Villa-Lobos : L'œuvre pour piano seul

Heitor Villa-Lobos (1887-1959) a beaucoup écrit pour le piano seul : la petite forme prédomine, et un grand nombre sont des collections de pièces courtes ou de miniatures portant chacune un titre généralement descriptif. Il est de ce fait recommandé d'en rechercher la traduction en français.

On trouvera le répertoire complet des œuvres de ce compositeur surabondant (360 pages) sur le site du musée Villa-Lobos, ainsi que le passage consacré uniquement au répertoire pianistique qui nous intéresse. Survolez les papillons pour de très brefs extraits...

Citation :

Moyen - Bon - Très bon - Excellent !

Les œuvres notées en italique sont celles qui n'ont pas été retrouvées.


1904 : Celestial; História de Pierrot; Nuvens

1905 : Imploro

1907 : Valsa Scherzo

1909 : Um Beijo

1910 : Carnaval De Pierrot; Tristorosa

1911 : Bailado Infantil; Mazurlesca; Num Berço De Fadas; Valsa Lenta Jusque là, ce sont des œuvres de jeunesse peu marquantes.

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1912 : Brinquedo De Roda & Petizada ; Suíte Infantil No. 1; Valsa Romântica
L'évocation des comptines, des chansons et des légendes enfantines réussissait beaucoup au compositeur : ces douze pièces (deux fois six) forment un florilège de mélodies agréablement stylisées que précisent des titres suggestifs; ici, les pièces sont souvent bâties sur un ostinato rythmique plein d'entrain et de délicate invention. Elles me font penser à la naïveté goguenarde de vieux films en noir et blanc avec Fernandel ou Raimu !

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1913 : Suíte Infantil No. 2 à Ces petites pièces de genre sont encore assez conventionnelles (à noter toutefois le très bel andantino, impressionniste, qui semble répondre à l'allegro, de forme plutôt classique, presque bachienne)...

1914 : Canção Ibérica; Fábulas Características (O gato e o rato); Ibericarabe; Ondulando L'écriture demeure traditionnelle, mais fait preuve d'une recherche harmonique intéressante, avec la mélodie se dégageant d'un dessin de doubles croches aux deux mains.

1914-1915 : Danças Características Africanas Bien, mais sans plus par rapport à la production des années suivantes.
       
1916-1918 : Suíte Floral, Op. 97 Un caractère bucolique et légèrement impressionniste pour les deux premiers morceaux, tandis que le troisième livre enfin la vraie personnalité du musicien. Le ton enjoué de cette pièce, son caractère de scherzo accentué par la multiplication d'appogiatures mordantes et d'accords alternés séduit Arthur Rubinstein qui va alors se lier d'amitié pour le jeune brésilien (le récit des circonstances rocambolesques de leur rencontre vaut le détour...).
       
1917 ? : Amazonas Des passages étranges et baignés de soleil.

1917-1919 : Simples Coletânea
       
1918 : Prole Do Bebê No. 1 (les poupées) Ce premier livre met en évidence l'attrait de Villa-Lobos pour le monde de l'enfance, qui s'exprime avec infiniment de poésie au gré d'une écriture pianistique personnelle et virtuose, faite de mille détails (petites notes, glissandos, utilisation des registres extrêmes, contretemps, dissonances et instabilité tonale) et se nourrissant de thèmes populaires.
       
1919 : Histórias De Carochinha
       
1919-1920 : Carnaval Das Crianças Une sorte de Children's Corner, huit petits tableaux rehaussés de couleurs vives sur le thème des manifestations du Carnaval, quatre jours de fêtes précédant le mercredi des Cendres durant lesquels les enfants pouvaient se déguiser comme leurs parents et prendre part à la liesse populaire.

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1920 : Bailado Infernal; Dança infernal; A Lenda Do Caboclo ; Poema Do Menestrel
Une des pages très connues du musicien qui représente, en effet, une grande réussite mélodique. Le motif principal, profondément mélancolique, décrit l'"âme" du Caboclo (métis de blanc et d'indien)...

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1921 : Fiandeira; Poema Úmido; Prole Do Bebê No. 2 (les animaux)
Alors là, attention, on passe un cran au-dessus ! Plus virtuose, d'une palette harmonique encore enrichie, et d'une plus grande complexité rythmique, le contenu de ces neufs pièces tend à une certaine abstraction. On pourrait en dire beaucoup sur ce bestiaire imaginaire dans lequel Villa-Lobos semble annoncer Messiaen, comme le suggèrent les stridulations du Petit oiseau de drap (on notera l'étonnante entrée successive d'au moins quatre voix différentes au début de la pièce qui fait un peu penser au Lemma-Icon-Epigram de Ferneyhough); écoutez aussi Le petit chien en caoutchouc aboyer et La petite chatte en carton miauler son désespoir... Du grand art.

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1921-26 : Rudepoema
Je n'ai pas de mots pour décrire ce chef-d'œuvre dédié à Arthur Rubinstein. "Le Rudepoema a bouleversé ma vie de pianiste. Pour moi, c'est l'œuvre majeure de Villa-Lobos", écrira Sonia Rubinsky, auteur d'une thèse sur la parfaite élaboration des procédés de composition de ce monument dont la structure est particulièrement sophistiquée. C'est l'œuvre la plus longue d'un seul tenant que Villa-Lobos ait composée pour le clavier, riche jusqu'à l'excès d'idées musicales, d'une architecture complexe, d'une force âpre, et parfois violente jusqu'à la brutalité (les quatre "coups de poings" de la fin, dramatiques "clusters" DO-SI-LA d'une puissance expressive nouvelle). Ça décoiffe !

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1924 : Choros No. 2

1925 : Choros No. 5; Cirandinhas; Sul América à

1926 : Cirandas ; Prole Do Bebê No. 3 (les jeux)
La portée artistique de ces seize morceaux dépasse de beaucoup les pages précédentes des Cirandinhas avec lesquelles ils ont en commun certains thèmes. L'ambition de Villa-Lobos, au long de ce nouveau cycle, pourrait se comparer au projet debussyste des Préludes. D'une grande variété harmonique et rythmique, dans leur éblouissante spontanéité, ces rondes proposent à l'interprète des effets de sonorité raffinés, le charme de leur agilité, de leur articulations précises, de leurs dissonances bien calculées, bref, une virtuosité qui tombe à merveille sous les doigts.

Passons maintenant aux choses qui fâchent : le compositeur a vécu au 11-13 de la place Saint Michel à Paris, de 1923 à 1930. Si j'ai bien tout compris, c'est sa concierge qui a égaré certaines partitions pendant le déménagement de son appartement, alors que Villa-Lobos était retourné au Brésil, dont le fameux troisième livre de Prole Do Bebê !!! C'est à se coincer les parties génitales dans une porte, non ?
       
1927 : Saudades Das Selvas Brasileiras
       
1929 : Francette Et Pia
Sous la forme d'une bande dessinée sonore, Villa-Lobos nous raconte "l'histoire d'un petit indien qui est venu en France et a connu une petite fille française". D'une candide fraicheur, les dix épisodes intègrent des thèmes populaires français et brésilien.
       
1930 : Lembrança Do Sertão

1930-41 : Bachianas Brasileiras No. 4
     
1931 : Caixinha de Música Quebrada Une sympathique boite à musique !

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1932 : Guia Prático, Albums 1,2,3,4,5,6,7,10 ; Valsa Da Dor Délicieusement chopinien, avec une cadence finale typiquement brésilienne.

1935 : Guia Prático, Albums 8,9
Comment ne pas évoquer les six livres des Mikrokosmos de Béla Bartók, exacts contemporains de Guia Prático ? La différence tient à ce que d'un cahier à l'autre il n'y a pas de progressivité technique, mais c'est dans cet esprit qu'il faut écouter ce feuilleton pianistique, comme une introduction, accessible à tous, à la musique plus avant-gardiste de la période précédente, car les pièces qui le composent sont autant de jalons dans la connaissance du musicien. On remarquera au passage un autre point commun entre Villa-Lobos et Messiaen, l'expression sans retenue de la joie, éclatante et communicative !

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1936-37 : Ciclo Brasileiro
Villa-Lobos développe ici sa nouvelle manière d'écrire pour le piano qui, de façon surprenante, reproduit certains gestes techniques et expressifs des grands romantiques, une écriture ample et brillante, passionnée, mettant à profit plus qu'ailleurs toutes les ressources (et toute l'étendue) du clavier. Idem pour l'Hommage à Chopin, évidemment, et certaines des œuvres ci-dessous...
       
1938 : Marquesa de Santos; Melodia Da Montanha

1939 : New-York Sky Line Melody; As Três Marias Trois petites pièces charmantes.
 
1942 : Poema Singelo

1949 : Guia Prático, Album 11; Hommage à Chopin
       
1955 : Feijoada Sem Perigo...

Date de composition inconnue : Canções De Cordialidade; Tarantela; Traveso Polichinelo


La discographie de l'œuvre complète pour piano fait surtout référence à trois grandes interprètes femmes (quand il s'agit de cogner, elles sont meilleures que les hommes).

Anna Stella Schic : 1976, chez SOLSTICE (EMI à l'origine). C'est LA version de référence, la première enregistrée par une pianiste brésilienne considérée comme une spécialiste du compositeur Heitor Villa-Lobos.



Sonia Rubinsky : 1994 & +, chez NAXOS. La version de cette pianiste brésilienne (née d'une mère polonaise et d'un père lituanien) un poil plus brillante et fougueuse que la précédente, a été saluée par des critiques enthousiastes.



Débora Halász : 1994 & + (publication en cours), chez BIS. Encore une pianiste brésilienne (de parents d’origine hongroise) qui nous livre cette fois-ci une version encore plus extraordinaire que les deux autres (à mon gout), avec une prise de son excellente, et un jeu qui permet de bien entendre toutes les notes. Elle a réussi à me tirer les larmes des yeux; quelle force !




EDIT de 2021 : Sonia Rubinsky est en fait ma préférée, loin devant les autres. Entre temps, il y a eu d'autres interprètes qu'il faudra que j'écoute, comme l'intégrale de Marcelo Bratke qui a l'air bien. Pour l'instant, Sonia Rubinsky me comble.

Ca c'est du fil !

Reste à lire ça avec toute l'attention méritée.

Bravo Covus pour cette introduction de ce topic et ces papillons musicaux.

Tout cela est à lire, et écouter avec attention, merci.

Bravo pour ce fil

(une ptit coup de pouce pour le fil quatuor je serais pas contre )

Écrites entre 1932 et 1949, les pièces du Guide Pratique (Guia Prático) correspondent à la période où Villa-Lobos va apporter sa riche contribution créative à l'effort commun vers une éducation musicale et civique de la jeunesse brésilienne. Leur fonction est donc surtout didactique (c'est sans doute pour cette raison qu'elles ne sont pas mentionnées par François-René Tranchefort dans le Guide de la Musique de Piano), et on conçoit assez mal aujourd'hui de les jouer en concert du fait de leur brièveté. Mais, regroupés en un formidable réservoir de musique, ces instantanés méritent d'être connus et exploités car ils racontent la vie et les mœurs de ce fabuleux pays qu'est le Brésil.

Un seul regret : le langage est ici moins complexe et original que celui des œuvres précédentes, au contexte harmonique souvent hardi. Je pense qu'il est plus facile de les aborder en les positionnant à part et comme si il s'agissait d'œuvres de jeunesse; c'est ce qu'a fait Anna Stella Schic, avec subtilité. Et elle nous livre une interprétation extrêmement vivante qui réussit à donner à ces morceaux une tournure vraiment charmante.

On trouvera ici une excellente étude du Guide Pratique, avec toutes les partitions accompagnées des chansons populaires en tête de chaque pièce : Guia practico for piano by Heitor Villa-Lobos : a performance edition with critical notes and commentary.

L'ordre des pièces de ce catalogue est le suivant :

Album I
No. 1. Acordei de madrugada (Je me suis réveillé très tôt)
No. 2. A mare encheu (La marée montante)
No. 3. A roseira (Le rosier)
No. 4. Manquinha (La petite fille qui boite)
No. 5. Na corda da viola (Sur la corde de la guitare)
Album II
No. 1. Brinquedo (Jouet)
No. 2. Machadinha (La hachette)
No. 3. Espanha (Espagne)
No. 4. Samba-Lele
No. 5. Senhora Dona Viuda (Madame veuve)
Album III
No. 1. O pastorzinho (Le petit berger)
No. 2. Joao Cambuete (Jean Cambuete)
No. 3. A freira (La religieuse)
No. 4. Garibaldi foi a Missa (Garibaldi est allé à la messe)
No. 5. O piao (La toupie)
Album IV
No. 1. O pobre e o rico (Le pauvre et le riche)
No. 2. Rosa amarela (Rose jaune)
No. 3. Olha o passarinho, Domine ! (Regarde le petit oiseau, Domine !)
No. 4. O gato (Le chat)
No. 5. O sim ! (Oh oui !)
Album V
No. 1. Os pombinhos (Les petits pigeons)
No. 2. Voce diz que sabe tudo (Vous dites que vous savez tout)
No. 3. Co, Co, Co !
No. 4. O bastao ou mia gato (Le bâton ou les miaulements du chat)
No. 5. A condessa (La comtesse)
Album VI
No. 1. Sonho de uma creanca (Un rêve d'enfant)
No. 2. O corcunda (Le bossu)
No. 3. Caranguejo (Le crabe)
No. 4. A pombinha voou (La petite colombe s'est envolée)
No. 5. Vamos atraz da serra, oh ! Calunga ! (Allons de l'autre côté de la montagne, oh ! Calunga !)
Album VII
No. 1. No fundo do meu quintal (Dans mon arrière-cour)
No. 2. Vai abobora ! (De la citrouille !)
No. 3. Vamos, Maruca (Partons, Maruca)
No. 4. Os pombinhos (Les petits pigeons)
No. 5. Anda a roda (Autour du cercle)
Album VIII
No. 1. O limao (Le citron)
No. 2. Carambola
No. 3. Pobre cega (Pauvre aveugle)
No. 4. Pai Francisco (Père Francisco)
No. 5. Xo ! passarinho (Ouste ! Petit oiseau)
No. 6. Sinh'Aninha (Miss Aninha)
No. 7. Vestidinho branco (La petite robe blanche)
Album IX
No. 1. Laranjeira pequenina (Le petit oranger)
No. 2. Pombinha, rolinha – brinquedo de roda (Petit pigeon – ronde)
No. 3. O ciranda, o cirandinha (ronde)
No. 4. A velha que tinha nove filhas (La vieille qui avait neuf filles)
No. 5. Constante (Fidèle)
No. 6. O castelo (Le château)
Album X
No. 1. De flor em flor (De fleur en fleur)
No. 2. Atche
No. 3. Nesta rua (Dans cette rue)
No. 4. Fui no Itororo (Je suis entré à Itororo)
No. 5. Mariquita Muchaca
No. 6. No Jardim celestial (Dans le Jardin céleste)
Album XI
No. 1. O Anel (L'Anneau)
No. 2. Nigue Ninhas
No. 3. Pobre cega (Pauvre aveugle)
No. 3. A Cotia
No. 4. Vida Formosa (Vie belle)
No. 5. Viva o carnaval (Vive le carnaval)

Au début, je n'aimais pas beaucoup ces pièces, mais plus je les écoute, plus je les trouve attachantes...

Je viens de m'écouter le premier livre des Prole do Bebe (chez Naxos).

Ca me rappelle le Debussy radieux des Collines d'Anacapri et celui plus tendre et narquois de la danse de Puck.

Une musique lumineuse, mélodique et très accessible.
Vraiment superbe!

Tu devrais écouter ça Cololi!

J'aime beaucoup aussi !  C'est d'une très belle poésie, je n'y résiste pas !! Après on a vite fait le tour, mais de tout ce que je connais (et je ne connais pas tout), c'est la seule de ses oeuvres pour piano sur laquelle je reviens régulièrement et avec grand plaisir .

Le second livre de Prole do Bebe, moins connu et moins accessible, est, pour moi, un des sommets de l’œuvre pianistique d'HVL.


Mais on y trouve beaucoup d'autres choses de grande qualité, que l'écriture soit simple ou plus hardie. Je découvre encore certaines pièces dont il faudrait que je parle plus longuement ici...

Comme par exemple la conclusion du Carnaval des enfants : /watch?v=icqSop_Jc0g (ça commence à 4:20; entre parenthèses, il est pas mal, ce Marcelo Bratke). Ce thème (l'ensemble du cycle, en fait) sera aussi utilisé intégralement et tel quel dans Momoprecoce /watch?v=E_KD0Cz_oak (au début de la vidéo et à 20:00); avec tout l'orchestre, c'est carrément orgiaque !

Et ceci n'est qu'un exemple parmi les choses les plus abordables.

Je suis en train d'écouter ce second livre des Prole do Bebe et c'est vraiment étonnant!

Comme tu le dis plus haut ,il y a des choses qui font vraiment penser à Messiaen voire à Scriabine.

Villa-Lobos ne s'interdit rien et s'autorise toutes les fantaisies créatives que lui permet son imagination hors du commun.

La dichotomie entre les 2 livres des Prole do Bebe me rappelle celle des Préludes de Debussy:un premier cahier plutôt lumineux et avenant, puis un deuxième plus mystérieux et tourmenté.

Je connais si peu Villa-Lobos, et pourtant tu arrives à me convaincre que j'en suis fou . Bon aller je vais suivre tes traces et me lancer dans tes écoutes !! Ca s'annonce palpitant !

Ce second livre mériterait d'être longuement analysé et commenté. Quand on songe à l'évolution entre les deux livres, on comprend mieux ceci :

Ave do Brasil a écrit:

Passons maintenant aux choses qui fâchent : le compositeur a vécu au 11-13 de la place Saint Michel à Paris, de 1923 à 1930. Si j'ai bien tout compris, c'est sa concierge qui a égaré certaines partitions pendant le déménagement de son appartement, alors que Villa-Lobos était retourné au Brésil, dont le fameux troisième livre de Prole Do Bebê !!! C'est à se coincer les parties génitales dans une porte, non ?

Quand je passe à Saint-Michel, je regarde toujours par terre, comme si par miracle j'allais y découvrir les partitions perdues.

Il est très intéressant de lire la partition, et aussi de traduire le titre de chaque pièce pour savoir de quoi il s'agit. Ainsi, je n'ai compris que très récemment le sens du "tac-a-tac, tac-a-tac, tac-a-tac" du petit cheval de bois de la pièce 5 ( /watch?v=V6ryga_84nY ), œuvre extraordinaire, peut-être ma préférée du recueil. Quand je dis qu'on retrouve un peu de Messiaen là-dedans, c'est plus dans la démarche créatrice, dans l'esprit, que dans le langage musical lui-même (quoique si, aussi un peu) : même naïveté, même spontanéité chez l'artiste qui se dit "et si on poussait le réalisme jusqu'à imiter ainsi des bruits de la nature ?".

La liberté de Villa-Lobos est en effet étonnante. Pour tout vous dire, il me fait surtout penser à un autre génie à propos duquel je n'ai pas trop manifesté mon admiration sur ce forum, le grand, l'immense Bartok !!

PS : la seule chose qui me rebute quelque peu chez ce dernier est son austérité...

Autre chose : l'écoute du premier livre prend une autre tournure quand on connait le suivant; comme si on y retrouvait, à travers un langage moins complexe, la même essence.

Bonne écoute (Sonia Rubinsky, c'est le top; Marc-André Hamelin est super, mais trop rapide à mon goût).

Merci pour ces precisions.

C'est le lien avec l'utilisation souveraine du folklore qui justifie ton rapprochement avec Bartok?

L'austérité de Bartok est à mon sens toute relative et releve plus spécifiquement de sa production pour quatuors à cordes( passionnante mais pas evidente au début) .A vrai dire des choses comme le Prince de Bois où le Mandarin Merveilleux me semblent très avenantes d'un point de vue sonore.

Le Prince de bois ou l'opus 12, oui, mais le Mandarin, on finit par ne plus s'en rendre compte, mais c'est quand même raide; il y a une certaine luxuriance orchestrale certes, mais beaucoup moins esthétisante, plus rude, et harmoniquement c'est vraiment brut quand même.

C'est vrai que j'ai tellement l'habitude de ce genre de pièces(le Sacre...) que je ne fais plus vraiment attention.

Je suis en train d'écouter A Prole do Bebê.

Je suis assez d'accord avec ce qui a été dit plus haut: 1er livre très joli, bien écrit pour le piano, 2è livre plus audacieux.
La 2è pièce de ce dernier fait énormément penser au volet central d'En blanc et noir.
Et je suis d'accord aussi avec les allusions à Bartok. (début de la 3è pièce par exemple)

Tiens, ça me donne envie de réécouter la pièce pour 2 pianos de Debussy.


Ecoute du Ciclo Brasileiro

Encore un superbe recueil pianistique.

Sensualité, soleil, chaleur, chant, danse...

De la musique qui rend profondément heureux, comme souvent avec Villa-Lobos

Je te conseille aussi les Cirandas, si tu as aimé l'ambiance des deux livres de Prole do Bebe.

C'est un ensemble de seize pièces assez courtes et basées sur des chansons populaires. Exemple : /watch?v=k5TEy227A8o

J'ai l'intégrale Naxos.
Je vais me faire la totalité du corpus. ;o)

Brinquedo de Roda
Des comptines sans prétention.

Dancas Caracteristicas Africas
Plus de fantaisie que dans les Brinquedo avec toujours ce souci mélodique si caractéristique de l'écriture pianistique de Villa-Lobos.

arnaud bellemontagne a écrit:

Brinquedo de Roda
Des comptines sans prétention.

Sans prétention, en effet, mais des comptines qui parlent directement à mon cœur. Peut-être parce que les sentiments enfantins sont en quelque sorte des fondamentaux, dans toute leur pureté et naïve vérité, des sentiments irréductibles, sans mélanges, lesquels surviennent ensuite avec les blessures du temps.

J'adore ces petites pièces, c'est un régal.

arnaud bellemontagne a écrit:

J'ai l'intégrale Naxos.
Je vais me faire la totalité du corpus.

C'est bien, tu ne seras pas déçu. Certains disques sont moins riches que d'autres, mais on y trouve des cycles qu'on peut explorer longuement pour en gouter, non sans délectation, le charme et une saveur magique.




Allez. Je vais vous faire une confession : cette [re]-découverte d'Heitor Villa-Lobos coïncide avec une histoire d'amour passionnelle entre une Brésilienne et moi-même... D'où le fait que ce que j'écris est légèrement teinté de poésie.

Carnaval Das Criancas Brasilieiras

Encore une merveilleuse évocation de la magie de l'enfance.
 
Ravel n'a donc pas le monopole de la réminiscence enfantine. 

arnaud bellemontagne a écrit:

Carnaval Das Criancas Brasilieiras
Encore une merveilleuse évocation de la magie de l'enfance.
Ravel n'a donc pas le monopole de la réminiscence enfantine. 

Attention Ravel place le niveau très haut ayant gardé tout sa vie son âme d'enfant (il se mettait par exemple naturellement par terre pour jouer avec les enfants de ses amis lorsqu'il leur rendait visite, sacré Maurice !, et les enfants jouaient avec ce vieux bonhomme de 50 ans de la manière la plus naturelle du monde. C'est beau).

Il faut que j'écoute ça !

Mais c'est en connaissance de cause que j'évoque Ravel.
Je ne me serai pas permis sinon, tant je le venere.

arnaud bellemontagne a écrit:

Mais c'est en connaissance de cause que j'évoque Ravel.
Je ne me serai pas permis sinon, tant je le venere.

Oui
C'était surtout pour le plaisir de parler de Ravel On en parle jamais assez !

C'est vrai c'est un des plus grands mélodistes de la galaxie. 

arnaud bellemontagne a écrit:

C'est vrai c'est un des plus grands mélodistes de la galaxie. 

Loin derrière Schubert et Mozart ^^ (car inventer autant de mélodies transcendantes qu'eux c'est impensable).

Comme celles de Ravel me touchent mille fois plus que les 2 compositeurs pré-cités je n'en dirai pas plus...

Cololi a écrit:

arnaud bellemontagne a écrit:

C'est vrai c'est un des plus grands mélodistes de la galaxie. 

Loin derrière Schubert et Mozart ^^ (car inventer autant de mélodies transcendantes qu'eux c'est impensable).

Bin en faite, d'une certaine manière, Ravel n'avait pas un grand don de mélodiste. Il en était parfaitement conscient, il en parle très bien, et c'était d'ailleurs l'un des critères qu'il admirait et enviait le plus chez les autres compositeurs, notamment Chopin (La Barcarolle faisait partie de ces partitions qui ne quittaient jamais son piano). Quel grande modestie !! 
La mélodie chez Ravel c'est plutôt des motifs, des formules, principalement construit autour de la gamme pentatonique, et savamment travaillée, avec une goute d'inspiration divine (que dis-je, un raz de marée !).
Mais justement, en grand génie qu'il était, il à su à la perfection transcender ce "défaut", et nous sommes bien d'accord : ses mélodies sont les plus belles qui existent    !!

Rav-phaël a écrit:

Attention Ravel place le niveau très haut ayant gardé tout sa vie son âme d'enfant (il se mettait par exemple naturellement par terre pour jouer avec les enfants de ses amis lorsqu'il leur rendait visite, sacré Maurice !, et les enfants jouaient avec ce vieux bonhomme de 50 ans de la manière la plus naturelle du monde. C'est beau).

Non mais dis donc, sacripant !

Mariefran a écrit:

Rav-phaël a écrit:

Attention Ravel place le niveau très haut ayant gardé tout sa vie son âme d'enfant (il se mettait par exemple naturellement par terre pour jouer avec les enfants de ses amis lorsqu'il leur rendait visite, sacré Maurice !, et les enfants jouaient avec ce vieux bonhomme de 50 ans de la manière la plus naturelle du monde. C'est beau).

Non mais dis donc, sacripant !

J'ai donné cet âge parce que dans l'anecdote qui raconte cette histoire, il avait bien 50 ans, et oui ^^ (pas de mauvaises pensées s'il te plais !? Non mais dis donc !)

On n'est pas vieux à 50 balais !

Ciclo Brasileiro

Très joli, m'évoque pas mal Mompou, avec ce mélange de simplicité mélodique et d'écriture impressionniste (harmonies de 9è, ostinatos...), en un peu plus débridé que le compositeur catalan évidemment.

Xavier a écrit:

Ciclo Brasileiro

Très joli, m'évoque pas mal Mompou, avec ce mélange de simplicité mélodique et d'écriture impressionniste (harmonies de 9è, ostinatos...), en un peu plus débridé que le compositeur catalan évidemment.

Oui, magnifique cycle, j'aime particulièrement la première pièce très sensuelle avec de magnifiques harmonies (Plantio do caboclo) ainsi que la dernière bien rythmée (Dansa do indio branco) qui doit être éclatante à jouer !

Xavier a écrit:

Ciclo Brasileiro

Très joli, m'évoque pas mal Mompou, avec ce mélange de simplicité mélodique et d'écriture impressionniste (harmonies de 9è, ostinatos...), en un peu plus débridé que le compositeur catalan évidemment.

Mompou m'avait paru plus austère et distancié.Faudrait que je réecoute.

Mompou c'est effectivement une musique plus intérieure, intimiste.
Mais tout aussi riche musicalement, et à mon sens plus profonde.

ave do brasil a écrit:

1921-26 : Rudepoema

Je n'ai pas de mots pour décrire ce chef-d'œuvre dédié à Arthur Rubinstein. "Le Rudepoema a bouleversé ma vie de pianiste. Pour moi, c'est l'œuvre majeure de Villa-Lobos", écrira Sonia Rubinsky, auteur d'une thèse sur la parfaite élaboration des procédés de composition de ce monument dont la structure est particulièrement sophistiquée. C'est l'œuvre la plus longue d'un seul tenant que Villa-Lobos ait composée pour le clavier, riche jusqu'à l'excès d'idées musicales, d'une architecture complexe, d'une force âpre, et parfois violente jusqu'à la brutalité (les quatre "coups de poings" de la fin, dramatiques "clusters" DO-SI-LA d'une puissance expressive nouvelle). Ça décoiffe !

+1000 à tout ça.

Cette fresque grandiose de 22 minutes figure dores et déjà pour moi en bonne place au panthéon des grandes partitions pianistiques du XXème siècle. Difficile de trouver les mots pour décrire ce maelstrom fulgurant qui n'oublie ni la fougue, ni le lyrisme,ni la rigueur de construction(chose à souligner pour du Villa-Lobos),ni le souffle épique.
A ne pas rater!!!

Ca me donne envie tout ça Arnaud, d'autant plus que je ne connais que très peu ce compositeur !  

Veinard!  
Si tu es sensible à la couleur et au lyrisme tu vas aller de merveilles en merveilles.  

Depuis le temps que j'en parle...

Ça, c'est comme les filles que je drague : pendant de longues semaines, ça ne marche pas du tout, c'est l'échec total, et tout d'un coup, allez savoir pourquoi, tout le monde rapplique en même temps et je me retrouve débordé de gonzesses ! Enfin, là, ce n'est pas tout à fait comparable, mais cela m'a fait penser à ça.

Depuis le temps que tout le monde ici en dit le plus grand bien, j’ai donc écouté Rudepoema (dans la version Hamelin). Et c’est effectivement très, très bien: dense, sinueux, tendu avec des passages harmoniquement très retors et des poussées dynamiques et rythmiques impressionnantes. Et puis, c’est finalement assez personnel, même si l’œuvre emprunte beaucoup à un certain langage d’époque: on pense parfois à Stravinsky, parfois à Milhaud, parfois à Varèse... mais c’est à ma connaissance la seule œuvre pour piano de cette ambition-là dans ce langage-là.
Je serais un peu moins enthousiaste au sujet de Prole do Bebê: la Suite nº1 donne l’impression d’emprunter beaucoup à la musique française du premier XXᵉ mais avec une recherche de l’effet facile (les harmonies sont souvent très debussysante, mais parfois couverts de traits assez tape-à-l’œil; les emprunts populaires syncopés à la Milhaud sont assez premier degré); le langage de la Suite nº2 est un peu plus austère et plus dense, et là il y a vraiment de très beaux passages (en particulier certains ostinatos suspendus), mais aussi encore trop souvent des effets un peu racoleurs.
A vrai dire, j’hésite un peu à me lancer dans une intégrale du piano de Villa-Lobos: s’il y a d’autres pièces du calibre de Rudepoema, je suis évidemment preneur; en revanche, si cette dernière œuvre est la plus «avancée» et la plus achevée du corpus et que le reste ressemble davantage à la 1ᵉ Suite des Prole do Bebê...

Je serais assez d'accord avec la dernière partie de la réponse de Benedictus. J'ai parcouru pas mal de ses pièces au piano, et je ressens souvent une impression de légereté globale dans l'écriture, emprunts pas toujours bien digérés/développés, effets de surface etc... toute florissante que soit sa musique. Après souvent ça "coule". il y a un flux, une facilité des choses très séduisante dans sa musique. Chose que j'envie beaucoup d'ailleurs.

Il va falloir que je remette en ligne certaines illustrations manquantes...

En attendant, voici une sélection des œuvres qui me paraissent, personnellement, les plus intéressantes et à retenir (à écouter impérativement); c'est bien simple, [presque] tout ce qui antérieur à 1930 !

01 - Brinquedo de Roda (1912);

02 - Petizada (1912);

03 - Suite Infantil No. 1 (1912);

04 - Suite Infantil No. 2 (1913);

05 - Ondulando (1914);

06 - Danças Caracteristicas Africanas (1914-1915);

07 - Suite Floral (1916-1918);

08 - Simples Coletanea (1917-1919);

09 - Prole do Bebê No. 1 (1918);

10 - Historias da Carochinha (1919);

11 - Carnaval das Crianças (1919-1920);

12 - A Lenda do Caboclo (1920);

13 - Fiandeira (1921);

14 - Prole do Bebê No. 2 (1921);

15 - Cirandinhas (1925);

16 - Sul América (1925);

17 - Cirandas (1926);

18 - Rudepoema (1921-1926);

19 - Saudades das Selvas Brasileiras (1927);

20 - Francette et Pia (1929).

Pour moi, c'est la meilleure compilation, celle que j'écoute en écrivant ces lignes.