PP – Chin, Strauss, Mahler – Mäkelä, Davidsen OP 15-16/09/21

MERCREDI 15 ET JEUDI 16 SEPTEMBRE 2021 – 20H30
Grande salle Pierre Boulez, Philharmonie de Paris

Unsuk Chin – Spira, création française
Richard Strauss – Quatre Lieder, op. 27
Gustav Mahler – Symphonie n°1,« Titan »

Orchestre de Paris
Klaus Mäkelä, direction
Lise Davidsen, soprano
Elise Båtnes, violon solo invité

Premier concert de Mäkelä avec l'OP cette année, qui marquera son intronisation comme directeur musical. Il a amené dans ses bagages Elise Båtnes, konzertmeisterin du Philharmonique d'Oslo depuis 2006, que reconnaîtront les familiers des retransmissions de l'orchestre, avec ses cheveux courts et sa mine déterminée.

Un point violon à l'OP, justement : Philippe Aïche est souffrant, on ne l'a pas vu depuis plusieurs mois (Christian Merlin a eu une « pensée toute particulière » pour lui à son émission sur France Mu    ), le 2ᵉ violon solo Serge Pataud aussi (il n'a pas joué en 20-21), et avec Daugareil à la retraite il ne reste plus que l'autre 2ᵉ violon solo, Eiichi Chiijiwa, parmi le quatuor de tête. Par ailleurs l'orchestre doit pourvoir cette semaine les deux postes de chef d'attaque des seconds violons, recrutement qui traîne depuis déjà quelques années. Bref il y a pénurie.

C'est rare d'entendre les lieder de l'Op. 27 de Strauss (Ruhe, meine Seele!, Cäcilie, Heimliche Aufforderung et Morgen) joués ensemble, en recueil.


Le programme de salle : https://medias.orchestredeparis.com/pdfs/210914-enotes.pdf

J’y serai ! Premier concert depuis la rentrée. Espérons que la 1ère symphonie inspire plus Makela que la 5ème avec laquelle il avait fini la saison dernière.

Mahler 1 FAN-TAS-TIQUE ce soir!

Bravo monsieur Mäkelä.

Avec une 1er violon solo invitée, sans E.Picard ni P.Moraguès, c'était toutefois un orchestre de Paris d'une toute autre tenue que la semaine dernière!
Plus discipliné, et plus enthousiaste.

Voilà qui fait envie. Hâte d'entendre ça ce soir.

Xavier a écrit:

Mahler 1 FAN-TAS-TIQUE ce soir!

Bravo monsieur Mäkelä.

Avec une 1er violon solo invitée, sans E.Picard ni P.Moraguès, c'était toutefois un orchestre de Paris d'une toute autre tenue que la semaine dernière!
Plus discipliné, et plus enthousiaste.

Oui un très beau concert ! Avec la salle remplie, le programme copieux, le retour de l’entracte, on est revenu à des conditions normales et ça fait plaisir. Et en plus hier il y avait ce soupçon d’électricité dans l’air qui fait les grands concerts. Bon, retour en force des tousseurs également…
Superbe Mahler 1, ce que j’ai entendu de plus convaincant de Makela depuis son premier concert avec l’orchestre (concerto Grieg et 5ème Shostakovitch). Les lieder de Strauss étaient aussi beaux qu’attendus, malheureusement j’étais en latéral près de l’arrière-scène et du coup difficile de bien profiter de la voix de la chanteuse, pour les œuvres vocales c’est un placement pénalisant.
Ouverture de ma saison musicale très réjouissante malgré ce léger désagrément !

Avis partagé, mais nuancé : très beau concert en effet. Ambiance des grands soirs. C'était plein ou presque, même si j'avais reçu des offres promotionnelles la semaine passée, ce qui laissé douter du taux de remplissage.

Klaus Mäkelä encore plus élégant que d'habitude. Visiblement très heureux d'être là. Beaucoup d'énergie, de gourmandise. Il faut dire que c'était son premier soir, même si cette expression n'a pas vraiment de sens, dans la mesure où il a déjà dirigé l'orchestre de très nombreuses fois, sous différents statuts qui ne changent, finalement, pas grand chose.

J'y allais principalement pour la symphonie de Mahler, et le concert n'a vraiment décollé, pour moi, qu'après l'entracte.

Chin : je suis désolé, ce n'est pas faute d'avoir essayé, mais je suis totalement hermétique à ce genre de programme. Sur une vidéo Youtube du morceau, on peut lire que c'est une merveilleuse synthèse de plusieurs siècles de musique qui devrait plaire à des millions de gens ; dans le programme, on lit des termes dithyrambiques ("des textures complexes et une grande diversité de couleurs", "la sensation de pénétrer au coeur de la cellule génératrice, comme si elle l’étudiait au microscope", "des sonorités allant d’une harmonie consonante à des clusters bruiteux"...). Pour un acouphénique comme moi, ce fut pénible et douloureux.
Présence de la compositrice dans la salle, venue saluer.
Beau succès visiblement.

Strauss : je n'y connaissais rien et n'ai pas eu le temps (et l'envie) de l'écouter au disque au préalable. Disons qu'après ce premier morceau, n'importe quelle musique un peu harmonieuse m'aurait été agréable. C'était probablement très bien chanté, la chanteuse ayant été ovationnée.
Pas de rappel.

Mahler : quel beau moment ! Quelques craintes au premier mouvement : j'attendais peut-être plus de mystique, plus de profondeur, et surtout plus d'engagement. C'était probablement un peu mou. Mais, dès le deuxième mouvement, j'ai senti une sorte de déclic chez Mäkelä, une envie de faire décoller l'orchestre. Il n'a pas ménagé ses efforts et son énergie, allant les chercher très ouvertement pour leur insuffler l'ardeur manquante. Visiblement, cela n'a pas été facile, mais il a réussi. C'était la première fois que je voyais la 1ère en concert, donc quelques surprises pour moi : cuivres jouant hors scène dans le premier mouvement, autres cuivres jouant debout à la fin du quatrième mouvement... Vu les exigences de Mahler, il ne serait pas surprenant que ce soit à la partition. Bref, c'était dansant, entêtant, très bien mené, et à part ce premier mouvement, de très très bonne facture ! J'ai retrouvé le Mäkelä que j'avais aimé dans Sibelius 1, ou dans Chosta 5, et qui m'avait manqué dans Mahler 5 au printemps dernier, ou dans les concerts filmés de la saison.
Ovation marquée du public ! La compositrice du premier morceau était restée dans le public, et elle a bien marqué son enthousiasme.
Sorti en sifflotant, mélodies qui tournent en boucle dans ma tête depuis hier soir : signes d'un très bon concert.

Le morceau de Chin m’est aussi passé complètement au-dessus de la tête, alternance de bruissements de vibraphone frotté et de tutti d’orchestre fff, rien de mémorable. En revanche j’ai été hypnotisé par le ballet des 4 percussionnistes aux vibraphones, qui sont sollicités durant tout le morceau et alternent entre un très grand nombre d’instruments et de positions. Question d’ailleurs pour les spécialistes : pourquoi lorsque l’un faisait glisser l’archet sur le vibraphone, un autre venait de poster à côté de lui ? Je n’ai pas compris le rôle du second qui venait se mettre en « assistant » mais ne jouait pas de manière visible.

Rocktambule a écrit:

Chin : je suis désolé, ce n'est pas faute d'avoir essayé, mais je suis totalement hermétique à ce genre de programme. Sur une vidéo Youtube du morceau, on peut lire que c'est une merveilleuse synthèse de plusieurs siècles de musique qui devrait plaire à des millions de gens ; dans le programme, on lit des termes dithyrambiques ("des textures complexes et une grande diversité de couleurs", "la sensation de pénétrer au coeur de la cellule génératrice, comme si elle l’étudiait au microscope", "des sonorités allant d’une harmonie consonante à des clusters bruiteux"...). Pour un acouphénique comme moi, ce fut pénible et douloureux.

Pourtant, Chin, en général, à défaut d'être puissamment marquant, c'est plutôt inoffensif, dans le genre « atonalité internationale pas très radicale ».

(En revanche je ne sais pas pourquoi elle a tant de succès chez les programmateurs, alors que je ne connais personne qui aime passionnément sa musique, contrairement à Clyne, Boulez ou Glass.)

Citation :

donc quelques surprises pour moi : cuivres jouant hors scène dans le premier mouvement, autres cuivres jouant debout à la fin du quatrième mouvement... Vu les exigences de Mahler, il ne serait pas surprenant que ce soit à la partition.

Oui, tout à fait, c'est explicitement prévu par le compositeur !

(je vais regarder de près le vibraphoniste qui se tient là sans rien faire !)

Mailman a écrit:

Le morceau de Chin m’est aussi passé complètement au-dessus de la tête, alternance de bruissements de vibraphone frotté et de tutti d’orchestre fff, rien de mémorable. En revanche j’ai été hypnotisé par le ballet des 4 percussionnistes aux vibraphones, qui sont sollicités durant tout le morceau et alternent entre un très grand nombre d’instruments et de positions. Question d’ailleurs pour les spécialistes : pourquoi lorsque l’un faisait glisser l’archet sur le vibraphone, un autre venait de poster à côté de lui ? Je n’ai pas compris le rôle du second qui venait se mettre en « assistant » mais ne jouait pas de manière visible.

Il est là pour gérer et arrêter la résonance, je crois même que c'était expliqué dans le programme.

Sinon, d'accord avec ce qui a été dit sur la 1ère partie: Chin pas trop pénible, mais vraiment pas passionnant, les Strauss étaient très bien, mais c'est vraiment le Mahler qui était fantastique.

Merci Xavier ! En effet en m’y replongeant c’était bien expliqué. De ma place j’avais du mal à voir comment et sur quelle partie de l’instrument ils intervenaient.

Xavier a écrit:

Mailman a écrit:

Question d’ailleurs pour les spécialistes : pourquoi lorsque l’un faisait glisser l’archet sur le vibraphone, un autre venait de poster à côté de lui ? Je n’ai pas compris le rôle du second qui venait se mettre en « assistant » mais ne jouait pas de manière visible.

Il est là pour gérer et arrêter la résonance, je crois même que c'était expliqué dans le programme.

"En sus du percussionniste produisant les hauteurs, un second musicien est chargé de contrôler leur résonance et leur intensité en actionnant le moteur de l’instrument."

Arrivé fatigué, j'ai sommeillé pendant la pièce de Chin, qui m'a semblé ni bonne ni mauvaise dans les moments où j'avais les yeux ouverts.

J'entendais Lise Davidsen pour la première fois et j'ai été scotché par cette voix projetée sans effort apparent, ses aigus glorieux à faire tomber le plafond, et malgré tout la capacité à chanter piano et à plier sa grande voix à Morgen. On peut pinailler en disant que le format est un peu héroïque pour ces Lieder, mais bon... Je me disais en l'écoutant qu'elle avait vraiment la voix de Sieglinde, et si tout va bien je l'entendrai en mai à Vienne dans ce rôle (avec Stemme Skelton, Lundgren, dir. Kober).

Excellente première de Mahler, effectivement, bien plus engagée que la froide 5e de la saison dernière.

Y suis donc allé jeudi, avec des impressions proches des vôtres. Pièce de Chin plutôt agréable, mais qui s’est résumée pour moi à une alternance de passages agités et bruyants, traversés de clusters et de courtes rafales de timbres divers, et d’autres plus flottants où dominait le vibraphone. Comme souvent pour les œuvres contemporaines le sentiment d’un gouffre entre la difficulté d’écriture et d’exécution, et la perception assez confuse et sommaire de l’auditeur (moi). Mais ça s’écoutait sans déplaisir.

Je serai plus court sur les beaux lieder de Strauss, Davidsen a été par moments impressionnante mais sans vraiment me toucher. De ma place la voix n’était pas couverte, mais certains passages étaient clairement joués trop fort par l’orchestre. Très beau violon solo dans Morgen.

Symphonie très enthousiasmante, malgré un certain retard à l’allumage dans le premier mouvement, en particulier pour les bois. Comme Rocktambule, j’ai trouvé que c’était le mouvement le moins réussi. Pris lentement, comme aime faire Mäkelä, qui prend toujours soin de construire le discours. Dans les trois mouvements suivants j’ai été surtout frappé par les contrastes dressés par Mäkelä entre les différentes sections, en trouvant toujours le ton et les couleurs adéquats. J’ai été saisi par l’entame du troisième mouvement, pulsation lente mais implacable, ou par le trio du second. Magnifique quatrième mouvement, comme un concentré de toute l’œuvre de Mahler, à la fois plein de fougue et construit de façon limpide.

Au début du troisième mouvement, les musiciens ont fredonné le thème de Frère Jacques, à bouche fermée, très bas, à tel point que je me suis demandé si ce n’était pas une illusion auditive. Ça créait un halo d’hymne et de mystère très réussi.

Certains dans la salle ont trouvé ça épouvantable et l’orchestre très mauvais. Bon. Côté critiques Resmusica aimé et Marie-Aude Roux est déjà en grande forme dans le Monde (les commentaires de l’article sont bien aussi).

https://www.resmusica.com/2021/09/17/face-a-lorchestre-de-paris-klaus-makela-prend-ses-marques/
https://www.lemonde.fr/culture/article/2021/09/16/rentree-triomphale-pour-l-orchestre-de-paris-a-la-philharmonie_6094929_3246.html

(concert non enregistré. Je trouve qu'il devrait toujours y avoir au moins deux micros au-dessus de la scène, pour les archives de l'orchestre.)

mickt a écrit:

Certains dans la salle ont trouvé ça épouvantable et l’orchestre très mauvais.

Oui, j'ai lu des commentaires assez dépités sur les approximations de l'orchestre et l'intérêt de la direction de Mäkelä, de la part de gens pourtant d'ordinaires très bon public.

Je me suis demandé si c'était qu'il y avait eu une différence notable entre le mercredi vanté par Xavier et le jeudi où la plupart étaient… mais apparemment, ce n'est même pas là que se situe le clivage.

Et donc, quel serait ce clivage?

Du diable si je le sais.

J'ai simplement lu que tu disais que c'était parfait, immaculé, l'OP des grands jours pour mercredi. Que d'autres (pourtant pas du genre à râler) trouvaient que c'était vraiment flou et avec plein de fautes (nommément désignées), l'OP en mode rentrée, pour jeudi.

Je n'y étais pas (programme très souvent entendu, si je dois recommencer je le ferai avec une proposition très singuière ou des gens dont je sais par avance que je vais adorer ce qu'ils en feront ), donc je ne sais pas comment c'était, ni s'il y avait un écart entre les deux jours, entre les places… (Puisque apparemment, même pour jeudi, les avis sont diamétralement opposés.)

Chin : C'est sympa d'écouter ça dans une salle comme celle de la Philharmonie.

Strauss : Avant de lire les "critiques" des twittos, j'avais comme idée que la voix Davidsen ne correspondait pas aux Lieder de Strauss. Et je crois qu'à peu près tout le monde est d'accord là-dessus, mais elle a bien sûr une très belle voix; je pensais que du parterre je l'entendrais très bien, mais peut-être aurait-il fallu prendre une place un peu plus en hauteur.

Mahler : Je ne suis pas comme vous, qui en êtes à la 5000ème écoute de la première symphonie de Mahler, mais de ce que j'ai retenu le premier mouvement était assez ennuyant, les violons n'ont pas été à la hauteur (les moins bonnes depuis ma rentrée musicale !), et j'ai trouvé, dans l'ensemble, que ça manquait de couleurs.

DavidLeMarrec a écrit:

J'ai simplement lu que tu disais que c'était parfait, immaculé, l'OP des grands jours pour mercredi. Que d'autres (pourtant pas du genre à râler) trouvaient que c'était vraiment flou et avec plein de fautes (nommément désignées), l'OP en mode rentrée, pour jeudi.

Il y a eu quelques petits accidents de cuivres, mais ça c'est à tous les concerts, pour moi c'est autre chose que les déraillages et flous du concert Ravel de la semaine dernière, et surtout l'enthousiasme de l'orchestre, la conduite de Mäkelä étaient remarquables.
Après, l'état d'esprit de l'auditeur joue peut-être aussi, ça reste un paramètre important... et je ne suis pas dans une période blasée en ce moment. (et je suis triste pour ceux qui le sont, après les mois de salles fermées que nous avons eus)
Mais faire la fine bouche sur la 1ère entendue mercredi, ça me semble vraiment étonnant. (et je serais effectivement étonné que jeudi ait été 10 fois moins bon)
Ou alors il ne faut plus rien écouter après Bayreuth et Berlin, c'est peut-être ça...

Critiques parues ces derniers jours : Anaclase a « grandement apprécié l’indéniable hausse de niveau de l’Orchestre de Paris dans la perfection des traits solistiques et l’éminente complicité des musiciens », moins « l'approche hédoniste » de Mäkelä. Forum Opéra a aimé l'approche peu métaphysique et terrienne de Mäkelä mais remarqué de « menus problèmes de mise en place ». Bachtrack loue la « vision, presque boulézienne, d’un amoureux de la grande forme et de la parfaite superposition des timbres » et « les qualités d’architecte de Mäkelä » mais note « des attaques un peu brouillonnes, un certain manque d’unité, parfois, dans les pupitres de cordes (les plus tatillons auront remarqué les deux ou trois violonistes caracolant sur leur corde de la, alors que Mahler a indiqué qu’il devait être joué sur la corde de sol !), et un premier mouvement mal digéré, à la forme étonnamment peu lisible. »

Ceux qui n'y étaient pas, débrouillez-vous avec ça.

http://www.anaclase.com/chroniques/création-française-de-spira-d’unsuk-chin
https://www.forumopera.com/lise-davidsen-lieder-paris-philharmonie-si-jeunes-et-pourtant
https://bachtrack.com/fr_FR/critique-mahler-strauss-chin-makela-davidsen-orchestre-de-paris-philharmonie-septembre-2021