J'ai vu sur un autre fil du forum qu'on parlait peu et mal de Medtner, je vois qu'ici c'est déjà mieux.
Je soutiens tout à fait les défenseurs de son oeuvre qui se sont exprimés ci-dessus, et j'apporte mon propre commentaire (au risque de faire quelques redites).
Qualifié par André Lischke dans son "Histoire de la musique russe" comme étant l'un des trois fleurons moscovites de sa génération (les deux autres étant Rachmamninov et Scriabine), il ne faut pourtant pas à tout prix chercher à le rapprocher ses deux condisciples du Conservatoire de Moscou.
S'il s'éloigne en effet beaucoup de Scriabine par son attachement à la tonalité et la recherche constante d'un certain lyrisme, sa proximité apparente de langage avec Rachmaninov, sans avoir en revanche réellement de "tube" à son actif, a parfois amené certaines mauvaises critiques à la qualifier de "Rachmaninov du pauvre".
Pourtant il développe une véritable personnalité tout au long de son oeuvre, avec un langage unique et bien reconnaissable. Mais un néophyte qui commencerait instinctivement à le découvrir par ses concertos pourrait être facilement déçu, et effectivement à mon sens ce ne sont pas ses meilleures oeuvres.
Je recommanderai plutôt en priorité les écoutes suivantes, certaines déjà citées plus haut, avec ces petits commentaires de mise en perspective :
-La 1ère sonate pour piano Op.5 : Composition tout à fait maîtrisée et fascinante pour sa première . Des quatre mouvements je retiendrai surtout les premier et troisième. Il est à noter que lors du concours Tchaikovsky 2015, Lucas Debargue a choisi cette oeuvre pour débuter son programme du 2ème round (avant de se détendre avec Gaspard de la Nuit en deuxième partie...). La prestation se trouve facilement en vidéo libre sur internet et je recommande fortement cette interprétation pour découvrir l'oeuvre. Vers la fin du 3ème mouvement avec ses majustueux accords apergés soutenant la reprise du thème on voit le public à la fois surpris et profondément touché.
-La 6ème sonate Op.25 no.1 "Skazka" : L'une des sonates les plus faciles à écouter et pourtant pleine de richesses. J'aime particulièrement le premier mouvement. La version Hamelin peut parfaitement faire l'affaire.
-La 7ème sonate Op.25 no.2 "Night Wind" : Alors qu'elle partage le même numéro d'opus que la précédente, là nous sommes dans un tout autre univers. Il s'agit sans nulle doute du chef d'oeuvre absolu de Medtner. Dédiée justement à Rachmaninov, Medtner précise au début de la partition que "tout le morceau est dans un esprit épique". Ecrite étrangement en 5/4, c'est une pièce redoutable d'une intensité constante s'étirant sur plus de 30 minutes, avec une difficulté technique certes réelle mais non artificielle, uniquement au service du langage. Il y a toute une création de quelques "thèmes" (j'ai presque envie de dire leitmotiv) mélodiques ou rythmiques qui vont dialoguer, s'opposer, s'entrechoquer tout au long du morceau. Le choix de l'interprète est important ici : On peut trouver facilement une superbe prestation d'un pianiste quasiment inconnu : Andrey Ponochevny (en live de srucroît), déjà relevée ci-dessus. Pour un seconde lecture bien différente, Severin von Eckardstein détricote presque note par note toute l'oeuvre dans un rendu tout aussi intéressant.
-La 10ème sonate Op.38 no.1 "Reminiscenza" : Premier morceau du premier cycle des "mélodies oubliées", il est intéressant (et révélateur) de noter qu'il a été joué et enregistré aussi bien par Richter que par Guilels ! C'est ce dernier qui est considéré comme l'enregistrement de référence.
Voilà pour ce qui me semble être la meilleure entrée en matière dans l'univers musical de Medtner, et il y aurait encore beaucoup d'autres oeuvres à citer...