Iannis Xenakis
Terretektorh
György Ligeti
Lontano
Michaël Lévinas
L'Amphithéâtre / commande de Radio France, création mondiale
Entracte
Luis Tinoco
Cercle intérieur / commande de Radio France, création mondiale
Iannis Xenakis
Terretektorh
Orchestre Philharmonique de Radio France
Pascal Rophé direction
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Concert exceptionnel ce samedi soir dernier, à la cité de la musique.
Exceptionnel d'abord, d'entendre de tels œuvres, dans ces conditions optimales.
Puisque l’orchestre est éclaté en une multitude de points à travers la salle - l'on peut avoir un ou des instrumentiste à coté de nous - et mieux encore, changer de places à l'entracte (pour la seconde exécution de Terretektorh).
Les deux créations mondiales sont composées pour le même orchestre (à quelques variantes près) et les mêmes dispositions. Seul le Ligeti n'était à l'origine pas prévu pour, mais s'y fait drôlement bien.
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Xenakis : Terretektorh : Une musique absolument formidable, extrêmement physique, viscérale, et d'une énergie folle.
Pour ceux qui ont pu entendre le CD stéréo des années 60 avec l'orchestre de la RTF, oubliez ...
Ce qu'on entend n'a absolument rien à voir, tant en impact physique, que de richesse des voies, que en distribution du champs sonore ; non, le CD est tout plat, une autre œuvre.
Et quelle œuvre ! Pas du tout ou presque de bidouille spatialisée, c'est un univers sonore d'une grande fluidité et déjà mature qui nous est proposé là. Et c'est sans doute grâce au meilleur orchestre de France, qui joue ça avec un engagement et une compréhension ; l’œuvre s'épanouit pleinement.
Résultat, on s'envole littéralement dans un autre univers ; un monde de son et de vie, avec tous ses dangers et son merveilleux menaçant.
Première audition au balcon, coté orchestre de percussions ; seconde au centre du parterre, au confluent des différents orchestres disséminés. Les différences sont vraiment intéressante à voir, dans le premier cas vision plus analytique, on dialogue avec les orchestres éloignés, on vie les partie des orchestres rapprochés.
Puis, en second, une explosion très physique au cœur du magma sonore.
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Ligeti : Lontano : La spatialisation de cette musique, ce qui n'est pas prévue par elle, a un effet curieux.
On est habitué par la discographie à un son très fondu, avec des entrées très progressives. Ici, le fait que les entrées puissent spatialement se localiser, les rends plus audibles ; ce qui donne une clarté inédite à cette musique, qui ne lui est pas forcément naturelle, mais est très intéressante.
Cependant et parallèlement, cette musique très flottante se fait là aussi envoutante au sens littéral du terme.
Et joué par une direction aussi subtile et un orchestre aussi beau, et bien c'est magique !
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Michaël Lévinas : L'Amphithéâtre : Voilà une musique qui a de l'urgence à nous communiquer. Et c'est très prenant ! Malgré peut-être deux-trois redondances, la spatialisation n'est pas utilisée comme un gadget mais vraiment comme support d'un discours et d'un son. La dernière partie a quelque chose d'extrêmement fort, une pulsation inlocalisable, morbide et primitivement sacrale ; de quoi tenir toute la salle en haleine, formidable.
- Luis Tinoco : Cercle intérieur : Là encore, une œuvre très convaincante et franchement enivrante ; démontrant là encore le vrai potentiel de cette façon de faire de la musique, et la maturité artistique de ceux qui s'y attaquent. Dommage que la fin soit une non-fin, à suivre ?
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Bref, une soirée anthologique, d'où l'on ressort ébloui bien au delà des routinières questions d'interprétations. Des musiques viscérale, qui peuvent fonctionner grâce un orchestre somptueux et expert ; et à une salle à l’acoustique idéale et à dimension humaine.
Salle comble d'ailleurs, et grande ovation aux artistes et musiciens.
Ce qu'il me reste, c'est qu'il me sera dur de revenir aux configuration frontales sans nostalgie, tant ce dispositif et ces œuvres sont convaincants ; une autre façon d'écouter de la musique : en y étant.
En espérant des enregistrements ; peut-être la stéréo moderne, au casque ...
En tout cas, pour Xenakis, ce sera toujours bien mieux joué que l'enregistrement historique, on change de catégorie technique, et de compréhension artistique.