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 Messe en si : Suzuki, Bach Collegium Japan, Lyon 06.04.2016

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Messe en si : Suzuki, Bach Collegium Japan, Lyon 06.04.2016 Empty
MessageSujet: Messe en si : Suzuki, Bach Collegium Japan, Lyon 06.04.2016   Messe en si : Suzuki, Bach Collegium Japan, Lyon 06.04.2016 EmptyMar 12 Avr 2016 - 12:28

Il faut la trouver, cette Chapelle de la Trinité, avec mon GPS qui louvoie, ivre comme un moineau.

Mais j'ai bien une heure d'avance sur l'horaire et je suis quasiment seul devant la chapelle. L'intendance en est encore à parer l'entrée de son traditionnel tapis rouge, lorsque deux musiciens du Bach Collegium Japan sortent et me font l'impression de chercher un lieu où trouver quelque rafraîchissement.

Mon invité finira par arriver plus que dans les temps et nous pourrons entrer dans la chapelle et nous asseoir à nos places. Le premier événement musical de cette soirée sera d'apercevoir Masaaki Suzuki pénétrer dans la chapelle par la même entrée que nous ! Que n'ai-je attendu plus longtemps dehors !

C'est très simplement que le temps passe ; les musiciens et le chef font leur entrée sur la scène.

Quand commence le Kyrie, l'entrelacs sublime voulu par Bach s'installe dans la salle. Mon émotion débordera jusqu'au deuxième Kyrie, de même tenue. Quand les débuts du Gloria retentissent, ce sont chœurs, timbales et trompettes qui nous saisissent. Puis viendra la très belle triade Laudamus te, qui s'improvise air d'opéra le temps d'une soprano minaudière ; Gratias agimus tibi que cet ensemble interprète toujours de la plus belle façon ; Domine deus/Qui tollis dont la facture harmonique qui ne tient qu'à un fil dépasse ici les promesses du disque. Qui sedes, Quoniam et Cum sancto spiritu (et non « Come thâânks tou Zpiritou !! » à la manière des Écossais) se succèderont sans que ma pensée émerge de sa vive et intense émotion.

Le Bach Collegium Japan est un ensemble de haute tenue, qui virevolte et voltige dans l'esprit de Bach comme le feu dans l'air, avec l'orchestre comme âtre, le chœur pour foyer et M. Suzuki qui envoie du bois.

C'est la pause, on sort et j'ai froid mais c'est bienvenu. Je décrète à mon ami mélomane, que, s'il veut m'en croire, l'architectonique de la deuxième partie de cette messe surpassera la première !

Ce n'est pas le Credo qui me fera mentir. Sur la petite scène de la chapelle, pas de clavecin ! Cela vous allège un espace sonore ici vite saturé. Ce chant sublime, à la polyphonie la plus subtile, s'élèvera dans sa plus parfaite unité sous la direction de M. Suzuki. Ensuite, un Et in unum dominum laissera vite, trop précipitamment pour que nous nous attachions à ce duo, la place au cœur de la Messe en si mineur : Et incarnatus est, puis Crucifixus. Là, nos choristes illuminent la nuit, ce sera aussi vrai de tous les arias et chœurs les plus lents, riches de tous les instants. Si Et ressurexit et Et in spiritum sanctum ne dominent pas ma belle émotion, le Confiteor, lui, me fera murmurer, du bout des lèvres, ce chant berceur, ondé sans qu'il n'en laisse jamais poindre l'origine, comme d'autres ensuite, jusqu'au Et expecto dont la liesse me transporte, me gagne et ne me quittera plus. Le Sanctus s'épanouit sous la gestuelle déployée par Masaaki Suzuki ; l'Osanna, puissant et enchanteur, me voit encore chantonner silencieusement — seul le Benedictus nous aura à demi déçu : bien que la flûtiste engage tout son talent pour faire chanter cet air inoubliable, le ténor paraît bien éteint, chevrotant. Je songe que cela m'importe peu désormais, car je sais que Suzuki souhaite d'abord que ce soient les chœurs qui emportent l'auditoire, ou du moins je le devine un peu. Un Agnus dei de toute beauté nous est donné par Robin Blaze, dans l'un de ces moments de limpidité dont nous aurons un peu manqué lors de ce grand concert. Mais voici que le chant des chants, le chœur entre tous le plus beau, s'annonce et s'élèvera pour nous, il s'agit du Dona nobis pacem, que j'entonnai également, ou plutôt en le respirant car c'est ainsi que je chante Bach, uniquement en soufflant les mots, non en émettant les notes. C'est un privilège d'assister à cette fusion musicale où la polyphonie semble renaître à elle-même, au terme d'une œuvre qui en regorge de fond en comble.

Tout ce beau monde, des musiciens aux mânes de Bach, dans ce décor baroquisant, fut immensément applaudi, surtout M. Suzuki. Je suis encore et pour toujours à ce concert magique qui forme le plus grand bonheur de ma jeune existence de mélomane baroque (5, 6 ans tout au plus), car il en constituait l'horizon improbable et le vœu ultime lorsque je découvris la Messe en si mineur, il y a 4 ans.

Je remercie grandement les amis tod et David grâce à l'aide de qui la compagnie d'un jeune mélomane me fut foncièrement agréable et notre conversation incessamment nourrie par des vues passionnantes sur la musique, pour ma très grande joie.
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