Ernest Ansermet

J'avoue ne pas bien connaître ce chef.
Il paraît qu'il avait répertoire restreint et une prédilection pour la musique française.
Quelqu'un de charismatique sans doute.
Pouvez vous me donner quelques infos de plus sur ce chef d'orchestre ??? (des disques, des anecdotes...)

Misère....

On croît rêver ! Et dire que cette question est restée sans réponse

Ansermet est un de mes chefs préférés, même si tout son legs discographique ne représente pas le même intérêt.

Je relance ce fil, en espérant ne pas être le seul à apprécier son art.

[emplacement réservé : sa discographie par ordre alphabétique]

[emplacement réservé : sa discographie par ordre chronologique]

Je n'ai pas grand chose d'Ansermet à la maison. Une intégrale des ballets de Tchaïkovsky (Decca, rééd. Brilliant Classics). C'est bien mais il existe de meilleures interprétations.
Peut-être autre chose mais je ne me souviens plus... C'est d'ailleurs curieux, il avait une prédilection pour le répertoire russe (et français) - un homme de goût c'est certain - il faudrait que j'explore un peu plus sa discographie.
Il me semble que sa 3ème symphonie de Magnard est très réputée (encore un disque à écouter).
A la radio je garde le souvenir vivace d'une "écoute comparée" consacrée à Daphnis et Chloé de Ravel, son lever de soleil était absolument bluffant.

Une chose que l'on sait peu a propos d'Ansermet: il est l'un des introducteurs de Sidney Bechet en Europe qu'il a decouvert avec enthousiasme lors d'un voyage en Amérique.Il passa le mot à son pote Stravinski.On connait la suite:Ebony Concerto.

Vino-Lobosvsky, in Playlist, a écrit:

Mélomaniac a écrit:

Albert Roussel (1869-1937) :

Le Festin de l'Araignée Op. 17

= Ernest Ansermet, Orchestre de la Suisse romande

(Decca, octobre 1954)

Est-ce qu'on l'a ressorti chez Eloquence ?

Oui, cet enregistrement a été réédité plusieurs fois en CD.

Sa dernière réapparition se trouve effectivement dans la collection Eloquence : http://www.amazon.fr/Roussel-Dukas-Chausson-Ansermet/dp/B003LDKMB0

Ansermet était tout sauf un chef au répertoire restreint. Tout comme Munch, Monteux, Cluytens et Paray, il affectionnait le répertoire germanique. Il jouait et enregistra les oeuvres symphonieques de Mozart (superbe Gran Partita et symphonie de Prague), de Beethoven (une intégrale sans défaut), Brahms, Wagner. Effectivement il fut un grand défenseur de la musique des compositeurs français, de Berlioz à Magnard, en passant par Franck, Debussy et Chausson. Sa troisième de Magnard (déjà mentionnée) est un classique parmi les classiques.

Également féru de répertoire russe, il devint l'interprète de prédilection de Stravinsky, lorsque celui-ci se 'tanna' de Papa Monteux (le vilain  ). Ses interprétations de Renard, L'Oiseau de feu, concertino pour piano et autres oeuvres qu'il enregistra devinrent autant de références pour le discophile jusqu'à ce que la combinaison orchestre (OSR inégal), chef (furieusement objectif) et prise de son (Decca, fabuleuse pour l'époque) fut supplantée par les visions plus personnelles et accomplies des Bernstein, Abbado, Dutoit, etc.

Ansermet fut à la tête de l'OSR durant 50 ans. Redécouvrir son immense legs discographique c'est faire un survol de l'évolution des tendances interprétative des années 1930-1970, une période très importante de l'évolution de l'art musical au vingtième siècle. Seul aspect de son abondante discographie qui n'a pas survécu à l'évolution de la pensée musicale: ses Bach, et une bonne partie de ses nombreux Tchaikovsky: excellents mais on a fait mieux depuis.

Mes recommandations (presque toutes disponibles sur Decca avec l'OSR):

- Mozart, Gran Partita, K.361 (voir le site de René Gagnaux pour le téléchargement légal)
- Beethoven: les symphonies. Pas cher, donc pourquoi pas une intégrale de plus avec du caractère...
- Brahms: Ein Deutsches Requiem et troisième symphonie.
- Wagner: extraits orchestraux.
- Berlioz: un de ses derniers enregistrements, la Fantastique et l'ouverture Le Corsaire (avec disque d'extraits des séances d'enregistrement de la Fantastique - délicieux). Les Nuits d'été (Crespin).
- Franck et Saint-Saëns: symphonnies en ré mineur et do mineur respectivement
- Magnard: troisième symphonie
- Ravel: tout l'oeuvre qu'il enregistra (incluant les oeuvres vocales). Antidote parfait aux versions Ozawa ou Karajan.
- Debussy: Pelléas et Mélisande, rhapsodies, Khamma, etc. Debussy par Ansermet c'est gagné d'avance.
- Bartok: le concerto pour orchestre - oui, oui, oui !
- Stravinsky: tout ce qu'il enregistra (différents orchestres). Les oeuvres pour piano et orchestre (avec Magaloff) si vous ne devez en choisir que deux ou trois.

André , je crois que tu as tout parfaitement résumé sur ce chef, sans parler aussi de quelques créations contemporaines, on a souvent parlé de mathématiques je crois avec ce chef, mais comme tu dis, il est très lyrique comme dans l'Oiseau de feu ou sa symphonie de Magnard, difficile aussi de trouver mieux que Crespin dans les Nuits d'été etcc.Un chef toujours à découvrir, je sais pas s'il y a une intégrale de lui chez Decca?

gluckhand a écrit:

je sais pas s'il y a une intégrale de lui chez Decca?

Pas de coffret intégral à ma connaisance, mais on trouve la quasi totalité de ses enregistrements réédités dans la collection Eloquence, à l'exception de quelques uns que cette collection a laissés dans les archives...

...Comme le Concerto n°2 de Chopin avec Ellen Ballon (juillet 1950) et le London Symphony Orchestra.

Ernest Chausson (1855-1899) :

Symphonie en si bémol majeur

= Ernest Ansermet, Orchestre de la Suisse romande

(Decca, 27-31 janvier 1967)

Cette oeuvre s'enfile comme un gant dans la direction noble et généreuse du chef suisse. En particulier, la conclusion du Finale. Certes la trompette aurait pu davantage soigner son cantabile (et la justesse...) dans l'émouvant choral qui se murmure aux cuivres, mais la péroraison éclot ensuite dans un sentiment de plénitude et de communicative émotion qu'il semblerait bien difficile d'égaler.

Je n'ai jamais été sensible aux interprétations de ce chef qui m'ont toujours semblées assez distantes et académiques.
Il fut un des hommes à tout faire de DECCA avant le couronnement de Solti et enregistra énormément, de Bach à Stravinsky en passant par Brahms et Sibelius, Debussy et Ravel, pas toujours avec pertinence et quelquefois avec un orchestre à la limite. Le label DECCA-Eloquence australien a réédité la quasi-totalité de sa discographie ces dernières années.
Si l'interpréte me trouve réticent, je m'incline devant l'homme qu'il a été, actif, infatigable, intelligent, profondément intègre, largement ouvert à la musique de son temps (quand bien même il combattit le sérialisme).

Il enregistra essentiellement les répertoires français et russe. Mais moindrement l'austro-allemand : un peu de Mozart, de Haydn, une intégrale symphonique Beethoven et Brahms. Mais seulement les deux premières de Schumann, et aucune de Schubert.

 J'aurais adoré l'entendre dans Bruckner ou Mahler.

Il y a quand même eu des Bach, Wagner, Haydn (les Parisiennes !) et Mozart (une Prague et une Gran Partita) qui demeurent parmi le meilleures interprétations que je connaisse. J'aime cette liquidité, cette transparence dans le répertoire germanique.

Beaucoup plus que dans Bruckner et Mahler, j'aurais aimé l'entendre dans Mendelssohn et d'autres Wagner. Et, pourquoi pas, dans la Messe en si mineur ou la Passion selon Saint-Matthieu.  

André a écrit:

Il y a quand même eu des Bach, Wagner, Haydn (les Parisiennes !) et Mozart (une Prague et une Gran Partita) qui demeurent parmi le meilleures interprétations que je connaisse. J'aime cette liquidité, cette transparence dans le répertoire germanique.

Beaucoup plus que dans Bruckner et Mahler, j'aurais aimé l'entendre dans Mendelssohn et d'autres Wagner. Et, pourquoi pas, dans la Messe en si mineur ou la Passion selon Saint-Matthieu.  

Il a bien enregistré quelques pages de Mendelssohn, rééditées par Eloquence en Australie mais on trouve le CD en Europe (et, je suppose, en Amérique du Nord):

http://www.amazon.fr/Mendelssohn-Sym-No-Overtures-Midsummer/dp/B00008FJB8/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1384440597&sr=8-1&keywords=ansermet+mendelssohn

La "prague" et la "Gran Partita", deux de mes œuvres préférées ne m'ont pas laissé un souvenir impérissable. Notre perception de cet chef est très différente : la ou tu trouves liquidité et transparence, je ressens indifférence et manque de chair !

A paraître : réédition en 34 CDs de la quasi totalité des enregistrements de musique russe.

A vue de nez, seuls quelques rares prises manquent à l'appel :

Le Petrouchka de novembre 1949 avec l'Orchestre de la Suisse romande

La Scheherazade de juin 1948 avec l'Orchestre du Conservatoire

Pour Dans les steppes de l'Asie centrale, ce coffret a apparemment privilégié la version de 1961 en laissant de côté celle de 1953.

En tout cas, une aubaine à ne pas manquer !

http://www.amazon.fr/Russian-Music-Ansermet/dp/B00J498SOI

Mélomaniac a écrit:

A paraître : réédition en 34 CDs de la quasi totalité des enregistrements de musique russe.

A vue de nez, seuls quelques rares prises manquent à l'appel :

Le Petrouchka de novembre 1949 avec l'Orchestre de la Suisse romande

La Scheherazade de juin 1948 avec l'Orchestre du Conservatoire

Pour Dans les steppes de l'Asie centrale, ce coffret a apparemment privilégié la version de 1961 en laissant de côté celle de 1953.

En tout cas, une aubaine à ne pas manquer !

http://www.amazon.fr/Russian-Music-Ansermet/dp/B00J498SOI

Il existe aussi le pendant français:



http://www.amazon.fr/dp/B00DT2322E

quelques moments de décontraction entre Ernest Ansermet, Paul Hindemith et Georges Honegger à Paris Juin 1935   

André a écrit:

Spoiler:

Chabrier, Adam, Saint-Saens, Bizet, Ravel.

Je ne connais pas la date de cette production, mais c'est en mono, donc début des années cinquante pour Decca.

Diablotin a écrit:

D'après ce que j'ai pu trouver, les enregistrements sont compris entre 1952 et 1954.

L'ensemble des oeuvres au programme fut capté en octobre 1952.

Source : le commentaire de cette réédition en CD = https://www.amazon.fr/Saint-Saens-Symphonie-dOmphale-Macabre-Chabrier/dp/B0027GWJE0

À Tontonjimi : Georges Honegger, non ! Arthur Honegger, oui !!

On commémore cette année les cinquante ans de la disparition du grand maestro helvète ...

Il y a un bon portrait qui lui est consacré dans le Classica de ce mois-ci par François Hudry, par ailleurs l'auteur d'une biographie.
Il y est annoncé que Decca va proposer au printemps une édition absolument complète des enregistrements d'Ernest Ansermet […] de 1916 à 1968, divisée en 2 coffrets (les années mono et les années stéréo), dotée d'une riche documentation et de textes originaux, cette luxueuse intégrale reproduit les pochettes d'époque sur chacun des 130 CD.

La discographie d'Ansermet est un puit sans fond. On en découvre toujours.
J'ai déjà un bon nombre de publications Eloquence qui me satisfont très bien. Mais qui sait, je pourrais bien me laisser tenter par la nouvelle offre.

Mélomaniac a écrit:

A paraître : réédition en 34 CDs de la quasi totalité des enregistrements de musique russe.

A vue de nez, seuls quelques rares prises manquent à l'appel :

Le Petrouchka de novembre 1949 avec l'Orchestre de la Suisse romande

La Scheherazade de juin 1948 avec l'Orchestre du Conservatoire

Pour Dans les steppes de l'Asie centrale, ce coffret a apparemment privilégié la version de 1961 en laissant de côté celle de 1953.

En tout cas, une aubaine à ne pas manquer !

Juste une petite précision: la version de Petrouchka de novembre 1949 est bien dans le coffret (qui en comprend donc trois avec les versions enregistrées en 1946 et en 1957).

Je porte à votre attention ce lien qui conduit à une série de quatre émissions Dans l'atelier d'Ernest Ansermet par Marc-André Doran sur les ondes de Radio-Canada.
Une belle occasion d'entendre entre autre la Quatrième Symphonie de Brahms.


https://www.icimusique.ca/articles/20969/dans-latelier-ernest-ansermet

Pour ma part je possède Les Saisons de Glazounov en vinyle.

Ravélavélo a écrit:

Je porte à votre attention ce lien qui conduit à une série de quatre émissions Dans l'atelier d'Ernest Ansermet par Marc-André Doran sur les ondes de Radio-Canada.
Une belle occasion d'entendre entre autre la Quatrième Symphonie de Brahms.  

https://www.icimusique.ca/articles/20969/dans-latelier-ernest-ansermet

C'est chouette ça, Ravélavélo. Merci.
Je ne sais pas ce qu'il y a comme programmes classiques sur les radios canadiennes. Si tu as des bons plans à donner, n'hésite pas à nous le dire  

docteur mabuse a écrit:

Ravélavélo a écrit:

Je porte à votre attention ce lien qui conduit à une série de quatre émissions Dans l'atelier d'Ernest Ansermet par Marc-André Doran sur les ondes de Radio-Canada.
Une belle occasion d'entendre entre autre la Quatrième Symphonie de Brahms.  

https://www.icimusique.ca/articles/20969/dans-latelier-ernest-ansermet

C'est chouette ça, Ravélavélo. Merci.
Je ne sais pas ce qu'il y a comme programmes classiques sur les radios canadiennes. Si tu as des bons plans à donner, n'hésite pas à nous le dire  

Oui. c'est toujours un plaisir de partager l'information, surtout quand on sait qu'elle est utile et appréciée.
Cette série d'émissions est tout-à-fait dans l'esprit de ce qu'était la chaîne classique de Radio-Canada, il y a quelques décennies.

Bonjour à tous !

Je m'intéresse un peu à ce grand chef, que je connais par quelques enregistrements (Oiseau de feu de 1955, extraordinaire, Sacre, Schéhérazade...)

Quels disques me recommanderiez vous pour une approche? J'hésitais entre le coffret 2 CD Ravel ou Stravinsky. Les Beethoven peut-être?

En tout cas j'ai pu entendre Ma mère l'oye par Ansermet au Concertgebouw en 1940 (concert tiré du coffret RCO), son approche est indescriptible de beauté et de poésie... C'est vraiment merveilleux, du coup j'ai hâte de l'écouter dans ce répertoire !

Merci, bonne soirée !

Quels coffrets précisément?

Pour Ravel, il y a de grandes choses si tu écoutes l'Enfant et les sortilèges ou bien Shéhérazade avec Danco notamment.

Chez Stravinsky, je connais des choses assez médiocres. (Le Sacre chez Decca notamment)

jpwol a écrit:

En tout cas j'ai pu entendre Ma mère l'oye par Ansermet au Concertgebouw en 1940 (concert tiré du coffret RCO), son approche est indescriptible de beauté et de poésie...

Attention aussi: ce genre de témoignage ne donne pas forcément un aperçu significatif du legs discographique d'Ansermet. Je veux dire: il ne faut pas que tu attendes de l'Orchestre de la Suisse Romande les couleurs et les textures du Concertgebouw de Mengelberg (même si la phalange genevoise a d'autres qualités.)

Xavier a écrit:

Pour Ravel, il y a de grandes choses si tu écoutes l'Enfant et les sortilèges ou bien Shéhérazade avec Danco notamment.

J'aime aussi beaucoup son premier Pelléas (Suzanne Danco et Pierre Mollet y forment peut-être le plus beau couple Pelléas-Mélisande que je connaisse!)

Oui, j'aime beaucoup aussi. (malgré un Golaud assez énervant)

J'avais écouté un peu de son Enfant et les sortilèges et c'était magnifique effectivement !

Je pensais aux CD Decca Double: l'un regroupe des oeuvres orchestrales de Ravel (dont Daphnis en entier), l'autre les trois grands ballets de Stravinsky et les Noces.

Quant à Pelléas je vais essayer de trouver ça, je ne connais que Désormière, Abbado et Rattle ici pour l'instant.

J'imagine effectivement que l'OSR n'aura pas les timbres du Concertgebouw effectivement (ni la justesse, j'avais entendu un enregistrement dans lequel la trompette faisait peur ), mais la vision du chef m'intéresse...

Merci pour vos retours !

jpwol a écrit:

Je pensais aux CD Decca Double: l'un regroupe des oeuvres orchestrales de Ravel (dont Daphnis en entier), l'autre les trois grands ballets de Stravinsky et les Noces.

Si c'est les mêmes Stravinsky que ceux que j'ai (je suppose que oui), franchement c'est vraiment pas terrible...

Pas fanatique d'Ansermet en général (peut-être à cause du paradoxe de capter ça avec les prises Decca un peu trop précises et froides pour cette approche ?), mais je ne puis trop recommander son merveilleux premier Pelléas (le second est très bien aussi, mais il est étrange de capter cet orchestre avec une prise de son façon « grand orchestre germanique international », soulignant ce qui ne constitue pas nécessairement le meilleur de ses aptitudes), ainsi que ses Sibelius (d'une verdeur particulière), surtout son Tapiola que je trouve assez extraordinairement savoureux…

Xavier a écrit:

Pour Ravel, il y a de grandes choses si tu écoutes l'Enfant et les sortilèges ou bien Shéhérazade avec Danco notamment.

Du coup:


• RAVEL: L’Enfant et les Sortilèges
Flore Wend (L’Enfant), Marie-Lise de Montmolin (Maman, La tasse chinoise, La libellule), Lucien Lovano (Le fauteuil, Un arbre), Geneviève Touraine (La bergère, La chatte, La chauve-souris), Pierre Mollet (L’horloge comtoise, Le chat), Hugues Cuenod (La théière, Le petit vieillard, La rainette), Adrienne Migliette (Le feu, Le rossignol), Juliette Bise (Un pâtre), Gisèle Bobillier (Une pastourelle), Suzanne Danco (La princesse, L’écureuil), Ernest Ansermet / L’Orchestre de la Suisse Romande, Le Motet de Genève / Jacques Horneffer
Genève, X.1954
Decca «Historic»


• RAVEL: Shéhérazade, Trois poèmes de Tristan Klingsor. Deux Mélodies hébraïques. Trois Poèmes de Stéphane Mallarmé
Suzanne Danco (soprano), Ernest Ansermet / Orchestre de la Suisse Romande
Genève, IX.1954
Decca «Historic»

Je n’avais pas réécouté ces gravures depuis longtemps, j’en avais gardé un très bon souvenir, mais je ne me souvenais plus à quel point c’était non seulement bien, mais surtout d’une vraie singularité.

En fait, j’ai l’impression que les caractéristiques «négatives» du legs Ansermet / OSR (orchestre pas très beau capté «à la Decca») s’y renversent en qualités et que ses qualités (le côté très «droit» et l’ardeur expressive) y sont à leur plus haut pour donner à entendre un autre Ravel, aux antipodes du Ravel-hédoniste-distancié: le spectre un peu disjoint, les timbres un peu abrasifs (couleurs peu séduisantes mais beaucoup de grain), la direction très directe urgente, presque raide, la vigueur des contrastes font ressortir les aspects les plus modernistes de l’écriture de Ravel (alliages orchestraux, écriture harmonique et rythmique.)

Cela nous vaut, dans L’Enfant et les sortilèges, la lecture la plus inquiétante qui soit (en cela vraiment en accord avec l’esprit du livret de Colette): même lorsque l’on est dans la féérie, il y a quelque chose d’instable et d’insinuant; même lorsqu’on est dans la drôlerie, il y a comme une furie grinçante (le jazz!); et les passages ouvertement terrifiants ont un côté cinglant que je n’ai entendu nulle part ailleurs. C’est tendu d’un bout à l’autre - jusqu’à l’apaisement final, qui sonne du coup comme une suspension inespérée. Chanteurs à la diction extraordinaire (malheureusement captés très en arrière et couverts par l’orchestre dans les tutti.)

Dans les mélodies avec orchestre (où la captation est heureusement plus favorable à la voix), cette conception entre vraiment en parfaite osmose avec la diction nette, l’admirable rectitude prosodique, le ton d’altière sobriété de Suzanne Danco. Cela nous vaut une lecture de Shéhérazade élancée et à la pointe sèche, qui semble «déplier» les poèmes au lieu de les noyer dans une sorte de volupté musicale un peu étale (là aussi: enfin on entend vraiment la cruauté qu’il y a dans Asie); l’extrême stylisation des Deux Mélodies hébraïques, l’avant-gardisme évasif Trois Poèmes de Stéphane Mallarmé sont évidemment exaltés par ces lectures très droites.

Grandes, grandes lectures, dont j’aime qu’elles fassent ressortir le côté abrupt et moderne de Ravel.

Je suis loin d'être un "fan" d'Ansermet mais je trouve que vos avis eu égard aux enregistrements Decca de ce chef sont bien sévères.
Ceci écrit, les deux CDs Ravel proposés par Benedictus sont remarquables...quoique Les nuits d'été de Berlioz chantées par Régine Crespin et dirigées par le même Ansermet m'ont toujours paru plus abouties que celles chantées par Suzanne Danco.
Plutôt que de chercher parmi le fond Decca, je suggère à jpwol de chercher les quelques CDs de la collection Ernest Ansermet édités par la Radio Suisse Romande.
Ces sont la des extraits de concerts qui donnent d'Ansermet une image plus chaleureuse et humaine que les superbes mécaniques intellectuelles de Decca.

fomalhaut

fomalhaut a écrit:

...quoique Les nuits d'été de Berlioz chantées par Régine Crespin et dirigées par le même Ansermet m'ont toujours paru plus abouties que celles chantées par Suzanne Danco.

Oui, mais sur le disque de Suzanne Danco que je mentionnais, Ansermet n'accompagne que les Ravel (Les Nuits d'été sont accompagnées par l'Orchestre Symphonique de Cincinnati dirigé par Thor Johnson.)

HS glottologique:

Benedictus a écrit:

fomalhaut a écrit:

...quoique Les nuits d'été de Berlioz chantées par Régine Crespin et dirigées par le même Ansermet m'ont toujours paru plus abouties que celles chantées par Suzanne Danco.

Oui, mais sur le disque de Suzanne Danco que je mentionnais, Ansermet n'accompagne que les Ravel (Les Nuits d'été sont accompagnées par l'Orchestre Symphonique de Cincinnati dirigé par Thor Johnson.)

HS glottologique:

Autant pour moi, j'ai emprunté les CD Danco/Ansermet/Johnson/Ravel/Berlioz et Crespin/Ansermet/Berlioz/Ravel, il y a déjà longtemps, dans une médiathèque, et je ne me souvenais pas que Thor Johnson intervenait...
Bon, je ne suis pas un grand amateur de mélodies, qu'elles soient françaises ou étrangères, mais je me souviens avoir écouté ces deux CDs avec intérêt et plaisir. Je ne suis pas non plus "fan" de Régine Crespin mais je me souviens clairement avoir particulièrement apprécié Régine Crespin dont la voix et l'interprétation "collaient" parfaitement à ces Nuits d'Eté et, plus encore, à Shéhérazade...Souvenirs !

fomalhaut