Esteban Sánchez Herrero (1934-1997)

Albéniz: Iberia

"Je suis un peu frustrée de ne pas entendre plus de celle de Sanchez, il y a une liberté et un balancement qui me plait, parfois au détriment de la continuité. c'est l'antipode de Muraro." Belcanto

"J'ai la version de Esteban Sánchez qui me convient parfaitement.
Qu'en pensent les pianistes du forum ?   " Rubato

"J'aime beaucoup mais je reprocherais une liberté un peu trop grande (rythmique et structurelle) qui fait que l'on perd l'idée générale." Belcanto

"Je ne connais pas cette version Pérez, mais effectivement, aussi bien Larrocha que Sánchez prennent parfois des libertés discutables avec la partition. Il faut dire que devant une jungle aussi touffue...

En plus, Sánchez a quelques soucis techniques. […] prenons El Albaicín. C'est un des sommets du recueil - peut-être la plus merveilleuse pièce pour piano jamais écrite par un espagnol. Déjà, il y a des problèmes de tempo vers le début de la deuxième section (quand les mains sont en parallèle à la double octave : il ralentit beaucoup trop, ce n'est pas écrit sur la partition. Ensuite et surtout, dans la grande montée lyrique (je n'ai pas les numéros de mesure), il savonne des notes dans les grands traits ascendants de doubles croches et de triolets de triples. Il y a même plusieurs fausses notes dans la page que j'ai sous les yeux, à l'écoute. Dans Jerez, c'est pire : d'abord, le début est trop rapide, et le ppp noté sur la partition, il s'asseoit dessus. Plus loin, toutes les fusées en triples croches sont savonnées, de nouveau.

Mais rien de grave, car c'est joué avec un engagement que j'aime assez." Zeno

"[Sur le Livre I] Très réussi effectivement! (même si je ne suis pas tout à fait convaincu par les parties animées du Corpus Christi en Sevilla)
Sacré oeuvre en tout cas. J'avais pas mal joué Evocacion il y a quelques temps." Percy Bysshe

"[Sur le Livre I] Quel dommage que dans la Fête-Dieu à Séville il ne respecte pas l'indication "Retenez le temps" au moment de l'éclatement de la fanfare... parce que sa sonorité est tout bonnement merveilleuse au début.
Extraordinaire cette musique.   " Percy Bysshe

"Un peu déçu par rapport à la réputation du pianiste.
C'est noble, mais je trouve que ça manque de couleur, de mouvement et de caractère. Peut-être suis-je trop marqué par Alicia De Larrocha, qui reste ma référence." néthou

Albéniz : La Vega

"Outre le coloriste visionnaire et le maître des textures, je trouve que Sánchez est incomparable dans l'accentuation et la gestion des nuances. Dans l'écriture de nuances d'Albéniz (c'est surtout vrai dans Ibéria, bien sûr, mais c'est aussi le cas ici), p et même pp ne sont pas particulièrement piano et f et même ff ne sont pas radicalement forte : cela reste du domaine des demi-nuances et il faut conserver de l'ampleur et des arrière-plans pour les ppp(p(p)) et les fff(f(f)). Sánchez s'y montre souverain, comme dans l'accentuation (de ce dernier point de vue, c'est incroyable qu'un tel degré de « sophistication » des détails, d'analyse et de réflexion, sonne de manière si libre et naturelle). Et le chant est splendide ; les harmonies sont stupéfiantes (dans les deux sens du terme)." Scherzian

Beethoven : Concerto pour piano No.4

"Beethoven : Quatrième Concerto pour piano et orchestre en sol majeur, opus 58 -- Esteban Sánchez, Antoni Ros-Marbà et l'Orquestra Ciutat de Barcelona (enregistré en 1970, semble-t-il dans des conditions de semi-direct, selon le livret, et publié en CD par Ensayo).

Un miracle, à ranger avec amour, tout en haut, parmi ses frères Conrad Hansen/Wilhelm Furtwängler, Wilhelm Backhaus/Clemens Krauss, Edwin Fischer/Eugen Jochum, Rudolf Serkin/Arturo Toscanini... J'essaierai peut-être d'en dire un peu plus dans le fil des concertos, mais pour cette œuvre, où je trouve que ça revêt une importance toute particulière, cardinale même, je n'ai jamais entendu à ce point la source harmonique de la mélodie (le I est ainsi comme traversé de relances de génie permanentes qui en assurent une très puissante cohésion). Une interprétation d'une très grande subtilité, qui fuit comme la peste l'aspect « soliste » (parfois si détestable du genre), d'une très grande intériorité aussi, qui projette avec douceur et autant de fermeté une intimité bouleversante à la plupart des pages (exemple parmi tant d'autres, dans chacun des trois mouvements, l'Andante du II est à écouter à genoux, à force de persuasion sans jamais hausser le ton), qui sait en outre redire sans jamais répéter (le Rondo du III en est transfiguré d'alpha à oméga). Un orchestre qui, sans être transcendant sans doute, est très attentif, très concerné, très concentré, très complice. Un chef en symbiose avec son soliste (le rapport idéal entre Conrad Hansen et Wilhelm Furtwängler vient de suite à l'esprit, comme service d'une conception commune !). Et puisque Esteban Sánchez sait comment insérer sa propre sonorité d'instrument « à marteaux » à la vibration quasi évanouie des timbres orchestraux...

Pour le pianiste lui-même, impossible de savoir ce que peut bien vouloir dire l'expression « jouer du piano » sans l'avoir écouté au préalable. Du coup, pour moi, il rejoint le petit groupe archifermé des sorciers, des alchimistes et des magiciens (Vladimir Sofronitsky, Arturo Benedetti Michelangeli, Sviatoslav Richter, Edwin Fischer, Mikhaïl Pletnev et quelques autres)." Scherzian

"L. van Beethoven : Concerto pour piano et orchestre n°4 en sol majeur, opus 58 -- Esteban Sánchez, Antoni Ros-Marbà, Orquestra Ciutat de Barcelona.

Tout est admirable ; la cadence du I, par exemple (la plus longue des deux écrites par Beethoven), irradie de génie. L'accentuation toujours aussi ciselée, variée et précise. Les trilles immaculés, très rapides, pure vibration, texture ruisselante de lumière. Aux mesures M77, M80, M81, M86 et M87 de la cadence toujours, l'utilisation ou non de la pédale, afin de créer des sonorités inouïes dans le grave ou le médium, et jamais les mêmes. L'accentuation agogique dans les huit dernières mesures de cette cadence, à la MG en clef de sol (les trois groupes ascendants d'une double et d'une croche par mesure), mais où donc va-t-il chercher ces sonorités et une lumière pareille dans le son, en plus d'une agogique aussi pertinente ? Le mouvement lent est un sommet absolu ; presque tout le temps una corda et pianissimo, les phrasés ont une retenue et une intensité incroyables. Dans l'épisode central du II, due/tre corde et fortissimo, les frottements de seconde mineure à la MD sont fermement intégrés au tissu général. Comme dans Albéniz, un raffinement incroyable des demi-nuances. L'orchestre y est admirable, abrupt, péremptoire, presque violent (comme il lui coupe la parole M26 !), puis se laisse convaincre à force de persuasion (Sánchez ne doit à aucun moment hausser le ton) ; on dirait que l'orchestre se sait témoin d'un miracle..." Scherzian

"Beethoven: Concerto pour piano No.4 Op.58 (Sánchez - Ros-Marbà)
En échos aux messages de Scherzian, je n'ai qu'une chose à dire: en effet!
Quel très beau piano. Il a une très grande capacité à tout lier dans une même idée musicale, les traits virevoltants comme les trilles, et bien évidemment tous les passages mélodiques. Et d'un point de vue technique... le comment vient se fondre dans le pourquoi.
Au niveau de l'expressivité c'est remarquable, dès le dolce introductif qui n'a peut-être jamais été si doux et caressant à l'oreille (et je pense à l'indication au début du I de l'Op.110, con amabilità).
Il prend un parti pris sonore, en ne tapant jamais sur le clavier, en gardant une ductilité de toucher jusque dans le grave le plus profond, qui fonctionne remarquablement dans ce Concerto. Dans la cadence en particulier, c'est incroyable la cohésion sonore qu'il préserve sur l'intégralité du clavier, il ne divise pas les registres en autant de niveaux sonores mais les unifie au contraire.
Il ne précipite rien, en particulier les derniers accords descendant en rebond du I, au moment de la conclusion, qui sont joués en tant et en heure, sans emphase, avec une grande intelligence.
Pour le reste je risque de répéter Scherzian, l'agogique du II est bouleversante. L'évidence même...
Enfin la douce joie pastorale du III, tout aussi remarquable... Très bel orchestre, qui communique fort bien avec le soliste.
En somme, un touchant monument d'esprit!   " Percy Bysshe

"Beethoven - quelle surprise ! -, Concerto n°4. Esteban Sanchez, orchestre de Barcelone, Antoni Ros-Marbà.
Un orchestre un peu criard mais un ange effleure à peine les touches du piano et la magie opère… Mon concerto de Ludwig préféré et la délicatesse faite homme   " Mariefran

"Un autre CD très intéressant consacré à Fauré est celui d'Esteban Sánchez (1972) chez Ensayo (ENY-CD-9738).

Un des enregistrements le plus connu d'Esteban Sánchez est celui d'Ibéria d'Isaac Albéniz.
Le rapprochement des oeuvres de ces deux compositeurs n'est pas si étonnant lorsqu'on connaît l'amitié qui les liait, ainsi que le succès à Paris d'Ibéria à cette époque.

On retrouve donc toutes les qualités, appréciées dans Ibéria, d'Esteban Sánchez.

Ici, point d'atmosphères confinées. Tout n'est qu'intensité avec une certaine âpreté dans les couleurs et des accents parfois incisifs.
Mais quelle liberté, quelle respiration !
De plus, l'interprétation d'Esteban Sánchez, aussi audacieuse soit-elle, est extrêmement respectueuse de l'oeuvre de Gabriel Fauré.

Un disque passionnant, on ne s'y ennuie pas une seconde." Mohirei

"J'aime ça aussi." Mandryka

Schubert : Sonate pour piano D.845

"J'ai aussi écouté la Sonate D.845 de Schubert jouée par Esteban Sánchez. […] Une interprétation très personnelle, parfois assez libérale dans la lecture (par exemple, les rapports de phrasés au début du I) et surtout très ductile dans son temps musical. Mais quelles couleurs sombres ! La manière dont il conduit l'harmonie et les lignes en redistribuant souvent l'intensité des notes individuelles dans les accords, toujours vers le grave et la terre (il y en a quelques exemples dans le premier mouvement) ! Paradoxalement, ce jeu saturé de couleurs assombries, aux rythmes acérés et virulents, jeu très concerné par l'harmonie, construit une interprétation très sévère. C'est frappant, je trouve, dans l'immense Coda du I, qui en devient hymnique et morbide, sorte d'abandon ou d'« effondrement vers le haut », si j'ose dire, ou de libération par la soumission ou l'acquiescement. En tout cas, la densité polyphonique de la sonate en est exaltée, de manière non pas intellectuelle mais charnelle. Dans le mouvement lent à variations, où l'entrelacement polyphonique des lignes est parfois encore plus poussé, son jeu donne une sévérité serrée et surtout une densité incroyable au discours. Une inquiétude aussi, je trouve, qui se double d'instabilité dans le scherzo, par l'âpreté des accents pour souligner le caractère oblique et rude des évolutions harmoniques. Dans le Finale, je trouve qu'on oscille aussi entre la densité, celle des accents, et la liquidité, celle des lignes. C'est très personnel, cet alliage d'eau qui va et de terre ou de roc, j'ai beaucoup aimé cette interprétation de la sonate." Scherzian