PP - ONCT - Tugan Sokhiev - Saint-Saëns - 08/06/2021

Programme
Camille Saint-Saëns
La Princesse Jaune - Ouverture
Concerto pour violoncelle n°1
Symphonie n°3 "Avec orgue".

Distribution
Orchestre National du Capitole de Toulouse
Tugan Sokhiev, direction
Victor Julien-Laferrière, violoncelle
Michel Bouvard, orgue.

Au départ, ce concert devait être l'occasion de découvrir des œuvres méconnues de Saint-Saëns. Finalement, nous aurons eu deux des plus grands classiques et une pièce originale, quoique pas inédite (déjà jouée dans le concert 100 % Saint-Saëns donné sans public en début d'année). C'est toujours un plaisir de retrouver cet orchestre avec ce chef, l'orchestre de mon enfance, de ma ville d'origine... Et puis, cette "petite musique" entre ce chef et cet orchestre, qui vont si bien ensemble.

La princesse jaune : le morceau se découpe en deux parties assez distinctes. La première, lente et sans relief, n'a pas un grand intérêt. C'est calme et plat, on attend que ça commence. La seconde, à l'inverse, est le prétexte à l'exposition de motifs très typés asiatiques (le programme indique pentatonique), à la sauce Saint-Saëns. C'est dansant, joyeux, franchement réussi, enlevé. Un régal !

Concerto pour violoncelle n°1 : l'un des plus jouées, tous compositeurs confondus, il me semble (avec celui de Dvorak peut-être ?). Trop entendu ? Tout a déjà été dit ? Bref, la version de ce soir n'était vraiment pas mauvaise, mais pas franchement originale non plus. Je crois surtout que je n'étais pas vraiment dedans.

Deux rappels au violoncelle : une suite de Bach (la 3ème ?), et un morceau plus contemporain non identifié. Sans grand intérêt à mon goût. Surtout, je pensais que dans un concert entièrement consacré à Saint-Saëns, on aurait pu attendre un morceau de ce compositeur.

Symphonie n°3 : comme le concerto qui précédait, on aurait pu croire que tout avait déjà été dit dans cette symphonie. Et pourtant... Quel bonheur de l'entendre éclater ! Les violons denses, tellement profonds dans le premier mouvement, le piano bien sonore et/ou bien dosé, l'orgue surpuissant (peut-être trop sonore) qui fait vibrer toute la salle (tout le quartier ?). Le dernier mouvement est d'une jubilation sans réserve ! On lit sur les visages des musiciens leur bonheur d'être là, Sokhiev toujours au top... De la matière à frissonner !

Un rappel : la 3ème gymnopédie de Satie. Le petit rappel est la marque de fabrique de cet orchestre ; mais, même si très bien joué, soyeux, tendre et doux, ça venait assez mal après cette symphonie.

En résumé : un concert peut-être pas indispensable pour un fan de Saint-Saëns comme moi (j'attendais plus d’œuvres rares), mais qui fait quand même beaucoup de bien.

Oui, lecture aux spectre sonore large, pas très française dans les équilibres, mais toujours à très haut niveau et très engagée, un plaisir !

Je me suis interrogé avec quelques camarades sur les flottements entre le grand Bouvard et l'orchestre (des endroits peu synchrones). Gestique étrange de Sokhiev ? Surprise devant l'acoustique de la salle ?

Même enthousiasme que vous. Comme Rocktambule je n'ai pas été tout à fait transporté par le concerto, malgré le très beau son de Julien-Laferrière. Sokhiev m'a paru un peu placide, comme souvent dans les concertos. Deuxième bis au violoncelle : Sérénade de Henze. Symphonie en revanche franchement jouissive, avec la largeur du spectre évoquée par David qui vient vous chatouiller tout le long du tympan (le spectre sonore, pas David), des cordes sombres et charnues, un Sokhiev qui rubatise et s'amuse à souhait. La très grande classe.

DavidLeMarrec a écrit:

Oui, lecture aux spectre sonore large, pas très française dans les équilibres

Qu'est-ce que tu entends par pas très française ? Cordes et graves > bois et aigus ?

Citation :

Je me suis interrogé avec quelques camarades sur les flottements entre le grand Bouvard et l'orchestre (des endroits peu synchrones). Gestique étrange de Sokhiev ?  Surprise devant l'acoustique de la salle ?

J'ai senti aussi quelques moments de flottement avec l'orgue. Je parie plutôt sur les libertés que s'accorde Sokhiev dans sa direction et ses gestes, même si Bouvard est présenté comme un compagnon régulier de l'ONCT.

Toujours d'accord avec vous

Grand moment que cette 3e de Saint-Saëns, vraiment un moment de pur plaisir à profiter de l'engagement total de l'orchestre et de Sokhiev (qui se Sokhievise d'année en année !). Sonorité large et généreuse (ces cordes !), climax parfaitement étagés. Pour chipoter je dirais que la petite harmonie m'a parue irréprochable collectivement mais sans génie particulier.
Et cet orgue

J'ai trouvé le violoncelliste assez excellent, raffiné, projection superbe, à réentendre dans un concerto peut-être un peu plus consistant.

tomseche89 a écrit:

Toujours d'accord avec vous

Grand moment que cette 3e de Saint-Saëns, vraiment un moment de pur plaisir à profiter de l'engagement total de l'orchestre et de Sokhiev (qui se Sokhievise d'année en année !). Sonorité large et généreuse (ces cordes !), climax parfaitement étagés. Pour chipoter je dirais que la petite harmonie m'a parue irréprochable collectivement mais sans génie particulier.
Et cet orgue

J'ai trouvé le violoncelliste assez excellent, raffiné, projection superbe, à réentendre dans un concerto peut-être un peu plus consistant.

Une semaine après le concert, toujours pas remis de cette 3ème symphonie exceptionnelle. Je l'ai rarement entendu aussi belle, aussi enthousiasmante, aussi engagée. Et que les cordes étaient belles en effet, d'une chaleur et d'une rondeur rares chez un orchestre français.
Je n'ai longtemps entendu cette symphonie qu'avec un orgue sans tuyaux, à la salle Pleyel, et, lorsqu'on l'entend avec un "vrai" orgue (la première fois pour l'inauguration de la Philharmonie), on découvre dans le second mouvement à quel point l'alliance de l'orgue et de l'orchestre est faite avec subtilité et raffinement. Ah ! Ces graves de l'orgue qui accompagnent l'orchestre ! J'ai trouvé beaucoup d'émotion dans ce mouvement, caractéristique que l'on attribue rarement, à tort, à la musique de Saint-Saëns. Le dernier mouvement était pris trop lent à mon goùt, un peu trop pompeux. Mais ça, c'est un peu de la faute de Camille !!
Un grand plaisir aussi à écouter l'ouverture de La Princesse jaune, très jolie ouverture. On est impatient d'écouter la suite la saison prochaine à Lille ou à Tourcoing. Le concerto m'a paru bon, mais sans caractère particulier.
2 petites remarques à l'occasion de ce beau concert :
- pourquoi donc utilise t'on si peu l'orgue à la Philharmonie ? J'avais lu, à l'époque de l'inauguration, une interview d'Olivier Latry, qui disait qu'il y avait des centaines d'oeuvres pour orgue et orchestre.
- quel dommage que Sokhiev n'ait pas été nommé à la direction de l'Orchestre de Paris !

Fritelli a écrit:

- pourquoi donc utilise t'on si peu l'orgue à la Philharmonie ? J'avais lu, à l'époque de l'inauguration, une interview d'Olivier Latry, qui disait qu'il y avait des centaines d'oeuvres pour orgue et orchestre.

On a eu Manfred de Tchaïkovski il y a un an et demi.

Ce sont plutôt des oeuvres rares, et comme la Philharmonie ne fait plus que des tubes dictés par les orchestres invités...

Mais oui, clairement, le Psaume 47 de Schmitt, ça claquerait. A la place, on va l'avoir avec l'épouvantable bandonéon de la Maison de la Radio.

Citation :

- quel dommage que Sokhiev n'ait pas été nommé à la direction de l'Orchestre de Paris !

Dans la Damnation faite avec eux, c'était vraiment pas terrible (rien à voir avec celles faites avec Toulouse !). Donc pas forcément si mal de s'en être privés.

Fritelli a écrit:

2 petites remarques à l'occasion de ce beau concert :
- pourquoi donc utilise t'on si peu l'orgue à la Philharmonie ? J'avais lu, à l'époque de l'inauguration, une interview d'Olivier Latry, qui disait qu'il y avait des centaines d'oeuvres pour orgue et orchestre.

Parce qu'on joue 95% de tubes à la Philharmonie, orgue ou pas orgue...

Donc tu entendras Zarathoustra, la 2è de Mahler... mais pas Florentz malheureusement.

DavidLeMarrec a écrit:

Fritelli a écrit:

- pourquoi donc utilise t'on si peu l'orgue à la Philharmonie ? J'avais lu, à l'époque de l'inauguration, une interview d'Olivier Latry, qui disait qu'il y avait des centaines d'oeuvres pour orgue et orchestre.

On a eu Manfred de Tchaïkovski il y a un an et demi.

Ce sont plutôt des oeuvres rares, et comme la Philharmonie ne fait plus que des tubes dictés par les orchestres invités...

Mais oui, clairement, le Psaume 47 de Schmitt, ça claquerait. A la place, on va l'avoir avec l'épouvantable bandonéon de la Maison de la Radio.

Citation :

- quel dommage que Sokhiev n'ait pas été nommé à la direction de l'Orchestre de Paris !

Dans la Damnation faite avec eux, c'était vraiment pas terrible (rien à voir avec celles faites avec Toulouse !). Donc pas forcément si mal de s'en être privés.

Bandoneon ? Tu trouves aussi ? J'ai du mal à supporter la sonorité de cet instrument en effet.
Je rêve d'entendre le Psaume de Schmitt dans cette salle depuis le début. Laurent Bayle ne le connait peut-être pas !!
Quant à Sokhiev et la Damnation, ce sont les chanteurs qui ont plombé ce concert. Lui était pas si mal, un peu sage peut-être.
Je crois qu'il est trop sage dans la musique française, de peur d'en faire trop.
Je pense que tu l'as entendu avec le Bolchoï quand il vient donner des opéras ? C'est phénoménal !

Fritelli a écrit:

Bandoneon ? Tu trouves aussi ? J'ai du mal à supporter la sonorité de cet instrument en effet.

J'aime bien le bandonéon, mais cet orgue tout gris, tout criard, acide, monochrome, je n'arrive pas à me représenter comment on a pu laisser passer ça pour la salle qui devait être la fierté de la Maison de la Radio et de la Musique...

Citation :

Quant à Sokhiev et la Damnation, ce sont les chanteurs qui ont plombé ce concert.

Ah non, il est vraiment passé à côté, je trouve, de ce qui fait la saveur de cette musique (les effets de groupe, les petits soli, etc.), a tout dirigé en grands aplats, et l'orchestre semblait assez perdu, comme Bouvard dans la Symphonie de Saint-Saëns.

Citation :

Je pense que tu l'as entendu avec le Bolchoï quand il vient donner des opéras ? C'est phénoménal !

Là oui ! Mais il faut dire que les chanteurs sont fabuleux et que l'orchestre joue vraiment le coeur de son patrimoine, je ne suis pas sûr que ce soit représentatif de ce qu'il peut faire avec un orchestre d'Europe occidentale. (D'ailleurs il a beaucoup russisé Toulouse, clairement, avec ce son très rond et dense, pas du tout à la française.)

Fritelli a écrit:

- quel dommage que Sokhiev n'ait pas été nommé à la direction de l'Orchestre de Paris !

Je n'ai jamais bien compris la ferveur extrême dont ce chef semble bénéficier. (Bon, peut-être aussi que je ne suis pas assez fan de Tchaikovski / Rachmaninov / Prokofiev / Chostakovitch pour ça.)

DavidLeMarrec a écrit:

(D'ailleurs il a beaucoup russisé Toulouse, clairement, avec ce son très rond et dense, pas du tout à la française.)

Mais russisé façon post-soviétique, alors - parce que dans les années 50-60, les orchestres français les plus typés pouvaient sonner comme d'une façon étonnamment similaire aux orchestres soviétiques d'alors (cf. la suite du Coq d'or de Markevitch / Lamoureux ou Chosta 11 de Cluytens / ORTF.)

On a bien dit (néo-)russisé et non soviétisé.

Je ne suis pas sûr que Sohkiev jouisse d'une réputation si enthousiaste que tu le dis, mais le boulot qu'il a fait avec un Capitole un peu déclinant (et aujourd'hui dans le top des orchestres les plus solides de France !), ou ses soirées avec le Bolchoï, sont clairement impressionnantes.

Ensuite, oui, ce n'est pas ton esthétique, c'est sûr !

DavidLeMarrec a écrit:

Je ne suis pas sûr que Sohkiev jouisse d'une réputation si enthousiaste que tu le dis

Je ne sais pas, c'est juste une impression que j'ai en parcourant régulièrement la rubrique concerts de classik. (Bien sûr, c'est un sacré biais: si classik était représentatif du goût majoritaire, on programmerait plus souvent Die Gezeichneten que La Traviata et les Heures persanes que les préludes de Rachmaninov.)

DavidLeMarrec a écrit:

Ensuite, oui, ce n'est pas ton esthétique, c'est sûr !

Ni tellement mon répertoire...

Globalement, il donne de très bons concerts, oui, mais je n'ai pas l'impression qu'il ait ses fans (à Paris du moins) au même titre que Barenboim, Nézet, Dudamel, P. Järvi, Blomstedt...

DavidLeMarrec a écrit:

au même titre que Barenboim

Ne jamais l'oublier, c'est vrai.

Vu ce qu'il coûte en cachets à la PP et la place qu'il prend dans la programmation annuelle, difficile de l'occulter...

Personnellement, en dehors de ses venues avec le Bolshoi (mais là, c'est plus l'ensemble qui me rend fou!), c'est la première fois que je le trouve aussi bon! Après, peut-être aussi qu'il y a les partitions et le fait que c'était mon premier concert symphonique depuis octobre 2019...