Séance d’envoutement collectif hier soir, présidée par Grigory Sokolov au piano, qui jouait Bach (partita n°1), Beethoven (sonate n°7), Chopin (sonate n°3) et six bis : deux impromptus de Schubert, un Schubert/Liszt, deux Chopin, et un non identifié.
Entre les bis, le public criait « Merci ». Jamais vu ça. Ou peut-être était-ce « Mercy » en anglais, pour que le derviche tourneur suspende un instant l’extase, mi-vertige mi-délice, où la salle était plongée.
Le Bach initial était, je crois, un peu sobre, mais d’une architecture confondante, centrée sur la sarabande. Sokolov possède le secret des poids et mesures ; de l’incidence du son sur le chant qu’il propage ! Le Beethoven (déjà schubertien en diable) et le Chopin laissaient bouche bée. Sans larmes, sans ego: le regard tourné vers les lointains. Du bruit qui pense, comme dit Hugo.
Au hasard, vous tournez votre attention vers la toux importune, le lourd plafonnier de la salle, la lueur du téléphone: ils sont muets comme des carpes, et retournent vite à leur rêve adjacent.