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| Antonín Dvořák : les symphonies et oeuvres orchestrales | |
| | Auteur | Message |
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Mélomaniac Mélomane chevronné
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| Sujet: Antonín Dvořák : les symphonies et oeuvres orchestrales Dim 20 Oct 2013 - 22:12 | |
| Un sujet général existe déjà sur le compositeur et son oeuvre : https://classik.forumactif.com/t2218-antonin-dvo345ak?highlight=dvorak Le présent sujet se consacre spécifiquement aux neuf Symphonies, aux Sérénades, aux poèmes symphoniques et autres oeuvres orchestrales (Ouvertures, Légendes, les Danses slaves, les Suites...) Leur genèse, leur thème, leur langage, ce qu'ils évoquent pour vous, les réflexions et appréciations esthétiques qu'ils vous inspirent...
Dernière édition par Mélomaniac le Lun 21 Oct 2013 - 2:38, édité 1 fois |
| | | Mélomaniac Mélomane chevronné
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| Sujet: Re: Antonín Dvořák : les symphonies et oeuvres orchestrales Dim 20 Oct 2013 - 22:13 | |
| - Mélomaniac, in Playlist, a écrit:
J'écoute les quatre premières symphonies moins souvent que les cinq suivantes, certes. On y trouve des moments très inspirés, mais aussi des structures qui tournent à vide, ou trop pompeuses à mon goût. - Horatio a écrit:
Je suis plutôt d'accord concernant les premières symphonies. La Première, notamment, m'a toujours amusé : chaque mouvement commence avec une idée mélodique admirable, et puis le souffle tombe après une vingtaine de mesures. Les structures répétitives (rythmiques, mélodiques) sont une des marques de fabrique de Dvorak, et il ne s'assagira pas avec l'âge ; dans la partition de l'Ondin, on retrouve absolument partout la carrure de 8 mesures et le leitmotiv du génie des eaux (à toutes les sauces, si j'ose dire). Heureusement, il teinte chacune des réapparitions de ce thème d'une autre ambiance, d'une instrumentation modifiée, tandis qu'il opérait davantage par copier-coller dans ses œuvres de jeunesse.
Effectivement, je crois aussi que Dvorak, surtout dans ses années d'apprentissage de la forme, tend à abuser d'inertielles structures répétitives, et les érige en procédé -on se croirait parfois chez Bruckner. Ca lui permet d'affirmer des ambiances fortes, comme par contamination, voire de pallier la faiblesse d'un matériau qui n'est pas toujours très inspiré, notamment dans les premières symphonies. Je me suis par exemple déjà demandé si le premier mouvement de la Symphonie n°4 n'aménage pas le plan-sonate conventionnel pour mieux optimiser le matériel thématique un peu faiblard des sujets principaux. Voilà quelques éléments d'analyse dans le message suivant. |
| | | Mélomaniac Mélomane chevronné
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| Sujet: Re: Antonín Dvořák : les symphonies et oeuvres orchestrales Dim 20 Oct 2013 - 22:14 | |
| Quand la forme s'adapte à un matériau thématique plutôt banal : exemple de l'Allegro de la SYMPHONIE n°4
Les minutages se réfèrent à l'enregistrement de Witold Rowicki dirigeant l'Orchestre Symphonique de Londres (Philips)
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A priori, cet Allegro répond à une structure bithématique. Mais la richesse du matériel qui joint les deux sujets principaux fera de ce pont un troisième thème putatif, qui jouera un rôle prépondérant dans la Récapitulation et la Coda, ce qui s'avère inhabituel au sein d'une forme-sonate.
EXPOSITION
Un brouillard de cordes en triolets installe une mystérieuse pénombre brucknérienne où transparaît le premier sujet (0'07, appelons-le S1) : une figuration dactylique aux clarinettes & bassons, qui s'amplifie en fanfare cuivrée que martèlent les timbales (0'19). Une transition amène un « pont » (nommons-le P) en deux sections, présenté aux violons & altos doublés par flûtes, clarinettes, hautbois (0'36-0'55) : 0'36-0'45 (P1) : une mélodie nettement découpée se propulse par un sforzando à chaque mesure, et rappelle le motif de la chevauchée du Mazeppa de Franz Liszt. 0'45-0'55 (P2) : prosodie syncopée par l'accentuation sur le troisième temps, décalée des coups de mailloches. Les bois répètent la désinence de cette section et mènent au second sujet (S2, 1'12) : une mélodie sinueuse présentée en si bémol aux violons, suivie de variations, et hissée à l'octave aigue (1'58) sur un flot ondoyant des altos & violoncelles. La fin de l'exposition s'annonce par le retour de S1 aux flûtes & hautbois (2'23), clarinettes & bassons, puis à découvert par le hautbois (2'33). Comme y invite la barre de reprise, cette exposition est entièrement rejouée (2'51 - 5'21).
DEVELOPPEMENT (5'21-)
Sur une sombre pédale harmonique tenue aux violoncelles & bassons, il débute par S1 aux bois, renforcé par le cor (5'32). Pendant les deux minutes qui viennent, les deux thèmes principaux vont être traités en dialogue (sur vingt mesures) puis en contrepoint. 5'40 : S1 se déroule aux violons doublés par flûtes & hautbois 5'51 : S2 répond aux bois sur des pizzicati 5'56 : S1 veut s'imposer aux violons puis à la flûte mais retombe malgré la scansion des cors
Superpositions contrapuntiques : 6'07 : S2 aux violons / S1 au cor 6'19 : diversion avec les accents syncopés de P2 6'35 : S1 retentit aux cors & bois, puis aux trombones & cordes graves (6'40) sur un trémolo des archets, puis doucement aux flûtes & clarinettes (6'56) après un diminuendo. 7'06 : S2 aux violons, S1 aux hautbois & basson 7'14 : S2 aux violons & flûtes & hautbois / S1 au cor 7'20 : S1 clamé en tutti 7'33 : bois et bassons ressassent la désinence de S1, s'opposant à la reprise de S2 que voudraient déployer les cordes. Des martèlements de timbales avivent la lutte thématique qui tourne au drame. 8'05 : une dégringolade des violons en trémolo amène la...
RECAPITULATION (8'16-)
De façon inaccoutumée, elle débute non par les thèmes principaux eux-mêmes mais par le pont qui les reliait dans l'exposition. On réentend ainsi P1 (8'16) et P2 (8'25). Puis l'incipit de P1 esquissé aux violons 1 (8'40), aux violoncelles (8'51), amplifié aux cordes graves (9'01), aux cors & bassons (9'06), aux violons & flûtes & hautbois (9'19). Au gré d'un climax (9'30-) qui mobilise toutes les ressources cathartiques de l'orchestre, les pupitres triturent P1 jusqu'à son exténuation. D'apaisants appels de cors (10'00) entraînent la réexposition de S2 aux violons (10'12), aux bois (10'26) jusqu'à s'enfler en lumineux crescendo. Ayant abordé la récapitulation par la tension dramatique, Dvorak se limite à n'y réexposer que la sereine mélodie S2 et non le solennel motif S1. D'autant qu'il réserve celui-ci pour la...
CODA (10'44-)
Scandé de péremptoires accents, un tuilage à l'aigu des violons débouche sur S1 clamé aux trombones (10'52) qui enchaînent aussitôt le martial P1. Après 11'09, S1 et P1 alternent par bribes échangées entre divers pupitres (bois, cors, trompettes, violons pianissimo). Le feu couve sous la braise, le moindre crescendo pourrait relancer les hostilités (11'40) mais il s'étiole dans un arpège d'archets (11'50) qui nous replonge dans les brumes fantomatiques (11'54) du tout début de l'oeuvre. Le motif S1 s'immisce aux cors (12'00), aux hautbois & clarinettes (12'06). La conclusion échoit vigoureusement à P1 qui aura donc endossé bien davantage qu'une fonction transitionnelle au long de ce premier mouvement.
> On pourrait entendre un autre découpage structurel, en considérant que 8'16-10'12 se rattache au Développement et forme une transition éloquente vers la Récapitulation qui engloberait alors S2 et S1 (10'12-11'54). Dans cette hypothèse, la courte Coda ne débute qu'ensuite. Mais une telle perspective hypertrophie le Développement au détriment de la Récapitulation. Quoi qu'il en soit, on doit convenir de l'importance du Pont (sa durée, ses potentialités mélodiques et prosodiques) dont le traitement ne doit rien au hasard mais s'explique à mon avis par la relative faiblesse expressive de S1 et S2. Car que construire avec l'accrocheur mais succinct S1 réduit à cinq notes ? Quant à S2, certes charmant, Dvorak nous offrira dans des oeuvres ultérieures des mélodies bien plus mémorables. Je ne connais pas les circonstances précises de l'élaboration de cet Allegro mais peut-on écarter l'idée qu'un matériau peu fécond poussa Dvorak à survaloriser le Pont et à réaménager la distribution thématique qu'on attendrait au sein d'une forme-sonate ? Intention délibérée ou adaptabilité ? Selon la conjecture, voilà une marque d'originalité ou de clairvoyance en ses ressources.
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| | | Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 91594 Age : 43 Date d'inscription : 08/06/2005
| Sujet: Re: Antonín Dvořák : les symphonies et oeuvres orchestrales Dim 20 Oct 2013 - 22:14 | |
| Je crois qu'il y a déjà beaucoup de choses sur les oeuvres symphoniques dans les dernières pages du sujet général, notamment une présentation détaillé de l'Ondin, des considérations sur les symphonies... |
| | | Mélomaniac Mélomane chevronné
Nombre de messages : 28855 Date d'inscription : 21/09/2012
| Sujet: Re: Antonín Dvořák : les symphonies et oeuvres orchestrales Lun 21 Oct 2013 - 0:28 | |
| Importé du sujet https://classik.forumactif.com/t2218-antonin-dvo345ak?highlight=dvorak - Era, Sam 15 Déc 2007, a écrit:
J'ai honte de ne connaître que la symphonie du nouveau monde - Papageno, Sam 15 Déc 2007, a écrit:
La valse extraite de la serenade pour cordes est magnifique !!
sinon si tu connais que la 9eme symphonie, ecoutes la 7eme aussi, elle vaut le coup surtout le scherzo , apres je te conseille aussi son concerto pour violoncelle avec un troisieme mouvement épique - Era, Sam 15 Déc 2007, a écrit:
C'est pas l'envie qui m'en manque, ce sont les sous Mais c'est vrai que j'adorerais approfondir Dvorak, qui est à mon sens un génie pour raconter des histoire dans sa musique - Cello, Sam 15 Déc 2007, a écrit:
- Wolfy a écrit:
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apres je te conseille aussi son concerto pour violoncelle avec un troisieme mouvement épique Oui, bien sûr, c'est une des très grandes oeuvres du répertoire de l'instrument. Personnellement, j'aime surtout le premier mouvement qui fourmille d'idées. Le deuxième est formidable aussi, oscillant entre douceur presque pastorale et orage (avec un thème sublime au violoncelle après le "coup de tonnerre" dramatique qui marque la transition entre les deux ambiances). Mais franchement, tout le concerto est grandiose. - sud273, Sam 15 Déc 2007, a écrit:
ah, là je suis bien d'accord, le scherzo de la 7ème est mon morceau préféré parmi toutes les symphonies de Dvorak, puis le 1er mouvement de la 8ème. - Cello, Lun 17 Déc 2007, a écrit:
Tiens, justement, Dvorák est un des compositeurs que j'ai le plus envie de découvrir. Je ne connais pour l'instant que le Concerto pour Violoncelle et les quatuors avec piano mentionnés plus haut. Je ne sais pas trop vers quoi me tourner maintenant.
D'un côté, je suis dans une phase musique orchestrale donc, les symphonies semblent toutes indiquées mais j'ai entendu distraitement la 9ème il y a un mois ou deux et elle ne m'a pas marqué plus que ça. Ses poèmes symphoniques ont des titres allèchants mais sont-ils si passionnants que ça? Le Concerto pour Violon, peut-être? Les Danses Slaves?
- sofro, Ven 8 Fév 2008, a écrit:
La version pour vents de la sérénade op.22 est plus "pittoresque", moins romantique, moins sucrée et plus colorée, plus chambriste, avec une recherche de timbres intéressante. Choisir entre les deux est une affaire de goût.
En tout cas, ces deux sérénades sont vivifiantes.
On ne répétera jamais assez que Dvorak a fait aussi bien que la "symphonie du nouveau monde" dans d'autres domaines que celui de la symphonie! - DavidLeMarrec, Ven 8 Fév 2008, a écrit:
Je crois préférer la version pour cordes, parce que plus nerveuse - je préfère les ensembles à vent d'esthétique plus classique, mais nul besoin de se priver de l'un ou de l'autre. C'est votre version qui me rend curieux. - sofro, Ven 8 Fév 2008, a écrit:
Et comme d'habitude, vous êtes tellement sûr de vous, que n'avez même pas attendu d'avoir tout écouté pour vous prononcer...
Les attaques de vents sont pourtant par définition beaucoup plus franches que celles de cordes... Je trouve que les vents ont plus de relief dans ces oeuvres, j'aime leur aplomb, leur poésie, et l'harmonie de leurs timbres...
- DavidLeMarrec, Ven 8 Fév 2008, a écrit:
Ah ah. Et sérieusement ?
Non seulement les attaques des bois sont moins franches, mais la modulation d'intensité du son au cours de sa production est moindre. - sofro, Sam 9 Fév 2008, a écrit:
Je ne suis pas d'accord... les instruments à vents ont une meilleure projection, plus d'aplomb, plus de netteté... de belles attaques, c'est forcément avec l'appui des vents... Ce n'est pas pour rien que Chostakovitch les mobilise aussi massivement dans ses symphonies. Voir la 10ème avec Ancerl!
En tout cas, ce qui est sûr, c'est que les vents dans les sérénades apportent une touche d'ingénuité, de fraîcheur, d'imaginaire. C'est ce que j'aime dans ces oeuvres où plane l'ombre de la catégorie 1 (deuxième mouvement de la sérénade op.22) |
| | | Mélomaniac Mélomane chevronné
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| Sujet: Re: Antonín Dvořák : les symphonies et oeuvres orchestrales Lun 21 Oct 2013 - 0:29 | |
| Importé du sujet https://classik.forumactif.com/t2218-antonin-dvo345ak?highlight=dvorak - Tus, Lun 26 Mai 2008, a écrit:
J'ai emprunté le coffret Kubelik et attaqué les symphonies de jeunesse ce week-end. Petit récit de guerre.
La Première symphonie est plutôt décevante : en général, je suis très complaisant pour ce genre de premier essai, mais là, c'est vraiment difficile de ne pas s'endormir. Le début, certes, en jette, avec ces déferlantes de cordes et ce thème ardent, bien trouvé ; mais le problème, c'est qu'on s'enlise très rapidement dans les redondances, les développements maladroits et sans objet, et le premier mouvement est assez ennuyeux. C'est d'autant plus embêtant que l'oeuvre, 50 minutes, est longue, Dvorak n'a pas lésiné et on regrette la dilution du matériau. Pas grand chose à signaler, donc, si ce n'est un joli deuxième mouvement, là encore sans beaucoup de cohérence, et un Scherzo assez bien réussi, plus dense, plus allant. Le finale par contre est d'un ennui... Dommage.
La Deuxième symphonie est déjà bien plus convaincante, c'est peut-être l'op.4, donc une oeuvre de jeunesse, mais très bien faite. Le premier mouvement est encore un peu long, le finale aussi pâtit d'une certaine dilution, mais l'ensemble est plus solide, avec moins de maladresses, plus de demi-teintes et des climats très agréables - dans le deuxième mouvement, long mais très poétique, en particulier. Là aussi, mention spéciale au Scherzo, le meilleur volet.
Dès la Troisième symphonie, on rentre dans le vif du sujet: je crois qu'on s'approche du chef d'oeuvre. Contrairement aux deux premières, cette oeuvre est proche d'un certain wagnérisme, plus germanique que les autres, plus tendue aussi; le premier mouvement est magnifique, grandiose et bien écrit. Le second, une marche funèbre étendue (18 minutes) mais émouvante et solenelle, est également très bon; on note des mélodies touchantes et une utilisation subtile de l'orchestre. Dommage que le finale, festif, mobile, mais sans objet et un peu répétitif, ne retrouve pas cette inspiration brillante.
Cette dernière faiblesse ne se retrouve plus dans la Quatrième symphonie, la meilleure que j'ai entendue pour l'instant dans la série: elle est proche de la musique de Smetana, par sa solennité dramatique et grandiloquente non exempte, là aussi, de wagnérisme. Le premier mouvement est véritablement un coup de génie, avec ce thème brillantissime, très inspiré, et ses développements surprenants. Le deuxième est plus faible, mais pas mauvais, plus calme et poétique, dira t-on ; le scherzo est sublime, féroce, très excitant, parfois proche aussi de Tchaïkovski; et le finale, très smetanien, est fort exaltant. Cette oeuvre, et dans une moindre mesure la Troisième, me semblent vraiment intéressantes et m'incitent à poursuivre mon exploration. - Tus, Mar 27 Mai 2008, a écrit:
Le Scherzo Cappricioso op.66 est une oeuvre de 13 minutes fort sympathique, qui, malgré son titre, n'est pas du tout détendue et heureuse, plutôt dramatique, au contraire. Les textures harmoniques sont assez dissonnantes, le tout est sombre mais pas du tout agressif, fort équilibré, au contraire. Des échos tchaïkovskiens sont très perceptibles dans la thématique. Court, dense et réussi.
La Cinquième symphonie n'est pas tout à fait aussi géniale que je m'y attendais, mais ça reste très bien tout de même. Le caractère heureux et pastoral l'emporte sur la fièvre romantique dans l'ensemble, il domine les deux premiers mouvements et on en trouve des échos dans le très beau Scherzo, tandis que le finale est plus emporté. Dvorak renonce ici à son wagnérisme des 3è et 4è, son langage est ici plus personnel et plus "slave", il préfigure celui de la 8è symphonie, en moins bien quand même. I a de très beaux coloris aux bois et une belle thématique: ça manque peut-être du petit coup de génie en plus, mais c'est déjà pas mal du tout. L'Andante con moto qui suit est d'une poésie raffinée et chaleureuse, très bien; le scherzo, enchaîné directement dans une accélération progressive, est le plus beau volet, en raison surtout de son thème ravissant, et des climats tempérés et agréables qui s'y développent. Sacré finale aussi, fort intéressant, très emporté au début, mais plus exaltant que tragique, sans la moindre once de souffrance, même si les harmonies mineures et les textures plus sombres semblent dominer. La coda, en majeur, est carrément jouissif. Une page tout en finesse et en ardeur pour clore ce moment de beauté.
Le Pigeon des Bois, op.110, poème symphonique de 19 minutes, est époustouflant. C'est le même compositeur? L'oeuvre, plus tardive, n'a vraiment rien à voir avec les symphonies de jeunesse ou même la 9è : on retrouve un langage plus wagnérien, une grande tension rallié à un raffinement, une orchestration presque impressionnistes. Du presque-Debussy avant l'heure, superbe, envoûtant, qui combine avec sa poésie lyrique une électricité digne de Wagner et Liszt. De ce dernier, on retrouve d'ailleurs certaines manies, parmi les meilleures, dont un sens génial de la théâtralité. Tout le poème, génial de bout en bout, part d'un motif initial de marche funèbre en mineur, puis le déforme, le développe, l'exploite en tous sens avec un art vraiment remarquable. Wahoo: je ne m'attendais pas à un truc aussi bien. - Tus, Jeu 29 Mai 2008, a écrit:
Pour terminer ma série d'articles, les Sixième et Septième Symphonies.
La Sixième est un chef d'oeuvre carrément épatant: après les faiblesses des symphonies précédentes, on a carrément changé de dimensions! C'est superbe de bout en bout, sans longueurs, animé d'un souffle de vie et de bonheur très communicatif. L'analogie avec Tchaïkovski est très forte ici, mais aussi avec Smetana, auquel il emprunte un ton bucolique et spontané fort à propos pour une oeuvre qui se veut avant tout lumineuse. Le ton est pastoral, le langage romantique, le tout très évocateur. Le premier mouvement trouve d'emblée ce qui manquait à la Cinquième - le petit coup de génie en plus, quoi. Lumineux, à tomber par terre: j'écouterais bien ce truc-là en boucle! Le deuxième est tout aussi beau, d'un lyrisme aérien. Et les deux volets finaux ne sont pas en reste, un Scherzo vif et joueur, plein de poésie, et surtout le finale excitant et là aussi très ludique. A mi-chemin entre ses inspirations passées, ici renouvelées et rassemblées dans une tension incroyable, et des ascendances étrangères, notamment du côté de Brahms (le premier mouvement est quasiment le jumeau de celui de la 2è symphonie de ce dernier: même tonalité, même chiffrage, même construction, thèmes cousins, développements similaires, luminosité sans égale). Superbe!
La Septième symphonie est assurément tout aussi géniale, mais d'un registre toute autre. Ici, on pense, d'un bout à l'autre, à la Symphonie Pathétique, avec qui cette 7è partage l'ardeur, le feu, les thèmes mobiles et douloureux, une tristesse non complaisante, mais pleine de demi-teintes et de subtilités. Le premier mouvement en particulier, évoque la section centrale de son homologue dans la 6è de Tchaïkovski, avec la même violence teintée de désespoir, la même écriture pour les cordes aussi, le tout est une véritable esthétisation de la douleur, pleine de beauté et de poésie. Le deuxième volet est bouleversant, et le scherzo, avec un thème miraculeux, équivoque dans sa gaieté timide, encore plus. Le finale enfin est ardent, pas désillusionné comme celui de Tchaïkovski, mais toujours tendu et brûlant - le combat continue, et la Huitième symphonie montre qu'après l'orage vient toujours le beau temps. Sacrés chefs d'oeuvre que ces deux symphonies-là ! Je vais me payer l'intégrale. - Tus, Ven 27 Juin 2008, a écrit:
J'ai écouté pour la première fois aujourd'hui le très beau Concerto pour violon, et je suis enchanté! Soit disant que l'oeuvre est cousine du concerto de Brahms, mais elle me semble beaucoup plus intéressante (je n'ai jamais réussi à aimer vraiment celui de Brahms, c'est vrai). 30 minutes et une curiosité, c'est qu'il n'y a pas de mouvement lent; mais le lyrisme est partout et on ne s'ennuie pas. Je me sens très à l'aise, même à la première écoute, dans cet univers mélodique chaleureux, très facile d'accès. Le violon est virtuose, mais pas gratuitement, presque toutes ses phrases respirent l'émotion et la sincérité - aucune esbroufe à mon sens, c'est parfait. Quant à la thématique, elle est digne du génie mélodique de Dvorak: il suffit d'écouter la première minute pour s'en rendre compte. Tout juste décèle t-on de petites longueurs dans le finale, mais voilà quand même une oeuvre passionnante et très agréable qu'il me plaira de réécouter.
Sinon, ce n'est pas très important mais j'ai aussi écouté la Romance op.11 pour violon et orchestre: elle est impregnée du même lyrisme sentimental, qui pour le coup dégouline un peu plus. Une abondance de modulations dans la partie soliste évite à la pièce l'écueil de la facilité et maintient l'attention en éveil. Très chouette. - sud273, Ven 27 Juin 2008, a écrit:
le concerto pour violon n'est pas du tout une oeuvre secondaire, c'est très largement le plus important des concertos pour violon de la fin du 19ème. On ne peut guère traiter de secondaire que le concerto pour piano en sol. - Tus, Sam 28 Juin 2008, a écrit:
Bah, il n'est pas si mauvais que ça, le concerto pour piano, bien au contraire! Je m'attendais à un truc pas très emballant, et finalement, je suis séduit. C'est un lyrisme détendu qui domine ici, dans une esthétique qui rappelle la 8è symphonie. Surtout, ce que j'aime, c'est la simplicité de l'écriture, la pureté de l'équilibre piano/orchestre - je déteste plus que tout ces "concertos" où on n'entend qu'un flot de triples croches au piano, avec un arrière-fond de lamento de violons, et de soli de hautbois, vous avez compris ma référence . Ici, je pense qu'on entend même plus l'orchestre que le soliste, leurs interventions sont bien différenciées, et pourtant imbriquées, c'est du beau travail. Souriant, joyeux et entraînant, le premier mouvement est une réussite, qui a, à mon avis, l'impact du concerto pour violon; le deuxième est très chantant, magique. Curieusement, je note très peu de dissonnances au piano, c'est l'orchestre qui fait progresser le discours et le soliste se contente de le ponctuer avec de grands accords consonnants. Le finale est plus faible, un peu chiant même, pas très inspiré dans la thématique. Mais l'ensemble n'a rien de ridicule, Dvorak s'en sort bien et arrive à ne pas tomber dans le piège de la virtuosité creuse (il n'y a rien de plus :puker:pour moi au piano). J'aime beaucoup: agréable, lyrique et bien écrit. - sud273, Sam 28 Juin 2008, a écrit:
je n'ai pas dit que c'était mauvais, je trouve que c'est très en dessous des autres concertos de Dvorak mais j'aime bien quand même (c'était mon compositeur favori autrefois). L'écriture pour piano de Dvorak est très peu pianistique, ce qui le rend, comme Tchaïkovsky très difficile à déchiffrer, pour un résultat parfois insatisfaisant. - Booboup, Sam 19 Juil 2008, a écrit:
M'enfin, pour ma part, jusqu'à hier je ne connaissais des symphonies que la 3ème et la 9ème (forcément...), je n'ai entendu qu'une fois la 3ème et je crois qu'elle m'avait un peu déçue, et la 9ème, c'est un tube des tubes, et je crois que je comprends pourquoi, c'est un morceau qui me touche beaucoup, tous mouvements confondus, étant donné l'extraordinaire unité de cette oeuvre, notamment par la répétition de ses thèmes dans les différents mouvements. Et donc étant aussi dingue de cette symphonie, j'avais peur d'être un peu déçue autant que je pouvais m'attendre à un truc génial (surtout que c'est Spiritus qui me la conseillée, alors bon... ). Mais je dois avouer que je n'ai pas eu de quoi être déçue! Le premier mouvement est sans doute mon préféré (surement grâce à la flûte, vraiment magnifiquement utilisée), un début en douceur, et pourtant une véritable montée de cavalerie, ce mouvement est étonnant par la profusion des sonorités et l'unité qu'il conserve en des retour de thèmes, des rappels de rythmes et de timbres, on y ressent un reel sentiment d'exaltation, vraiment je suis conquise. Le deuxième mouvement m'a également beaucoup plu, et c'est là que j'ai envie d'écouter la musique religieuse de Dvoràk, puisque le thème fait vraiment pensé à un choral, vous trouvez pas? Le troisième mouvement m'a également beaucoup plu, là je peux dire que j'aime les violons, ce qui est rare, doté d'un certain lyrisme, sans jamais n'en faire trop. Et enfin le final, plus différent des autres, est aussi passionant, chaud et prenant. Enfin dans cette symphonie, je trouve qu'on ne s'ennuie jamais. Je plussoie largement. - sud273, répondant à Booboup, a écrit:
- J'ai beau essayer de suivre, je ne vois pas vraiment de quelle symphonie tu nous parles (la 9ème Nouveau monde je suppose?)
Dvorak a été le premier symphoniste que j'ai aimé et j'aime toujours beaucoup plus que ses contemporains: il faut absolument que tu entendes la septième, qui est ma préférée, et la huitième qui est peut-être la plus réussie. Dans la musique religieuse, le Stabat Mater est le plus important. Mais il y a aussi un beau requiem et tout le reste est bien, même le joyeux Te Deum avec son introduction étonnante. - Booboup, précisant son message du Sam 19 Juil 2008, a écrit:
J'ai oublié de dire, que je parlais de la 8ème.
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| | | Mélomaniac Mélomane chevronné
Nombre de messages : 28855 Date d'inscription : 21/09/2012
| Sujet: Re: Antonín Dvořák : les symphonies et oeuvres orchestrales Lun 21 Oct 2013 - 0:30 | |
| Importé du sujet https://classik.forumactif.com/t2218-antonin-dvo345ak?highlight=dvorak - *Niko, Sam 23 Aoû 2008, a écrit:
Symphonie n°3
J'écoute ça actuellement et je suis frappé par la filiation directe avec Wagner ! J'ai commence par les symphonies 7.8.9 où l'on ressent vraiment l'identité musicale propre de Dvorak, bien que les maîtres du passé l'ai forcément inspiré aussi ! (Beethoven/Wagner..)
Mais dans cette 3ème, j'ai le sentiment qu'il a volontairement écrit dans le style de Wagner. Une sorte d'hommage. Dans le mouvement lent j'ai l'impression que l'un des thèmes est une allusion directe au thème de Loge/Feu à la fin de la Walkyrie. Et dans le 3ème mouvement j'ai l'impression d'être avec Tannhauser dans le Venusberg quand il a son grand air !
En tout cas j'aime vraiment cette musique ! J'ai décidé d'explorer un petit moment l'oeuvre de Dvorak, qui décidement me plait beaucoup.
Après plusieures écoutes, le wagnérisme de cette 3ème me parait évident et volontaire. J'aime un peu moisn le 3ème mouvement mais les deux premiers sont très réussi. Ravi de cette découverte. Demain la 4ème.
- Tristan-Klingsor, Mer 25 Mar 2009, a écrit:
Bonjour, est-ce que quelqu'un aurait des références musicologiques sur les influences de Dvorak pour la 3e Symphonie?
C'est évidemment une œuvre teintée de wagnérisme (influence bien domptée quant à moi) mais, dans le 2e mouvement, j'entends une phrase musicale qui me rappelle le bon vieux Berlioz et sa Symphonie dramatique Roméo et Juliette. C'est surtout cet aspect que j'aimerais pouvoir vérifier.
À propos du wagnérisme de la 3e Symphonie, voici un commentaire intéressant sur Wikipedia (donc, j'aimerais qu'on me confirme la validité!) :
« L'influence qu'aurait eu Richard Wagner sur Dvořák à l'époque de la composition de cette symphonie est souvent évoquée. Or, Dvořák remporta pour cette symphonie une bourse de l'État autrichien, décernée par un jury composé d'anti-wagnériens, dont le musicologue et critique viennois Eduard Hanslick. On peut supposer qu'un tel jury n'aurait pas endossé un jeune musicien dont les œuvres marquent une admiration évidente pour Wagner. »
Fascinant! On sait aussi qu'après le dit concours, Dvorak modifia la partition. Aurait-il saupoudré des éléments wagnériens par la suite? - Kia, Mer 25 Mar 2009, a écrit:
Ah oui, il y'a des citations claires de Tannhaüser dans cette symphonie, mais ça fait longtemps que je ne l'ai pas écouté... - Tristan-Klingsor, Mer 25 Mar 2009, toujours au sujet de la Symphonie n°3, a écrit:
Encore un extrait de Wikipedia (donc à vérifier) :
« Le ton et les couleurs du deuxième mouvement anticipent le premier poème symphonique Vysehrad du cycle Ma Patrie que Bedřich Smetana compose quelques mois après avoir dirigé la création de la Troisième Symphonie. Ce mouvement anticipe aussi la grande marche funèbre pour Siegfried de l'opéra Crépuscule des dieux que Richard Wagner termine en novembre 1874, et qui sera créé en 1876. De plus, ce mouvement préfigure les mouvements lents des symphonies n° 1 et n° 2 du finlandais Jean Sibelius, admirateur de Dvořák. En effet, ceux-ci font alterner de la même façon des passages lyriques avec des passages tumultueux.
La fusion du Scherzo et du Finale en un seul mouvement influencera certaines œuvres à venir, comme la symphonie n° 3 de Jean Sibelius, mais anticipe surtout la grande liberté formelle avec laquelle les compositeurs aborderont le genre symphonie au XXe siècle. »
Et les références suivantes sont citées :
* Beveridge, David R., éditeur (1996). Rethinking Dvořák. Oxford: Clarendon Press * Erismann, Guy (2004). Antonín Dvořák. Paris: Fayard. * Freed, Richard (1981). Notes pour les Symphonies 1 à 3 de Dvořák, pour l'édition nord-américaine de l'intégrale d'Istvan Kertész avec l'Orchestre symphonique de Londres. Vox Box SVBX 5137. * New Grove's Dictionary of Music and Musicians (2001). Londres : MacMillan. - *Niko, Dim 24 Aoû 2008, a écrit:
Symphonie n°4
Une très belle symphonie, plus réussie que la 3ème.
Le style est plus slave, moins wagnérien que la précedente. Le premier mouvement est fastueux, très lyrique et fait penser par moments à Tchaikovsky. Très réussi ! Le mouvement lent est le plus germanique des 4, assez wagnérien quand même et teinté d'une certaine mélancolie. Le Scherzo est une sorte de marche triomphante puissante, avec une orchestration haute en couleures. Un des thème m'a évoqué Verdi (en beaucoup mieux ). C'est le plus réussi avec le 1er à mon sens. Enfin un dernier mouvement fougeux, urgent, très slave aussi. - Tristan-Klingsor, toujours au sujet de la Symphonie n°3, Mer 25 Mar 2009, a écrit:
- sud273 a écrit:
il me semble que ces observations sont sujettes à caution car les symphonies de Dvorak antérieures à la 5ème n'ont pas été publiées avant 1950... D'où mon interrogation et mon appel à l'aide... Qui a influencé qui dans cette symphonie? - Cello, Lun 10 Nov 2008, a écrit:
Tiens, les deux Sérénades, on les classe en musique de chambre ou orchestrale? Parce que c'est quand même un gros ensemble dans le premier cas et un tout petit orchestre dans le second...
Quoi qu'il en soit, la Sérénade pour cordes est une oeuvre irrésistible qui respire la joie de vivre et l'optimisme. Le deuxième mouvement "Tempo di Valse" est le plus marquant avec son très beau thème qui coule de source pour ainsi dire. Cela dit, le quatrième, peut-être le seul un peu sentimental mais sans épanchement excessif, et le final, au caractère plus enlevé avec des violons à contre-temps qui semblent parfois bégayer sont aussi excellents.
La Sérénades pour vents est une oeuvre au caractère fort différent, oscillant entre élégance classique et fête paysanne rustique: par moments on se croirait à un concert de la fanfare locale sur la place du village de Preskovesc vi Dubró au tournant du siècle, c'est délicieux.
Au final, deux oeuvres qui, à défaut d'être d'une profondeur infinie, sont pleines d'idées mélodiques marquantes et d'ambiances hautes en couleurs. - WoO, Lun 8 Juin 2009, a écrit:
J'ai écouté les danses slaves op.46 et op.72 cet après-midi. A l'exception de deux ou trois danses l'ensemble est d'un lourdingue... - WoO, répondant à Jaky sur les Danses slaves, a écrit:
Les symphonies de Glazounov - en plus d'être authentiquement slaves - sont très bien orchestrées contrairement à ce que tu laisses entendre. Et on ne peut certainement pas les comparer avec ces mini-piécettes de trois à six minutes chacune uniquement basées sur le principe de la répétition.
[...] ces danses de Dvorak, prévisibles à deux kilomètres à la ronde, et qui usent et abusent du triangle et des cymbales : les musiciens doivent avoir mal aux bras à la fin.
- MAYAS, Jeu 22 Avr 2010, a écrit:
il fut un jour ou je pris à la bibliothèque, le "Nouveau Monde" de Dvorak. Je suis tombé en amour avec ce gars là. Quel artiste à mes yeux. J'adore tout de lui, toutes ses symphonies, meme les premières alors que plusieurs ne les aiments pas, ses slavoniques dances, concertos pour violons et violoncelle. J'ai un peu plus de misère avec ses "Légendes", mais après quelques écoutes, ca va peut-etre se développer. Je viens de recevoir mon coffret de Brillant 40 CD, et j'en suis tellement content.
J'ai toujours aimé la musique simple. Pour moi, pas besoin que ca soit complexe comme Frank Liszt pour etre bon, j'aime quand c'est simple comme Dvorak. Pour moi, il est l'un des artiste les plus simple, avec une musique pas très complexe, mais avec des symphonies avec des instruments que l'on entend pas toujours avec les autres.
J'aimerais que ceux qui aime bien Antonin Dvorak parle de ces oeuvres ou de sa vie ici! Pour le moment, moi je connais ses symphonies, danses slaves et concertos pour violons et violoncelles, ses "Légendes". Mais je vais vite connaitre toute son oeuvre.
Pour moi, la meilleure oeuvre est "Carnival Ouverture". Elle a la meilleure Finale toute musique confondue. Qu'en pensez-vous? - WoO, Lun 26 Juil 2010, a écrit:
Sur la symphonie n°1 mes impressions rejoignent globalement celles de Spiritus même si je n'ai pas été aussi déçu que lui : le premier mouvement (11 min) commence plutôt bien mais pédale rapidement dans la choucroute, le deuxième mouvement (14 min) est un mouvement lent agréable qui se laisse écouter comme un poème symphonique, le scherzo enjoué (8 min) est lui aussi plutôt réussi (c'est ce mouvement que je réécouterai le plus volontiers avec le précédent), enfin le final triomphal (13 min) est d'une grande banalité et aucun thème ne m'a accroché l'oreille. Autre déception : en dépit de son joli titre, pas l'ombre d'une cloche à l'horizon. - *Niko, Lun 26 Juil 2010, a écrit:
Oui, j'avais été très déçu par cette 1ère symphonie. Le Dvorak symphonique commence à me plaire à partir de la 3ème. La 4ème est vraiment belle je trouve. J'aime moins la 5 et de 6 à 9, c'est très bon. - DavidLeMarrec, Lun 26 Juil 2010, a écrit:
Oui, les premières sont vraiment très fades... et c'est pareil pour les quatuors d'ailleurs. (Sauf que les premières symphonies sont assez médiocres, en plus.) - Iskender, Lun 26 Juil 2010, a écrit:
J'adore la 5, que je préfère aux 6 et 7ème. Cela est affaire de goût personnel. Mais d'un point de vue objectif quand on ragarde de plus près l'écriture, le final de cette 5è et ses développements est une grande réussite de Dvořák. - WoO, Mar 27 Juil 2010, a écrit:
Je poursuis mon écoute des symphonies avec les deux suivantes et je ne peux pas dire que ça s'améliore, au contraire... Il y a longtemps que je ne m'étais pas ennuyé comme ça en écoutant de la musique orchestrale.
La symphonie n°2 qui date de la même année que la première dure encore plus longtemps que celle-ci mais malheureusement n'en possède pas la fraîcheur. Ici, à part le début du mouvement lent, qui s'éternise par la suite, rien ne m'a séduit : même le scherzo qui commence de manière étrange m'a rapidement saoûlé. Une chose est sûre : je ne suis pas prêt de la réécouter.
Le premier mouvement de la symphonie n°3 est ennuyeux au possible avec son thème inintéressant, repris à n'en plus finir pendant 11 minutes... Le deuxième et long mouvement de 18 minutes est assez étonnant et ressemble plus à un poème symphonique qu'à un mouvement lent classique. J'avoue, malgré une originalité perceptible, ne pas en avoir saisi la beauté et m'être là aussi profondément ennuyé... La symphonie s'achève enfin sur un dernier mouvement joyeusement tapageur, pour moi complètement creux et dénué d'intérêt. Contrairement à Spiritus je n'ai pas envie de crier au chef d'oeuvre pour cette symphonie...
La symphonie n°4 en revanche est une excellente surprise
Pour la première fois j'ai l'impression d'entendre une musique inspirée qui tient la route du début à la fin. Beaucoup plus slave que les trois premières, en particulier dans son scherzo et le final - on pense parfois à Smetana et à Tchaïkovsky. Le premier mouvement fougueux m'a fait penser aux efforts post-beethoveniens de Brahms et pourtant cette symphonie date de 1874 soit deux ans avant la première de Brahms. Le mouvement lent est fluide et agréable, le Scherzo spectaculaire déplaira sans doute aux esthètes et aux âmes sensibles. Le superbe final, profondément lyrique, est une vraie réussite. - Iskender, Mar 27 Juil 2010, a écrit:
- Renard a écrit:
Vous lui trouvez quoi à la 8e par contre ? Je la trouve un peu léchée, lisse, sans grande surprise et sans thème vraiment intéressant... C'est pour moi la plus slave avec la 5è. Je la trouve admirable pour ses thèmes, son inspiration populaire qui fait encore des merveilles ici comme dans la partie B du scherzo, le contrepoint et les combinaisons du chant et du contrechants dans le 1er mouvement, et j'en passe. Le final est peut-être plus quelconque avec ses variations, encore que le développement en bacchanale et la coda avec ses trombones survoltés me plaisent énormément.
Mais si tu es déçu à la fois par la 8è symphonie et le 12è quatuor, c'est peut-être que le Dvořák d'inspiration populaire tchèque ne t'emballe pas. Regarde en effet peut-être plutôt vers le 3è trio ou la 7è symphonie, d'influence plus Brahmsienne. - WoO, Mer 28 Juil 2010, a écrit:
J'ai bien aimé la 5ème symphonie même si j'aurais du mal à choisir entre elle et la 4ème. J'ai eu quelques difficultés avec le premier mouvement, déjà parce que je ne lui ai rien trouvé de remarquable, mais aussi parce que son thème m'a fait penser tout du long à l'hymne de la légion étrangère :hehe:Le mouvement lent est assez mystérieux avec des inflexions douloureuses fugaces. Il y a beaucoup de demi-teintes ici, rien n'est jamais acquis. Rôle important des bois, nombreux pizzicati aux cordes : l'ensemble est très poétique. Les mouvements lents de Dvorak sont généralement très beaux. Comme d'habitude le scherzo est bien troussé mais il n'est pas celui qui m'a le plus marqué. Le final enfin est superbe avec un beau thème et des moments de déploiements d'énergie impressionnants et électrisants, le thème du boudin réapparaît subrepticement dans la coda
La 6ème symphonie commence par un mouvement de forme sonate tout ce qu'il y a de plus classique et qui présente des analogies avec la 2ème symphonie de Brahms. Toutes les reprises sont un peu pénibles à la longue et ce mouvement est ennuyeux dans l'ensemble, pas très personnel. L'adagio, pastoral et d'une grande sérénité est aussi un peu fade malgré tout. Ce n'est pas le cas du génial scherzo, brillant et enlevé, c'est le mouvement que j'ai préféré, de très loin. La conclusion est à la fois pastorale et solennelle mais cette solennité germanique un peu trop appuyée et assez creuse m'a rapidement gonflé.
Le premier mouvement de la 7ème symphonie, très germanique de ton, est franchement assommant et répétitif : j'ai poussé un grand soupir de soulagement quand tout s'est arrêté. Le poco adagio qui suit, plus tchaïkovskien peut-être, plus mélancolique en tout cas, est encore une fois un beau mouvement lent. Celui-ci enfle progressivement jusqu'à devenir tragique mais en même temps Dvorak, d'une nature optimiste et résolument positive apporte toujours des éléments de consolation (par les bois et les cors). Ce mouvement, très narratif, m'a évoqué une ballade en forêt et comme pour le second mouvement de la 5ème symphonies il y a là beaucoup de demi-teintes. Le scherzo est splendide, le plus beau pour moi des sept symphonies. Le final où les passages tumultueusement héroïques alternent avec quelques épisodes plus pastoraux présente un peu les mêmes travers que le premier mouvement. De cette symphonie je ne retiendrais que les deux magnifiques mouvements centraux.
- WoO, Jeu 29 Juil 2010, a écrit:
Le premier mouvement de la 8ème symphonie, coloré et rythmé possède une saveur slave indéniable. Dans le mouvement lent les bois sont omniprésents, c'est un mouvement très narratif avec une succession d'épisodes tantôt pastoraux, tantôt plus animés, voire même dramatique à la fin (à partir de 8'). La conclusion m'a moins convaincu. Le troisième mouvement est magnifique, c'est un mouvement de danse nostalgique, du grand romantisme à la manière du Tempo di valse de la fameuse sérénade op.22. Le dernier mouvement beaucoup plus animé commence par une joyeuse bacchanale (on entend de curieux effets de barrissements aux cuivres ), puis un épisode plus épique (avec sonneries de trompettes à la clef) teinté de colorations populaires, auquel succède un long passage d'une grande douceur, vraiment très beau. Tout s'achève enfin dans la joie avec le retour de la bacchanale.
La 9ème symphonie est le chef-d'oeuvre que tout le monde connait ou presque (je n'avais encore jamais pris la peine de l'écouter en entier ) Je ne me suis pas ennuyé une seule seconde du début à la fin, tous les mouvements sont exceptionnels et il n'est vraiment pas étonnant que cette symphonie soit immédiatement entrée dans le répertoire.
Bilan : Dvorak montre dans l'ensemble de grandes affinités avec les mouvements lents, ses scherzos (ou furiant ) sont toujours très réussis, sa musique est rythmée et colorée - il aime beaucoup les bois et les cuivres ne lui font pas peur - mais jamais profondément tragique. A l'exception des 4, 8 et 9 je trouve ses premiers mouvements généralement inintéressants.
Classement des symphonies :
9 - [4/8] - 5 - 7 - 1 - [3/6] - 2 |
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| Sujet: Re: Antonín Dvořák : les symphonies et oeuvres orchestrales Lun 21 Oct 2013 - 0:31 | |
| Importé du sujet https://classik.forumactif.com/t2218-antonin-dvo345ak?highlight=dvorak - DavidLeMarrec, Lun 9 Aoû 2010, a écrit:
concernant le Concerto pour piano, l'impression d'entendre un Chopin modernisé, un Rachmaninov de bon goût est également surprenante pour le compositeur (quoique moins, une part de son piano, il me semble, est dans cette veine-là). Je pensais à Scharwenka ou à ce pastiche filmique de Rachmaninov parfois joué en concert, en écoutant ça, mais c'était quand même plus moderne que le décalque Scharwenka et moins complaisant que de Rachma.
Amusant, parce qu'on le place quand même plutôt spontanément dans le post-Brahms et dans le folklorisme... certaines de ses oeuvres y échappent complètement (et même à l'idiomatique tchèque), et l'écoute hors contexte en est vraiment révélatrice. - Horatio, Lun 25 Juil 2011, a écrit:
La septieme, la plus "sombre" (c`est Dvorak, pas Mahler aussi ), est juste magnifique. Sinon, les symphonies 5 et 6 ont quelques beaux moments. J`ai pas les disques sous la main (fianle de la 5e et furiant de la 6e il me semble), il faudrait verifier. Sinon, pour les symphonies de jeunesse, il n`y a pas grand chose d`original a part la 3e. - vincent.1976, Mar 26 Juil 2011, a écrit:
Je viens de réécouter la premières symphonie de Dvorak dans la version Kubelik, et j'aime vraiment beaucoup cette symphonie, le meilleur étant le premier mouvement Mais les troisème et quatrième sont aussi très bon, seul le second mouvement est, pour moi, inférieur au reste. - vincent.1976, toujours au sujet de la Symphonie n°1, Mer 27 Juil 2011, a écrit:
Cette symphonie a d'ailleurs une histoire originale. Dvorak l'a composée en 1865, il avait 23 ans. Il décide de participer à un concours et envoi son manuscrit en Allemagne. Il ne gagne pas le concours et son manuscrit ne lui ai pas renvoyé. La partition est alors considérée comme perdue par Dvorak. En 1923, la partition refait surface, la symphonie étant créée en 1936 à Brno et est publiée en 1961.
Ce qui est interessant dans cette symphonie, c'est que contrairement aux autres oeuvres de jeunesse de Dvorak que sont les 2ème,3ème et 4ème symphonies, celle ci ne fut jamais révisée par le compositeur, et pour cause, ce qui nous donne une image fidèle de l'écriture de Dvorak au début de sa carrière de compositeur. - sud273, Mar 26 Juil 2011, a écrit:
La 1ère c'est Les cloches de Zlonice, époque où Dvorak était garçon-boucher, inédite avant Kubelik (qui a beaucoup travaillé à son orchestration apparemment) et le résultat est très bon, pas autant que les 3 et 5 qui sont des oeuvres majeures mais tout de même... - DavidLeMarrec, Mer 27 Juil 2011 a écrit:
Cela étant précisé, je trouve la Première tout aussi mauvaise que les 2 et 3.
Je ne crois pas faire le difficile sur la quantité de musique contenue dans une oeuvre, mais là, on passe trop de temps à chercher.
Elle a l'avantage d'être moins longue qu'un mauvais opéra de Donizetti, mais c'est vraiment tout ce que je lui trouve. :?J'ai l'impression de déambuler dans un musée vide : oui, il y a des cadences, c'est de la musique, les murs tiennent. Mais il y a quoi dedans ? Rien trouvé, mais j'ai peut-être mal cherché.
Ecouter ça alors que Hamerik, Kalliwoda et Hurum, pour rester dans ce même romantisme européen tardif, attendent toujours leur public, je trouve ça mal. - TragicSymph, Mer 31 Aoû 2011, a écrit:
- Horatio a écrit:
- kegue a écrit:
- TragicSymph a écrit:
- kegue a écrit:
- Dvorak : symphonie 8
C'est vraiment une oeuvre surprenante, pleine de contrastes et très joliement orchestrée. Pour revenir à notre récent échange avec TragicSymph, il me semble que je la préfère à la septième (que j'aime déjà beaucoup). D'accord, merci pour tes impressions ! Bon, va falloir que je les réécoute toutes les deux (je les adore) pour vraiment me décider. Je vais d'ailleurs l'écouter en concert la 8° cette année, avec la 9° aussi ! Je ne suis pas encore un pro de Dvorak mais je trouve ces deux oeuvres aux antipodes. La septième m'a parue très sombre et la suivante m'a plutôt fait l'effet d'un guilleret pétage de plomb en bonne et due forme (il y a des interventions dans le scherzo vraiment truculantes et le final m'a bien fait rire (dans le bon sens du terme)) Tu as parfaitement raison : Dvorak était dans une crise existentielle alors qu'il composait sa Septième (il se demandait si le langage national pourrait l'emmener beaucoup plus loin - et d'ailleurs la 7e est la plus brahmsienne de toutes), tandis que sa 8e a été composée dans une petite maison en pleine campagne tchèque - il était donc immergé dans son pays natal qu'il aime de toutes ses forces, et sa 8e respire la joie et la tranquillité, l'optimisme retrouvés. - TragicSymph, Mer 31 Aoû 2011, a écrit:
- Rach-phaël06 a écrit:
- TragicSymph a écrit:
Oui, bien-sûr la 9°, celle que tout le monde connaît, et bien pour moi, elle ne vaut pas plus que les précédentes, malgré des thèmes absolument inoubliables dans tous les mouvements. Mais je ne sais pas, je ne trouve pas qu'elle possède le souffle extraordinaire des précédentes, de la 4° à la 8° en fait. Ceci dit, j'adore le Nouveau Monde, mais je ne la considère pas comme un chef-d'oeuvre, tu es du même avs ? Pour moi c'est plus un livre d'image, c'est devenu très populaire, trop, et elle est très facile d'accès alors d'apparence elle peut ne pas sembler être aussi travaillée et approfondie que les autre, comme la 8eme puisque c'est la seule que je connais, et que j'adore aussi énormément. Mais, sans dire que c'est un chef d'oeuvre, je la classerais quant même volontiers parmi les grande symphonies car d'un bout à l'autre elle m'émerveille, que se soit dans les petits détails et dans les grandes lignes. Voilà, tu as parfaitement résumé ce que je voulais dire ! Tout à fait d'accord avec vous, c'est d'ailleurs ces deux symphonies que je considère comme ses meilleures, avec la 4° assez négligée malheureusement, mais qui comporte vraiment de magnifiques choses. Elle a un souffle que j'adore, c'est par celle-ci que j'avais commencé mon approche des symphonies de Dvorak. - Horatio, Mer 31 Aoû 2011, a écrit:
Concernant les symphonies de Dvorak, c'est l'un des rares dont la production symphonique tombe sous le coup de l'expression "se bonifier avec le temps". Si l'on risque de se lasser asez vite des trois premières symphonies (dans la première, les thèmes sont très intéressants, mais leurs développements nettement moins) - sauf exception pour la 3e, les trois suivantes sont mieux bâties, respirent à plein poumon le folklore de la période de composition médiane de Dvorak - et les trois dernières sont sans aucun doute les meilleures : la sombre concentration de la 7e, unique chez Dvorak, l'optimisme de la 8e, hymne à sa terre natale, et la 9e qu'on ne présente plus .
@Rach-phaël : alors, le scherzo de la 6e ? Epatant, non ? - TragicSymph, Jeu 1 Sep 2011, a écrit:
Oui, d'accord avec toi Horatio, dans les symphonies, je trouve Dvorak excellent à partir de la 3°. Les deux premières me laissent de marbre...surtout la toute première que je trouve franchement laborieuse. Et comme tu dis, à chaque écoute des symphonies 4 à 9, on respire, on découvre de nouvelles choses, ces symphonies s'imposent d'elles-mêmes j'ai envie de dire, j'y reviens souvent, les airs me trottent en tête très régulièrement. Oui, les trois dernières sont les meilleures, j'aime d'ailleurs beaucoup ta description, c'est tout à fait juste. Et les scherzi, toujours épatants, comme celui de la 4°, de la 6° (un de mes préférés) etc. - Horatio, Mar 17 Juil 2012, a écrit:
Concernant Dvorak en tant que compositeur symphonique, il est bon de se rappeler à quel point il a été influencé (ou en tout cas fortement attiré) par l'image de Wagner et de ce mouvement "moderne", par opposition aux conservateurs qui prenaient volontiers (et souvent malgré lui) Brahms comme porte- étendard. C'est d'ailleurs amusant de voir que quelques années plus tard, Brahms rendait visite à Dvorak et que les deux hommes entretenaient une vive amitié et une admiration réciproque (j'insiste sur le réciproque). On rapproche toujours la Septième de Dvorak de la Troisième de Brahms, et le compositeur tchèque a dédicacé sa Sixième à Von Bülow. Le jeune Dvorak était donc fortement attiré par la forme symphonique, poussé par différentes motivations : son admiration pour les accomplissements wagnériens, un certain héritage de Smetana (sous la direction duquel il avait d'ailleurs joué, en formation symphonique - Dvorak était altiste ) et la noblesse que le genre avait acquit avec beethoven et ses successeurs. Pour un jeune compositeur en quête de reconnaissance, la symphonie devait être en quelque sorte le saint Graal, le meilleur chemin vers la renommée - être joué dans l'empire austro-hongrois, voire à Vienne ! Les problèmes de Dvorak dans ses premières symphonies sont connus ; manque de maîtrise de la forme, loghorrée incontrôlable d'idées mélodiques, faiblesse des développements... Il faut penser à la phrase de Brahms (J'entends marcher...) pour comprendre à quel point l'entreprise était risquée, d'autant plus que Dvorak visait directement le monumental - ses premières symphonies sont les plus longues ! N'oublions pas non plus que ses cinq premières symphonies furent longtemps considérées comme perdues, Dvorak les ayant rangées dans un tiroir pour ne plus trop y toucher.
- benvenuto, Mar 17 Juil 2012, a écrit:
Pour ce qui est de la 7ème, ça fait un moment que je ne l'ai pas écoutée, je renouvelle l'expérience ce soir ou demain, et je t'en reparle! :mrgreen:Mais c'est vrai que dans mon souvenir ça me semble moins abouti que les deux dernières. Sinon, pour ce que tu dis des premières oeuvres de Dvorak, ça correspond effectivement à que j'en connais, mais ça ne suffit pas à mon sens à expliquer que la progression fulgurante de la qualité de sa musique de chambre vers la fin des années 1870 n'ait pas été immédiatement accompagnée par un phénomène similaire dans sa musique symphonique; on peut certes parler d'héritage, de pression, d'influence, mais enfin Beethoven est un compositeur de musique de chambre aussi bien que de musique symphonique, donc pourquoi son prestige aurait-il été plus castrateur dans un domaine que dans l'autre? Car enfin, l'orchestration mise à part (qui en plus n'est vraiment pas le talon d'Achille de Dvorak), la maîtrise nécessaire à la composition d'une symphonie est en gros la même que pour un quatuor: forme sonate, développement thématique...Or on sent la forme toujours plus délayée et confuse dans les symphonies de cette époque, les développements moins denses et moins poussés, et même l'inspiration mélodique y est moins naturelle, dépourvue de ce cousinage voilé qui fédère tous les thèmes d'une même oeuvre, donnant l'impression qu'ils proviennent tous d'une même poussée créatrice cohérente (à cet égard le quintette opus 81 est un modèle du genre). Paradoxalement, ce n'est donc pas dans ce qui appartient en propre et exclusivement au genre symphonique que se ressent la relative faiblesse de ces symphonies...Comme si il avait mis du temps à exploiter en musique symphonique les qualités qu'il avait réussi à conquérir en musique de chambre! C'est quand même étrange non? - Horatio, Mar 17 Juil 2012, a écrit:
Une histoire d'effectifs peut-être ? Peut-être aussi que Dvorak était moins tiraillé dans entre ses aspirations et ses influences... Concernant les symphonies, il y a clairement les symphonies du jeune homme qui se cherche, aux relents wagnériens (1, 2 et surtout 3), les œuvres d'influence slave (4, 5, 6), la crise de confiance et le changement d'orientation (7), le chant d'amour à la patrie qui dépasse le folklore ( 8)et le produit marketing (9). On ne ressent rapidement plus de classifications aussi frappantes dans sa musique de chambre. Je pense que le format chambriste était plus à même d'absorber les composantes nationales et folkloriques, et qu'il correspondait également plus au caractère profondément optimiste, sincère et simple (dans le bon sens du terme) de Dvorak. La symphonie et le grand orchestre traînent une tradition beaucoup plus grandiloquente et dramatique...
- Ben, répondant à Horatio et Benvenuto, Mar 17 Juil 2012, a écrit:
Beaucoup de choses intéressantes. J'ai relevé quelques points que j'aimerais préciser.
Quand on parle de la durée des premières symphonies, il faut faire très attention à ne pas extrapoler. La première symphonie, par exemple, selon les enregistrements, varie d'une quinzaine de minutes, et peut-être jouer en 40 minutes, ce qui est loin d'être extraordinaire en regard des minutages de l'époque. Je ne suis pas sûr, concernant ces cloches toujours, qu'il faille tant que ça chercher du côté de Wagner. Souvenons nous qu'il s'agit d'un opus 3, et de la dixième oeuvre composée si on préfère le catalogue Burghauser (chronologique). N'oublions pas qu'à l'époque de la composition de cette symphonie, Dvořák a entre 23 et 24 ans, et n'est qu'un musicien d'orchestre un peu bouseux, sortir de sa campagne. Par ailleurs, il faut réécouter cette symphonie pour vraiment en déceler les merveilles, et c'est encore mieux avec une partition. Si l'on s'en tient effectivement à l'orchestration pur et simple (entendons par là la faculté du compositeur à tirer profit au maximum des possibilités techniques, matérielles et musicales des instruments et instrumentistes de l'effectif), c'est assez faible. Mais la technique de composition est déjà très sûre. Horatio l'a souligné, il y a une veine et une verve mélodique évidente dans cette musique, peut-être trop riche d'idées d'ailleurs. Mais l'ambition est déjà grande: le caractère cyclique évoque évidemment la neuvième, qui est assez proche dans sa construction de ce premier élan symphonique. Il y a déjà de belles audaces, en regard de sa maigre formation (l'utilisation thématique des cors par exemple, ce chant du violon tellement typique de la musique tchèque, à la fin du premier mouvement, ou encore la forme assez inhabituelle du troisième mouvement, presque tripartite), et de beaux élans très expressifs. Alors bien sûr, la tonalité de l'oeuvre fait penser à Beethoven. Il faut à mon avis plus chercher du côté de Brahms, voire de Bruckner, même si le langage musical est quand même très différent, et que Dvořák fait déjà preuve d'un sens de la récupération du matériau folklorique ou de la veine musicale nationale assez conséquent.
Passons sur la 7ème, qui est tout simplement sa plus belle symphonie, avec la 8è. J'irais jusqu'à dire qu'avec la première de Sibelius, il s'agit peut-être de la plus belle symphonie des vingt dernières années du siècle. Tout y est parfaitement équilibré, et l'explosion magmatique romantique à laquelle me fait penser cette symphonie est d'une maîtrise dans la composition et l'orchestration tout à fait remarquable. Il suffit de réécouter le Scherzo dansant et d'étudier de près la partition des bois, par exemple, pour finir de s'en persuader.
Horatio a raison de souligner que les premiers quatuors souffrent des mêmes défauts que ces premières symphonies. Dvořák est un compositeur plutôt logique, en fait: ses oeuvres sont de manière générale de plus en plus belles, à mesure que l'écriture s'affermie. Je ne suis par contre pas d'accord avec lui quand il voit dans la formation chambriste un format plus à même d'exploiter les aspirations nationales ou folkloriques. D'une part, parce qu'il me semble qu'il faille différencier les deux: musique nationale n'est pas musique folklorique, et inversement. Mais c'est un point de détail. Là où réside le problème, c'est dans l'aspect pragmatique des choses. La forme symphonique est souvent une forme de la "commande". Effectivement, par extension, on pourrait voir dans des formats et des effectifs réduits la soupape de liberté créatrice de certains compositeurs. Sauf que la première symphonie commandée à Dvořák est la septième. Si tu étudies de près le catalogue des oeuvres du compositeur, tu te rendras compte qu'une très grosse part de sa production de jeunesse tient de la composition pour orchestre ou grand effectif. Il ne faut pas sous estimer l'importance du biographique et du contexte vécu au détriment de lignes de démarcation un peu trop grandes: Dvořák compose énormément pour orchestre parce qu'il est lui même musicien, parce qu'il a découvert la musique de cette manière, et que la culture musicale qu'il a acquise ne l'a pas été dans le cadre de salons ou de réceptions familiales et amicales, comme bon nombre de ses contemporains, mais dans le cadre d'une salle de théâtre et de représentation. - benvenuto, Mer 18 Juil 2012, a écrit:
Réécoute de la 7ème, donc...
Horatio, tu avais raison!!! :cheers:Il y a bien un groupe ultime formé par les 3 dernières symphonies, d'un niveau enfin parfaitement abouti et maîtrisé! Même si je n'irais pas jusqu'à partager l'opinion de Ben qui en fait la plus belle symphonie des 20 dernières années du XIXème (tu fais quoi de Brahms, Franck, Chausson, Bruckner, Mahler, Tchaïkovsky, sans même parker de la propre 9ème de Dvorak? ), il est clair qu'on a là le premier chef-d'oeuvre symphonique indiscutable du tchèque. Du coup je me suis demandé pourquoi ça ne m'avait pas frappé au premier contact, et pourquoi il m'a fallu en quelque sorte la redécouvrir à l'aune de vos précieux commentaires... et il me semble que cette symphonie est un peu à part dans le corpus de son auteur, même hors symphonique. Je m'explique: la caractéristique la plus immédiate de Dvorak, celle qui me paraît la plus représentative de son génie au premier abord, c'est sa prodigieuse invention mélodique; la plupart de ses pièces se fondent sur de sublimes thèmes très inspirés qui constituent déjà en eux-mêmes un accomplissement: le travail thématique s'apparentant à une déconstruction de ce matériau de base particulièrement noble. Or ici c'est un peu l'inverse, on est plus dans une optique "beethoveno-brahmsienne": le matériau de base du premier mouvement me semble plus proche du motif que du thème véritable (ce premier thème fondé sur une levée de 3 sons conjoints ascendants, puis une broderie revenant deux fois, comme tournant sur elle-même, un peu à la manière de certains thèmes de Brahms qui déroulent les mêmes intervalles dans tous les sens; ces deux motifs secondaires: un arpège brisé ascendant, et une levée de 5 doubles, en courbe cette fois descendante mais comportant également une broderie; et puis ce deuxième thème apparenté au premier par les nombreuses broderies, assez timidement contrasté par son rythme pointé, et se terminant par un nouveau motif de trois doubles en levées, marqué une nouvelle fois, ô surprise, par une broderie): ce matériau me semble valoir plus par les potentialités de travail thématique qu'il contient, que par son caractère propre; bref tout est en place pour que le discours musical soit le fait d'une construction de plus en plus élaborée à partir d'un matériau très simple et à la fois puissamment cohérent: les motifs vont connaître d'ingénieuses métamorphoses par les variations d'articulations (premier thème d'un caractère très différent selon qu'il est joué legato ou staccato), les différents éclairages harmoniques, les différentes couleurs orchestrales dans lesquelles ils seront présentés, et plus généralement par les longues périodes construites à partir de ces "briques" thématiques de base. D'où un caractère général plus dense, plus dramatique, plus tendu, moins lyrique, que ce que l'on a l'habitude de trouver chez Dvorak. Si les deux mouvements centraux - sublimes - correspondent plus à son style habituel, on trouve dans le final des choses assez comparables au premier mouvement (entre autres cette amorce incroyable, qui me fait penser à Sibelius dans sa première occurrence: un arpège ascendant de ré mineur, très rapide, joué aux bois, culminant sur un la aigu en motif pointé, aboutissant sur un sol dièze ponctué par un coup de timbale à nu sur un ré grave... :shock:du coup je comprends le parallèle que tu fais avec Sibelius, Ben! ). Bref, une symphonie magnifique et parfaitement aboutie, bien qu'assez inattendue dans la production de Dvorak, comme s'il s'était juré, pour une fois, de ne pas céder à sa facilité mélodique et de construire avant de chanter, dans les deux mouvements extrêmes en tout cas. Dans les deux ssymphonies suivantes, je trouve qu'il parvient à complètement concilier cette rigueur et cette économie de construction avec une caractérisation des thèmes plus marquée et un lyrisme naturel moins retenu. - Ben, répondant à Benvenuto, Mer 18 Juil 2012, a écrit:
Je n'aime pas trop Tchaïkovsky, des dernières symphonies de Bruckner je n'adule vraiment que la 7è; chez Mahler, de créée avant 1900: admettons pour la deuxième symphonie ! Pour le reste, l'admirable équilibre de cette 7è de Dvořák ne me semble pas souffrir de la comparaison d'avec un Chausson ou un Franck ! Après il y a Brahms oui, même si je le trouve piètre symphoniste (ça n'est qu'une manière de parler !) en regard de la perfection atteinte et dépassée dans sa musique de chambre. Mais on rentre dans des données très subjectives, là.
Juste pour information, parce que ça n'est pas le sujet, quel enregistrement a tu écouté?
Cette accointance, et thématique, et dans la construction des mouvements, avec l'oeuvre de Brahms n'est pas illusoire: on sait maintenant que le compositeur tchèque avait connaissance de la 3è de Brahms, et qu'il admirait l'oeuvre plus que toute autre oeuvre symphonique contemporaine. Par ailleurs, si on écoute attentivement le premier mouvement, on peut voir dans la seconde exposition thématique une récupération, voire une citation, du thème du violoncelle dans le mouvement lent du second concerto pour piano de Brahms. Bien sûr, Dvořák modifie la rythmique, mais la proximité chronologique de la composition de cette 7è à la création du concerto.
Contrairement à toi, si je comprends de ce que tu veux dire, je ne trouve pas que Dvořák fasse preuve de tant de retenue dans l'expression lyrique et mélodique, je trouve même que son Scherzo est peut-être l'une de ses plus belles réussites à ce niveau. Après, tu as tout fait raison: la maîtrise qui pouvait manquer dans les symphonies précédentes permet de mieux contenir les élans expressifs, et d'accentuer encore davantage l'effet produit et le potentiel de cette musique ! - benvenuto, répondant à Ben, Mer 18 Juil 2012, a écrit:
Pour la citation du concerto de Brahms, ça ne m'a pas marqué, il faudrait que je réécoute, mais c'est intéressant! Quand je parlais de retenue sur le plan mélodique, ça concernait surtout les mouvements extrêmes; pour les mouvements centraux, Dvorak était déjà parvenu auparavant à une maîtrise impressionnante, empreinte de lyrisme et de nostalgie, dans la 6ème notamment, et il conserve cette maîtrise dans la 7ème, avec en plus, pour la première fois, des formes sonate qui tiennent vraiment la route! - Ben, répondant à Benvenuto, Mer 18 Juil 2012, a écrit:
- Tu trouves que le Rondo-Sonate du troisième mouvement de la première symphonie ne tient pas la route? C'est certes assez simpliste par moments, et un peu artificiel, mais on est quand même en présence d'une utilisation de la cyclicité mélodique assez intéressante et audacieuse pour une première oeuvre !
Effectivement, la citation n'est pas très percutante. Il ne s'agit que du thème du violoncelle d'un concerto pour piano, donc ça reste très discret, mais ça nous éclaire au moins sur l'influence capitale que semble avoir eu Brahms, bien plus que Wagner à mon sens, sur le Dvořák des années 1880 ! - benvenuto, répondant à Ben, Mer 18 Juil 2012, a écrit:
Je connais très mal la première. Quand je dis "tenir la route", je place bien sûr la barre très haut... Pour l'influence de Brahms plus manifeste que celle de Wagner, en revanche, tout-à-fait d'accord!!! Dans la 7ème il y a juste un très court passage qui me fait penser à Wagner, à Tristan plus précisément: c'est vers le milieu du deuxième mouvement, on est sur un Vème degré de La, assez étalé et très déployé dans l'orchestre, avec de nombreux chromatismes sur pédale dans les parties secondaires (mi-ré dièze- ré notamment), et il enchaîne sur un accord de Fa majeur avec appogiature supérieure de la tierce (si bécarre- la): sorte de fausse cadence rompue avec le triton très expressif entre le soprane et la basse dont il existe d'assez nombreux exemples chez Wagner! - Ben, Jeu 19 Juil 2012, a écrit:
- benvenuto a écrit:
Là je réécoute le concerto pour violon, c'est vraiment bien, encore mieux que dans mon souvenir, particulièrement le mouvement lent; quand au final, voilà un rondo-sonate qui tient la route (special dedicace to Ben... )! Malheureusement, comme bon nombre de concertos pour violon romantiques ou post-romantiques, je trouve la virtuosité des soli est trop souvent mise en avant, au détriment d'un langage musical plus fondu, équilibré, et d'un thème d'un orchestre moins spectateur. Après l'oeuvre reste d'une expressivité et d'une richesse mélodique rares ! Elle vaut surtout, à mon sens, pour le très beau furiant du dernier mouvement, très joliment orchestré, avec de belles interventions du pupitre des bois. Les interventions du violon me plaisent infiniment plus que celles d'un premier mouvement un peu boulet. |
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| Sujet: Re: Antonín Dvořák : les symphonies et oeuvres orchestrales Lun 21 Oct 2013 - 0:32 | |
| Importé du sujet https://classik.forumactif.com/t2218-antonin-dvo345ak?highlight=dvorak - Horatio, Dim 30 Sep 2012, a écrit:
Une présentation rapide de L'Ondin op. 107 (1886), le poème symphonique le plus connu de Dvorak.
Après son retour d'Amérique, Dvorak se consacra essentiellement à deux domaines : le poème symphonique et l'opéra. Voulait-il se mesurer à la figure "paternelle" de Smetana, à qui la musique nationale tchèque doit ses principaux chef-d'œuvres dans ces mêmes domaines ? L'opéra répondait à sa volonté de développer un répertoire scénique national, son prédécesseur ayant tracé la voie. Rappelons peut-être que Dvorak s'était essayé toute sa vie à l'opéra, revenant sans cesse sur des œuvres qui n'ont pas vraiment passé dans le grand répertoire (Le Jacobin, Dimitri, Le Roi et le Charbonnier). Son chef-d'œuvre, davantage que son ultime Armide, est bien sûr Rusalka (1900), dont l'un des personnages principaux est justement... un ondin.
Ondin, Wasserman ou encore Vodník en tchèque, le personnage est issu de la mythologie slave. Son nom est formé sur le préfixe voda, qui signifie eau ; on peut ainsi l'identifier au triton. Son équivalent féminin est la rusalka, version slave de l'ondine. Ces esprits aquatiques jouent un rôle ambigu : parfois bienveillants envers les pêcheurs qui leur donnent du tabac pour leur pipe, ils peuvent également emporter les humains dans les profondeurs et stocker leurs âmes dans des bocaux. Si, dans l'opéra de Dvorak (inspiré par le conte d'Andersen La Petite Sirène), le Vodník est dévoué à sa fille Rusalka, c'est au contraire un être maléfique dans le poème symphonique éponyme. Ce poème symphonique, le premier de la série, est inspiré des contes du poète tchèque Jaromir Erben (1811 - 1890), qui mêlent fantastique et folklore rural tchèque. Dvorak, libéré des contraintes des formes classiques, peut y donner libre cours à son invention rhapsodique dans un style d'autant plus personnel ; la musique est remarquablement souple et fluide, les thèmes mémorables, et le compositeur y démontre une remarquable capacité à structurer son discours. Certains critiques regrettèrent ce revirement vers la musique à programme, sans réaliser que c'était la meilleure tentative de Dvorak pour allier musique pure et folklore national - là où beaucoup attendaient une dixième symphonie dans le même esprit marketing que celle dite "du Nouveau Monde".
L'argument de l'Ondin est à la fois simple et théâtral : une jeune fille, malgré les avertissements de sa mère, va laver son linge au bord de l'eau, où le Vodník la capture et l'emmène aux fonds des eaux pour en faire sa femme. La jeune fille se lamente, chante une berceuse à l'enfant qu'elle a eu de l'ondin et réussit par convaincre ce dernierde la laisser retourner voir sa mère, pour une seule journée. Les retrouvailles ne sont que pleurs, la mère refusant ensuite d'abandonner une fois encore sa fille à l'Ondin. Ce dernier, four de rage, déchaîne une tempête et dépose sur le pas de porte l'enfant qu'il avait eu avec la jeune fille, décapité.
Mais pour être plus exact encore, voici le poème d'Erben :
- Spoiler:
L’Ondin
I
Dans un peuplier au-dessus du lac au crépuscule un ondin disait : « Luis, lune, luis, vole mon aiguille.
Je couds, je couds mes bottes pour le sec et pour l’eau : luis, lune, luis, vole mon aiguille.
Aujourd’hui jeudi, demain vendredi - je couds, je couds ma redingote : luis, lune, luis, vole mon aiguille.
Un habit vert et bottes rouges, demain, c’est le jour de mes noces : luis, lune, luis, vole mon aiguille. »
II
Matin, de bon matin une jeune fille s’est levée, a fait du linge un baluchon : « Je vais, ma mère, au lac, laver mes fichus. »
« Oh, n’y va pas, ne va pas au lac, aujourd’hui reste ici ma fille ! J’ai fait cette nuit un mauvais rêve : ne va pas, ma fille, au bord de l’eau.
Je te choisissais des perles, je t’habillais de blanc, d’une jupe comme d’écume : ne va pas, ma fille, au bord de l’eau.
Vêtements blancs cachent chagrin, perles veulent dire larmes, et vendredi est jour funeste, ne va pas, ma fille, au bord de l’eau. » -
La fille ne tient pas en place, toujours vers le lac quelque chose la pousse, toujours vers le lac quelque chose la force, rien à la maison, rien n’est à son goût. -
Elle a trempé un premier fichu - alors sous son poids le ponton s’est brisé, sur la jeunette l’eau tourbillonna dans le fond.
Des vagues en remontèrent, s’épandirent en larges ronds ; et dans le peuplier près du rocher l’homme vert applaudit.
III
Tristes, sinistres sont les contrées lacustres, où dans l’herbe sous le nénuphar les poissons folâtrent.
Ici le soleil ne chauffe pas, point de brise : froid, silencieux - comme le tourment d’un cœur sans espoir.
Tristes, sinistres sont les contrées lacustres, mi-ombre, mi-lumière, les jours se suivent.
Le domaine de l’ondin est vaste, il recèle bien des richesses : mais les visiteurs ne s’y arrêtent que contre leur gré.
Et qui une fois passe par la porte de cristal, à grand-peine reverra les yeux de ses proches. -
L’ondin est assis à sa porte, reprisant ses filets et sa jeune femme berce un petit enfant.
« Dodo, l’enfant do, mon enfant malgré moi ! tu me souris, je meurs de peine.
Tu me tends joyeusement tes menottes : et je me préférerais là-bas sur terre au tombeau.
Là-bas sur terre derrière l’église, près de la croix noire, pour que ma mère adorée soit près de moi.
Dodo, l’enfant do, mon fils, mon petit ondin ! Comment, m’empêcher de me souvenir, triste que je suis, de ma mère ?
Elle s’inquiétait, la malheureuse, de celui à qui me donner. Mais sans même le soupçonner, elle me vit partir de la maison !
Mariée, me voici mariée, mais contre la règle : pour témoins - des poissons, pour demoiselles d’honneur - des écrevisses noires.
Et mon mari - Dieu le prenne en pitié ! il pose un pied humide sur le sol sec, et dans l’eau dans des petits pots garde les âmes humaines.
Dodo, l’enfant do, mon enfant aux cheveux verts ! Ta mère ne s’est pas mariée par excès d’amour.
Abusée, prise au filet trompeur, elle n’a céans d’autre plaisir, que toi, mon enfant ! » -
« Que chantes-tu, femme ? Je ne veux pas de ces chansons ! Ton chant maudit me remplit de colère.
Ne chante pas, femme, la bile me monte dans le corps : ou je te change en poisson comme tant d’autres ! » -
« Ne te fâche, ne te fâche pas, Ondin, mon époux ! Ne prends pas mal la rose broyée et jetée à terre.
La pousse printanière de ma jeunesse, tu l’as cassée en deux : et tout ce temps tu n’as rien fait selon ma volonté.
Cent fois je t’ai prié, imploré gentiment, de me laisser aller voir ma mère un instant, rien qu’un instant.
Cent fois je t’ai prié versant bien des larmes, de pouvoir une dernière fois lui dire adieu !
Cent fois je t’ai prié, me suis mise à genoux : mais l’écorce de ton cœur, rien ne l’a adoucie !
Ne te fâche, ne te fâche pas, Ondin, mon seigneur ! ou plutôt mets-toi en colère, qu’advienne ce que tu dis.
Tant qu’à me vouloir poisson afin que je sois muette, change-moi plutôt en pierre qui est sans mémoire.
Change-moi en pierre sans pensée ni sentiment, que je ne regrette sans cesse la lumière du soleil ! » -
« J’aimerais, femme, j’aimerais, croire tes paroles : mais le petit poisson dans la mer immense - qui peut le repêcher ?
Je ne t’empêcherais pas d’aller voir ta mère : mais c’est la perfidie féminine que je redoute tant !
Allons - je t’autorise à remonter : cependant je t’ordonne de fidèlement accomplir ma volonté.
N’embrasse pas ta mère, ni aucune autre âme sinon ton amour terrestre s’opposerait à l’autre.
N’embrasse personne du matin au soir : avant l’angélus, sois de retour dans le lac.
De l’angélus à l’angélus, voilà le délai que je te donne mais par précaution, tu me laisses l’enfant. »
IV
Quel été se passerait de soleil ? Quelles retrouvailles se passeraient d’étreinte ardente ? Et si une fille après longtemps embrasse sa mère, ah, qui peut en vouloir à cette aimable enfant ?
Tout le jour la femme du lac avec sa mère en pleurs, s’est réjouie : « Adieu, mère adorée, ah, j’ai peur du soir ! » - « N’aie pas peur, ma chère âme, n’aie pas peur de cet assassin ; je ne permettrai pas qu’un monstre des eaux t’ait en son pouvoir ! » -
Le soir tomba. - L’homme vert arpente la cour ; la porte est calée par un coin, la mère est avec sa fille dans la salle. « N’aie pas peur, ma chère âme, il ne peut te nuire en lieu sec, l’assassin du lac n’a contre toi aucun pouvoir hors de l’eau. » -
Lorsque l’angélus eut sonné, pan ! on tape à la porte : « Il est temps de rentrer, femme, mon dîner n’est pas prêt. » - « Ouste, loin de ma porte, va-t’en, assassin rusé, et ce dont tu dînais, dîne-z-en encore au fond de ton lac ! » -
A minuit de nouveau, pan ! on tape à la porte vermoulue : « Il est temps de rentrer, femme, mon lit n’est pas fait. » - « Ouste, loin de ma porte, va-t’en, assassin rusé, et celui qui te faisait ton lit jadis, qu’il te le fasse à nouveau ! » -
Et une troisième fois pan ! il frappe quand le jour point : « Il est temps de rentrer, femme, l’enfant pleure, donne-lui à boire ! » - « Ah, petite mère, quel supplice - pour l’enfant mon cœur se fend ! Ma mère, mère adorée, laisse-moi, laisse-moi y aller ! » -
« N’y va pas, ma fille ! l’assassin du lac prépare son piège ; si tu crains pour ton enfant, je crains pour toi davantage. Ouste, assassin, retourne au lac ! Ma fille n’ira nulle part ; et si ton enfant pleure, dépose-le à notre seuil. » -
Sur le lac la tempête mugit, dans la tempête l’enfant gémit : sa plainte fend l’âme, et soudain s’éteint. « Ah, ma mère, hélas, hélas, ces pleurs glacent mon sang : ma mère, mère adorée, je redoute l’ondin ! » -
Quelque chose est tombé. - Sous la porte une flaque se répand - du sang ; et lorsque la vieille a ouvert la porte, quel ne fut pas son effroi ! Là dans le sang gisent deux choses - dans le dos passe un frisson d’horreur : une tête d’enfant sans corps et un petit corps sans tête.
Pour illustrer plus efficacement mon propos, j'indique les minutages correspondants à la version de T. Kuchar (avec la Janacek Philharmonic Orchestra - watch?v=7XlTun5nJeg).
L'œuvre entière est parcourue par le thème de l'Ondin, malicieux et fantasque lors de son exposition (aux flûtes) [0:00]mais dont les réapparitions seront de plus en plus théâtrales et lugubres ;
Il y aurait beaucoup à dire sur ce thème - sa fluidité, son caractère insaisissable et l'évocation très impressionniste qu'il fait de l'eau, du clapotis des vagues sur la berge. C'est un parfait exemple de l'efficacité dramatique de Dvorak saura mettre ne place tout au long du poème. Ce thème prend rapidement de l'ampleur, repris par tout l'orchestre dans un tutti impressionnant [0:46], comme un éclat de rire sardonique de l'Ondin.
Changement de décor : c'est la jeune fille qui part pour laver ses habits [1:43]...
... tandis que sa mère, dans un émouvant chant des violons, baigné de tendresse, tente de la dissuader de partir [2:46]. Cette éclaircie est de courte durée ; tandis que les bois entament un chant voilé, les basses font résonner un rythme sourd, inquiétant [3:22]. Dvorak fait ici un magnifique usage des possibilités et des couleurs de l'orchestre ; un dernier tutti des violons, plus chaleureux que jamais [4:25]. Réapparaît soudainement le thème de l'Ondin [5:13], qui prend des dimensions encore plus impressionnantes qu'il se jette sur la fille pour l'emmener au fond des eaux, descente suggérée par le délitement lugubre de la musique et du thème de l'Ondin, murmuré par les basses.
Place maintenant à la lamentation de la jeune fille [6:54], que sous-tend insidieusement le thème de l'Ondin, comme une ombre qui guette [8:00]. La lamentation prend ensuite des élans passionnés [8:25], bien que toujours équivoques : les arabesques du thème aquatique forment toujours la toile de fonds, l'atmosphère retombe invariablement vers les mêmes angoisses glacées ("ici le soleil ne chauffe pas"). S'élève alors la berceuse aux bois dont on admire la chaleur et les accents folkloriques [9:32] : nouveau sommet d'intensité, auquel tente évidemment de se joindre le thème de l'Ondin - exposé puissamment mais aussi rapidement [10:58] : il accepte que sa femme retrouve pour une journée sa mère. Les vents, puis les violons amènent une puissante et chaleureuse mélodie - les retrouvailles [11:37], que suit une évocation du thème de l'Ondin ; d'abord en majeur, il bascule rapidement vers une tonalité dramatique, lorsque les cors profèrent des menaces insistantes que contrent les injonctions de la mère [12:38] :
Suivent des réminiscences mélancoliques des lamentations centrales et des jours heureux [13:23], qui s'évanouissent dans un silence glacé. Les basses grondent [15:25], le thème de l'Ondin revient encore et encore, des cloches sonnent fatidiquement, la tempête se prépare : l'Ondin frappe à la porte de la maison [16:58]. Quelques courts accords mettent fin à ce déluge, avant qu'un chant mortuaire apparaissent aux vents, soutenus par des bribes du thème de l'Ondin [17:55]. Celui-ci s'éloigne avec sa démarche boiteuse, après avoir déposé l'enfant décapité sur le seuil.
Le paradoxe de ce poème - et surtout sa plus grande force -, c'est la richesse d'atmosphères, les contrastes et les qualités descriptives que Dvorak réussit à tirer d'un seul thème, celui de l'Ondin. Janacek, en parallèle d'une intéressante analyse sur le poème symphonique lui-même, en a tiré de passionnantes conclusions concernant le lien entre les thèmes de Dvorak et la musique populaire, sur la capacité de son aîné à réinventer le folklore et sur sa compréhension profonde de l'essence de la musique tchèque. On peut les lire ici.
Je signale encore que sur le même site, on trouve de très intéressantes réflexions sur le poème et son adaption symphonique, ainsi qu'un guide d'écoute reliant plus directement texte et musique. - Horatio, Lun 11 Fév 2013, a écrit:
- Benvenuto a écrit:
En revanche, toujours pas d'accord, Horatio, avec tes réserves concernant la 9ème... C'est qu'il y a tellement mieux que cette ultime symphonie, alors que c'est toujours la première chose qu'on cite !
- Coutures a écrit:
- Je ne savais pas que Brahms admirait Dvorak. Vraiment? Bon, je vais écouter Dvorak autrement.
Oui - on pourrait presque parler d'un respect filial, Brahms ayant pris Dvorak sous son aile pour l'aider à ses débuts, notamment en le recommandant à son éditeur Simrock. Le vieux maître admirait surtout la prodigieuse inspiration mélodique de son cadet, déclarant quelque chose comme "la plupart d'entre nous pourrait même se satisfaire de ses déchets" (!). On sait par exemple qu'il appréciait beaucoup la fraîcheur des Danses Slaves et des Légendes, qu'il a découvert le potentiel concertant du violoncelle à l'écoute du Concerto op. 104 de Dvorak (même s'il avait déjà écrit son Double Concerto) ; mais aussi qu'il avait quelques réticences vis-à-vis de la Symphonie du Nouveau Monde ( ). - benvenuto, répondant au sujet de la Symphonie n°9, Lun 11 Fév 2013, a écrit:
On est d'accord, ce n'est sans doute pas la plus profonde de ses oeuvres, mais c'est quand même assez irrésistible, non? Il y a assez d'idées pour 10 symphonies, et pour autant on ne perd jamais l'impression d'unité et de cohérence...sans doute la place qu'on lui accorde est-elle disproportionnée par rapport au reste de l'oeuvre de Dvorak, qui contient nombre de pages méconnues bien que tout aussi réussies, mais en aucun cas je ne pourrais la considérer comme secondaire!!! - André, Mar 12 Fév 2013, a écrit:
Il y avait beaucoup de respect mutuel entre Dvorak et Brahms. Une cellule thématique importante dans le Requiem allemand (troisième mouvement, avec le baryton "Herr, lehre doch mich") ouvre le concerto pour violoncelle. Je crois qu'il y a un rappel thématique de la deuxième (Brahms) dans la sixième de Dvorak.
J'ai longtemps renâclé devant la neuvième. Overkilling, overexposure, style Petite Musique de nuit ou bien Quatre Saisons. Mais c'est chose du passé - enfin, pour le moment. J'ai redécouvert cette oeuvre que je considère très forte, avec deux premiers mouvements incomparables. L'intérêt fléchit un peu dans la seconde moitié, un peu comme avec l'Eroica. Mais ça reste du top niveau jusqu'aux derniers accords. |
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