PP - Glass - Labèque - 07/11/2021

Programme
Philip Glass
Four Movements for Two Pianos
Les enfants terribles (arrangements Michael Riesman)

Distribution
Katia Labèque, piano
Marielle Labèque , piano

Les mots vont me manquer pour expliquer à quel point j'ai été bouleversé par ce concert.

Il faut déjà dire que je ne rate quasiment aucun concert des sœurs Labèque, et ce, depuis que je m'intéresse à la musique classique. Je les ai vues un nombre assez incalculable de fois, dans toutes les salles possibles, et avec des expériences de ravissement assez variées : des concerts sans intérêt (concert pour enfants au TCE avec du Ravel et un Carnaval des animaux avec un Gaspard Proust horripilant), des concerts "de routine" (concerto de Poulenc joué tellement de fois qu'il en devient une rente alimentaire, créations de concertos qui ne m'ont pas transcendé), et bon nombre de concerts absolument exceptionnels (je pense notamment à la tournée du Sacre du printemps, au TCE, à RF, puis au studio de la PP, qui m'a littéralement fait entrer en transe ; concerto de Bruch…).

Philip Glass : je l'ai découvert par hasard, allant à un concert de Patti Smith, à Edimbourg. Il s'agissait en fait d'un concert / lecture, où alternaient chansons, lectures et morceaux au piano. J'avais trouvé Philip Glass particulièrement ennuyeux, assez sinistre, avec des morceaux étirés à souhait, répétitifs et longs, longs, longs… Public en délire, j'avais bien conscience d'avoir raté quelque chose.

En rappel à leur Sacre du printemps au TCE, les sœurs Labèque avaient joué un mouvement des 4 mouvements pour 2 pianos. Ce rappel m'avait enflammé, au point que j'étais resté pour la dédicace à l'issue du concert. Elles m'avaient conseillé malicieusement d'acheter leur disque Minimalist dream house, en version 3 CD. Ce disque ne m'a pas quitté depuis : outre les morceaux de Glass, on y trouve des œuvres modernes d'exception (Skepton, Duckworth, Nyman…), qui rappellent que les Labèque ont commencé leur carrière par de la musique contemporaine (Messiaen, Berio…), et quel rôle elles ont pu jouer et jouent encore dans ce répertoire, à côté de leur travail de défrichage du répertoire complet de l'œuvre pour 2 pianos avec leur label KML Recordings.

J'ai bien sûr acheté le disque Les enfants terribles sorti l'année dernière. Une première écoute inattentive me l'avait fait rapidement ranger sur étagère, musique planante typique de Glass, sans grand intérêt apparent. J'ai toutefois réservé sans hésiter pour ce concert, principalement alléché par les 4 mouvements pour 2 pianos.

C'est dans cet état d'esprit que je me suis rendu au concert dimanche, n'ayant pas franchement envie d'y aller, et ayant même un peu hésité à mettre ma place sur la bourse aux billets (fatigue et lassitude…). Public assez dense, je ne m'y attendais pas. Public de dimanche après-midi aussi, deux enfants avec des sachets de bonbons, juste devant moi, m'ont obligé à un heureux replacement sur le nuage de catégorie 1.

4 mouvements pour 2 pianos : magnifiques ! Les mouvements 3 et 4 sont particulièrement saisissants. Une recherche permanente des points de rupture, de couleurs subtiles, de rythmes tranchants notamment dans les transitions, le programme indique "éclats squelettiques" et "kaléidoscope sonore" ! C'est difficile de parler de cette musique, car elle ne fait appel à aucun programme ni à aucune référence culturelle particulière. C'est juste beau, avec des climax puissants, joués avec passion, par deux douces sorcières toutes de noir vêtues.

Les enfants terribles : c'est la lecture du programme pendant le concert qui a tout déclenché. Je ne connaissais le roman de Cocteau que de nom. Le résumé de l'intrigue, couplé au nom des différents mouvements, m'ont tout de suite bouleversé. Paul est mourant est une plainte lente, monotone, mais aussi obstinée, grave et mélodieuse. Il y a à la fois la simplicité apparente d'un discours d'enfant, l'imaginaire, la naïveté, le profond désespoir indicible aussi… On y entend les jeux des enfants terribles, poussés jusqu'à l'ivresse, jusqu'à la nausée, une liberté sans cadre qui rend malheureux. Il n'y a sur scène que deux pianos et deux pianistes, mais il y a aussi tellement plus que cela. Tout un décor magique apparaît ! Musique tour à tour désuète, entêtante, parfois pénible, jusqu'au sublime, conformément au propos.
Tellement de passion dans le jeu des sœurs Labèque ! Elles s'effacent totalement : on est loin ici des sautillements effrénés ou des effets de bras qu'elles peuvent parfois montrer en concert (notamment avec le concerto de Poulenc, ou la Rhapsody in blue). Elles sont concentrées et fascinées par leur jeu, tournant parfois les pages de leur partition sans jamais lever un regard, sans se déconcentrer.
Toute la gamme des sons pianistiques est convoquée, un toucher à la fois métallique, brutal, des graves rocailleux, et à d'autres moments d'une douceur infinie, avec un soin tout particulier aux développements mélodiques.
La musique de Glass est vraiment réussie. Il faudra que j'écoute l'opéra en version chantée.

Deux rappels :
- le Jardin féérique de Ravel, à 4 mains : pour boucler le sujet de l'enfance et de l'imaginaire,
- Jet song de West Side Story de Bernstein : pour boucler le sujet de l'amour difficile ou impossible, et le week-end des pionniers américains organisé par la PP, avec un de leurs "tubes".

Désolé, je n'ai pas pu m'empêcher de raconter un peu ma vie, ou d'être trop lyrique, mais c'était un magnifique concert qui m'a bouleversé et qui me travaille encore ! J'ai bien entendu ressorti le CD de l'étagère ! Il vaut le coup.

Merci pour ce beau compte rendu. J'avais entendu les Labèque donner du Glass en bis d'un concerto, un des Quatre mouvements joués dimanche je crois, et en effet j'avais trouvé ça très prenant, martelé jusqu'à des climax très "physiques". En écoutant ça au disque je ne retrouve pas vraiment cette impression, j'entends plus le côté trop "facile" qui me détourne de Glass, mais ça devait être très bien en salle. (par contre je crois que Glass n'est pas franchement la coqueluche du forum.    )

Rocktambule a écrit:

Philip Glass : je l'ai découvert par hasard, allant à un concert de Patti Smith, à Edimbourg.

 

mickt a écrit:

(par contre je crois que Glass n'est pas franchement la coqueluche du forum.    )

J'ai cru comprendre, en effet ! J'espère que mon compte ne sera pas radié pour autant !

Rocktambule a écrit:

mickt a écrit:

(par contre je crois que Glass n'est pas franchement la coqueluche du forum.    )

J'ai cru comprendre, en effet ! J'espère que mon compte ne sera pas radié pour autant !

Je corrige : Glass n'est vraiment pas la coqueluche de David. Ecouter et/ou parler de Glass en présence du est considérer comme du trollage de très haut niveau (style 8 sur une échelle de . C'est pas de bol pour notre national, parce que le Monsieur est quand même donné régulièrement sur les scènes françaises et étrangères. Rien que vendredi et samedi il y aura du Glass dans un ou deux des trois concerts que donneront Vanessa Wagner et ses comparses au Théâtre Auditorium de Poitiers

luisa miller a écrit:

Je corrige : Glass n'est vraiment pas la coqueluche de David. Ecouter et/ou parler de Glass en présence du   est considérer comme du trollage de très haut niveau (style 8 sur une échelle de . C'est pas de bol pour notre national, parce que le Monsieur est quand même donné régulièrement sur les scènes françaises et étrangères.

Je corrige: Glass n'est vraiment pas la coqueluche de Xavier, non plus. (Ni la mienne, au demeurant.)

Mais il y a aussi des gens sympa qui aiment ça (Alifie, Octavian, Parsifal, Ravelavélo...) ou qui ne détestent pas complètement, ou pas tout (Mefistofele, Roupoil...): preuve que Rocktambule ne risque rien, en fait.

(Cololi, c'est un peu différent: il n'en dit du bien que quand il utilise son compte GilSplash.)

luisa miller a écrit:

Rien que vendredi et samedi il y aura du Glass dans un ou deux des trois concerts que donneront Vanessa Wagner et ses comparses au Théâtre Auditorium de Poitiers

Avec Vanessa Wagner, du moment que tu es entre le troisième rang et le fond de la salle, ce n'est vraiment pas un problème.

Je vois bien votre petite tentative de me faire dire mon avis sur Glass, mais j'aurais peur de me répéter.

Tu veux dire que Glass pourrait facilement mettre en musique le jugement que tu portes sur lui?

Spoiler:

DavidLeMarrec a écrit:

Je vois bien votre petite tentative de me faire dire mon avis sur Glass, mais j'aurais peur de me répéter.

Blague à part, si tu n'es pas plus sage que cela, je vais te chercher dans ton fin fond de cambrousse et je t'embarque avec moi au week-end pianos piano du théâtre de mon patelin

DLM, notre maître à tous

Benedictus a écrit:

luisa miller a écrit:

Je corrige : Glass n'est vraiment pas la coqueluche de David. Ecouter et/ou parler de Glass en présence du   est considérer comme du trollage de très haut niveau (style 8 sur une échelle de . C'est pas de bol pour notre national, parce que le Monsieur est quand même donné régulièrement sur les scènes françaises et étrangères.

Je corrige: Glass n'est vraiment pas la coqueluche de Xavier, non plus. (Ni la mienne, au demeurant.)

Mais il y a aussi des gens sympa qui aiment ça (Alifie, Octavian, Parsifal, Ravelavélo...) ou qui ne détestent pas complètement, ou pas tout (Mefistofele, Roupoil...): preuve que Rocktambule ne risque rien, en fait.

Je ne sais si je peux être qualifié de gens sympa, mais je confirme ne pas conspuer Glasss. J'irais même dire que j'aime passionnément les concertos pour violon et Koyaanisqatsi, par contre, le peu de piano que je connais (Études) m'est strictement insupportable. Le message introductif m'intrigue, me voici fort curieux à l'endroit des disques Labèque. Je vais me pencher sur le sujet...