'ignore si ça se faisait déjà à l'époque...
Dernière édition par Golisande le Lun 25 Nov 2013 - 11:30, édité 1 fois |
| | | Rubato Mélomane chevronné
Nombre de messages : 14619 Date d'inscription : 21/01/2007
| Sujet: Re: Le Ring expliqué ! Lun 25 Nov 2013 - 11:28 | |
| Merci Golisande! Pour le mib, j'ai lu (je ne me souviens plus où) que c'étaient toutes les cordes de la contrebasse qui étaient abaissées d'1/2 ton. À vérifier, donc! |
| | | Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 91579 Age : 43 Date d'inscription : 08/06/2005
| Sujet: Re: Le Ring expliqué ! Lun 25 Nov 2013 - 13:36 | |
| - Rubato a écrit:
- Pour le mib, j'ai lu (je ne me souviens plus où) que c'étaient toutes les cordes de la contrebasse qui étaient abaissées d'1/2 ton.
À vérifier, donc! Oui, c'est ce qui est écrit sur la partition, je viens de vérifier. |
| | | Golisande Mélomane chevronné
Nombre de messages : 7932 Age : 50 Localisation : jeudi Date d'inscription : 03/03/2011
| | | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: Le Ring expliqué ! Dim 3 Aoû 2014 - 0:16 | |
| Wagnéropathes de tous pays, rassemblez-vous ; j'ai une question pour vous. Pourquoi Wagner fait-il des rythmes bizarres. On pourrait dire que c'est parce que son expression est subtile ou sa prosodie est travaillée, mais non, les voix ne sont pas si expressives que ça, et sa prosodie est particulièrement bizarre (personne n'aurait osé la tordre en de tels sauts d'intervalle, à son époque). Donc, qu'est-ce qui explique ces bizarreries, qui deviennent la norme dès Rheingold et Tristan ? J'ai pris (au hasard, vraiment) deux pages du Crépuscule, et on y voit tous ces problèmes. Déjà, très souvent, ça ne commence pas sur le temps. Pourquoi pas, c'est peut-être pour ne pas détourner l'attention de l'accord joué, ou bien permettre des effets syncopés comme dans la pop… mais ici, on le voit bien, c'est asymétrique, une mesure ne le fait pas, et l'autre si. Ensuite, il y a beaucoup de valeurs bizarres. Très souvent des blanches prolongées par des croches, comme ici. Dans ce cas précis, ça peut se justifier s'il veut une croche en fin de mesure, mais dans certains cas, ces valeurs sont isolés. Alors pourquoi précisément cette durée ? Exemple inverse, qui commence avant le temps, avec le début de mesure syncopé. Contrainte du vers, vraiment ? Que Wagner soit nul en poésie, ok, mais en musique ? Et, en rouge, une blanche + croche toute seule. C'est vraiment, dans cette pléthore d'informations (et chanté par un hochdramatisch), absolument nécessaire de faire une blanche un peu baveuse ? Même choses ici sur la même page, juste après : attaque hors mesure, syncope, et durée bizarre. Ça fait des années que j'écoute, joue ou chante du Wagner, et je ne sens toujours pas la nécessité de ces trucs-là. J'y sens plutôt la compulsion de maîtriser absolument tous les paramètres, d'essayer de donner des indications prosodiques au delà de ce que peut la notation musicale, qu'une réelle plus-value. Dans certains cas particulier (Loge), ça peut donner une forme de déhanché dégingandé, et encore, je n'ai réussi à saisir ce qui se passait qu'en ouvrant la partition (et plutôt la partition d'orchestre que le piano, où le phénomène est déjà plus flou). Des hypothèses ? Ce serait bien le diable si mille exégètes n'ont pas déjà donné leur explication, du mysticisme mathématique aux influences extra-terrestres de l'abbé Saunière… |
| | | Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 91579 Age : 43 Date d'inscription : 08/06/2005
| Sujet: Re: Le Ring expliqué ! Dim 3 Aoû 2014 - 0:58 | |
| Une noire liée à une croche, une blanche liée à une croche... ce ne sont vraiment pas ce que j'appelle des rythmes bizarres. Ou alors les 3/4 de la musique savante postérieure à Wagner est également bizarre. (c'est possible aussi ) - DavidLeMarrec a écrit:
- J'ai pris (au hasard, vraiment) deux pages du Crépuscule, et on y voit tous ces problèmes.
Déjà, très souvent, ça ne commence pas sur le temps. Pourquoi pas, c'est peut-être pour ne pas détourner l'attention de l'accord joué, ou bien permettre des effets syncopés comme dans la pop… mais ici, on le voit bien, c'est asymétrique, une mesure ne le fait pas, et l'autre si. Il y a un contexte... ici on voit combien Wagner pense sa partition comme un tout, et à quel point les voix sont fondues à l'ensemble, pas détachées comme du chant mélodique accompagné. Dans cette page on voit bien qu'il y a une systématisation de ces départs sur le 2è temps; si tu regardes le chant seulement tu ne vois pas la logique, mais regarde le reste... dans la 1ère mesure, le chant est sur le 1er temps, mais là ce sont les violons qui partent sur le 2è. Quand finalement ils atterrissent sur le fa blanche sur le temps fort, là c'est la voix qui prend le relais de ce mouvement, pour redonner de l'élan. Et puis on vient d'une croche en fin de mesure avec un point d'exclamation, il faut bien respirer! Le fait qu'il y ait tantôt un soupir, tantôt une blanche liée, etc... donne le mouvement à ce passage; c'est peut-être plus déstabilisant, mais tellement moins statique et plan-plan que Verdi par exemple... pour moi la nécessité est absolue. Ici c'est Gutrune, non? Logique donc, elle est bouleversée à ce moment-là si je ne me trompe pas... Tu dis que c'est comme ça dans tout le Wagner de maturité, mais ce n'est pas tout à fait vrai: rien que la chanson de Sachs au II des Maîtres... certes il y a des moments où il part sur le 2è temps, mais c'est quand même bien plus carré. Donc il y a quand même un contexte, ce n'est pas un tic de langage, c'est utilisé à bon escient. - Citation :
- Ensuite, il y a beaucoup de valeurs bizarres. Très souvent des blanches prolongées par des croches, comme ici. Dans ce cas précis, ça peut se justifier s'il veut une croche en fin de mesure, mais dans certains cas, ces valeurs sont isolés. Alors pourquoi précisément cette durée ?
Et pourquoi pas? Il aurait pu mettre blanche et noire par exemple, oui. Pourquoi ne l'a-t-il pas fait? A mon avis: la croche en fin de mesure donne un côté précipité surement voulu à la phrase. 2è explication: ça aurait fait 2 unissons consécutifs avec les violons (si-si sur le 4è temps, fa-fa sur le 1er temps de la mesure suivante), et on n'est pas chez Puccini quoi. A mon avis c'est plutôt la 1ère explication, mais disons que la 2è a pu le convaincre encore plus de la nécessité de ce rythme. - Citation :
Exemple inverse, qui commence avant le temps, avec le début de mesure syncopé. Contrainte du vers, vraiment ? Que Wagner soit nul en poésie, ok, mais en musique ? Faire partir une phrase sur un temps faible alors que toutes les autres commencent sur un temps fort, ça revient à être nul en musique? Pourquoi donc? Pourquoi on devrait par défaut tout faire sur le temps? Là aussi il y a une logique: tu remarqueras que le rythme noire pointée croche est généralisé dans ce passage. Ici c'est la même chose, c'est écrit différemment parce que c'est à cheval sur 2 mesures et que c'est parti d'un temps faible, pour une fois. S'il n'avait pas mis de liaison et mis un noire 2 croches par exemple derrière, ça aurait sonné plus carré, tout simplement, ça aurait à nouveau appuyer un temps fort. Après, on peut vouloir des choses carrées, ce n'est pas nécessairement mauvais... mais la subtilité rythmique ici ne me paraît vraiment pas gratuite, là encore ça accentue le trouble du personnage à mon sens, on la sent suffoquer. - Citation :
- Et, en rouge, une blanche + croche toute seule. C'est vraiment, dans cette pléthore d'informations (et chanté par un hochdramatisch), absolument nécessaire de faire une blanche un peu baveuse ?
Je ne vois pas en quoi blanche liée à croche serait un rythme plus bizarre que blanche toute seule ou blanche liée à noire... là encore il me semble que c'est pour éviter de trop marquer les temps forts, mais aussi pour s'assurer que le chant sera tenu après la fin des violoncelles et contrebasses. (qui eux aussi font des rythmes bizarres si on va par là... mais mettre une noire liée à une croche en fin de phrase, c'est commun et même ultra-usité depuis classiques, pas possible que tu n'aies pas déjà vu ça des tonnes de fois... bah finalement blanche liée à croche c'est la même logique, un dernière note de phrase qui dure jusqu'au début du temps suivant) Vraiment pas bizarre ou retors! Après, est-ce que toutes les interprètes du rôle tiennent les valeurs exactes... certainement pas... mais c'est bien dommage, parce qu'il faudrait, ce n'est pas écrit au pif. On ne va pas partir du postulat que les interprètes font n'importe quoi et donc tout écrire de façon simpliste. (ou alors on en reste à Lully ) - Citation :
Même choses ici sur la même page, juste après : attaque hors mesure, syncope, et durée bizarre. Je ne vois pas de vraie syncope puisque tout de suite après ça atterit sur un temps fort... et attaquer sur un 4è temps, ça n'est pas ce qui s'appelle "hors mesure". La noire liée à croche, j'en ai déjà parlé plus haut, c'est très courant. Ici on imagine que c'est pour éviter, avec un tempo un peu rapide, que la noire devienne une note vraiment brève, qui serait trop courte pour l'exclamation sur "Schweig!" Je n'ai rien de particulier à répondre à ta conclusion, vu que pour moi il n'y a rien de vraiment bizarre dans tout ça... c'est sûr que c'est riche par rapport à la majorité de ce qui se fait en opéra à cette époque-là, c'est peut-être ça qui te déroute. Mais ce qui serait étonnant c'est qu'avec une telle richesse musicale du point de vue de l'harmonie, de l'orchestration, et de la construction d'ensemble, Wagner en reste à des rythmes simples, sur les temps forts systématiquement, etc... Après, pourquoi s'interroger sur le rythme et ne pas dire aussi "pourquoi cette harmonie altérée alors qu'il existe des accords parfaits très beaux qui ont fait leur preuve?", c'est du même ordre pour moi. Pourquoi ces alliages de timbres peu habituels, pourquoi ces instruments bizarres (tuba contrebasse et j'en passe), est-ce vraiment indispensable? La variété rythmique est aussi importante chez Wagner que le reste, on le voit bien dans le phrasé des personnages, à chaque fois ça exprime quelque chose. Je crois que tu as déjà ouvert des partitions de Schreker, Roslavets ou Boulez... c'est pas autrement plus bizarre? |
| | | Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 91579 Age : 43 Date d'inscription : 08/06/2005
| Sujet: Re: Le Ring expliqué ! Dim 3 Aoû 2014 - 1:34 | |
| Une dernière chose qui me paraît importante, et pour laquelle j'ai l'impression que tu es d'un avis inverse: pour moi, cette écriture rythmique donne du naturel à sa prosodie. C'est un peu comme ce qu'on trouve chez Debussy. Personne ne parle avec des noires et des croches bien en rythme, sur une pulsation régulière... le débit wagnérien semble se rapprocher de celui qu'utiliseraient ses personnages si c'était du pur théâtre. Si tu cherchais à retranscrire rythmiquement ce que font des acteurs de théâtre, tu ne tomberais pas sur des blanches et des noires bien sur les temps, mais sur des choses qui se rapprochent de ce que fait Wagner. (en encore plus bizarres probablement, avec des quintolets farcis de quarts de soupir, etc...) |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: Le Ring expliqué ! Dim 3 Aoû 2014 - 1:34 | |
| D'abord, merci beaucoup pour tes réponses ! Ensuite, je ne suis pas convaincu par tout, donc on va un peu discuter. - Xavier a écrit:
- Une noire liée à une croche, une blanche liée à une croche... ce ne sont vraiment pas ce que j'appelle des rythmes bizarres.
Ils ne sont pas bizarres mathématiquement (même si on utilise en général plutôt des tiers ou des quarts que des cinquièmes de valeurs, en musique), mais dans leur justification. - Citation :
- Ou alors les 3/4 de la musique savante postérieure à Wagner est également bizarre. (c'est possible aussi )
Précisément, c'est grandement mon avis. Ça ne m'empêche pas de l'écouter abondamment, mais d'un point de vue pratique, je ne m'explique pas toutes ses fantaisies. Et je ne parle pas de mes envies d'avoir Elektra pour quatuor de flûtes à bec, hein, je pose vraiment la question. Quand tu les compares avec toute la musique connue de l'univers, les musiques classiques post-1900 sont quand même extrêmement complexes. - Citation :
- Il y a un contexte... ici on voit combien Wagner pense sa partition comme un tout, et à quel point les voix sont fondues à l'ensemble, pas détachées comme du chant mélodique accompagné.
Dans cette page on voit bien qu'il y a une systématisation de ces départs sur le 2è temps; si tu regardes le chant seulement tu ne vois pas la logique, mais regarde le reste... dans la 1ère mesure, le chant est sur le 1er temps, mais là ce sont les violons qui partent sur le 2è. Quand finalement ils atterrissent sur le fa blanche sur le temps fort, là c'est la voix qui prend le relais de ce mouvement, pour redonner de l'élan. D'accord, donc tu pars plutôt sur l'explication organique. Effectivement, j'avais remarqué que l'orchestre faisait pareil, et je m'étais dit que c'était peut-être pour ne pas faire deux événements en même temps, mais je n'avais pas rapproché les deux hypothèses. Oui, effectivement, il y a des effets de relais. Dans cet extrait précis, il y a des entrées successives qui donnent un peu un sentiment de suffocation (ça se perçoit à la première écoute, même si on ne repère pas le pourquoi, effectivement). - Citation :
- Ici c'est Gutrune, non? Logique donc, elle est bouleversée à ce moment-là si je ne me trompe pas...
Oui, c'est Gutrune, juste avant l'Immolation. Mais je suis moins convaincu par l'explication expressive : il y en a tout le temps, et pas forcément sur les moments ou les phrases les plus passionnés. - Citation :
- Tu dis que c'est comme ça dans tout le Wagner de maturité, mais ce n'est pas tout à fait vrai: rien que la chanson de Sachs au II des Maîtres... certes il y a des moments où il part sur le 2è temps, mais c'est quand même bien plus carré.
Oui, bien sûr, ce n'est pas tout le temps comme ça (la chanson du Morholt non plus !), mais c'est une constante tellement répandue que ce n'est même plus un effet de respiration expressive. - Citation :
- A mon avis: la croche en fin de mesure donne un côté précipité surement voulu à la phrase.
Oui, ça c'est assez évident, il y a des exemples plus frappants après. - Citation :
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- Citation :
Exemple inverse, qui commence avant le temps, avec le début de mesure syncopé. Contrainte du vers, vraiment ? Que Wagner soit nul en poésie, ok, mais en musique ? Faire partir une mesure à contretemps alors que toutes les autres ont le temps frappé, ça revient à être nul en musique? Pourquoi donc? Pourquoi on devrait par défaut tout faire sur le temps? Non, je dis qu'il y avait des solutions moins tordues pour résoudre sa contrainte prosodique, et qu'il choisit quelque chose d'assez formel et contraignant. Mais à partir de tes réponses, je sens confusément une différence profonde d'appréciation de la problématique de départ : pour moi, la bonne ligne vocale respecte la prosodie, et favorise l'appropriation du chanteur (s'il doit compter pour chaque départ, il ne peut plus être naturel). Je sens que ta vision du problème favorise plutôt la variété musicale. - Citation :
- Là aussi il y a une logique: tu remarqueras que le rythme noire pointée croche est généralisé dans ce passage.
Ici c'est la même chose, c'est écrit différemment parce que c'est à cheval sur 2 mesures et que c'est parti d'un temps faible, pour une fois. Donc tu veux dire qu'il y aurait une sorte d'hémiole décalée dans la mesure ? - Citation :
- Je ne vois pas en quoi blanche liée à croche serait un rythme plus bizarre que blanche toute seule ou blanche liée à noire... là encore il me semble que c'est pour éviter de trop marquer les temps forts, mais aussi pour s'assurer que le chant sera tenu après la fin des violoncelles et contrebasses. (qui eux aussi font des rythmes bizarres si on va par là... mais mettre une noire liée à une croche en fin de phrase, c'est commun et même ultra-usité depuis classiques, pas possible que tu n'aies pas déjà vu ça des tonnes de fois... bah finalement blanche liée à croche c'est la même logique, un dernière note de phrase qui dure jusqu'au début du temps suivant)
Vraiment pas bizarre ou retors! Ce n'est pas toi qui, aux débuts de ce forum, dans un fil sur l'inaudible, fustigeais ces compositeurs qui écrivaient dans des mesures composites inutiles ? Eh bien là, pour moi, c'est un peu ça. On est dans un tempo vif, et franchement, avec le déluge de notes, tout ce qu'on va percevoir, c'est une blanche un peu baveuse, si on veut sentir la différence, il faut écrire une noire (ou à la rigueur noire pointée + croche). Bien sûr que j'en ai vu des tas (c'est lié aux paroxytons, en général), mais ce degré de précision est superfétatoire – donc, cette fois, ça rejoint l'hypothèse pathologie du contrôle. - Citation :
- On ne va pas partir du postulat que les interprètes font n'importe quoi et donc tout écrire de façon simpliste. (ou alors on en reste à Lully )
Le chant est quand même une discipline particulière où les contraintes à la fois physiques et élocutoires ne sont pas comparables avec les autres instruments… on ne peut pas requérir la même précision. LULLY, précisément, était un prosodiste remarquable, et pourtant il écrivait des rythmes et des changements de mesures tout à fait inusuels… mais je ne suis pas sûr de pouvoir l'ériger en contre-modèle d'un maniaque du contrôle. - Citation :
Je ne vois pas de syncope... Ben, pour moi on attaque la note sur un temps faible et elle se prolonge sans réitération sur le temps fort… c'est précisément la définition. Pourquoi ? - Citation :
- et attaquer sur un 4è temps, ça n'est pas ce qui s'appelle "hors mesure".
Pardon, je l'ai dit avec mes mots. Avant le début de la mesure suivante, pas hors de toute mesure. - Citation :
- La noire liée à croche, j'en ai déjà parlé plus haut, c'est très courant.
Pas comme ceci, c'est pour compléter un mot. Ici, c'est sur une seule syllabe. Et là, tu ne le trouveras pas avant Wagner ! - Citation :
- Ici on imagine que c'est pour éviter, avec un tempo un peu rapide, que la noire devienne une note vraiment brève, qui serait trop courte pour l'exclamation sur "Schweig!"
Je suppose aussi, mais tu ne crois pas qu'il aurait pu s'en remettre à la pratique de l'interprète (qui de toute façon, à bout de souffle à ce moment, fera ce qu'elle pourra), et choisir une noire ou une blanche ? - Citation :
- Mais ce qui serait étonnant c'est qu'avec une telle richesse musicale du point de vue de l'harmonie, de l'orchestration, et de la construction d'ensemble, Wagner en reste à des rythmes simples, sur les temps forts, etc...
Ce qui m'étonne, c'est que je ne vois pas de patron clair. Qu'il écrive des syncopes, à la bonne heure, mais je ne vois pas pourquoi. Tu parles de l'harmonie et de l'orchestration, mais là j'entends vraiment une différence, un effet nouveau. Quand il fait commencer une mesure avec un demi-soupir de décalage alors que l'orchestre allonge les doubles croches, si je n'ouvre pas la partition, j'entends un chanteur décalé, pas un effet musical. Ce n'est pas tant le fait qu'il demande quelque chose de difficile (il demande bien pire par ailleurs aux musiciens, aux chanteurs, au public), mais plutôt que ça me paraît tout à fait superfétatoire… à part favoriser les décalages entre fosse et plateau, je ne vois pas vraiment ce que ça fait. Et ça participe grandement, à mon avis, de ce flou wagnérien lorsqu'on écoute ingénument et qu'on a l'impression d'un brouet pas bien pulsé. - Citation :
- Je crois que tu as déjà ouvert des partitions de Schreker, Roslavets ou Boulez... c'est pas autrement plus bizarre?
Schreker, c'est peu ou prou la même chose (poussé à un degré supplémentaire), donc je pourrais faire les mêmes remarques, si ce n'est qu'on est encore plus dans du bizarre sur les autres plans, et que ça se remarque sans doute moins. (Par ailleurs, il n'y a pas autant d'entrées décalées, et il est prosodiquement beaucoup plus rigoureux.) Roslavets et Boulez, oui, bien sûr, mais tout est bizarre chez eux, donc le rythme est le cadet de mes soucis. Je me dis juste que Wagner sonnerait avec tellement plus de naturel s'il y avait une pulsation plus claire… d'ailleurs, les moments tubesques sont toujours les moments un peu plus carrés que les autres…
Dernière édition par DavidLeMarrec le Dim 3 Aoû 2014 - 1:41, édité 1 fois |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: Le Ring expliqué ! Dim 3 Aoû 2014 - 1:39 | |
| - Xavier a écrit:
- Une dernière chose qui me paraît importante, et pour laquelle j'ai l'impression que tu es d'un avis inverse: pour moi, cette écriture rythmique donne du naturel à sa prosodie.
C'est un peu comme ce qu'on trouve chez Debussy. Personne ne parle avec des noires et des croches bien en rythme, sur une pulsation régulière... le débit wagnérien semble se rapprocher de celui qu'utiliseraient ses personnages si c'était du pur théâtre. Si tu cherchais à retranscrire rythmiquement ce que font des acteurs de théâtre, tu ne tomberais pas sur des blanches et des noires bien sur les temps, mais sur des choses qui se rapprochent de ce que fait Wagner. (en encore plus bizarres probablement, avec des quintolets farcis de quarts de soupir, etc...) J'ai hésité à mentionner Debussy, parce que c'est à la fois proche dans ce désir de contrôle (parfois aussi, il y a des appuis prosodiquement très bizarres)… et pas vraiment la même chose. Debussy imite vraiment la voix parlée (même les intervalles), accompagnée par aplats orchestraux, alors que Wagner à l'inverse intègre la voix comme un instrument à sa pensée musicale. C'est d'ailleurs ton hypothèse la plus convaincante à mon avis : Wagner soumet ses chanteurs à la même logique musicale que ses instruments, il ménage ses effets d'entrées et d'écho à égalité. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Le Ring expliqué ! Dim 3 Aoû 2014 - 1:49 | |
| Ach ! Cette harmonie Altérée ! N'ayant pas le vocabulaire requis, je me sers des propos de Xavier. Tout le Ring m'apparait dévié, comme une planète perturbée dans son orbite. C'est une Musique "penchée". Comme une toupie en fin de course dont le pivot trace beaucoup d'espace en dehors de son axe sans jamais y retourner. La Musique du Ring tourne toujours autour de simplicimes accords parfaits sans jamais les effleurer. Il y a toujours une fleur de sel pour nous empêcher de fredonner à l'aise : on a tout de suite besoin d'une seconde voix. Je conçois que ce message ressemble à un morpion attaché à vos partitions... Mais est-ce que ça s'entend à l'oreille ?
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| | | Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 91579 Age : 43 Date d'inscription : 08/06/2005
| Sujet: Re: Le Ring expliqué ! Dim 3 Aoû 2014 - 1:55 | |
| Ca va être du gruyère cette discussion... Je ne vais pas répondre à tout, peut-être me concentrer sur l'essentiel. - DavidLeMarrec a écrit:
Oui, c'est Gutrune, juste avant l'Immolation. Mais je suis moins convaincu par l'explication expressive : il y en a tout le temps, et pas forcément sur les moments ou les phrases les plus passionnés. Mais ce n'est pas toujours fait de la même façon quand même. Voire le message que j'ai rajouté ensuite juste avant que tu répondes... - Citation :
- Mais à partir de tes réponses, je sens confusément une différence profonde d'appréciation de la problématique de départ : pour moi, la bonne ligne vocale respecte la prosodie, et favorise l'appropriation du chanteur (s'il doit compter pour chaque départ, il ne peut plus être naturel). Je sens que ta vision du problème favorise plutôt la variété musicale.
Oui, tu parles chant alors que je parle musique: à mon avis Wagner voyait plutôt les parties de chant, dans ses oeuvres de maturité, comme s'intégrant au maximum au tissu orchestral, donc pouvait répondre rythmiquement à l'orchestre comme dans le premier exemple, etc... ce que tu dis est valable pour du chant accompagné, mais là on en est très loin! Donc la "vision" en question n'est pas la mienne mais celle de Wagner à mon sens. - Citation :
-
- Citation :
- Là aussi il y a une logique: tu remarqueras que le rythme noire pointée croche est généralisé dans ce passage.
Ici c'est la même chose, c'est écrit différemment parce que c'est à cheval sur 2 mesures et que c'est parti d'un temps faible, pour une fois. Donc tu veux dire qu'il y aurait une sorte d'hémiole décalée dans la mesure ? C'est vraiment pas si compliqué que ça: il y a un rythme récurrent, et c'est la simple présence des barres de mesure qui différencie la transcription écrite de celui-ci différent... à l'oreille tu entends un noire pointée croche comme les autres, simplement ne démarrant pas sur un temps fort. - Citation :
- Ce n'est pas toi qui, aux débuts de ce forum, dans un fil sur l'inaudible, fustigeais ces compositeurs qui écrivaient dans des mesures composites inutiles ?
Mais là c'est sans commune mesure, je faisais référence à des trucs comme certaines partitions de Stockhausen ou Hurel, avec des trucs par 13 ou par 7 partout truffés de micro-soupirs, changements de mesure intempestifs, etc... c'est pas la même chose que blanche liée à croche quand même! - Citation :
- Eh bien là, pour moi, c'est un peu ça. On est dans un tempo vif, et franchement, avec le déluge de notes, tout ce qu'on va percevoir, c'est une blanche un peu baveuse, si on veut sentir la différence, il faut écrire une noire (ou à la rigueur noire pointée + croche).
Ben non une noire à ce tempo-là ça sera très court. (et noire pointée + croche ça fait deux notes ça ne colle pas au texte...) - Citation :
-
- Citation :
- La noire liée à croche, j'en ai déjà parlé plus haut, c'est très courant.
Pas comme ceci, c'est pour compléter un mot. Ici, c'est sur une seule syllabe. Et là, tu ne le trouveras pas avant Wagner ! Mais si, c'est ultra-courant chez les classiques en musique instrumentale! Ce qui te surprend c'est que Wagner n'hésite pas à recourir à des rythmes aussi subtils au chant qu'aux parties instrumentales... mais c'est exactement ça, leur traitement est très proche. - Citation :
- Je suppose aussi, mais tu ne crois pas qu'il aurait pu s'en remettre à la pratique de l'interprète (qui de toute façon, à bout de souffle à ce moment, fera ce qu'elle pourra), et choisir une noire ou une blanche ?
La phrase fait 7 temps et demi, ce n'est pas énorme, il n'y a pas de raison que l'interprète soit à bout de souffle, c'est au chef de gérer ça aussi. S'en remettre à l'interprète qui peut rajouter des notes, faire des points d'orgue n'importe où et changer des rythmes, ça c'est dans l'opéra italien! Il est clair que ce n'est pas l'optique de Wagner... on peut trouver ça pathologique de vouloir quelque chose de précis, mais alors c'est bien le cas de la grande majorité des compositeurs. - Citation :
- Ce qui m'étonne, c'est que je ne vois pas de patron clair. Qu'il écrive des syncopes, à la bonne heure, mais je ne vois pas pourquoi. Tu parles de l'harmonie et de l'orchestration, mais là j'entends vraiment une différence, un effet nouveau. Quand il fait commencer une mesure avec un demi-soupir de décalage alors que l'orchestre allonge les doubles croches, si je n'ouvre pas la partition, j'entends un chanteur décalé, pas un effet musical.
Mince alors... tu veux dire qu'en plus de ne pas en voir la nécessité, tu préfèrerais vraiment que ce soit plus carré, que ces "décalages" te gênent? Pour moi si, l'effet est palpable et important. Là aussi voir le message que j'ai rajouté à 1h34. (je vois que tu as déjà répondu) - Citation :
- Je me dis juste que Wagner sonnerait avec tellement plus de naturel s'il y avait une pulsation plus claire… d'ailleurs, les moments tubesques sont toujours les moments un peu plus carrés que les autres…
Est-ce que ce ne sont pas les moins intéressants voire les moins bons d'ailleurs le plus souvent? Pour moi la pulsation est en général très claire chez Wagner, mais pas en regardant seulement la partie de chant, c'est sûr. A l'écoute ça n'est pas si flou que ça, quand il y a un contretemps ou une syncope quelque part, il y a très souvent des cordes ou des cuivres sur le temps fort en fait.
Dernière édition par Xavier le Dim 3 Aoû 2014 - 2:07, édité 3 fois |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
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| Sujet: Re: Le Ring expliqué ! Dim 3 Aoû 2014 - 1:57 | |
| - tod a écrit:
- Ach !
Cette harmonie Altérée ! N'ayant pas le vocabulaire requis, je me sers des propos de Xavier. Tout le Ring m'apparait dévié, comme une planète perturbée dans son orbite. C'est une Musique "penchée". Comme une toupie en fin de course dont le pivot trace beaucoup d'espace en dehors de son axe sans jamais y retourner. Ce qu'il y a de troublant, c'est que j'entends pourtant la musique de Wagner comme très carrée – Debussy, ok, c'est flou, ça flotte, mais Wagner, il y a cette forme de rigueur, et donc j'entends des bouts qui se détachent bizarrement, et pas un effet de groove savant. |
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| Sujet: Re: Le Ring expliqué ! Dim 3 Aoû 2014 - 1:57 | |
| ce que dit Xavier me parle assez... bon, j’ai peu écouté Wagner (je n’ai pas terminé mon Tristan ), mais cela m’avait laissé une impression de « flottement » qui pourrait bien venir de ce genre d’éléments, impression que je ne retrouve pas vraiment dans les parties orchestrales et encore moins dans beaucoup de tubes, justement. |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
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| Sujet: Re: Le Ring expliqué ! Dim 3 Aoû 2014 - 1:59 | |
| - lucien a écrit:
- ce que dit Xavier me parle assez...
Merci pour ce soutien quasi-explicite ! (Après ce que tu as dit dans d'autres fils sur l'intelligibilité absolue de Ferneyhough et autres, je me sens assez conforté dans mes intuitions. Prends ça Xavier ! ) Sérieusement, je suis d'accord pour cette sensation de flottement, mais je ne perçois pas bien le rapport que Wagner fait avec le reste de son langage, ni la logique du quand il emploie le procédé. |
| | | / Mélomane chevronné
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| | | | Xavier Père fondateur
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| Sujet: Re: Le Ring expliqué ! Dim 3 Aoû 2014 - 2:06 | |
| - DavidLeMarrec a écrit:
- Sérieusement, je suis d'accord pour cette sensation de flottement, mais je ne perçois pas bien le rapport que Wagner fait avec le reste de son langage, ni la logique du quand il emploie le procédé.
Mais il y a des exemples bien pires chez d'autres... Par exemple dans un passage du monologue d'Elektra où toutes les interprètes (à part une ou deux exceptions, et encore, en studio) sont obligées de rajouter une grosse pause sur le temps pour respirer après une phrase longue et heurtée... Il n'empêche, si tu veux enlever toutes les subtilités rythmiques ou autres qui ne t'apparaissent pas comme absolument indispensables, ça ne sera plus du Strauss, ou du Wagner, ou du Schreker... et alors autant en rester à Verdi. Verdi, c'est bien aussi si on aime. Mais on ne va demander à ceux qui font une musique plus riche de la simplifier alors que c'est ce qui fait leur spécifité et leur intérêt. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Le Ring expliqué ! Dim 3 Aoû 2014 - 2:17 | |
| - DavidLeMarrec a écrit:
- tod a écrit:
- Ach !
Cette harmonie Altérée ! N'ayant pas le vocabulaire requis, je me sers des propos de Xavier. Tout le Ring m'apparait dévié, comme une planète perturbée dans son orbite. C'est une Musique "penchée". Comme une toupie en fin de course dont le pivot trace beaucoup d'espace en dehors de son axe sans jamais y retourner. Ce qu'il y a de troublant, c'est que j'entends pourtant la musique de Wagner comme très carrée – Debussy, ok, c'est flou, ça flotte, mais Wagner, il y a cette forme de rigueur, et donc j'entends des bouts qui se détachent bizarrement, et pas un effet de groove savant. Justement. Une planète désaxée peut tourner bizarrement mais régulièrement ! C'est une régularité plus longue à concevoir mais cyclique. D'ailleurs, cette image (inadéquate, je le conçois) parlait plus des mélodies de Wagner, papillonnant autour d'accords beethovéniens sans jamais y toucher ! |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
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| Sujet: Re: Le Ring expliqué ! Dim 3 Aoû 2014 - 2:23 | |
| - Xavier a écrit:
- Mais ce n'est pas toujours fait de la même façon quand même.
C'est justement le problème… j'ai du mal à voir ce qui dicte ses choix — alors qu'en général, la prosodie, je suis plutôt du genre à m'interroger jusqu'à ce que je voie où ça va. - Citation :
- Voire le message que j'ai rajouté ensuite juste avant que tu répondes...
J'y ai répondu dans un autre message. - Citation :
- Oui, tu parles chant alors que je parle musique: à mon avis Wagner voyait plutôt les parties de chant, dans ses oeuvres de maturité, comme s'intégrant au maximum au tissu orchestral, donc pouvait répondre rythmiquement à l'orchestre comme dans le premier exemple, etc... ce que tu dis est valable pour du chant accompagné, mais là on en est très loin!
Donc la "vision" en question n'est pas la mienne mais celle de Wagner à mon sens. C'est hautement probable et expliquerait bien des choses (notamment pourquoi Das Liebesverbot est le meilleur Wagner [/mode="Sud"]) - Citation :
- C'est vraiment pas si compliqué que ça: il y a un rythme récurrent, et c'est la simple présence des barres de mesure qui différencie la transcription écrite de celui-ci différent... à l'oreille tu entends un noire pointée croche comme les autres, simplement ne démarrant pas sur un temps fort.
Ben oui, donc ça dégingande un peu tout, ça tasse le texte pour obtenir un effet musical. D'où la question que je posais sur l'incapacité (?) de Wagner à trouver une solution musicalement équivalente sans affecter la prosodie (ou prosodiquement équivalente sans affecter la musique, comme on veut). - Citation :
- Mais là c'est sans commune mesure, je faisais référence à des trucs comme certaines partitions de Stockhausen ou Hurel, avec des trucs par 13 ou par 7 partout truffés de micro-soupirs, changements de mesure intempestifs, etc... c'est pas la même chose que blanche liée à croche quand même!
Oui, question de degré. Mais la croche, il y a vraiment des versions où l'on l'entend nettement ? - Citation :
- S'en remettre à l'interprète qui peut rajouter des notes, faire des points d'orgue n'importe où et changer des rythmes, ça c'est dans l'opéra italien!
Il est clair que ce n'est pas l'optique de Wagner... on peut trouver ça pathologique de vouloir quelque chose de précis, mais alors c'est bien le cas de la grande majorité des compositeurs. Sauf que l'immense majorité des opéras sont italiens. [/mode="Otello] Je dis ça, mais je n'en suis pas du tout convaincu. Au XVIIIe, incontestablement, mais au XXe, j'en doute fort. - Citation :
- Mince alors... tu veux dire qu'en plus de ne pas en voir la nécessité, tu préfèrerais vraiment que ce soit plus carré, que ces "décalages" te gênent?
Je ne l'ai jamais entendu autrement, mais je crois que ce serait plus agréable, oui ; ou alors des décalages, mais plus carrés. C'est sans doute lié à nos niveaux respectifs de solfège, hein, et que ce qui a pour toi une signification précise est une nuance sans fondement pour moi. Mais vu que je passe tout de même un temps respectable à faire de la musique, je me dis qu'il doit y avoir pas mal de wagnériens sincères qui peuvent être troublés par ça, sans jamais mettre un nom dessus. - Citation :
- Est-ce que ce ne sont pas les moins intéressants voire les moins bons d'ailleurs le plus souvent?
Ah non, par exemple la citation du thème du Walhall à l'entrée de Loge, je trouve ça saisissant, et justement, c'est plus carré que ce qui précède. Dans ce cas particulier, ça peut se justifier, parce qu'il y a un bel effet de contraste, mais pour être honnête, je n'ai réussi à le goûter qu'en ouvrant la partition. Avant, j'entendais une bouillie de quasi-sprechgesang (or, il s'avère que la plupart des interprètes sont très précis). C'est bien pour ça que, sans vouloir prendre mon cas pour une généralité, je crois que la question n'est pas sans fondement. - Citation :
- Pour moi la pulsation est en général très claire chez Wagner, mais pas en regardant seulement la partie de chant, c'est sûr. A l'écoute ça n'est pas si flou que ça, quand il y a un contretemps ou une syncope quelque part, il y a très souvent des cordes ou des cuivres sur le temps fort en fait.
Oui, tout à fait, on peut toujours battre la mesure très facilement (chez Strauss ou Schreker, ce n'est pas toujours aussi simple). Les chanteurs disent aussi qu'il y a souvent des repères pour trouver leur note, alors que le contrepoint est beaucoup plus libre chez Strauss. - Xavier a écrit:
- Il n'empêche, si tu veux enlever toutes les subtilités rythmiques ou autres qui ne t'apparaissent pas comme absolument indispensables, ça ne sera plus du Strauss, ou du Wagner, ou du Schreker... et alors autant en rester à Verdi.
Verdi aurait écrit ses rythmes se prosodie avec l'harmonie et l'orchestration de Wagner, je n'aurais pas dit non. Mais ce n'est pas vraiment ma question, je parlais d'un seul paramètre, dont la pertinence me paraît moindre que les autres. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Le Ring expliqué ! Dim 3 Aoû 2014 - 2:31 | |
| C'est de cela que je veux parler ! Ce papillonnage mélodique dont Wagner enveloppe les musiques passées. Comme incluses dans le langage de Wagner. Cette élision géniale de passer de A à Z.
|
| | | Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 91579 Age : 43 Date d'inscription : 08/06/2005
| Sujet: Re: Le Ring expliqué ! Dim 3 Aoû 2014 - 2:41 | |
| - DavidLeMarrec a écrit:
- Xavier a écrit:
- Mais ce n'est pas toujours fait de la même façon quand même.
C'est justement le problème… j'ai du mal à voir ce qui dicte ses choix A mon avis l'expression en premier, et le rapport avec l'orchestre... tu ne t'interroges que sur les parties de chant alors que les parties instrumentales sont tout aussi complexes du point de vue rythmique. - Citation :
- Ben oui, donc ça dégingande un peu tout, ça tasse le texte pour obtenir un effet musical. D'où la question que je posais sur l'incapacité (?) de Wagner à trouver une solution musicalement équivalente sans affecter la prosodie (ou prosodiquement équivalente sans affecter la musique, comme on veut).
Mais pour moi Wagner recherche cette prosodie, c'est évident, sinon il n'utiliserait pas ce type de rythme, ça s'insère musicalement mais il ne fait pas ça contraint et forcé, il aime cette irrégularité dans l'expression des personnages, ça me paraît évident. - Citation :
- Mais la croche, il y a vraiment des versions où l'on l'entend nettement ?
Je pense oui, en suivant la partition avec une version comme Haitink je m'étais pris à admirer la précision des chanteurs. (et à remarquer des imprécisions aussi de temps en temps, évidemment) Après, que ce ne soit pas toujours fait précisément, et notamment en live, je pense que Wagner était assez lucide pour savoir que ça ne serait pas toujours le cas, mais l'idée de la croche, que ça doit déborder sur le temps suivant, ça c'est l'essentiel, la raison d'être de cette croche, après, que ça soit fait sur une croche ou presque une noire, ce n'est peut-être pas très grave... mais la liaison à mon avis a un sens quand même. - Citation :
-
- Citation :
- Est-ce que ce ne sont pas les moins intéressants voire les moins bons d'ailleurs le plus souvent?
Ah non, par exemple la citation du thème du Walhall à l'entrée de Loge, je trouve ça saisissant, et justement, c'est plus carré que ce qui précède. Ah... tu vois qu'il y a des contrastes et qu'il y a des choses plus carrées: dans la 1ère scène, tu ne vas pas me dire qu'Alberich et les Filles du Rhin sont écrits pareil du point de vue rythmique. - Citation :
- Verdi aurait écrit ses rythmes se prosodie avec l'harmonie et l'orchestration de Wagner, je n'aurais pas dit non.
Mais ce n'est pas vraiment ma question, je parlais d'un seul paramètre, dont la pertinence me paraît moindre que les autres. Est-ce que ça n'est pas parce que tu trouves Wagner bien plus intéressant musicalement mais qu'il te coûte de déchiffrer ses rythmes? |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: Le Ring expliqué ! Dim 3 Aoû 2014 - 4:04 | |
| - Xavier a écrit:
- A mon avis l'expression en premier, et le rapport avec l'orchestre... tu ne t'interroges que sur les parties de chant alors que les parties instrumentales sont tout aussi complexes du point de vue rythmique.
Tout à fait, parce que le cahier des charges n'est pas le même. (C'est d'ailleurs la première ou la deuxième discussion qu'on ait eue sur ce forum, à propos des contraintes spécifiques de l'opéra en la matière. ) - Citation :
- Je pense oui, en suivant la partition avec une version comme Haitink je m'étais pris à admirer la précision des chanteurs. (et à remarquer des imprécisions aussi de temps en temps, évidemment)
Après, que ce ne soit pas toujours fait précisément, et notamment en live, je pense que Wagner était assez lucide pour savoir que ça ne serait pas toujours le cas, mais l'idée de la croche, que ça doit déborder sur le temps suivant, ça c'est l'essentiel, la raison d'être de cette croche, après, que ça soit fait sur une croche ou presque une noire, ce n'est peut-être pas très grave... Je le vois comme ça aussi, mais alors, pourquoi ne pas noter une noire (quitte à mettre un petit signe dessus pour montrer qu'elle est brève) ? Tu me dirais, c'est pas plus compliqué de mettre la croche, certes, mais la précision de la notation m'intrigue. - Citation :
- Ah... tu vois qu'il y a des contrastes et qu'il y a des choses plus carrées: dans la 1ère scène, tu ne vas pas me dire qu'Alberich et les Filles du Rhin sont écrits pareil du point de vue rythmique.
Bien sûr, et dans certains cas (comme celui-là, effectivement), ça sonne très bien, entre Alberich dépenaillé et le lyrisme univoque des Nixes. Mais dans le première acte de Walküre ou dans Tristan, je ne vois pas ce qui dicte le choix du décalage ou non. Ça ne veut pas dire qu'il n'y ait pas de raison (je crois tout le contraire), mais c'est drôlement subtil tout de même, pour un effet qui échappe à beaucoup de wagnériens aguerris, je suis sûr. - Citation :
- Est-ce que ça n'est pas parce que tu trouves Wagner bien plus intéressant musicalement mais qu'il te coûte de déchiffrer ses rythmes?
En l'occurrence, non, parce que quand je lis une partition, ce sont les chanteurs qui font l'effort, pas moi. Et quand je le joue, je fais les rythmes qui m'arrangent, donc pas vraiment. C'est plutôt que j'aimerais avoir la prosodie naturelle de Verdi (ou mieux, LULLY) sur la musique de Wagner. |
| | | Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 91579 Age : 43 Date d'inscription : 08/06/2005
| Sujet: Re: Le Ring expliqué ! Dim 3 Aoû 2014 - 4:15 | |
| - DavidLeMarrec a écrit:
- Xavier a écrit:
- A mon avis l'expression en premier, et le rapport avec l'orchestre... tu ne t'interroges que sur les parties de chant alors que les parties instrumentales sont tout aussi complexes du point de vue rythmique.
Tout à fait, parce que le cahier des charges n'est pas le même. (C'est d'ailleurs la première ou la deuxième discussion qu'on ait eue sur ce forum, à propos des contraintes spécifiques de l'opéra en la matière. ) Je pense que pour Wagner le cahier des charges est beaucoup plus proche que chez la plupart des compositeurs d'opéras avant le XXè, justement. Il a essentiellement fait des opéras, mais n'est pas un compositeur "vocal". - Citation :
- Je le vois comme ça aussi, mais alors, pourquoi ne pas noter une noire (quitte à mettre un petit signe dessus pour montrer qu'elle est brève) ? Tu me dirais, c'est pas plus compliqué de mettre la croche, certes, mais la précision de la notation m'intrigue.
Pourquoi avoir inventé les croches et les double-croches, hein, alors que ça ne fait qu'emmerder le monde! - Citation :
- Bien sûr, et dans certains cas (comme celui-là, effectivement), ça sonne très bien, entre Alberich dépenaillé et le lyrisme univoque des Nixes. Mais dans le première acte de Walküre ou dans Tristan, je ne vois pas ce qui dicte le choix du décalage ou non.
Ça ne veut pas dire qu'il n'y ait pas de raison (je crois tout le contraire), mais c'est drôlement subtil tout de même, pour un effet qui échappe à beaucoup de wagnériens aguerris, je suis sûr. Tout le monde quand même entend que ça ne tombe pas toujours sur les temps, que c'est parfois heurté, suffocant, irrégulier, etc... La vulnérabilité et la détresse de Siegmund, le trouble de Sieglinde, celui de Tristan et Isolde, ne sont-ce pas des raisons suffisantes? Tu vas me dire, mais à ce moment-là tous les personnages de Wagner sont fébriles et suffocants, oui mais non, on voit bien que les Filles du Rhin, Hunding, Sachs dans certains passages ou Kurwenal au I sont écrits différemment. - Citation :
- C'est plutôt que j'aimerais avoir la prosodie naturelle de Verdi (ou mieux, LULLY) sur la musique de Wagner.
Mais c'est un tout, avec Wagner on va globalement vers plus de complexité, de subtilité, même si ça ne t'apparaît pas toujours justifié, ça ferait bizarre que ce paramètre-là soit en quelque sorte en recul par rapport au reste. Tristan ou la Walkyrie écrite de façon plus carrée rythmiquement (ce que tu appelles une prosodie plus naturelle mais qui selon moi est moins naturelle justement que le débit wagnérien), ça n'irait pas, et je pense que tu t'en rendrais compte. Il y aurait un décalage avec la substance de la musique. D'ailleurs on voit bien que quand il fait des choses plus "carrées" rythmiquement, c'est aussi le cas au niveau mélodique et harmonique. (Chevauchée des walkyries, appel de Donner, la chanson de Sachs avec sa marche harmonique un peu bêbête...)
Dernière édition par Xavier le Dim 3 Aoû 2014 - 4:25, édité 1 fois |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: Le Ring expliqué ! Dim 3 Aoû 2014 - 4:22 | |
| - Xavier a écrit:
- Mais c'est un tout, avec Wagner on va globalement vers plus de complexité, de subtilité, même si ça ne t'apparaît pas toujours justifié, ça ferait bizarre que ce paramètre-là soit en quelque sorte en recul par rapport au reste.
C'est possible – mais ce n'est pas tant le rythme en général (très généreux chez Wagner, mais ça ne me gêne pas du tout, ça fait partie de la richesse ambiante) que ces retorseries pour la ligne de chant qui me laisse dubitatif. De toute façon, vu que Wagner est, c'est toi qui auras raison au bout du compte… mais merci d'avoir répondu sérieusement à ma (vraie) question. Je peux retourner à LULLY la conscience légère. |
| | | Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 91579 Age : 43 Date d'inscription : 08/06/2005
| Sujet: Re: Le Ring expliqué ! Dim 3 Aoû 2014 - 4:26 | |
| - DavidLeMarrec a écrit:
- De toute façon, vu que Wagner est, c'est toi qui auras raison au bout du compte… mais merci d'avoir répondu sérieusement à ma (vraie) question.
De rien, c'est très intéressant de regarder tout ça et de se poser des questions qui ne m'étaient jamais venues à l'esprit, ça interroge de toute façon. |
| | | / Mélomane chevronné
Nombre de messages : 20537 Date d'inscription : 25/11/2012
| Sujet: Re: Le Ring expliqué ! Dim 3 Aoû 2014 - 10:27 | |
| cela m’étonne quand même ce désir de pouvoir expliquer ou justifier chaque petit détail, au moins pour le chant... il ne peut pas y avoir de choses inexplicables ou inutiles (et qui ne le sont pas, d’ailleurs, parce que ça doit au minimum participer à une ambiance ou à un style d’ensemble) ? |
| | | jerome Fugueur intempéré
Nombre de messages : 8896 Date d'inscription : 10/03/2008
| Sujet: Re: Le Ring expliqué ! Dim 3 Aoû 2014 - 11:10 | |
| - david a écrit:
- Je suppose aussi, mais tu ne crois pas qu'il aurait pu s'en remettre à la pratique de l'interprète (qui de toute façon, à bout de souffle à ce moment, fera ce qu'elle pourra), et choisir une noire ou une blanche ?
C'est horrible, ce que tu dis Les notes aussi, pendant qu'on y est ! Des indications du genre "aller un peu vers l'aigu" pour appuyer la prosodie d'une phrase interrogative, et puis l'interprète trouvera la hauteur qui (lui) convient au feeling. Plus sérieusement, merci pour cette discussion intéressante. Je crois effectivement que le compositeur demande beaucoup de précision tout en sachant d'expérience qu'il ne sera pas respecté à la lettre. Et ça s'adresse quand même théoriquement à des chanteurs chevronnés, pour qui ces histoires de croche liée à une blanche ne doivent pas représenter le moindre problème. Que ce soit difficile de gérer ces légères nuances de solfège tout en restant concentré sur la technique vocale et sur la dramaturgie, je veux bien le concevoir, mais ça fait partie du taf, tout simplement. C'est fréquent dans l'écriture instrumentale (par exemple, dans un fond de la petite harmonie) de prévoir ce genre de petit débordement d'un demi-temps, pour assouplir, servir le fondu ou un tuilage. On lit souvent que Wagner traite ses chanteurs comme des parties instrumentales, ces exemples ont bien l'air d'illustrer cette tendance. |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: Le Ring expliqué ! Dim 3 Aoû 2014 - 15:39 | |
| - jerome a écrit:
- C'est horrible, ce que tu dis
Les notes aussi, pendant qu'on y est ! Des indications du genre "aller un peu vers l'aigu" pour appuyer la prosodie d'une phrase interrogative, et puis l'interprète trouvera la hauteur qui (lui) convient au feeling. Tu crois être très subversif, mais c'est ce que fait Mödl — et ça fonctionne du tonnerre, personne n'y entend que du feu (je veux dire, si tu n'as pas la partition sur les genoux, il y a bien quelques hésitations, mais c'est crédible, elle reste dans l'harmonie et à peu près au bon endroit des mesures). Justement, ça lui donne une liberté qui fait que le résultat final est beaucoup plus convaincant que ceux qui essaient laborieusement, en corsetant (voire en forçant) leur voix, de se conformer à ce qui est écrit. Après, il y a celles qui arrivent à faire les deux, et c'est très bien aussi. Mais franchement, ça ne me pose pas de problème dans une partition aussi touffue et aussi peu évidente – dans Mozart ou Verdi, la mélodie est tellement exposée, d'accord, les changements s'entendent, mais dans Wagner… - Citation :
- Je crois effectivement que le compositeur demande beaucoup de précision tout en sachant d'expérience qu'il ne sera pas respecté à la lettre. Et ça s'adresse quand même théoriquement à des chanteurs chevronnés, pour qui ces histoires de croche liée à une blanche ne doivent pas représenter le moindre problème. Que ce soit difficile de gérer ces légères nuances de solfège tout en restant concentré sur la technique vocale et sur la dramaturgie, je veux bien le concevoir, mais ça fait partie du taf, tout simplement.
Je suppose, en lisant ceci, que tu n'as pas écouté beaucoup d'enregistrements anciens d'opéra. Précisément, non, les chanteurs avant 1970, en gros, étaient incapables de chanter en rythme, même dans Verdi… Et avant 1950, on peut quasiment parler d'improvisation. À telle enseigne qu'on avait besoin de souffleurs, pas tant pour le texte que pour donner les départs (rôle tenu par un assistant du chef d'orchestre), même dans Verdi ! - Citation :
- C'est fréquent dans l'écriture instrumentale (par exemple, dans un fond de la petite harmonie) de prévoir ce genre de petit débordement d'un demi-temps, pour assouplir, servir le fondu ou un tuilage.
Oui, tout à fait, et ce n'est pas pareil, parce que les contraintes (et l'importance de la ligne, évidemment) ne sont pas les mêmes. |
| | | Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 91579 Age : 43 Date d'inscription : 08/06/2005
| Sujet: Re: Le Ring expliqué ! Dim 3 Aoû 2014 - 15:58 | |
| - DavidLeMarrec a écrit:
- jerome a écrit:
- C'est horrible, ce que tu dis
Les notes aussi, pendant qu'on y est ! Des indications du genre "aller un peu vers l'aigu" pour appuyer la prosodie d'une phrase interrogative, et puis l'interprète trouvera la hauteur qui (lui) convient au feeling. Tu crois être très subversif, mais c'est ce que fait Mödl — et ça fonctionne du tonnerre, personne n'y entend que du feu (je veux dire, si tu n'as pas la partition sur les genoux, il y a bien quelques hésitations, mais c'est crédible, elle reste dans l'harmonie et à peu près au bon endroit des mesures). Justement, ça lui donne une liberté qui fait que le résultat final est beaucoup plus convaincant que ceux qui essaient laborieusement, en corsetant (voire en forçant) leur voix, de se conformer à ce qui est écrit. Franchement non ça s'entend si on connaît un peu l'oeuvre, et je trouve ça vraiment gênant ces changements de notes. En plus je n'ai pas du tout la même impression que toi: pour moi ce sont des erreurs tout à fait involontaires, bref des fautes, tout simplement. |
| | | jerome Fugueur intempéré
Nombre de messages : 8896 Date d'inscription : 10/03/2008
| Sujet: Re: Le Ring expliqué ! Dim 3 Aoû 2014 - 16:04 | |
| @David : c'est sûrement la triste réalité, je te crois sur parole. Heureusement quand même que les types n'ont pas complètement cédé au pragmatisme, et cessé d'écrire des détails un peu fins, parce qu'au bout de cette logique y a quoi... Starmania ? |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: Le Ring expliqué ! Dim 3 Aoû 2014 - 16:31 | |
| - Xavier a écrit:
- Franchement non ça s'entend si on connaît un peu l'oeuvre,
Bien sûr, quand tu as écouté les passages vingt fois, en bon wagnéropathe, oui, tu te rends compte qu'il y a des bizarreries. Je ne dis pas que c'est volontaire (je suis persuadé du contraire), mais c'est fait avec beaucoup d'intuition et de naturel, et donc ça fonctionne très bien si on ne regarde pas la partition (ce qui est, en principe, le but d'un spectacle d'opéra, mais j'admets que Wagner est bizarre). - Citation :
- En plus je n'ai pas du tout la même impression que toi: pour moi ce sont des erreurs tout à fait involontaires, bref des fautes, tout simplement.
Ça rejoint un autre débat sur la relation religieuse au texte : oui, ce sont des erreurs, mais faut-il y mettre une dimension morale ? Si ça fonctionne à peu près comme l'original, est-ce gênant ? En tout cas, mille fois Mödl qui change des notes mais investi les interstice du texte et du chant de choses vertigineuses, plutôt que Voigt, L. Watson, Foster, Lang, Bullock, toutes plus scrupuleuses (et fort bonnes au demeurant, en tout cas les deux ou trois premières) mais sans cette flamme est qui encore plus importante dans Brünnhilde que les notes. Évidemment, pour la musique pure, je ne tiens pas le même discours, parce que le cahier des charges est d'abord musical. Encore, entre un orchestre exact et un orchestre qui offre vraiment une musique vivante… - jerome a écrit:
- @David : c'est sûrement la triste réalité, je te crois sur parole. Heureusement quand même que les types n'ont pas complètement cédé au pragmatisme, et cessé d'écrire des détails un peu fins, parce qu'au bout de cette logique y a quoi... Starmania ?
Pas du tout. Simplement, pour la voix, on ne peut pas écrire n'importe comment (ce qu'a fait Wagner, et ce n'est pas pour rien que les wagnériens ont des voix horribles, parce qu'ils travaillent d'abord la robustesse, voire abîment de belles voix d'origine). On ne peut pas exiger les mêmes contraintes que d'un instrument. Wagner écrivait mal pour les voix, ce n'est pas un drame non plus. (Mais de ce fait, je tends à pardonner aux interprètes qui ne peuvent pas totalement s'en accommoder. Sinon, on jouerait Wagner deux fois par siècle…) |
| | | Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 91579 Age : 43 Date d'inscription : 08/06/2005
| Sujet: Re: Le Ring expliqué ! Dim 3 Aoû 2014 - 17:18 | |
| - DavidLeMarrec a écrit:
- Xavier a écrit:
- Franchement non ça s'entend si on connaît un peu l'oeuvre,
Bien sûr, quand tu as écouté les passages vingt fois, en bon wagnéropathe, oui, tu te rends compte qu'il y a des bizarreries. Je ne dis pas que c'est volontaire (je suis persuadé du contraire), mais c'est fait avec beaucoup d'intuition et de naturel, et donc ça fonctionne très bien si on ne regarde pas la partition (ce qui est, en principe, le but d'un spectacle d'opéra, mais j'admets que Wagner est bizarre).
- Citation :
- En plus je n'ai pas du tout la même impression que toi: pour moi ce sont des erreurs tout à fait involontaires, bref des fautes, tout simplement.
Ça rejoint un autre débat sur la relation religieuse au texte : oui, ce sont des erreurs, mais faut-il y mettre une dimension morale ? Si ça fonctionne à peu près comme l'original, est-ce gênant ? C'est gênant parce que c'est de l'à peu près, effectivement. Et ça ne fonctionne pas aussi bien que l'original, parce que chaque note est choisie avec soin par Wagner, ça n'est pas écrit à la louche. Il y a un choix des intervalles, des motifs, des rythmes... Ca n'est pas une chanson de variété où on peut modifier ces paramètres sans que ça ne change quoi que ce soit à l'effet global. Je n'ai rien mis de moral... ce sont des fautes, des erreurs si tu préfères, pour moi ça veut dire la même chose. C'est une forme d'incompétence quoi. On peut y être sensible ou non, que la plupart des auditeurs n'y voient que du feu, c'est probable, ça ne veut pas dire que c'est égal et que les interprètes ne doivent pas se soucier du texte. Pour ce que Mödl mettrait en plus niveau interprétation, ça reste subjectif... et je suis persuadé que ce n'est pas le fait de ne pas faire les notes qui lui permet de faire ça. Bref, on peut avoir les deux, et certains interprètes y arrivent. Bien sûr que c'est très dur, je ne dis pas le contraire... - Citation :
- Wagner écrivait mal pour les voix, ce n'est pas un drame non plus.
Mais tu dis pareil de Strauss, et de tous ceux qui écrivent des choses difficiles, avec des intervalles et des rythmes peu commodes... Et a contrario Verdi, Donizetti écrivent très bien pour les voix... On ne peut pas dire écrire bien pour les voix = écrire simple, ou alors on considère les chanteurs comme des sous-musiciens...? |
| | | malko Mélomaniaque
Nombre de messages : 703 Date d'inscription : 09/01/2011
| Sujet: Re: Le Ring expliqué ! Dim 3 Aoû 2014 - 18:38 | |
| - Xavier a écrit:
- DavidLeMarrec a écrit:
- Citation :
- Wagner écrivait mal pour les voix, ce n'est pas un drame non plus.
On ne peut pas dire écrire bien pour les voix = écrire simple, ou alors on considère les chanteurs comme des sous-musiciens...?
C'est assez savoureux de vous voir tous deux plaider à front renversé. |
| | | Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 91579 Age : 43 Date d'inscription : 08/06/2005
| Sujet: Re: Le Ring expliqué ! Dim 3 Aoû 2014 - 19:15 | |
| Précisément, tu as cité à l'envers. |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: Le Ring expliqué ! Dim 3 Aoû 2014 - 21:57 | |
| - Xavier a écrit:
- Ca n'est pas une chanson de variété où on peut modifier ces paramètres sans que ça ne change quoi que ce soit à l'effet global.
Précisément, dans une chanson de variété, par essence écrite de façon moins précise, si on change un élément, l'impact est plus grand. Et pourtant, ça fonctionne souvent très bien comme ça. Ok, il est plus difficile d'insérer une nouveauté intéressante dans du Wagner, je l'admets tout à fait… mais ça ne signifie pas que toute modification soit une catastrophe. - Citation :
- Je n'ai rien mis de moral... [...] C'est une forme d'incompétence quoi.
C'est moi, ou il y a comme un jugement là-dedans ? - Citation :
- ça ne veut pas dire que c'est égal et que les interprètes ne doivent pas se soucier du texte.
Je ne dis pas tout à fait ça non plus. Tout est affaire de dosage, et surtout de ce qu'on nous donne en échange. - Citation :
- Pour ce que Mödl mettrait en plus niveau interprétation, ça reste subjectif... et je suis persuadé que ce n'est pas le fait de ne pas faire les notes qui lui permet de faire ça.
Non, bien sûr, mais si elle se contraignait à les faire absolument, il est possible qu'elle ne puisse pas avoir cet abandon. Disons que je ne voudrais pas me priver d'interprétations de ce calibre pour des histoires de netteté solfégique, sur des détails qui ne me paraissent moi-même pas très importants, voire parasites. - Citation :
- Bref, on peut avoir les deux, et certains interprètes y arrivent.
Bien sûr, et de plus en plus. Mais quand tu vois la durée de la carrière d'Evans, on ne peut pas compter sur le fait que de temps en temps Untelle en soit capable tout en ayant une superbe voix et une superbe interprétation. Bon, après, je ne vais pas partir dans une argumentation sur le fait qu'il faut niveler les partitions pour le confort des chanteurs, ce serait aller très au delà de ma conviction personnelle — mais quand un compositeur fait un tel écart avec la réalité, il récolte ce qu'il sème et j'ai peine à blâmer les interprètes. - Citation :
- Mais tu dis pareil de Strauss, et de tous ceux qui écrivent des choses difficiles, avec des intervalles et des rythmes peu commodes...
Oui. Il y a tout simplement des choses qui ne sont pas possibles. Un violon, ça s'améliore, ça se bidouille, on peut y mettre des frettes, en produire à six cordes si on veut… une voix, sauf à relier un micro à un traitement de sons en temps réel (pourquoi pas, mais c'est de l'opéra sans technique lyrique), on est obligé de se limiter à la physiologie (et quelques expédients techniques, mais qui ne progressent qu'en termes de siècles). Au demeurant, je suis très content d'avoir Salome et Elektra, et il y a peu de Verdi (voire de Mozart) que je ne donnerais pas pour ces deux-là… mais si les interprètes ne les exécutent pas à la lettre, je considère que ça fait partie du cahier des charges. - Citation :
- Et a contrario Verdi, Donizetti écrivent très bien pour les voix...
Pas vraiment. Donizetti, c'est un genre ( show-off, ultralegato, souvent sans intérêt mélodique), pas du tout le mien (le texte y passe largement à la trappe, du moins dans son versant serio) ; Verdi, c'est certes écrit pour flatter la voix, mais ça reste une écriture pour spinto, qui repousse les limites de la voix. Mais ils ont un sens des réalités, de ce qu'une voix peut ou ne peut pas faire, quitte à en requérir le maximum. Wagner (surtout dans Siegfried, Le Crépuscule et dans une moindre mesure Tristan) et Strauss (dans son versant épique) s'en moquent éperdument. Ce n'est pas grave, mais ça explique pourquoi les chanteurs ont parfois d'autres chats à fouetter que de faire un rythme exact qui ne sert à rien. - Citation :
- On ne peut pas dire écrire bien pour les voix = écrire simple, ou alors on considère les chanteurs comme des sous-musiciens...?
Ben, heu, comment te dire… tu es pourtant mieux placé que moi pour vérifier à quoi ressemble le solfège chanteur. Il y a quelques semaines, j'ai accompagné une chanteuse en voie de professionnalisation. Elle était incapable de lire à vue une seconde mineur ou un saut de quarte. Alors Wagner pour un chanteur qui a eu ses diplômes surtout grâce à sa voix, hein… Ce n'est pas pour rien que ce répertoire est souvent fréquenté par des spécialistes, il n'y a pas que la question vocale. D'ailleurs, j'admire ceux qui engloutissent les strausseries (sur scène en plus, sans partition), Manuela Uhl, par exemple. |
| | | Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 91579 Age : 43 Date d'inscription : 08/06/2005
| Sujet: Re: Le Ring expliqué ! Dim 3 Aoû 2014 - 22:23 | |
| - DavidLeMarrec a écrit:
- Citation :
- Je n'ai rien mis de moral... [...] C'est une forme d'incompétence quoi.
C'est moi, ou il y a comme un jugement là-dedans ? C'est une simple constatation, il y a des choses objectives: le job d'un garagiste, c'est que ta voiture roule, si elle ne roule pas, c'est qu'il est incompétent. Le job d'un interprète est d'interpréter une partition. S'il y a plein de notes à côté... Alors certes on peut mettre ce qu'on veut sous le terme "interpréter", mais changer les notes ou des rythmes par erreur, bah c'est une forme d'incompétence, ça veut dire qu'il n'arrive pas à faire les notes. Après, tout est une question de degrés, mais quand c'est le cas régulièrement... - Citation :
- Je ne dis pas tout à fait ça non plus. Tout est affaire de dosage, et surtout de ce qu'on nous donne en échange.
Mais je ne crois pas qu'on nous donne quoi que ce soit en échange, c'est un leurre quand Mödl ou S.François se trompent dans les notes, ça n'apporte rien de plus; ils feraient aussi bien pour l'ensemble en mettant en plus les bonnes notes. (et même mieux du coup) Que ça passe parce qu'ils ont d'autres qualités, tant mieux, mais ça ne veut pas dire qu'ils perdraient cette qualité en étant plus rigoureux face à la partition. - Citation :
- Oui. Il y a tout simplement des choses qui ne sont pas possibles. Un violon, ça s'améliore, ça se bidouille, on peut y mettre des frettes, en produire à six cordes si on veut… une voix, sauf à relier un micro à un traitement de sons en temps réel (pourquoi pas, mais c'est de l'opéra sans technique lyrique), on est obligé de se limiter à la physiologie (et quelques expédients techniques, mais qui ne progressent qu'en termes de siècles).
Je ne vois pas de choses à proprement parler impossibles chez Strauss ou Wagner... à part une ou deux exceptions comme le passage d'Elektra que j'évoquais plus haut. (puisque personne n'arrive à le faire de façon précise en live, c'est qu'on n'est pas loin de quelque chose d'impossible) - Citation :
- Ce n'est pas grave, mais ça explique pourquoi les chanteurs ont parfois d'autres chats à fouetter que de faire un rythme exact qui ne sert à rien.
Ca ne sert pas à rien, comment peux-tu penser que les notes ou les rythmes sont mis au hasard ou juste pour embêter le monde... s'interroger, très bien, mais ce n'est pas parce qu'on ne comprend pas tous les détails d'une partition qu'ils ne servent à rien. Même avec tout le bagage nécessaire, même en se penchant de très près sur les partitions, même en analysant les choses à fond, il y a des choses qui restent mystérieuses... est-ce que ça veut dire que le compositeur n'a pas compris lui-même ce qu'il faisait? Qu'il a mis une note ou un rythme au hasard? Il faut aussi garder un peu d'humilité face à de tels chefs d'oeuvre... Après, je ne dis pas que ça n'arrive jamais, chez certains compositeurs... mais dans le cas qui nous occupe, non, je crois que tout est pensé et pesé avec précision, simplement. - Citation :
-
- Citation :
- On ne peut pas dire écrire bien pour les voix = écrire simple, ou alors on considère les chanteurs comme des sous-musiciens...?
Ben, heu, comment te dire… tu es pourtant mieux placé que moi pour vérifier à quoi ressemble le solfège chanteur.
Il y a quelques semaines, j'ai accompagné une chanteuse en voie de professionnalisation. Elle était incapable de lire à vue une seconde mineur ou un saut de quarte. Alors Wagner pour un chanteur qui a eu ses diplômes surtout grâce à sa voix, hein… Elle ne sait pas déchiffrer, ce n'est pas une chanteuse compétente, c'est tout. Elle ne chantera pas de Wagner sans doute, ce sont d'autres compositeurs qui subiront ses approximations... Wagner demande des musiciens et des chanteurs compétents, certes, et ce n'est pas le seul. Heureusement que les compositeurs ne cherchent pas à se mettre à la hauteur de ceux qui ne savent pas déchiffrer une partition, sinon là c'est même plus Starmania, c'est David Guetta... La musique c'est un métier, ça demande un travail considérable, une rigueur énorme, aussi bien pour un compositeur que pour un interprète... S'il suffit de se dire "bah ce trait est injouable, au lieu de m'embêter à le travailler comme il faut car ce serait trop long, je vais le changer à ma guise"... le pianiste qui fait ça se fera éjecter partout, et c'est normal. Qu'il y ait une plus grande tolérance en ce domaine pour le chant, c'est possible, mais ça n'est pas pour autant qu'il faut s'en satisfaire et a contrario blâmer les compositeurs qui écrivent des choses aussi difficiles pour les chanteurs que pour les instrumentistes! |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: Le Ring expliqué ! Dim 3 Aoû 2014 - 22:47 | |
| - Xavier a écrit:
- C'est une simple constatation, il y a des choses objectives: le job d'un garagiste, c'est que ta voiture roule, si elle ne roule pas, c'est qu'il est incompétent.
Excellente analogie, car la voiture peut être en état de marche même si elle n'est pas capable de tout faire et que tout n'est pas réparé. Même chose, une interprétation peut fonctionner sans être parfaite techniquement. Là, c'est vraiment une affaire de curseur personnel pour le public (ou les directeurs de théâtre), je ne crois pas qu'on puisse tirer une règle générale de ce qu'est l'interprète. En tout cas, ta définition est très typique de la vision des choses dans le classique, dont on discutait il n'y a pas si longtemps. - Citation :
- Mais je ne crois pas qu'on nous donne quoi que ce soit en échange, c'est un leurre quand Mödl ou S.François se trompent dans les notes, ça n'apporte rien de plus; ils feraient aussi bien pour l'ensemble en mettant en plus les bonnes notes. (et même mieux du coup)
Que ça passe parce qu'ils ont d'autres qualités, tant mieux, mais ça ne veut pas dire qu'ils perdraient cette qualité en étant plus rigoureux face à la partition. C'est difficile à dire a priori ; certains interprètes se verrouillent par peur d'être inexacts. D'autre font très bien les deux, certes, et d'ailleurs le recrutement tend de plus en plus à se limiter à ceux-là (au détriment des meilleures voix, disent certains). - Citation :
- Je ne vois pas de choses à proprement parler impossibles chez Strauss ou Wagner...
Si tu as la souplesse de Schäfer greffée sur le volume de Schnaut et l'extension de Studer, sans doute pas en effet. Pour les autres humains, c'est quand même plutôt difficile. Je ne nie pas que ça fait partie du charme du truc, sans doute comme le flottement dont parlait Tod. Mais si un interprète a besoin d'accommoder certains endroits (en plus, c'est rarement une réécriture délibérée, c'est une contrainte au moment du chant), je ne suis pas indigné. - Citation :
- Ca ne sert pas à rien, comment peux-tu penser que les notes ou les rythmes sont mis au hasard ou juste pour embêter le monde... s'interroger, très bien, mais ce n'est pas parce qu'on ne comprend pas tous les détails d'une partition qu'ils ne servent à rien.
Même avec tout le bagage nécessaire, même en se penchant de très près sur les partitions, même en analysant les choses à fond, il y a des choses qui restent mystérieuses... est-ce que ça veut dire que le compositeur n'a pas compris lui-même ce qu'il faisait? Qu'il a mis une note ou un rythme au hasard? [...] Après, je ne dis pas que ça n'arrive jamais, chez certains compositeurs... mais dans le cas qui nous occupe, non, je crois que tout est pensé et pesé avec précision, simplement. Oui. Est-ce que ça veut dire pour autant qu'il ait raison. Là encore, on en parlait il n'y a pas si longtemps. Sans dire qu'il faut bidouiller les œuvres, admettre que les compositeurs ne font pas nécessairement le bon choix ne me paraît pas scandaleux. - Citation :
- Heureusement que les compositeurs ne cherchent pas à se mettre à la hauteur de ceux qui ne savent pas déchiffrer une partition, sinon là c'est même plus Starmania, c'est David Guetta...
ll y a des chanteurs dans David Guetta, ce n'est pas de l'électro ? - Citation :
- Il faut aussi garder un peu d'humilité face à de tels chefs d'oeuvre...
Très honnêtement, face à Wagner, je crois que j'ai encore un peu d'avance pour gagner la compétition de l'humilité. Même en ayant écrit cette ligne. |
| | | Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 91579 Age : 43 Date d'inscription : 08/06/2005
| Sujet: Re: Le Ring expliqué ! Dim 3 Aoû 2014 - 23:27 | |
| Mais pour un compositeur si impossible à jouer ou chanter que cela, il est encore pas mal joué, non?
N'est-ce pas que ses oeuvres ont des qualités extraordinaires (qui méritent qu'on les joue les plus rigoureusement possible) et pas si impossibles que ça à jouer finalement?...
Il n'y a qu'une poignée de chanteurs capables de chanter certains rôles, peut-être, oui, mais on se débrouille quand même très bien pour les faire jouer, et pas qu'un peu.
De même la sonate de Liszt n'est pas facile à jouer. Ou Hammerklavier, ou le Catalogue d'oiseaux... |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: Le Ring expliqué ! Dim 3 Aoû 2014 - 23:35 | |
| - Xavier a écrit:
- De même la sonate de Liszt n'est pas facile à jouer.
Il y a des tombereaux de pianistes professionnels capables de la jouer sans fautes. Il suffit de travailler, d'une certaine façon. Pour la voix, justement, il y a la physiologie : il faut non seulement de bons chanteurs, mais il faut les sélectionner parmi le petit très nombre qui ont le format adéquat. Et des fois, on peine à trouver tout à la fois. Mais bon, ça, c'est très loin de mes préoccupations, qu'il y a des partitions écrites pour des voix rares, ça m'est un peu égal. Après, ça pose la question de systématisation, après Wagner (encore, Wagner, il y a des bouts qui sont arrangeables et jouables), des musiques inaccessibles aux amateurs – et c'est un vrai problème pour moi, parce que lorsqu'un échappe complètement aux simples mortels, on se coupe d'une partie de la vie musicale. Que tout ne soit pas jouable, c'est normal, il n'a jamais été question de réunir un orchestre chez soi ni de chanter des contre-ut à tire-larigot, mais quand ça se systématise comme cela fut largement le cas après Wagner… |
| | | Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 91579 Age : 43 Date d'inscription : 08/06/2005
| Sujet: Re: Le Ring expliqué ! Dim 3 Aoû 2014 - 23:43 | |
| Pour moi il est beaucoup plus grave que la musique soit inaccessible au public (inintelligible) que difficile à jouer pour les musiciens. Que les partitions soient de plus en plus dures, certes, mais le compositeur ne doit pas se forcer à faire simple pour être davantage joué, ce sont des concessions importantes, il doit déjà être bon et créer quelque chose de marquant, sinon ça ne sert à rien. Il y aura toujours des musiciens qui iront vers de plus ou plus de virtuosité et d'excellence et qui sauront les jouer, même s'ils seront moins nombreux pour certaines oeuvres que pour d'autres. Et il restera toujours beaucoup de choses à portée des musiciens amateurs plus modestes.
OK pour la sonate de Liszt, c'est rentré au répertoire "courant", mais quand même, peu de pianistes s'aventurent à jouer les Etudes transcendantes en concert, ou le Catalogue d'oiseaux. Est-ce qu'on va dire pour autant que c'est mal écrit pour le piano? |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: Le Ring expliqué ! Dim 3 Aoû 2014 - 23:48 | |
| Le Catalogue, ça se discute, mais les Liszt, non, ce n'est pas mal écrit pour le piano. De toute façon, mal écrit pour le piano, ça veut dire que ça ne tombe pas facilement sous les doigts, c'est très différent de choses impossibles physiologiquement (mais qu'on ne donne pas pour autant à des chanteurs mécaniques comme les Études de Nancarrow ). Et je suis d'accord que la difficulté d'exécution est une question secondaire — ma question initiale portait sur l'utilité de cette difficulté, pas vraiment sur la difficulté elle-même, d'autant qu'il est un fait qu'aujourd'hui un nombre conséquent d'interprètes parvient à jouer Wagner proprement. (Au passage, comme ça a pris pas mal de place dans le fil de Cololi, on pourrait peut-être le déplacer à part, dans une conversation sur les rythmes chez Wagner ?) |
| | | Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 91579 Age : 43 Date d'inscription : 08/06/2005
| Sujet: Re: Le Ring expliqué ! Dim 3 Aoû 2014 - 23:58 | |
| Je reviens là-dessus: - DavidLeMarrec a écrit:
- Il y a des tombereaux de pianistes professionnels capables de la jouer sans fautes. Il suffit de travailler, d'une certaine façon. Pour la voix, justement, il y a la physiologie : il faut non seulement de bons chanteurs, mais il faut les sélectionner parmi le petit très nombre qui ont le format adéquat. Et des fois, on peine à trouver tout à la fois.
Tu oublies qu'il y a aussi des limites physiques pour les instrumentistes, le corps humain ne peut pas jouer à une vitesse illimitée par exemple, et, encore plus évident: il y a des choses chez Rachmaninov par exemple qui sont littéralement hors de portée de ceux qui n'ont pas des grandes mains... donc là aussi il faut le bon "format"! |
| | | / Mélomane chevronné
Nombre de messages : 20537 Date d'inscription : 25/11/2012
| Sujet: Re: Le Ring expliqué ! Lun 4 Aoû 2014 - 0:05 | |
| oui, j’allais dire : les mains, ce n’est pas de la physiologie ?
je veux bien que la voix s’adapte et se développe beaucoup moins facilement, etc. ; mais est-ce pour autant totalement différent ? |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: Le Ring expliqué ! Lun 4 Aoû 2014 - 0:14 | |
| Comme je le signalais, il est possible d'excéder la physiologie au piano, mais dans ce cas-là, il faut des machines, le compositeur en est conscient. Alors qu'on peut toujours demander plus à un chanteur en l'obligeant à hurler, ou en limitant drastiquement le nombre de titulaires possible des rôles à une poignée de voix exceptionnelles et spécifiquement entraînées – les œuvres de Wagner et de Strauss sont suffisamment géniales pour avoir sollicité leur propre école de chant, mais sinon…
Par ailleurs, oui, c'est vraiment différent, parce que peut être pianiste n'importe quel être humain entre, disons, 14 et 90 ans. Pour une Brünnhilde, c'est seulement une femme, avec un métier suffisamment long et une voix suffisamment aguerrie (donc guère avant 40 ans), mais pas trop âgée (même en éliminant la « crédibilité scénique », les voix féminines déclinent très vite à partir de 50 ans). Et ça ne concerne pas toutes les femmes, seulement les sopranos, et les plus rares d'entre eux, les dramatiques avec un potentiel sonore énorme.
Et là-dedans, il faut en trouver une qui a étudié le chant, qui a suffisamment de technique, qui a un niveau en solfège meilleur qu'une autre, et qui arrive à avoir un peu de notoriété par les hasards des concours et agents.
Franchement, ce n'est, structurellement, pas pareil qu'une sonate de Liszt, que la plupart des pianistes professionnels, quel que soit leur sexe, leur âge ou leur physiologie, peuvent jouer avec du travail.
Les cas où l'écart des mains est important restent relativement limités, et dans la plupart des cas, il y a des solutions assez simples… Là non plus, rien de comparable avec les sauts d'intervalle de l'Immolation, avec un texte à articuler au-dessus d'un orchestre en furie par une femme mûre mais pas encore vocalement déclinante qui doit jouer à la (presque-)vierge guerrière tout en faisant le poirier suivant les vœux de quelque metteur en scène sadique. |
| | | Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 91579 Age : 43 Date d'inscription : 08/06/2005
| Sujet: Re: Le Ring expliqué ! Lun 4 Aoû 2014 - 2:58 | |
| OK, l'argument est valable, mais les histoires de rythme ne sont vraiment pas la principale difficulté... (difficulté qu'on retrouve tout autant dans la sonate de Liszt en question d'ailleurs...) Là tu es tout près de dire finalement "les interprètes adéquats pour cette musique sont tellement rares qu'on ne va pas leur demander, en plus d'avoir la voix qu'il faut, d'être des pros du solfège comme le sont les autres musiciens"... Personnellement je suis ravi que les chanteurs approximatifs se trouvent plus chez Verdi ou Bellini que chez Wagner et Strauss. |
| | | Cololi chaste Col
Nombre de messages : 33398 Age : 43 Localisation : Bordeaux Date d'inscription : 10/04/2009
| Sujet: Re: Le Ring expliqué ! Lun 4 Aoû 2014 - 10:14 | |
| Je suis évidemment du côté marrecien de la force (pauvre de moi ). Comment justifier une telle rigidité dans l'interprétation ? Sur quoi cette intransigeance se fonde t-elle ? Car dans l'histoire ... cette intransigeance, surtout couplée à des indications toujours plus précises et nombreuses, est assez récente ... certainement liée à la conception très romantique du compositeur génial ... (chose que je défend mais ... à dose modérée) qui aurait raison sur tout. _________________ Car l'impuissance aime refléter son néant dans la souffrance d'autrui - Georges Bernanos (Sous le Soleil de Satan)
|
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: Le Ring expliqué ! Lun 4 Aoû 2014 - 14:03 | |
| - Xavier a écrit:
- mais les histoires de rythme ne sont vraiment pas la principale difficulté...
Tout à fait, la remarque de Lucien était, je crois, plus étendue. - Citation :
- Là tu es tout près de dire finalement "les interprètes adéquats pour cette musique sont tellement rares qu'on ne va pas leur demander, en plus d'avoir la voix qu'il faut, d'être des pros du solfège comme le sont les autres musiciens"...
Je suis tout près de le dire (pour ne pas dire que je le dis). Le compositeur écrit hors de la norme physique, forcément ça a des répercussions sur le recrutement… En plus, maintenant, pour les DVDs, on essaie de recruter des mannequins avec des voix de dramatique… Cela dit, on n'a pas à se plaindre, il y a beaucoup de chanteurs wagnériens capables de tenir le solfège désormais (à défaut d'avoir de belles voix, mais ils jouent la comédie, parlent 45 langues, voire sont filtrés sur leur physique… on ne peut pas non plus tout avoir). |
| | | charles.ogier Mélomaniaque
Nombre de messages : 1980 Age : 65 Localisation : Suresnes Date d'inscription : 24/10/2012
| Sujet: Re: Le Ring expliqué ! Lun 4 Aoû 2014 - 21:50 | |
| - Cololi a écrit:
- Je suis évidemment du côté marrecien de la force (pauvre de moi ).
Comment justifier une telle rigidité dans l'interprétation ? Sur quoi cette intransigeance se fonde t-elle ? Car dans l'histoire ... cette intransigeance, surtout couplée à des indications toujours plus précises et nombreuses, est assez récente ... certainement liée à la conception très romantique du compositeur génial ... (chose que je défend mais ... à dose modérée) qui aurait raison sur tout. Ce débat -très intéressant, qui permet de s'interroger personnellement- est révélateur de deux personnalités. Ce que je perçois: Pour Xavier, incontestablement LA vérité définitive en musique existe. Pour D.L.M (et pour moi), c'est nettement moins certain; nous sommes plus relativistes. Je ne peux pas adhérer à l'idée d'incompétence de certains interprètes. Nous ne les connaîtrions même pas. Et puis, Martha Mödl et Samson François, incompétents?! |
| | | Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 91579 Age : 43 Date d'inscription : 08/06/2005
| Sujet: Re: Le Ring expliqué ! Lun 4 Aoû 2014 - 22:13 | |
| - charles.ogier a écrit:
- Ce débat -très intéressant, qui permet de s'interroger personnellement- est révélateur de deux personnalités.
On est quand même là pour parler musique, pas pour se faire analyser. - Citation :
- Ce que je perçois: Pour Xavier, incontestablement LA vérité définitive en musique existe. Pour D.L.M (et pour moi), c'est nettement moins certain; nous sommes plus relativistes.
Tu as dû lire en diagonale, j'ai précisément dit qu'on n'avait pas toujours une explication à tout, et qu'il restait des choses mystérieuses, dont la raison nous échappe, ce qui ne signifiait pas qu'elles étaient forcément mauvaises ou inutiles. De quelle vérité parles-tu, sur quoi?... - charles.ogier a écrit:
- Je ne peux pas adhérer à l'idée d'incompétence de certains interprètes. Nous ne les connaîtrions même pas.
Et puis, Martha Mödl et Samson François, incompétents?! En partie, oui, quand on se trompe dans les notes et les altérations, il y a des erreurs, oui. Les compositeurs seraient donc faillibles et les interprètes non? |
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