Sujet: Carl Orff (1895-1982) Jeu 12 Mai 2011 - 12:30
Il n'y a pas de sujet général sur Orff, juste un fil Carmina Burana dans "Oeuvres". Comme il s'agit d'un sujet éminemment polémique (peut-être plus encore que Glass) il serait dommage de perde le peu qu'on a pu dire ailleurs du reste de son oeuvre.
Je prends la liste des oeuvres dans la version anglaise de wiki, c'est plus clair
Lamenti Orpheus (1924, reworked 1939) Klage der Ariadne (1925, reworked 1940) Tanz der Spröden (1925, reworked 1940)
Entrata for orchestra, after "The Bells" by William Byrd (1539–1623) (1928, reworked 1941)
Orff Schulwerk Musik für Kinder (with Gunild Keetmann) (1930–35, reworked 1950–54)
Trionfi Carmina Burana (1937) Catulli Carmina (1943) Trionfo di Afrodite (1953)
Märchenstücke (Fairy tales) Der Mond (1939) Die Kluge (1943) Ein Sommernachtstraum (1952, reworked 1962)
Bairisches Welttheater (Bavarian world theatre) Die Bernauerin (1947) Astutuli (1953) Comoedia de Christi Resurrectione (1956) - Easter Play Ludus de Nato Infante Mirificus (1961) - Nativity play
Theatrum Mundi Antigonae (1949) Oedipus der Tyrann (1959) Prometheus (1968) De Temporum Fine Comoedia (1973, reworked 1977)
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Sujet: Re: Carl Orff (1895-1982) Jeu 12 Mai 2011 - 12:42
- Carmina Burana: Non! Musique du IIIème Reich!, pas terrible sauf le planant morceau pour soprano. [...] Voilà voilou...
Parsifal a écrit:
Pelléas a écrit:
- Carmina Burana: Non! Musique du IIIème Reich!
Ah voila le genre de chose qui me font bondir, tu peux dire tout ce que tu veux sur la qualité de cette musique, mais je ne vois pas en quoi le fait qu'elle soit une musique du III éme Reich a un rôle a jouer dans sa qualité intrinsèque.
je suis d'accord avec cette dernière remarque: le cas de Carl Orff est loin d'être clair, la création de Carmina Burana a été très mal accueillie par le régime nazi (le texte latin, le sens ambigu des paroles de O fortuna, l'érotisme sous-jacent, l'influence du réalisme soviétique) qui ne l'a récupéré que lorsque sa popularité est devenue universelle. Contrairement à tous les compositeurs et musiciens restés en Allemagne, Carl Orff n'a jamais adhéré au parti, ce qui était pourtant une condition indispensable pour travailler publiquement. Il est de bon ton de dénigrer la musique de Carl Orff, sans s'être penché sur autre chose que le choeur d'entrée des Carmina Burana.
DavidLeMarrec a écrit:
Cela dit, il était tellement fier de cette oeuvre de jeunesse (dix-huit ans, sauf erreur), et il le dit avec un aplomb assez effarant en entretien... qu'il en a reproduit le style toute sa vie. Son opéra Der Mond est meilleur, mais on se lasse un peu du style minimaliste avant l'heure.
Je me demande si ce que je n'aime pas le plus chez lui, c'est précisément sa musique pour les jeux nazis : http://operacritiques.free.fr/css/index.php?2009/04/17/1209-musique-nazie-qui-tue .
Vous pouvez écouter, ça ne fait pas très peur. Incroyable d'ailleurs, quand on lit l'idéologie du régime autour de ces manifestations qui font l'éloge de la vigueur, qu'ils aient commandé ce type de musique assez... arcadien.
DavidLeMarrec a écrit:
Mais la politique du Reich était elle-même ambiguë : lorsqu'ils ont fait de Friedenstag leur étendard, c'était quand même un habile détournement en prenant à rebours le sens de l'oeuvre qui faisait l'éloge naïf de la paix... mais en leur sens, c'était la Pax Romana et pas la paix libre.
oui, mais si on va par là, qui est l'auteur de l'hymne officiel des JO de 36? je crois que cette "commande" est aussi la récupération d'une musique antérieure à l'événement. Je trouve ça moins intéressant que Ludus de nato infante mirificus. Avec Oedipe et Prométhée, Orff a exploré une voie (sans issue peut-être) très différente de tout ce qui s'est fait en matière de théâtre musical.
Je ne vais pas me lancer dans une défense vouée à l'échec de la musique de Carl Orff, je trouve ça idéologiquement beaucoup moins marqué que le Pfitner ou le Franz Schmidt de la fin, un peu comme Webern dont on peut aussi dire pour des raisons chronologiques et territoriales que c'est de la musique du IIIème reich (ignorée par le pouvoir certes)
Oedipe et surtout Prométhée c'est à la limite du minimalisme répétitif, il ne reste qu'un piano et des percu et souvent de long passages monocordes a capella.
DavidLeMarrec a écrit:
sud273 a écrit:
oui, mais si on va par là, qui est l'auteur de l'hymne officiel des JO de 36?
J'attendais le coup de pied de l'âne sur le pauvre Richie.
Citation :
je crois que cette "commande" est aussi la récupération d'une musique antérieure à l'événement. Je trouve ça moins intéressant que Ludus de nato infante mirificus.
Intéressant n'est pas le mot : amusant est plus exact. Tellement en décalage avec l'image qu'on se fait habituellement des cérémonies du régime.
Citation :
Avec Oedipe et Prométhée, Orff a exploré une voie (sans issue peut-être) très différente de tout ce qui s'est fait en matière de théâtre musical.
Ah, j'ai Die Kluge et Antigone, mais je ne crois pas que j'aie écouté ça. Ca ressemble à quoi, ça se trouve où ?
Parsifal a écrit:
J'écoute la musique des jeux olympique, et... c'est surprenant de la part des nazis
Sinon il me semble que j'avais vu Der Mond et Prométhée a ma médiathèque il faudrait que je songe a les emprunter
Bien évidemment je ne conseillerai ça à personne, mais dans le cadre d'une réflexion sur l'évolution du théâtre lyrique, c'est à considérer (ça n'est d'ailleurs plus populaire du tout, et sur la longueur, extrêmement ennuyeux, mais pas plus pour moi que du beaucoup de ses contemporains)
DavidLeMarrec a écrit:
Même si c'est nul, ça m'intéresse. Ca existe au disque, où il faut que j'active mes ressources occultes de preneurs-sur-genoux ?
Oui ça existe au disque Promethee par Leitner http://www.amazon.com/Carl-Orff-Prometheus/dp/B0007WQB6I/ref=sr_1_1?ie=UTF8&s=music&qid=1305149600&sr=1-1
et peut-être plus intéressant par Kubelik chez Orfeo http://www.amazon.com/Orff-Prometheus-Carl/dp/B00003CX0N/ref=sr_1_2?ie=UTF8&s=music&qid=1305149600&sr=1-2 Oedipe le tyran, Kubelik chez DGG avec... Astrid Varnay http://www.amazon.com/Oedipus-Tyrann-King-Oedipe-tyran/dp/B00004SLB1/ref=sr_1_1?ie=UTF8&s=music&qid=1305149783&sr=1-1 Leitner l'a fait aussi mais le disque ressorti en 2010 a l'air déjà indisponible http://www.amazon.com/Orff-Oedipus-Tyrann-Gerhard-Stolze/dp/B003B3B1S8/ref=pd_sim_sbs_m_5
Parsifal Mélomane chevronné
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Sujet: Re: Carl Orff (1895-1982) Jeu 12 Mai 2011 - 15:00
Sujet intéressant d'autant que je crois bien que je n'ai écouter (et aimer malgré toutes les critiques que j'ai pu lire sur ce forum et ailleurs) que Carmina Burana en entier et aussi Gassenhauer qui est réutilisé dans la BO de la Ballade sauvage de Terrence Malick. Aprés il me semble que j'ai entendu un extrait de De temporum fine comœdia, mais c'est tout, donc je ne connais absolument pas son œuvre.
atomlegend Roi de la bourde
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Sujet: Re: Carl Orff (1895-1982) Jeu 12 Mai 2011 - 19:41
La première fois que j'avais entendu son tube, j'avais osé dire avoir trouvé ça beau ( playlist il y a 4 ans ). j'avais pris les foudres de certains. Si on me dit que tout est du même acabit ou voir mieux, je serais prêt à me lancer.
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Sujet: Re: Carl Orff (1895-1982) Jeu 12 Mai 2011 - 20:17
je ne crois pas qu'on puisse l'affirmer... Mais les Trionfi sont tout de même pas mal quoique moins spectaculaires.
Parsifal Mélomane chevronné
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Sujet: Re: Carl Orff (1895-1982) Ven 13 Mai 2011 - 1:16
Carmina Burana ça ne fait pas partie des Triomphi? enfin c'est ce que j'avais lu en tout cas.
J'ai oublier de dire que j'ai aussi entendu des extraits d'Antigone et que c'était loin de m'avoir déplu.
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Sujet: Re: Carl Orff (1895-1982) Ven 13 Mai 2011 - 11:43
si si Carmina c'est le premier volet des Trionfi (et sans doute le meilleur d'Orff en effet)
Mélomaniac Mélomane chevronné
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Sujet: Re: Carl Orff (1895-1982) Dim 8 Déc 2013 - 22:32
Glocktahr, in Petits bonheurs du jour, a écrit:
Je viens de découvrir, en écoutant "Carmina Burana" pour la première fois de ma vie, que le générique "d'histoires naturelles", le truc tonitruant qui te réveillait à 3 heures du matin quand t'étais complètement défoncé et qui annonçait la chasse au ragondin sur TF1, en est extrait, ça va tourner en boucle chez moi
/watch?v=b40ktuJLnsQ
(Le générique original : /watch?v=SEzQs3QY75Q )
Au fait, quelqu'un sait-il quelle interprétation avait été choisie pour le générique de cette émission ?
starluc Mélomaniaque
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Toute polémique politique mise à part, Orff (du moins ce que j'en connais et, particulièrement les "Carmina Burana"), représente exactement ce que je déteste en musique : musique bruyante portée par des rythmes primaires- Aucune subtilité. En plus, je ne prise guère ces références à un Moyen-age de pacotille...
Enfin bon, c'est mon avis et il ne vaut que comme tel...
Mélomaniac Mélomane chevronné
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Amusant, je m'étais justement promis de parcourir quelques versions pour pouvoir discuter avec Mélomaniac. Parce qu'à part Ormandy avec qui j'ai découvert l'œuvre (disque d'extraits) plutôt avec plaisir, je n'ai quasiment rien écouté... Il faut dire que ça lasse vite.
Mélomaniac Mélomane chevronné
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Tu as écouté un disques d'extraits des Carmina Burana par Ormandy. J'ignorais que ça existât.
Collection économique, il y a quinze ans. Avec un cimier dessus.
Je ne trouve pas de visuel, mais je viens de réécouter un extrait, c'est bien Ormandy, pas de doute. D'ailleurs, dans la veine rustique médiévalisante, on fait difficilement mieux. Je me demande même si je ne trouve pas Ormandy plus convaincant que les versions qui essaient de rester gracieuses, comme Rattle qui me plaît assez également.
starluc Mélomaniaque
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Sujet: Re: Carl Orff (1895-1982) Mar 10 Déc 2013 - 16:43
Mélomaniac a écrit:
Qu'entends-tu par bruyante : cacophonique, ou dont la dynamique sonore est excessivement élevée ?
Qu'elle soit cacophonique, cela ne me dérange pas outre-mesure...C'est le niveau dynamique sonore qui me gêne davantage comme si la qualité de la musique se mesurait au bruit qu'elle fait. Comme disent les cuisiniers : "le meilleur professionnel n'est pas celui qui met le plus de saindoux dans la marmite!"!.
Mélomaniac Mélomane chevronné
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Sujet: Re: Carl Orff (1895-1982) Mar 10 Déc 2013 - 20:47
starluc a écrit:
Qu'elle soit cacophonique, cela ne me dérange pas outre-mesure...C'est le niveau dynamique sonore qui me gêne davantage
Remarque, je n'ai jamais supposé que cette musique fût cacophonique, c'était juste une question. Elle s'avère même assez furieusement diatonique.
Quant au niveau sonore, je ne comprends pas en quoi il est perçu comme particulièrement élevé. Même si on pense au célèbre O Fortuna, l'ostinato central est susurré. Certes quelques numéros hymniques comme le Ave formosissima, exultants comme le Tempus est iocundum, apostrophants comme la Ego sum Abbas, réclament des décibels. Mais par ailleurs nombre de pages se contiennent dans une dynamique très moyenne, voire monocorde (Veris leta facies). Les trois premiers chants de la Cour d'amour sont exquisément nuancés.
Vino-Madibo a écrit:
J'aimerai vous posez une question : Pourquoi ai-je toujours l'impression qu'après les cinq premières minutes de musique hyper-épique l'atmosphère sombre dans les abysses des tavernes bavaroises ?
Effectivement, faut pas confondre avec la bande son d'Excalibur. Toute le seconde partie se situe dans une taverne, mais avant ça la première se déroule sous les auspices vernaux.
Vino-Madibo a écrit:
C'est-à-dire, au fur et à mesure que j'avance dans l’œuvre, elle semble décliner de plus en plus au niveau des effets sonores archaïques (à moins que l'on puisse appeler un ensemble d'accordéonistes bourrés une musique archaïsante ?).
Pas d'accordéon dans la partition. Je n'ai pas bien compris ta phrase. Les tournures répétitives, l'harmonie sommaire, les rythmes simplifiés sont inhérents au langage de l'oeuvre.
starluc Mélomaniaque
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Sujet: Re: Carl Orff (1895-1982) Mer 11 Déc 2013 - 12:02
Oui, je crois que c'est, comme tu dis, l'harmonie sommaire, les tournures répétitives et les rythmes simplifiées qui me cassent les machins...
Qui connait Szymanovski et son raffinement si dérangeant, on ne peurt que tourner le dos à l'univers sonore de Orff...Ce sont des antipodes musicales...
DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
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Sujet: Re: Carl Orff (1895-1982) Mer 11 Déc 2013 - 12:23
starluc a écrit:
Ce sont des antipodes musicales...
Oui, mais j'aime (avec modération) les deux, et je ne suis très vraisemblablement pas le seul.
Il est sûr qu'on a moins vite envie de jeter Szyma par la fenêtre, et qu'il est moins facile de s'en moquer (sauf lorsqu'on ouvre la partition du Roi Roger).
starluc Mélomaniaque
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Sujet: Re: Carl Orff (1895-1982) Mer 11 Déc 2013 - 12:32
DavidLeMarrec a écrit:
starluc a écrit:
Ce sont des antipodes musicales...
Oui, mais j'aime (avec modération) les deux, et je ne suis très vraisemblablement pas le seul.
Il est sûr qu'on a moins vite envie de jeter Szyma par la fenêtre, et qu'il est moins facile de s'en moquer (sauf lorsqu'on ouvre la partition du Roi Roger).
Oui, certes, le livret du '"Roi Roger" n'est pas ce qu'il y a de mieux. Je préfère "Hagith" que j'ai découvert en DVD....
Szymanovski n'a jamais essayé de faire "moderne" à tout crin. Il EST moderne sans le vouloir. Orff, si et avec des références culturelles qui veulent puiser dans un fonds culturel mal digéré allant de la Grèce antique au Moyen-Âge allemand. C'est cette prétention intellectuelle qui le rend ridicule et qui fait que sa musique sent le "fabriqué" pour ne pas dire le "chiqué"!
DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
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Sujet: Re: Carl Orff (1895-1982) Mer 11 Déc 2013 - 12:37
starluc a écrit:
Oui, certes, le livret du '"Roi Roger" n'est pas ce qu'il y a de mieux.
Je parlais bien de la partition. À regarder (parce que ça ne peut pas vraiment se lire ), c'est très drôle.
Mélomaniac Mélomane chevronné
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Sujet: Re: Carl Orff (1895-1982) Mer 11 Déc 2013 - 16:11
starluc a écrit:
Orff, si et avec des références culturelles qui veulent puiser dans un fonds culturel mal digéré allant de la Grèce antique au Moyen-Âge allemand. C'est cette prétention intellectuelle qui le rend ridicule et qui fait que sa musique sent le "fabriqué" pour ne pas dire le "chiqué"!
Si puiser dans le Moyen-Âge allemand rendait ipso facto ridicule, que dirait-on de Wagner, ou des Romantiques en général ?
La Grêce est un des thèmes de prédilection du néoclassicisme (bien qu'Orff ne s'y réfère pas dans ce sens, mais plutôt dans une démarche de résurrection de l'art théâtral antique).
Je n'y vois là aucune prétention, aucune vanité. Son intérêt et sa connaissance de ses sujets d'inspiration étaient profonds, sincères, et l'homme était loin d'être idiot.
Quant au côté artificiel et chiqué que tu évoques, ça provient peut-être du décalage entre les sources et leur traitement symphonique tel qu'il apparaît dans les Carmina ou le Triomphe d'Aphrodite.
Le procédé déclamatoire (avec un orchestre réduit à la percussion) des Catulli me semble ainsi moins exposé au reproche de hiatus stylistique.
starluc Mélomaniaque
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Sujet: Re: Carl Orff (1895-1982) Jeu 12 Déc 2013 - 14:20
Mélomaniac a écrit:
starluc a écrit:
Orff, si et avec des références culturelles qui veulent puiser dans un fonds culturel mal digéré allant de la Grèce antique au Moyen-Âge allemand. C'est cette prétention intellectuelle qui le rend ridicule et qui fait que sa musique sent le "fabriqué" pour ne pas dire le "chiqué"!
Si puiser dans le Moyen-Âge allemand rendait ipso facto ridicule, que dirait-on de Wagner, ou des Romantiques en général ?
La Grêce est un des thèmes de prédilection du néoclassicisme (bien qu'Orff ne s'y réfère pas dans ce sens, mais plutôt dans une démarche de résurrection de l'art théâtral antique).
Je n'y vois là aucune prétention, aucune vanité. Son intérêt et sa connaissance de ses sujets d'inspiration étaient profonds, sincères, et l'homme était loin d'être idiot.
Quant au côté artificiel et chiqué que tu évoques, ça provient peut-être du décalage entre les sources et leur traitement symphonique tel qu'il apparaît dans les Carmina ou le Triomphe d'Aphrodite.
Le procédé déclamatoire (avec un orchestre réduit à la percussion) des Catulli me semble ainsi moins exposé au reproche de hiatus stylistique.
Ce n'est pas la référence au Moyen-Âge ou à la Grèce qui est condamnable en soit (ou alors, pour ce qui concerne le Moyen-Âge, il faudrait condamner l'une des sources du romantisme allemand et pour la Grèce, le néo-classicisme) ), c'est plutôt l'angle très intellectuel, très fabriqué et, en fin de compte, naïf (alors qu'il ne pense pas l'être) avec laquelle Orff traite ce type de sources...
Je suis un fou des symphonies d Schumann et, dans un autre genre, des "Métopes" de Szymanovski. Ces musiques sont tout sauf naïves. Car, pour moi, l'art et surtout la musique en tant que clé sensorielle de décryptage de notre univers, ne saurait être naïf...
DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
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Sujet: Re: Carl Orff (1895-1982) Mar 22 Juil 2014 - 22:10
Ca fonctionne a écrit:
Bonjour,
Dans quel style classez-vous Carmina Burana ?
Style nazi.
Plus sérieusement, c'est un style néo-quelque chose, très archaïsant — on pourrait presque dire néo-médiéval, avec une propension presque minimaliste à la répétition, d'ailleurs. Mais comme il est le seul à écrire dans ce style (en tout cas, je n'en ai jamais rencontré d'autres…), ça n'a pas forcément de sens de créer un nom de style rien que pour lui.
À peu près toutes ses compositions utilisent ce langage, mais on trouve aussi des œuvres néo-helléniques chez lui — là, ça existe un peu plus chez d'autres : À Hélène de Xenakis ou Les Perses de Prodromidès, voire Salamine d'Emmanuel.
Citation :
Et qui a composé ces musiques et écrits ces chants ? Ils datent du Moyen-âge, non ?
Les originaux sont du XIIIe, composés par des clercs itinérants (et paradoxalement retrouvés dans une abbaye) mais Orff a écrit sa propre musique sur les poèmes (les quelques-uns disposant de musique écrite sur le manuscrit ont d'ailleurs été enregistrés depuis).
Mélomaniac Mélomane chevronné
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Sujet: Re: Carl Orff (1895-1982) Mar 22 Juil 2014 - 23:35
DavidLeMarrec a écrit:
on pourrait presque dire néo-médiéval
Abusif, à mon humble avis. Puisqu'on ne peut pas dire qu'il cherche à copier les recettes médiévales -on ne trouve aucune oeuvre musicale du Moyen-Âge qui ressemble à cette cantate, un genre d'ailleurs qui n'existait pas à l'époque où ni l'effectif (choeurs, orchestre symphonique) des Carmina Burana, ni leur langage ne trouvent un équivalent. Les textes anciens (retrouvés au tout début du XIX° siècle dans l'abbaye bavaroise de Benediktbeuern) ont stimulé l'imagination de Orff, qui a répondu par une esthétique qui lui est propre. Les emprunts sont multiples (l'air colorature du Dulcissime, les rythmes bavarois traditionnels pour la Danse sur les prés, par exemple), et l'effet reste plutôt celui d'une cantate post-romantique archaïsée par un Moyen-Âge fantasmatique, et mécanisée par des procédés sommaires (répétition, intensification d'un couplet à l'autre...)
On ne doit pas réduire cette oeuvre au célèbre O Fortuna liminaire, le reste est quand même plus riche et varié. Ceci dit, un tel style déclamatoire, martelé, primitif, se révèle aussi au début du XX° siècle dans des compositions telle que Les Noces de Stravinsky, ou Les Choéphores de Milhaud. Plus largement, les Carmina se situent aussi bien dans le courant primitiviste (nourri d'impulsions primaires) dont on trouve divers échos dans Le Sacre du Printemps, Le Mandarin merveilleux de Bartok, le Pas d'Acier de Prokofiev (et les Fonderies de Mossolov)...
DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
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Sujet: Re: Carl Orff (1895-1982) Mar 22 Juil 2014 - 23:58
Mélomaniac a écrit:
Puisqu'on ne peut pas dire qu'il cherche à copier les recettes médiévales
C'est pour ça que je disais « presque », mais Œdipus Rex est néo-classique sans copier la musique de l'ère classique (ni antique).
Citation :
et l'effet reste plutôt celui d'une cantate post-romantique archaïsée
Ah non, pas du tout d'accord : c'est beaucoup plus proche de l'inclassable Polní mse de Martinů, mâtiné de recettes de musique populaire, que de Pfitzner ou Schmidt.
Citation :
Ceci dit, un tel style déclamatoire, martelé, primitif, se révèle aussi au début du XX° siècle dans des compositions telle que Les Noces de Stravinsky, ou Les Choéphores de Milhaud.
Là, oui, je suis déjà beaucoup plus d'accord… sauf que le langage d'Orff est pauvre, alors que Stravinski et Milhaud cherchent des couleurs nouvelles (quoique simili-helléniques pour Milhaud, j'aurais pu le citer dans ma liste précédente).
Citation :
Plus largement, les Carmina se situent aussi bien dans le courant primitiviste
Bien que le résultat soit très différent du courant pictural, oui, philosophiquement, c'est beaucoup plus là que dans le post-romantisme, clairement. Orff était d'ailleurs excessivement fier de son langage singulier, il s'était vraiment coupé du langage de son temps.
Citation :
(nourri d'impulsions primaires) dont on trouve divers échos dans Le Sacre du Printemps, Le Mandarin merveilleux de Bartok, le Pas d'Acier de Prokofiev (et les Fonderies de Mossolov)...
Heu, là il y a non seulement un problème de définition, mais aussi un divergence assez évidente entre ces musiques qui, certes, sont massives, mais proposent un raffinement musical maximal, contrairement à Orff, qui travaille la matière la plus sommaire.
Benedictus Mélomane chevronné
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Sujet: Re: Carl Orff (1895-1982) Mer 23 Juil 2014 - 0:27
DavidLeMarrec a écrit:
Ca fonctionne a écrit:
Bonjour,
Dans quel style classez-vous Carmina Burana ?
Style nazi.
Oui, enfin, disons que c’est toujours un peu délicat, dans la mesure où dans toutes ces discussions qui lient esthétique et politique, on est toujours un peu prisonnier de l’écart qu’il peut y avoir entre idéologie et pratique concrète. D’une manière générale, s’agissant de l’esthétique dans les régimes totalitaires, on pourrait dire qu’il y a, dans la pratique, une tendance à minimiser les virtualités «révolutionnaires» affirmées par l’idéologie et à valoriser des valeurs plus traditionnelles.
S’agissant donc de la musique de Orff, on pourrait donc dire que les Carmina burana auraient en effet pu prétendre incarner dans le domaine esthétique les potentialités «révolutionnaires» (fût-ce dans un sens profondément antiprogressiste) de l’idéologie nazie. De fait, tout y est: l’idéalisation d’un Moyen Age fantasmatique et «païen» (choix des textes: la Fortune contre la Providence); exaltation du Volk (utilisation de tournures folkloriques) et des «masses» (passages choraux à l’unisson sur de très hautes dynamiques); culte de la «force vitale» (choix des textes, là encore, mais aussi grands ostinati pulsés)... Donc «style nazi», oui, à condition de préciser: «style nazi idéal» (dans le sens: le plus susceptible de traduire l’idéologie nazie).
Mais «style nazi réel» (dans le sens: celui de la politique culturelle du régime nazi)? C’est moins sûr. En fait, l’Allemagne nazie, le bref moment «avant-gardiste» des mouvements totalitaires n’a même pas vraiment eu lieu (alors qu’il fut fécond en URSS ou dans l’Italie fasciste): très tôt, ont pris le dessus le souci propagandiste d’enrôler quelques «grands noms» pour leur prestige (Strauss et Furtwängler), les aspects les plus conservateurs du culte wagnérien (le Bayreuth muséal de Winifred devenu le «cœur spirituel de la nouvelle Allenagne»). Sans entrer dans des nuances dues aux prétentions cultureuses de chacun entretenues par les rivalités de clan (heurts fréquents entre les ambitions avant-gardistes très berlinoises de Goebbels et les proclamations de Hitler en faveur de l’heilige deutsche Kunst- une partie du contentieux Furtwängler/Karajan pourrait bien venir de là), on pourrait dire que le «style nazi réel» fut au fond beaucoup plus tarditionnel que celui des Carmina burana (où on trouve quand même de vraies marqueurs de modernité: récitatif martelé, saut de tessitures, importance des sonorités percussives...): outre la wagnérolâtrie généralisée, quelque part entre postromantisme kitsch (Pfitzner) et néoclassicisme épais (Egk).
Par ailleurs, Orff lui-même, pourrait bien avoir été vis-à-vis du nazisme en tant que mouvement politique comme la majorité des Allemands Bavarois (cf. Ian Kershaw, L’Opinion allemande sous le nazisme. Bavière 1933-1945, CNRS Editions 1995): ni adhésion ni hostilité, oscillant entre complaisance et prise de distance selon les circonstances.
DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
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Sujet: Re: Carl Orff (1895-1982) Mer 23 Juil 2014 - 0:38
Benedictus a écrit:
Oui, enfin, disons que c’est toujours un peu délicat, dans la mesure où dans toutes ces discussions qui lient esthétique et politique, on est toujours un peu prisonnier de l’écart qu’il peut y avoir entre idéologie et pratique concrète. D’une manière générale, s’agissant de l’esthétique dans les régimes totalitaires, on pourrait dire qu’il y a, dans la pratique, une tendance à minimiser les virtualités «révolutionnaires» affirmées par l’idéologie et à valoriser des valeurs plus traditionnelles.
S’agissant donc de la musique de Orff, on pourrait donc dire que les Carmina burana auraient en effet pu prétendre incarner dans le domaine esthétique les potentialités «révolutionnaires» (fût-ce dans un sens profondément antiprogressiste) de l’idéologie nazie. De fait, tout y est: l’idéalisation d’un Moyen Age fantasmatique et «païen» (choix des textes: la Fortune contre la Providence); exaltation du Volk (utilisation de tournures folkloriques) et des «masses» (passages choraux à l’unisson sur de très hautes dynamiques); culte de la «force vitale» (choix des textes, là encore, mais aussi grands ostinati pulsés)... Donc «style nazi», oui, à condition de préciser: «style nazi idéal» (dans le sens: le plus susceptible de traduire l’idéologie nazie).
Mais «style nazi réel» (dans le sens: celui de la politique culturelle du régime nazi)? C’est moins sûr. En fait, l’Allemagne nazie, le bref moment «avant-gardiste» des mouvements totalitaires n’a même pas vraiment eu lieu (alors qu’il fut fécond en URSS ou dans l’Italie fasciste): très tôt, ont pris le dessus le souci propagandiste d’enrôler quelques «grands noms» pour leur prestige (Strauss et Furtwängler), les aspects les plus conservateurs du culte wagnérien (le Bayreuth muséal de Winifred devenu le «cœur spirituel de la nouvelle Allenagne»). Sans entrer dans des nuances dues aux prétentions cultureuses de chacun entretenues par les rivalités de clan (heurts fréquents entre les ambitions avant-gardistes très berlinoises de Goebbels et les proclamations de Hitler en faveur de l’heilige deutsche Kunst- une partie du contentieux Furtwängler/Karajan pourrait bien venir de là), on pourrait dire que le «style nazi réel» fut au fond beaucoup plus tarditionnel que celui des Carmina burana (où on trouve quand même de vraies marqueurs de modernité: récitatif martelé, saut de tessitures, importance des sonorités percussives...)
Tu as totalement raison. C'était juste une pointe contre l'écriture sommaire d'Orff, mais si on veut parler sérieusement, tu as raison : il coïncide très bien avec l'idéologie, mais ce n'est pas le style nazi officiel.
Cela dit, il n'y avait pas vraiment de style nazi officiel, plutôt des copains du régime : entre le postpostromantisme pfitznérien (dans la plus pure continuité, pour des gens qui voulaient créer un ordre nouveau…), l'archaïsme primesautier de la musique des Jeux par Orff et la démesure décadente du Friendstag (sur un synopsis de Zweig) qui servait de carte de visite en Europe à la Pax Romana nazie, on chercherait en vain les convergences, aussi bien esthétiques qu'idéologiques.
--
En revanche, tu as faux pour Egk : il a écrit pas mal de choses dignes d'intérêt, notamment en rapport avec des textes (Circé, Peer Gynt), et en particulier sa musique a cappella. Les Trois Chansons de Charles d'Orléans, c'est peut-être le sommet de la musique chorale francophone !
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Sujet: Re: Carl Orff (1895-1982) Mer 23 Juil 2014 - 1:00
DavidLeMarrec a écrit:
En revanche, tu as faux pour Egk : il a écrit pas mal de choses dignes d'intérêt, notamment en rapport avec des textes (Circé, Peer Gynt), et en particulier sa musique a cappella.
Possible. En fait, je ne connais que sa Tentation de saint Antoine.
DavidLeMarrec a écrit:
Les Trois Chansons de Charles d'Orléans, c'est peut-être le sommet de la musique chorale francophone !
Il faut dire aussi que si le ravi de la Trinité n'avait pas écrit ses Cinq Rechants en volapück, hein...
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Sujet: Re: Carl Orff (1895-1982) Mer 23 Juil 2014 - 1:06
Benedictus a écrit:
Possible. En fait, je ne connais que sa Tentation de saint Antoine.
Pas son meilleur, clairement. Abraxas répond davantage à sa description (encore qu'épais, ce soit plus pour obtus que pour lourd — on est plus proche de Hindemith que d'Orff, pour sûr). Mais il a écrit dans des styles très différents (même du vrai néoclassicisme, comme sa Suite d'après Rameau).
Voilà, qui, d'ailleurs, nous remet sur les rails de notre conversation sur un hypothétique style musical nazi, puisque Egk écrit dans le même style que Hindemith…
Citation :
Il faut dire aussi que si le ravi de la Trinité n'avait pas écrit ses Cinq Rechants en volapück, hein...
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Sujet: Re: Carl Orff (1895-1982) Mer 23 Juil 2014 - 1:36
DavidLeMarrec a écrit:
Benedictus a écrit:
Possible. En fait, je ne connais que sa Tentation de saint Antoine.
Pas son meilleur, clairement. Abraxas répond davantage à sa description (encore qu'épais, ce soit plus pour obtus que pour lourd — on est plus proche de Hindemith que d'Orff, pour sûr). Mais il a écrit dans des styles très différents (même du vrai néoclassicisme, comme sa Suite d'après Rameau).
Voilà, c'est très exactement ce que je voulais dire. (Mais plus pour décrire que pour que dénigrer: j'aime beaucoup Hindemith.)
DavidLeMarrec a écrit:
Voilà, qui, d'ailleurs, nous remet sur les rails de notre conversation sur un hypothétique style musical nazi, puisque Egk écrit dans le même style que Hindemith…
Je crois me souvenir que dans son Histoire de la musique, Rebatet (qui, côté nazisme, savait de quoi il causait) soulignait ce qu'il y avait de paradoxal dans la position de Hindemith: il est proscrit pour ses œuvres avant-gardistes «dégénérées» des années 20, à une époque où il écrit dans un style de plus traditionnel et «retour à ...»
DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
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Sujet: Re: Carl Orff (1895-1982) Mer 23 Juil 2014 - 13:16
Benedictus a écrit:
Je crois me souvenir que dans son Histoire de la musique, Rebatet (qui, côté nazisme, savait de quoi il causait) soulignait ce qu'il y avait de paradoxal dans la position de Hindemith: il est proscrit pour ses œuvres avant-gardistes «dégénérées» des années 20, à une époque où il écrit dans un style de plus traditionnel et «retour à ...»
D'ailleurs le Hindemith des années 20 n'est pas si hardi… il y a beaucoup de postromantisme à cette époque dans ses compositions. Je crois que c'est surtout le sujet érotisant et blasphématoire de Sancta Susanna qui lui a valu sa catégorisation…
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Sujet: Re: Carl Orff (1895-1982) Jeu 24 Juil 2014 - 13:33
DavidLeMarrec a écrit:
Mélomaniac a écrit:
Puisqu'on ne peut pas dire qu'il cherche à copier les recettes médiévales
C'est pour ça que je disais « presque », mais Œdipus Rex est néo-classique sans copier la musique de l'ère classique (ni antique).
Et c'est pourquoi mieux vaut éviter le préfixe néo qui en musique avoue une portée limitée. Y compris pour le néoclassicisme attribué à une oeuvre telle qu'Oedipus rex. L'inspiration, le thème relèvent peut-être de l'antiquité, mais le traitement s'avère transposé, voire fantasmé. Idem pour les Carmina Burana. Une église néogothique, je visualise. Une cantate néomédiévale, l'adjectif trahit l'idiome, surtout pour les CB, ou alors renvoie au vague concept qu'on veut faire du neuf avec du (très) vieux.
DavidLeMarrec a écrit:
Mélomaniac a écrit:
et l'effet reste plutôt celui d'une cantate post-romantique archaïsée
Ah non, pas du tout d'accord : c'est beaucoup plus proche de l'inclassable Polní mse de Martinů, mâtiné de recettes de musique populaire, que de Pfitzner ou Schmidt.
Ceci dit, un tel style déclamatoire, martelé, primitif, se révèle aussi au début du XX° siècle dans des compositions telle que Les Noces de Stravinsky, ou Les Choéphores de Milhaud.
Là, oui, je suis déjà beaucoup plus d'accord… sauf que le langage d'Orff est pauvre, alors que Stravinski et Milhaud cherchent des couleurs nouvelles (quoique simili-helléniques pour Milhaud, j'aurais pu le citer dans ma liste précédente).
Pauvre oui (diatonisme, tempi réguliers, rythmes basiques). Encore mieux : direct, spontané, naïf, voilà ce que je concevais en citant Les Noces ou Les Choéphores qui certes, outre cet aspect commun, parlent un langage plus élaboré.
DavidLeMarrec a écrit:
Mélomaniac a écrit:
Plus largement, les Carmina se situent aussi bien dans le courant primitiviste
Orff était d'ailleurs excessivement fier de son langage singulier, il s'était vraiment coupé du langage de son temps.
Absolument. Quitte à renier ce qu'il avait écrit avant. Et d'oser composer avec le latin et le vieil allemand, au point de craindre que ces audaces soient rejetées par la doctrine de l'époque. Bien qu'Orff connaissait les graphies neumatiques du Codex Buranus, il a souhaité s'en abstraire (« ich konnte und wollte keine Studien über die mögliche Erschließung dieser alten Notenschrift betreiben und ließ sie völlig unberücksichtigt » [je ne pouvais ni voulais entreprendre aucune étude quant aux significations potentielles de ces vieilles notations et je n'en tins aucun compte]) pour mieux couler la mélodie dans les « images magiques » qu'il avait en tête.
DavidLeMarrec a écrit:
Mélomaniac a écrit:
(nourri d'impulsions primaires) dont on trouve divers échos dans Le Sacre du Printemps, Le Mandarin merveilleux de Bartok, le Pas d'Acier de Prokofiev (et les Fonderies de Mossolov)...
[...] un divergence assez évidente entre ces musiques qui, certes, sont massives, mais proposent un raffinement musical maximal, contrairement à Orff, qui travaille la matière la plus sommaire.
Je crois que c'est Boulez qui disait que le Sacre est écrit gros. Le raffinement dans les Fonderies ou le Pas d'acier, hummm... Mais oui je comprends : ces langages sont harmoniquement et rythmiquement à l'opposé de celui des CB. Mon propos visait à souligner les élans pulsionnels (indéniables chez Stravinsky et son « pouls de la nature », dans la libido du Mandarin, et en revanche aliénantes dans le machinisme de Prokofiev ou Mossolov... on pourrait ajouter dans Le Boulon de Chosta et bien d'autres...) qui animent aussi les moteurs orffiens.
DavidLeMarrec a écrit:
Ca fonctionne a écrit:
Bonjour,
Dans quel style classez-vous Carmina Burana ?
Style nazi.
Ok pour le teasing. Inutile de relancer le sempiternel débat sur l'homme versus sa création artistique, alias : peut-on écouter avec bonne conscience des musiques nées sous des auspices douteux. Pour les aspects biographiques, rappelons qu'Orff n'était pas membre du NSDAP, qu'il n'exerça aucune fonction officielle dans le régime. Mais certes une contribution aux Olympiades berlinoises de 1936, et il brigua (en vain) un poste d'enseignement aux Jeunesses hitlériennes. Chacun jugera ces positions. Quant à la musique (le sujet qui nous intéresse surtout, n'est-ce pas ?), il faudrait définir ce que serait un style nazi, avant de vouloir lui rattacher les CB. De quoi nous parlent les Carmina Burana ? De l'Homme, sa vie, sa destinée. Victime immanente des aléas de la Fortune, qui se réjouit convivialement de l'éveil printanier, qui s'abandonne confraternellement aux libations, qui succombe aux plaisirs de la chair... Bref une vision plutôt fédératrice, réaliste, universaliste, voire... humaniste de notre condition commune. Pour parler clairement : aucune trace de racisme, de supériorité nationaliste, de glorification d'un surhomme (au contraire, nous sommes croqués sous nos aspects les plus triviaux voire les plus vils). Pas grand-chose pour plaire à l'idéologie du III° Reich. Aucune auto-célébration de l'âme germanique, telle qu'on la renifle dans un Von deutscher Seele. Peut-être l'oeuvre est-elle victime d'un préjugé associé à son célèbre choeur introductif, apparemment belliqueux, infatué (avec ce qu'on croirait des relents cryptiques dans l'ostinato central) alors que le contenu illustre la fragilité et la vanité de nos vies. Certains exégètes (comme Susanne Gläß, auteur d'une intéressante monographie, en allemand non traduit) décèlent même une critique de l'hégémonie dominante de l'époque, dans la pompe virile du Were diu werlt alle min (ce chant raconte, en résumé : si le monde entier nous appartenait, on y renoncerait pour coucher avec la Reine d'Angleterre). Elle écrit : « Orff sagt aus, daß es etwas gibt, daß viel wichtiger ist als aller territorialer Besitz und als alle Macht der Welt : die Liebe » [Orff dit qu'il y a quelque chose de beaucoup plus important que toutes les possessions territoriales et que tout le pouvoir du monde : l'amour].
DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
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Sujet: Re: Carl Orff (1895-1982) Jeu 24 Juil 2014 - 14:17
Similinéomédiévalité et néoclassicisme
Mélomaniac a écrit:
Et c'est pourquoi mieux vaut éviter le préfixe néo qui en musique avoue une portée limitée.
Tous les classements stylistiques ont leurs limites. Mais en l'occurrence, ça me semble assez bien dire décrire l'emplacement bizarre, assez unique d'Orff, avec une réfection fantasmatique d'un temps passé. Il y a certains côtés comme celui-là (plus rigoureux, d'ailleurs) chez Pärt, par exemple dans la Saint-Jean, qui sent son Palestrina, voire son Machaut — fantasmatique là encore, mais plus précisément réutilisé.
Citation :
Y compris pour le néoclassicisme attribué à une oeuvre telle qu'Oedipus rex.
Oui, je suis d'accord : c'est plus la nudité qui fait dire ça que le langage lui-même (qui n'évoque ni Mozart, ni la Grèce).
Citation :
on ressent une fraîcheur, une innocence bucolique qui rappellent la Messe des Champs ou la cantate Kytice de Martinu.
Heu, elle est quand même un peu glaçante, cette messe… Son sujet (le Campagne, en l'occurrence, c'est aussi le Champ d'Honneur) est discutablement léger également.
Orff et le (post)romantisme
Citation :
Mais par les autres abords, je maintiens que le style emphatique, notamment celui des grands choeurs homophones (O Fortuna, Ave Formosissima, Tempus est iocundum...), les moments de volupté (Veris leta facies, Amor volat undique, Circa mea Pectora...) et de déréliction poignante (Estuans interius...) s'apparentent à la tradition romantique, bricolée avec quelques artifices (ostinatos, abruptes variations dynamiques...) qui la singularisent.
Vraiment pas d'accord. Certes, la grammaire d'Orff vient de là, mais ce n'est pas plus romantique que Mendelssohn ou Schumann sont classiques : il affleure encore des tournures, mais globalement, l'économie générale n'a rien à voir. (Et encore, pour Mendelssohn et Schumann, on pourrait encore convoquer la forme, alors que pour Orff…)
Choix stylistiques
Citation :
Absolument. Quitte à renier ce qu'il avait écrit avant.
Et il considérait qu'il avait créé un style unique extraordinaire… une voix qu'il a trouvé sa voie, il a délibérément décidé de ne plus s'en départir (si bien que tout est un peu pareil dans son catalogue vocal).
Citation :
Bien qu'Orff connaissait les graphies neumatiques du Codex Buranus, il a souhaité s'en abstraire
Il les avait vues, mais je crois qu'il n'était pas capable de les lire, déjà. (Et il n'en avait sans doute pas envie.)
C'est du reste ce que suggère ta citation.
Comparaisons
Citation :
Je crois que c'est Boulez qui disait que le Sacre est écrit gros. Le raffinement dans les Fonderies ou le Pas d'acier, hummm... Mais oui je comprends : ces langages sont harmoniquement et rythmiquement à l'opposé de celui des CB.
Je visais en effet le raffinement d'écriture — pour l'effet, c'est autre chose, pour sûr.
Citation :
Mon propos visait à souligner les élans pulsionnels (indéniables chez Stravinsky et son « pouls de la nature », dans la libido du Mandarin, et en revanche aliénantes dans le machinisme de Prokofiev ou Mossolov... on pourrait ajouter dans Le Boulon de Chosta et bien d'autres...) qui animent aussi les moteurs orffiens.
Je vois très bien, et je suis tout à fait d'accord, tout cela au sein d'une période qui valorise beaucoup cet imaginaire pulsionnel (débuts de la psychanalyse, théories psychologiques comme les caractères sexués de Weininger…) — on pourrait ajouter, même si la musique est moins débridée, la Tragédie Florentine, Der Ferne Klang et les Gezeichneten, qui procèdent du même univers.
C'était plutôt sur le terme de « primitivisme » que je réagissais, il ne désigne pas vraiment ceci d'ordinaire (plutôt Gauguin qu'Antheil).
Tous nazis
Citation :
Inutile de relancer le sempiternel débat sur l'homme versus sa création artistique, alias : peut-on écouter avec bonne conscience des musiques nées sous des auspices douteux.
Là, franchement, j'écoute la musique des Jeux (que ce soit Orff ou Strauss) sans aucune fausse pudeur, et tous les chefs et artistes nazis aussi, si leur travail est bon. Je crois que c'est beaucoup plus gênant quand les gens sont vivants et actuellement malfaisants, là on peut légitimement avoir le sentiment de cautionner quelque chose, de fermer les yeux. Mais pour Wagner ou Pfitzner, les droits sont recueillis par de lointains descendants, voire éteints. Ce n'est pas comme aller acheter à la boutique du NSDAP une galette de Böhm accompagnant Schwarzkopf dans les lieder de Pfitzner…
Citation :
Pour les aspects biographiques, rappelons qu'Orff n'était pas membre du NSDAP, qu'il n'exerça aucune fonction officielle dans le régime. Mais certes une contribution aux Olympiades berlinoises de 1936, et il brigua (en vain) un poste d'enseignement aux Jeunesses hitlériennes.
Je ne visais pas du tout sa carrière, qu'on peut trouver au pire complaisante (comme pour tout officiel à ce moment), mais pas profondément compromettante (quand on est artiste, il faut bien râcler des subventions — pareil, on ne va pas pendre le vendeur de currywurst au coin du Krolloper).
Je faisais simplement une plaisanterie sur le caractère sommaire, brut, rétrograde et pas très futé des Carmina Burana, qui résumerait assez bien le goût du régime. (Mais de façon rétrospective et hypothétique puisque, comme le soulignait Benedictus, dans les faits, l'art nazi, ça ne ressemblait pas à ça.)
Citation :
De quoi nous parlent les Carmina Burana ? De l'Homme, sa vie, sa destinée. Victime immanente des aléas de la Fortune, qui se réjouit convivialement de l'éveil printanier, qui s'abandonne confraternellement aux libations, qui succombe aux plaisirs de la chair...
Les nazis étaient quand même des humains, hein. Ils ne se voyaient pas comme des monstres, et n'avaient rien contre le printemps. Donc ce n'est pas vraiment incompatible. Mais tu es de toute façon complètement à côté de mon allusion (déjà explicitée longuement ci-dessus). Et en effet, non, il n'y a aucune idéologie nazie là-dedans (ce sont des textes de défroqués du XIIIe !), je parlais de musique uniquement, exactement comme tu le souhaitais :
Citation :
Quant à la musique (le sujet qui nous intéresse surtout, n'est-ce pas ?),
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Sujet: Re: Carl Orff (1895-1982) Dim 23 Nov 2014 - 20:16
André, in playlist, a écrit:
Carl Orff: Catulli Carmina. Eugen Jochum, choeurs et solistes du BRSO. Mono, 1954. Je n'aime guère la musique, et pas du tout l'enregistrement (les voix bougent et le son souffre de distortion). Probablement que ça demande une mise en scène ainsi que des sous-titres ou un livret traduit. Ni le disque Kegel ni le Jochum n'offrent de texte . Il y a plusieurs réminiscences (proches ou lointaines) de Carmina Burana. Ça fait un peu eau de vaisselle.
Oups. C'est surtout la première section que j'aime, -cette bouillonnante invocation tendue comme un arc. La partie déclamée (la plus longue) m'intéresse moins, et je comprends que sans comprendre le texte tu te sois ennuyé, puisqu'il n'y a pas vraiment de musique.
Espérons que le Triomphe d'Aphrodite te plaira davantage. La qualité strictement musicale me semble bien supérieure aux Catulli ; les ambiances sont plus variées, et la cantate fait appel aux grand orchestre (alors que les Catulli seulement aux percussions).
Mélomaniac Mélomane chevronné
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Sujet: Re: Carl Orff (1895-1982) Dim 23 Nov 2014 - 23:27
André, in playlist, a écrit:
Carl Orff: Trionfo di Afrodite. Version Eugen Jochum de 1956. Certainement plus varié et intéressant (pour une première écoute du moins) que les Catulli Carmina. Je réserve mon jugement jusqu'à ce que j'aie écouté Kegel dans cette oeuvre.
Ca confirme ce que j'annonçais dans le précédent message. Oui, Kegel est un peu plus vivant. Mais mon préféré reste Welser-Möst.
bAlexb Mélomane chevronné
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Sujet: Re: Carl Orff (1895-1982) Mar 26 Avr 2016 - 18:21
Parution chez CPO de Gisei, opéra de jeunesse d'Orff (composé à tout juste 18 ans, je crois) ; la presse parle si ce n'est d'une démarque mais au moins d'une forte inspiration debussyste, apparemment revendiquée par l'auteur d'ailleurs :
Quelqu'un connaît ?
DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
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Sujet: Re: Carl Orff (1895-1982) Mer 27 Avr 2016 - 14:59
Merci de l'info ! Je l'avais vu et n'avais pas essayé de l'écouter, partant du postulat qu'Orff écrit toujours la même chose (pas particulièrement passionnante d'ailleurs). Au bout de quelques oratorios et opéras, je suis passé à autre chose… Mais si c'est de son style pré-Carmina, et que ça sent son debussysme, je vais essayer !
bAlexb Mélomane chevronné
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Sujet: Re: Carl Orff (1895-1982) Mer 27 Avr 2016 - 17:07
DavidLeMarrec a écrit:
Merci de l'info ! Je l'avais vu et n'avais pas essayé de l'écouter, partant du postulat qu'Orff écrit toujours la même chose (pas particulièrement passionnante d'ailleurs). Au bout de quelques oratorios et opéras, je suis passé à autre chose… Mais si c'est de son style pré-Carmina, et que ça sent son debussysme, je vais essayer !
Commentaires (très) attendus, alors ! EDIT : sort en même temps, chez le même éditeur et avec des éléments de distribution semblables (Zhidkova ) une Dorfschule de Weingartner sur le même argument.
J'ai beau répéter, souvent, que comparaison n'est pas raison (d'autant moins, ici, que du point de vue formel il doit y avoir peu à comparer )...
A Mélomane chevronné
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Sujet: Re: Carl Orff (1895-1982) Mer 27 Avr 2016 - 17:23
bAlexb a écrit:
Parution chez CPO de Gisei, opéra de jeunesse d'Orff (composé à tout juste 18 ans, je crois) ; la presse parle si ce n'est d'une démarque mais au moins d'une forte inspiration debussyste, apparemment revendiquée par l'auteur d'ailleurs :
Quelqu'un connaît ?
Je connais bien Jacques Lacombe, mais pas cette oeuvre de Orff.
Il y a un clip qui peut servir d'introduction. En quelque sorte.
AlexCorzoma Mélomane averti
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Bien envie de découvrir autre chose que ce Carmina Burana, que j'ai écouté des dizaines de fois avec toujours autant de plaisir. C'est une musique beaucoup trop ambigüe pour qu'on puisse dire : "C'est nazi !" Quand à l'idée selon laquelle ce serait trop bruyant, il faut écouter "In trutina".
Benedictus Mélomane chevronné
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Sujet: Re: Carl Orff (1895-1982) Ven 16 Fév 2018 - 21:35
• Catulli Carmina (Ludi scaenici)¹. Trionfo di Afrodite (Concerto scenico)² Dagmar Schellenberger (Lesbia¹; La Sposa²), Lothar Odinius (Catullus¹; Lo Sposo²), Lisa Larson, Robert Swensen, Alfred Reiter (Corifei)², Franz Welser-Möst / Münchner Rundfunk-Orchester, Mozart-Chor Linz / Balduin Sulzer Munich, V.1995 EMI
Je crois que c’est la deuxième fois que j’écoute ces œuvres (et la première depuis... très longtemps), c’est donc quasiment une découverte.
Il s’agit donc des deuxième et troisième volets de la trilogie des Trionfi entamée par les fameux Carmina burana; les œuvres sont plus courtes que leur devancière mais le langage en est globalement le même (très diatonique et psalmodié / martelé.) Cependant, j’ai vraiment eu l’impression d’un net écart d’inspiration entre les deux œuvres: on pourrait dire que les Catulli Carmina reprennent et développent les aspects les plus pénibles des Carmina burana, tandis qu’à l’inverse le Trionfo di Afrodite en reprend et développe les aspects les plus intéressants.
Déjà, côté orchestration, les Catulli Carmina sonnent plus pauvres que les deux autres volets: l’orchestre est ici réduit à quatre pianos et aux percussions, et ces instruments sont réduits à une fonction de martèlement rythmique - à part les castagnettes (ad nauseam) et les cimbales (qui marquent un peu systématiquement les débuts et les fins), les percussions ne semblent faire l’objet d’aucune recherche particulière en termes de textures ou de timbres (pourtant entre peaux, bois et métaux, il y aurait de quoi faire.) De plus, l’écriture vocale, qu’il s’agisse des deux solistes ou des chœurs, est elle aussi singulièrement limitée: c’est, pour l’essentiel, une sorte de psalmodie isorythmique (sans aucune recherche sur l’intonation ou la prosodie), seulement perturbée par des espèces de dérapages assez prévisibles vers une sorte de Sprechstimme grimaçante assez vulgaire (il faut dire que les textes de Catulle...); par ailleurs, pas ou peu de recherche sur le rythme ou les dynamiques, assez uniformes.
Après cela, le Trionfo di Afrodite semble beaucoup plus varié, et parvient même à créer des climats assez convaincants (en particulier dans le III, Sposa e sposo.) Déjà, on retrouve ici un véritable orchestre, qu’Orff sollicite davantage que dans les Carmina burana: certes, il le fait d’une manière plus systématique qu’inventive (cela se réduit souvent à une sorte de dualité nappes homogènes d’accompagnement / traits de ponctuation) mais on y gagne de vraies couleurs (certes très crues et assez homogènes.) Même chose pour l’écriture vocale: si le fond reste celui d’une psalmodie isorythmique sans modulations, les parties solistes approfondissent les expérimentations des Carmina burana (passages en falsetto, lignes lyriques, Sprechgesang - et la partie parlée est assez circonscrite...) et s’enrichissent dans plusieurs section d’une écriture plus mélismatique (qui, j’imagine, est supposée évoquer le madrigalisme); il y a par ailleurs davantage d’effets de répons et de tuilages entre les solistes ou entre solistes et chœurs. Quant à l’écriture chorale, si elle est toujours monodique et globalement marquée par une scansion binaire, on y trouve quand même beaucoup plus de nuances rythmiques et dynamiques. Au total, si l’écriture reste fruste et sommaire, il me semble qu’Orff en tire ici le maximum en termes d’éloquence et de richesse d’atmosphères; plutôt une bonne surprise, donc.
(En revanche, c’est la première fois que je perçois à quel point les tournures itératives d’Orff anticipent le minimalisme américain: certains passages du Trionfo m’ont fait penser à des choses comme Tehillim ou Harmonium.)
Par ailleurs, l’interprétation m’a semblé optimale, avec une direction vive, des chœurs assez nets et expressifs (et plutôt bien captée pour du EMI des années 90.)
Dernière édition par Benedictus le Mer 21 Fév 2018 - 23:51, édité 1 fois
Benedictus Mélomane chevronné
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Sujet: Re: Carl Orff (1895-1982) Mer 21 Fév 2018 - 23:45
• De temporum fine comoedia Christa Ludwig (contralto), Peter Schreier (ténor), Josef Greindl (Le Coryphée), Rolf Boysen (Lucifer); Colette Lorand, Jane Marsh, Kay Griffel, Sylvia Anderson, Gwendolyn Killebrew, Kari Lövaas, Anna Tomowa-Sintow, Heljä Angervo, Glenys Loulis (Les Sibylles); Erik Geisen, Hans Wegmann, Hans Helm, Wolfgang Anheisser, Siegfried Rudolf Frese, Hermann Patzalt, Hannes Jokel, Anton Diakow, Boris Carmeli (Les Anachorètes); Herbert von Karajan / Kölner-Rundfunk-Sinfonie-Orchester; Kölner-Rundfunkchor / Herbert Schernus, RIAS-Kammerchor / Uwe Gronostay, Tölzer Knabenchor / Gerhard Schmidt-Gaden; Sigiswald Kuijken, Wieland Kuijken, Adelheid Glatt, Sara E. Cunningham (violes) Leverkusen-Wiesdorf, VI.1973 DG «20th Century Classics»
La dernière «grande» œuvre d’Orff (elle date de 1973; ce qu’on entend là est un enregistrement qui précède la création de l’œuvre à Salzbourg - selon l’habitude de Karajan) constitue un candidat particulièrement crédible au titre d’œuvre musicale la plus pénible jamais composée.
Les effectifs sont absolument énormes, quoique utilisés d’une manière somptuaire qui frise l’aberration (tout un orchestre, alors que pendant les 9/10 de l’œuvre, seules percussions sont utilisées; un chœur d’enfants qu’on entend peut-être une minute et demie sur l’heure que dure l’œuvre), et a fortiori quand on voit le luxe invraisemblable de la distribution (Christa Ludwig pour un solo de deux minutes, Karajan pour diriger un orchestre dont on entend quasi que les percussions, les frères Kuijken pour un malheureux canon en toute fin...)
Il y a quand même dans cette chose un vrai paradoxe musical: c’est que, alors même que son harmonie cesse d’utiliser un diatonisme étroit pour recourir à des tournures chromatiques et modales, et que son écriture chorale multiplie les formes (homophonie, antiphonie, plus ponctuellement polyphonie), et donc qu’il mobilise des moyens démesurés, le langage de Carl Orff n’a jamais paru d’une si abrasive pauvreté.
D’abord parce que la musique est itérative jusqu’à la nausée, avec une pratique des boucles aussi systématique que chez les minimalistes les plus radicaux (les plus lourdement martelées n’étant pas forcément les plus pénibles, paradoxalement: ce qui m’a le plus soûlé, c’est peut-être la répétition d’un frêle morceau de ritournelle à la flûte dans la partie des Sibylles et une brève ponctuation aux woodblock et crotales qui paraît revenir sans cesse.)
Ensuite, parce qu’il y a en fait très peu de musique: l’œuvre est finalement largement constituée de ce qui sonne surtout, à l’oreille, comme une sorte de décalque pataude du théâtre expérimental en vogue au début des années 70 (ça m’a plus d’une fois fait penser aux théâtreux qui singent le Living Theatre dans Out 1 de Rivette): beaucoup phrases en boucles elles aussi, scandées, psalmodiées, hululées, expectorées, falsettisées, guttualisées, vociférées (avec quelques passages en allemand dans le plus pur style kapo ), parfois susurées... Le tout avec des velléités modernistes très soulignées: on sent que ça veut faire Sprechgesang, et ça multiplie les sauts de notes dans l’aigu en mode simili-Darmstadt.
Je me demande d’ailleurs jusqu’à quel point il n’y a pas une volonté de faire de la concurrence au Stockhausen de Licht dans la mesure où cet étalage pseudo-avant-gardiste se fait sur argument à thématique «luciférienne», qui consiste en une espèce de montage fumeux de bribes plus ou moins gnostiques sur la fin des temps, en grec, en latin et en allemand. Comme une sorte de rivalité générationnelle dans le registre de la mégalomanie mystique à la mode bavaroise.
Bref, ce mystère pseudo-médiéval est vraiment éprouvant - avec tout de même un joli moment à la toute fin: en conclusion de ce fatras, on entend un canon pandiatonique sur Vor deinen Thron joué par un quatuor de violes (qui, étrangement, semble anticiper sur ce que Pärt fera quelques années plus tard.)
Benedictus Mélomane chevronné
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Sujet: Re: Carl Orff (1895-1982) Ven 2 Mar 2018 - 22:10
• Die Kluge Marcel Cordes (Der König), Gottlob Frick (Der Bauer), Elisabeth Schwarzkopf (Die kluge Frau), Georg Wieter (Der Kerkermeister), Rudolf Christ (Der Mann mit dem Maulesel), Benno Kusche (Der Eselmann), Paul Kuën, Hermann Prey, Gustav Neidlinger (Drei Strolche), Wolfgang Sawallisch / Philharmonia Orchestra Londres, V.1956 Warner
Pour l’instant, sans doute ce que j’ai préféré de Carl Orff (ce qui ne veut pas dire que ça va entrer pour autant dans la liste de mes 100 opéras préférés, hein...)
C’est en fait une sorte de fruste et bref singspiel tiré du conte de Grimm - avec une alternance de longs passages parlés et de parties chantées qui ressemblent à des airs ou des ensembles.
Musicalement, on retrouve certes les traits de langage les plus typiques du compositeur (diatonisme, cellules itératives, rythmes martelés) mais avec ces particularités qu’il y a peu de percussions (beaucoup de cuivres, en revanche - ça vous a souvent des allures d’orphéon municipal bavarois) et... pas de chœurs! À noter aussi que la forme, finalement assez traditionnelle, semble avoir incité Orff à recourir à une écriture vocale plus mélodique et moins psalmodiée qu’à son habitude (même si c’est dans une veine mélodique plutôt courte et pas très dégrossie.) Dans l’ensemble, ça se rapprocherait assez des parties solistes de la section centrale des Carmina burana.
L’impressionnant plateau vocal histrionise à outrance dans un accent austro-bavarois à couper au couteau (à l’image du compositeur qui prononce une phrase d’introduction et une phrase de conclusion), et Sawallisch dirige sa fanfare avec une légère raideur pas forcément malvenue.
Ça possède au total une atmosphère peu raffinée, mais populaire et naïve (on pourrait aussi dire: rustaude et premier degré, j’en conviens volontiers), sans les prétentions et le côté «totalitaire» de la plupart des autres œuvres; comme c’est court, ça peut avoir son charme si l’on est d’humeur indulgente (et pas absolument réfractaire à un certain folklore lederhose.)
DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97953 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
Sujet: Re: Carl Orff (1895-1982) Sam 3 Mar 2018 - 13:50
Tout à fait d'accord, c'est plutôt vivant, Die Kluge (je ne l'ai écouté qu'en ukrainien, cela dit : ça rendait sans doute la chose plus savoureuse), intrigue bizarre, langue plus mobile qu'à l'habitude. En revanche, oui, il ne faut pas non plus en attendre un langage très riche…
(En revanche, Der Mond, c'est sympa… avant qu'on se rende compte qu'on est en train de réécouter les Carmina Burana, certes en plus policé…)
Benedictus Mélomane chevronné
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Sujet: Re: Carl Orff (1895-1982) Dim 11 Mar 2018 - 12:12
En Playlist, Benedictus a écrit:
• Der Mond Rudolf Christ (Der Erzähler), Karl Schmitt-Walter, Helmut Graml, Paul Kuën, Peter Lagger (Vier Burschen, die den Mond stehlen), Albrecht Peter (Ein Bauer), Hans Hotter (Petrus), Willy Rösner (Ein Schulteiss, Ein Wirt), Teresa Holloway (Ein kleines Kind), Wolfgang Sawallisch / Philharmonia Orchestra, Philharmonia Chorus & Children Chorus / Wilhelm Pitz Londres, III-IV.1957 Warner Comme Die Kluge: un Orff qui s’écoute pas trop mal. Vraiment très proche du langage Carmina burana, mais en plus soigné; par ailleurs, la dimension théâtrale fonctionne plutôt bien. Distribution formidable (pour une œuvre quand même très mineure.)
Benedictus Mélomane chevronné
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Sujet: Re: Carl Orff (1895-1982) Dim 18 Mar 2018 - 0:01
Cette semaine:
• Antigonae Martha Mödl (Antigonae), Marianne Radev (Ismene), William Dooley (Chorführer), Carlos Alexander (Kreon), Paul Kuën (Ein Wächter), Fritz Uhl (Hämon), Josef Traxel (Tiresias), Kurt Böhme (Ein Bote), Lilian Benningsen (Eurydice), Wolfgang Sawallisch / Symphonieorchester und Chor des Bayerischen Rundfunks En public, Munich, 1958 Hänssler
C’est comme dans mon souvenir: abrasif et fastidieux.
À partir de la traduction de l’Antigone de Sophocle par Hölderlin, Orff semble réinventer dans son langage l’opera seria: on a en fait à faire à une alternance d’interminables passages semi-déclamés (où le style récitatif est remplacé par de la psalmodie et le continuo constitué d’instruments percussifs, piano compris - seules légères variations: parfois la psalmodie se fait vociférante, parfois grimaçante) et des passages plus «chantés» (où l’écriture est, sans surprise, celle des Carmina burana: étroitement diatonique, isorythmique, itérative et percussive.)
Cependant, si c’est très, très ennuyeux, ce n’est pas non plus totalement inintéressant (à condition de faire quelque chose d’autre en même temps.)
Déjà, musicalement, il y a une ou deux choses assez étranges, et plutôt réussies, qui tranchent un peu sur le reste. Par exemple, le monologue d’Antigone «O Grab! O Brautbett!», vraiment saisissant avec son rythme obsédant de tango et ses lointaines réminiscences de Turandot, ou, après un début typiquement carminaburanesque, la fin suspendue du chœur «Geist der Liebe, dennoch Sieger» (tout cela se trouve dans la scène 2 de l’acte III - vous pouvez y aller directement, si vous ne tenez pas à vous infliger les deux heures vingt du pensum.)
De manière plus structurelle, il y a à plusieurs reprises, entre les récitatifs et les parties chantés des espèces d’effets de transition «cinétiques» assez surprenants; et plus globalement, le relatif dépouillement des moyens instrumentaux et la netteté du chœur mettent souvent à nu le fonctionnement de l’écriture, de sorte que certains passages semblent souvent anticiper de manière frappante les minimalistes américains (alors qu’on est en 1958!)
Par ailleurs, les glottophiles tendance «Bayreuth vintage» retrouveront avec plaisir leurs seconds rôles préférés (en particulier Paul Kuën qui retrouve, pour en gardien du cadavre de Polynice, les accents de son formidable Mime), les couleurs et l’engagement inimitables de Martha Mödl - et on entend aussi Marianne Radev dont le contralto profond a ici le même impact immédiat que dans le Requiem de Verdi par Fricsay. Cela dit, on peut légitimement préferer les entendre dans des œuvres musicalement et dramatiquement plus substantielles (et si l’on veut entendre Martha Mödl dans la version allemande d’un mythe grec, rappelons qu’on peut trouver une captation de sa Penthésilée de Schoeck, avec Waechter et Leitner, et que c’est un chef-d’œuvre expressionniste.)
(D’ailleurs, les distributions de cet opéra au disque sont totalement démentes: un studio de Leitner avec Inge Borkh, Engen, Stolze, Borg; un live de Fricsay avec Maria von Ilosvay, Uhde, Haefliger, Greindl, Kusche; un live de Solti avec Christel Goltz, Kusche, Uhde, Kuën, Haefliger, Böhme et Marianne Schech.)
La semaine prochaine, Œdipus der Tyran - mais je pense que ce devrait être à peu près le même topo.
Benedictus Mélomane chevronné
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Sujet: Re: Carl Orff (1895-1982) Dim 25 Mar 2018 - 22:50
• Œdipus der Tyrann Gerhard Stolze (Oedipus), Karl Christian Kohn (Ein Priester), Keith Engen (Kreon), Hans Günter Nöcker (Chorführer), James Harper (Tiresias), Astrid Varnay (Jokasta), Rolf Boysen (Chorführer), Hubert Buchta (Ein Bote), Rafael Kubelik / Symphonie-Orchester des Bayerischen Rundfunks, Chor des Bayerischen Rundfunks / Wolfgang Schubert Munich, XI.1966 DG
Les mêmes ingrédients que dans Antigonae, peut-être encore plus systématiques dans l’écriture (sans les dérapages bizarres comme ce tango d’Antigone dont je parlais l’autre fois.) En plus, c’est un enregistrement de studio, qui perd la tension que pouvaient induire malgré tout les conditions du live dans Antigonae; même Stolze, génial histrion wagnérien (son Mime, son Loge), peine à soutenir l’intérêt - lequel se réveille juste un peu avec les interventions tonitruantes d’Astrid Varnay; mais comme le rôle de Jocaste, forcément, est loin d’être central...
Difficile d’imaginer pire dans le genre «musique à semelles de plomb.»
Xavier Père fondateur
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Sujet: Re: Carl Orff (1895-1982) Lun 26 Mar 2018 - 0:14
Au début je me disais que tu étais courageux, mais là est-ce que ça ne vire pas un peu au masochisme?
Benedictus Mélomane chevronné
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Sujet: Re: Carl Orff (1895-1982) Ven 30 Mar 2018 - 20:57
• Die Bernauerin Christine Ostermayer (Agnes Bernauer), Gerhart Lippert (Herzog Albrecht), Lucia Popp (soprano solo), Horst Laubenthal (Ein welscher Spielmann, ténor solo), Michael Schwarzmeier, Michael Lerchenberg, Gusrtl Weishappel (3 junge Adelige), Rolf Castell (Ein Badgast, Ein Burger von München), Hans Stadtmüller (Kaspar Bernauer), Hans Baur (Der Kanzler vom Herzog Ernst), Romuald Pekny (Mönch), Max Grießer (Ein Hauptmann, Ein Burger von München), Wolf Euba (Richter), Gustl Bayrhammer, Karl Obermayr, Ludwig Wühr, Toni Berger, Bernd Helfrich (Bürger von München), Fritz Straßner (Ein Burger von München, Der Ansager), Kurt Eichhorn / Münchner Rundfunkorchester, Chor des Bayerischen Rundfunks Munich, 1980 Orfeo
C’est, en plus ambitieux (une anecdote tragique de l’histoire de la Bavière traitée sur le mode d’un jeu médiéval au second degré, presque à la Brecht), dans la même veine que Die Kluge et Der Mond: c’est-à-dire que l’esprit en est théâtral et assez vivant (alternance de numéros vocaux variés et de passages parlés), l’ambiance folklorisante (orchestration très cuivrée et écriture simple mais plutôt mélodique) et le langage est, en plus travaillé, celui des Carmina burana. Bien sûr, le langage n’est pas d’une prodigieuse richesse, mais là encore, cette verve un peu rustique et naïve fonctionne bien mieux que le style hiératique et pseudo-modernisant des pensums comme Antigonæ, Œdipus ou De temporum...
Cela dit, comme c’est au total tout de même assez peu varié et que c’est aussi plus long, je recommanderais tout de même plus volontiers Die Kluge et Der Mond: cette Bernauerin peut s’écouter sans déplaisir (voire avec un certain intérêt) mais à condition d’être dans des dispositions favorables, sinon ça peut devenir lassant.
Direction très directe et mobile de Kurt Eichhorn, plateau vocal magnifique et idiomatique (un régal pour les amateurs de dialecte bavarois!) En revanche, la prise de son m’a paru assez mauvaise pour une captation Orfeo / Radio bavaroise des années 80 - très fluctuante, souvent lointaine, nébuleuse.
DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
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Sujet: Re: Carl Orff (1895-1982) Sam 31 Mar 2018 - 16:08
— Je crois que Bellédictus est fou ! — Non, il n'est pas fou… mais il est très bon. Voire un peu gentil.
Une chose est sûre, je n'ai jamais aussi bien compris le pathétique et la puissance du sacrifice de fils d'homme qui, en pleine force de l'âge, accepte de prendre sur ses épaules tout ce que le monde a de laid.
Merci pour cette leçon de choses assez édifiante, donc je n'ai pas manqué une miette.
Marchoukrev Mélomane averti
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Sujet: Re: Carl Orff (1895-1982) Mer 13 Juin 2018 - 16:48
Bonjour à tous,
Je m'adresse aux puits de science du forum (et à ceux qui ont l'oreille absolue) : est-ce que Carmina Burana a une tonalité ? Ou est-ce que cela évolue tout au long de l’œuvre ?