Eileen Farrell :Eileen Farrel est née en 1920 à Willimantic (Connecticut) et commence sa carrière de chanteuse dans le chœur d'une radio. Rapidement, elle obtient une émission d'une demi-heure sur CBS :
Eileen Farrell Sings où elle aborde aussi bien Gershwin, des jazz que Bach. Du coup, elle se fait connaître, mais les spécialistes rechignent devant elle, considérée comme trop "populaire" pour vraiment faire une vraie chanteuse d'opéra.
En 1951, elle fait un immense début dans
Wozzeck où sa Marie sous la baguette de Mitropoulos va devenir un important jalon dans la découverte de cet opéra (et un grand témoignage dans la discographie de cet opéra.) Toujours en concert, elle chante
Medea de Cherubini en 1955 et fait finalement ses débuts sur scène en 1956 dans le rôle de Santuzza de
Cavalleria Rusticana. La même année, elle se produit dans
Il Trovatore aux côtés de Jussi Bjoerling. En 1960, elle fait ses débuts au MET dans
Alceste après avoir longtemps attendu que Bing se décide à l'appeler. Pendant 5 saisons, elle va arpenter la scène de New-York dans les rôles de La Gioconda, Maddalena (
Andrea Chénier), Santuzza, ou encore Leonora (
La Forza del Destino). Mais elle ne se sent pas à l'aise sur les planches, et après que Bing lui ait proposé Wozzeck en anglais, elle décline la proposition et ne se produira plus sur scène au MET. Elle va alors se concentrer sur des apparitions de concert, y trouvant plus de bonheur. En 1968-70 par exemple, elle se produit avec Leonoard Bernstein (l'un des grands admirateurs de cette voix) dans des actes complets de Wagner.
Ensuite, elle continuera à chanter du jazz tout en formant de jeunes chanteurs. Son dernier enregistrement date de 1995, consacré au jazz.
Mais si sa carrière aura au final été courte sur scène, c'est aussi parce qu'elle avait son petit caractère et ne supportait la futilité et le manque de tension dans certains opéras, comme Il Trovatore : elle dira par exemple sur Leonora qu'elle était "vraiment inexistante. Que fait-elle? Elle se tient simplement là et chante?". Totalement à l'opposé, elle avoua n'avoir que rarement réussi à chanter les airs de Cio-cio-San sans se mettre à pleurer tellement la musique lui parlait. Avec ses collègues, c'était une crème, toujours de bonne humeur et sachant ne jamais se prendre au sérieux. Pour elle chanter était le principal.
Elle meurt en 2002.
Vocalement, elle impressionnait par l'assurance de la voix, d'une autorité souveraine, se moquant bien des catégories vocales.
Ainsi par exemple, elle enregistra la bande son du film dédié à Marjorie Lawrence, où elle chantait rien moins que Carmen, Butterfly, Brünnhilde, Dalila, Chérubin ou encore des mélodies populaires. D'ailleurs, elle avait refusé que son nom soit indiqué dans les crédits, ne voulant pas être catégorisée "sosie de Lawrence"…
Elle aurait peu chanter les rôles wagnériens lourds (surtout quand on entend les extraits qui nous restent), mais voyant ce qu'en faisait une Nilsson à la même époque par exemple, elle ne voyait pas l'intérêt de s'y lancer elle aussi. Lucidité? Modestie?
Sa discographie est assez réduite au final :
- Berg : Wozzeck (avec Mitropoulos à la baguette, en direct en 1951)
- Donizetti : Maria Stuarda (avec Sills, Burrows, Plessis et Quilico en direct 1971)
Il existe après des enregistrements radio de différents autres rôles :
- Verdi : La Forza del destino (MET, avec Tucker, Merrill, Hines, Schick, le 30 décembre 1961)
- Ponchielli : La Gioconda (MET, avec Corelli, Rankin, Merrill, Tozzi, Cleva, le 31 mars 1962)
- Mascagni : Cavalleria Rusticana (MET, avec Tucker, Bardelli et Santi, le 11 Avril 1964)
- Gluck : Alceste (MET, avec Gedda, Cassel, Nagy, Adler, le 11 Février 1961)
- Cherubini : Medea (Town Hall de New-York, avec McCracken, Scott, Gamzon, le 8 Novembre 1955)
Du point de vue récital studio, on peut en trouver trois importants :
- Opera Arias & Songs (Alceste, Oberon, Ernani, La Gioconda, La Pucelle d'Orléans, Hérodiade, l'Enfant Produgue, Le Consul, Mélodies)
- Duo de Verdi (avec Richard Tucker)
- Airs de Verdi (Simon Boccanegra, Aïda, Il Trovatore, Otello, la Forza del Destino, Un Ballo in Maschera)
- Air de Puccini (Gianni Schicchi, La Bohème, La Rondine, Tosca, Madama Butterfly, Manon Lescaut, Turandot)
Et puis il y a ses fameux enregistrements de Wagner :
- Wesendonck-Lieder (dirigés par Bernstein en 1961)
- Götterdämmerung : L'Immolation de Brünnhilde (dirigé par Bernstein en 1961)
- Siegfried : Duo Siegfried-Brünnhilde (avec Set Svanholm, dirigé par Erich Leinsdorf en 1949)
- Tristan et Isolde : Acte II, scène 2 – Acte III, dernière scène (avec Jess thomas et Joanna Simin, dirigé par Bernstein le 26 Février 1969)
- Die Walküre : Acte I (avec James King et Michael Langdon, dirigé par Leonoard Bernstein le 23 mai 1968)
- Götterdämmerung : Prologue – Acte 1, scène 3 (avec Jess Thomas, dirigé par Leonoard Bernstein en 1970)
- Götterdämmerung : Immolation de Brünnhilde (dirigé par Victor de Sabata le 25 Mars 1951)
L'ensemble de ces enregistrements est disponible :
- chez Testament pour les Wesendonck-Lieder et le duo de Siegfried
- chez Gala pour les autres enregistrement de Bernstein dans un coffret contenant aussi l'Immolation par de Sabata)
Vous allez me dire maintenant : Et la voix??
Et bien cette voix est passionnante : une technique accomplie lui permet donc de chanter aussi bien Butterfly que Dalila sans pour autant forcer. Jamais à court de puissance, elle sait à merveille réduire son volume pour nous proposer des piani superbes, flottants comme dans la chanson du Saule d'Otello par exemple. La souplesse vocale était aussi tout à fait correcte comme le prouve la cabalette de Leonora du Trouvère.
Une voix exceptionnelle donc, mise au service d'une interprète géniale sur scène. Sa Gioconda brûle vraiment les planches par exemple. En studio, tout dépend, mais la voix reste sublime. Ses Wagner montrent aussi une voix parfaite pour le répertoire, d'une puissance nilssonnienne, mais avec un moelleux que cette dernière n'avait pas.
Pour finir, quelques extraits :
Gershwin : But not for me : /watch?v=4p40R1TtLJo
Ponchielli : Suicidio (La Gioconda) : /watch?v=9VZ86R0-4JI
Rogers : My funny Valentine : /watch?v=Ym5JETLpCnA
Tchaikovsky : Adieux forêt (La Pucelle d'Orléans) : /watch?v=Dpl_Owvh6dI
Verdi : Tacea la notte (Il Trovatore) : /watch?v=BCHhC8CheW8
Wagner : Mort d'Isolde (Tristan et Isolde) : /watch?v=Etw5sdLa0Qg
Voilà donc la fameuse Eileen Farrell!