PP – Mahler 9 – Bamberg, Hrůša – 16/01/22

Dimanche 16 janvier 2022 – 16h30
Grande salle Pierre Boulez, Philharmonie de Paris

Gustav Mahler – Symphonie n° 9

Bamberger Symphoniker
Jakub Hrůša, direction

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Un des concerts que j’étais le plus curieux d’entendre cette saison, après avoir raté la 3e de Mahler par les mêmes il y a trois ans, et en sachant que Hrůša me paraît parfois un peu neutre.

Et ce fut de toute beauté : on a entendu dès l’entame une clarté, un équilibre entre pupitres impressionnants. Les timbres de chacun se détachent mais toujours pour s’inscrire dans le discours d’ensemble, on garde toujours une ligne, une continuité dans la circulation des thèmes et les tuilages de Mahler. Les dialogues entre solistes de l’orchestre sont d’une grande concentration, et donnent un sentiment d’évidence et d’attention au jeu de l’autre chambristes.

Les mouvements centraux sont ceux qui me plaisent le moins, je ne pense pas faire exception, mais ici ils m’ont convaincu. On y trouve toujours la même lisibilité et la même précision, vraiment virtuoses par moments, mais aussi des contrastes qui les animent, par exemple dans les passages les plus forts du deuxième mouvement, qui surprennent presque par leur fougue. Les cordes ont une variété dans leurs attaques et dans leurs articulations, et une cohérence, bluffantes. Comme le son reste plutôt clair, les contrebasses sont moins présentes que chez d’autres orchestres allemands, elles sonnent plus douces (à un moment elles étaient si parfaitement synchronisées dans les pizz' avec les harpes de l’autre côté de la scène que j’ai cru à une sorte d’écho. J’oublie le mouvement pardon.)

Après un si beau début, on espérait bien entendu un finale de la même eau, et on n’a pas été déçus. La coda et ses moments impalpables / ineffables ont été tenus magnifiquement (beauté et équilibre des pianos et pianissimos), lumineux plutôt que désespérés. On souffre quand on voit les violons tourner la dernière page de leur partition.

Superbe concert, une lecture maîtrisée et complètement assimilée par l’orchestre. Comme auditeur, ce caractère si abouti ouvre un accès direct, évident à la musique (enfin, c'est mon impression).  Public très concentré malgré un téléphone au début du premier mouvement et un autre à la fin du dernier (mais pas sur les tout derniers accords heureusement), salle quasi-pleine.

La palme pour la piccoliste et le pupitre de cors. Par ailleurs j’ai remarqué que Hrůša fait partie des chefs aujourd’hui qui dirige le plus en avance sur le temps. C’était net dans le premier mouvement mais c’est allé en diminuant m’a-t-il semblé.

C’était diffusé en direct : https://live.philharmoniedeparis.fr/concert/1135235/

Magnifique concert ! Plus d'une heure et demi de musique, je n'ai pas vu le temps passer.

Tout a été dit et très bien dit par Mickt.

C'est une symphonie que je connais encore mal, mais que je ne pouvais pas manquer : j'ai tenté de me concocter un "mois Mahler" (Mahler 3 par Chung : annulée, Mahler 1 par Dudamel, Mahler 1 encore à la Seine Musicale, Mahler 4 par Macelaru... j'en oublie peut-être).

Quelques envies de meurtre : deux téléphones, aux moments les plus tendus, les plus diaphanes. Lors des premières notes de la symphonie : le chef l'a entendu, j'ai même cru qu'il allait interrompre et reprendre. A la fin : c'était impardonnable, vraiment... Après une heure et demi de progression, de tension, de déroulé dramatique, un téléphone qui vient briser cette communion, c'est un vrai scandale. Je me demande à quoi pensent les gens qui laissent leurs téléphones allumés : ce sont sûrement des débiles profonds, avec tous les rappels qu'on nous fait...

La fin, exceptionnelle, impalpable, à peine audible, un vrai moment suspendu, baguette relevée pendant plusieurs très longues secondes après les dernières notes... Malheureusement, quelqu'un n'a pas pu s'empêcher d'applaudir (sinon, on y serait sûrement encore...). Un ou deux tousseurs et un talkie-walkie (encore, ils ne peuvent pas régler ça définitivement ?) ont tenté de briser cette harmonie, mais sans succès.

C'est un morceau qu'il vaut mieux entendre en concert qu'au disque. J'y ai pris infiniment plus de plaisir hier que chez moi avec mon casque. Gros effectif, variété de l'orchestration. Hier, tout était magnifique, les cloches, les harpes, le piccolo effectivement... Vraiment beaucoup d'émotion dans cette partition, où l'on apprend, à la lecture du programme de salle, qu'elle transcrit le deuil de la fille de Mahler et ses problèmes de couple avec Alma.

Tempo plutôt lent par rapport à ce que j'ai entendu au disque, compensé par une densité et une intensité rares. Pas un moment n'était relâché, pas un moment n'était vide de sens. Approche extrêmement lisible, comme l'a souligné Mickt. Gros investissement du chef (en nage), qui a été vivement applaudi.

Chef que je découvrais : discographie assez impressionnante à laquelle je vais m'atteler !

Beaucoup de monde effectivement, y compris des enfants, mais public relativement calme, malgré les tousseurs et sonneurs déjà mentionnés. Je me suis fait la réflexion que les gens remuent moins lorsque la musique est bonne, ce qui se vérifie assez souvent. Ambiance des grands soirs dans le hall, difficile à décrire, mais outre le fait qu'il y avait beaucoup de spectateurs, on sentait qu'ils étaient venus pour un concert important. Tout le métro ne parlait que du concert, ça fait plaisir !

Pas déçu non plus, et même très heureux de ce que j'ai entendu. Bamberg est une petite ville satellite de Nuremberg, et avec ses 77 000 habitants, que nul ne méprenne le Bamberger Symphoniker pour l'équivalent français d'un Orchestre Philharmonique de La Rochelle ou d'un Symphonique de Cherbourg. Bien avant la date officielle de sa fondation (1946) le Bamberger Symphoniker, par son recrutement, plonge de lointaines racines dans la fosse du Théâtre des Etats de Prague, où ont dirigé Mozart, Weber, Wagner et... Mahler.

Et maintenant, Hrůša qui nous a offert hier une performance exceptionnellement préparée, toujours inspirée, lisible même dans les passages les plus fougueux (la fin du 3. !), une interprétation s'appuyant sur les fondations d'un pupitre de cordes de très haut niveau, alors même que les règles de distanciation cassaient les traditionnels binômes par pupitre et pouvaient faire craindre une moindre cohésion (orchestre étalé et scène abaissée au niveau du 1er rang). Mention spéciale aux solistes (en espérant que ma vue depuis les 2ème balcon ne m'ait pas joué des tours) : Ilian Garnetz (1. Violine, 1. Konzertmeister), Lois Landsverk (Viola, Solo), Ulrich Witteler (Violoncello, Solo).

Les mesures finales de la Neuvième sont légendaires et font partie des expériences les plus poignantes en concert, jamais égalables au disque surtout lorsqu'elles sont suivies d'un silence de 2 minutes (Abbado et Lucerne, 2009, sur YT). Nous n'avons pas eu un silence aussi long hier soir mais le public a quand même respecté cet ultime et ineffable silence pendant presqu'une minute.

Très belle captation vidéo :

https://live.philharmoniedeparis.fr/concert/1135235/

Rocktambule a écrit:

C'est un morceau qu'il vaut mieux entendre en concert qu'au disque. J'y ai pris infiniment plus de plaisir hier que chez moi avec mon casque.

Moi ça fait partie de mes œuvres de chevet (c'est peut-être même ma symphonie préférée), mais jusqu'à hier je n'avais jamais été totalement transporté et satisfait en concert. Je me rends compte que ce n'est pas une œuvre facile à réussir du tout, on a vite fait de perdre la vue d'ensemble, de se décaler etc...

(mais je n'avais entendu que des interprétations récentes, à Paris, qui ne resteront pas forcément dans les annales : Haenchen, Jordan, Harding, Chung, tous recensés sur le forum.)

Citation :

j'ai tenté de me concocter un "mois Mahler" (Mahler 3 par Chung : annulée, Mahler 1 par Dudamel, Mahler 1 encore à la Seine Musicale, Mahler 4 par Macelaru... j'en oublie peut-être)

Il y a aussi la 5e par Saraste et l'OP cette semaine.

Actéon a écrit:

Mention spéciale aux solistes (en espérant que ma vue depuis les 2ème balcon ne m'ait pas joué des tours) : Ilian Garnetz (1. Violine, 1. Konzertmeister), Lois Landsverk (Viola, Solo), Ulrich Witteler (Violoncello, Solo).

Tout bon, et je rends hommage au pupitre de seconds violons que j'avais face à moi : magnifiques et denses dans une partition qui les sollicite énormément.

(    Actéon)

Critique sur Bachtrack : https://bachtrack.com/fr_FR/critique-mahler-9-hrusa-bamberger-symphoniker-philharmonie-paris-janvier-2022

Incroyable concert! de loin ma meilleure 9ème en Live, surtout après le décevant Makela récemment.

Je partage tout ce qui a été dit plus haut (y compris la rage contre les téléphones aux deux pires moments, il faudrait les fusiller!!). Concernant les tempos, j'ai fait l'exercice de séparer les pistes des 4 mouvements, et nous avons une Neuvième pour moi idéale, avec un 1er mouvement en 29 minutes (proche de Giulini et Maderna dans mon esprit) et un Adagio en 25 minutes (le compromis parfait cette fois entre un Giulini à 30 et un Maderna à 21), et des mouvements centraux plutôt (II) voire très (III) rapides.

Mélancolie et tension toujours présente dans un premier mouvement dirigé par un chef parfois véritable derviche tourneur, Ländler mené sur un vrai tempo dansant, réminiscence de belle soirées, un Rondo véritablement sauvage, il n’y a pas d’autre mot - jamais je n’aurais cru voir en live un chef aussi véloce, digne des gloires discographiques passées, en ces temps où les chefs dirigent de plus en plus lentement - et Adagio poignant mené par un chef véritablement possédé, qui est resté immobile pendant près d’une minute après la dernière note, pour mieux apprécier la réconciliation de l’homme et du monde qu’il venait de matérialiser, avant d’être longuement ovationné par un public dont j'aime penser qu'il se savait témoin de quelque chose d’historique.

Une version que je réécouterai souvent, sans aucun doute.

Vous avez tout dit et de très belle façon
Concert extraordinaire, inoubliable, qui ridiculise les autres Mahler 9 entendues récemment à Paris (les mêmes que mickt).
Encore sous le choc 48h plus tard!

tomseche89 a écrit:

Encore sous le choc 48h plus tard!

Je dois dire que j'y pense encore également... La réécoute sur le site est un vrai régal, et la comparaison avec les versions disques que je possède (Karajan, Barbirolli) s'avère plutôt violente !

Pohjola a écrit:

de loin ma meilleure 9ème en Live, surtout après le décevant Makela récemment.

En public Mäkelä n'a fait que 1 et 5. Il a joué la 9 aussi mais ce n'était que diffusé en ligne.

Rocktambule a écrit:

La réécoute sur le site est un vrai régal, et la comparaison avec les versions disques que je possède (Karajan, Barbirolli) s'avère plutôt violente !

J'attends encore un peu avant de réécouter. C'est terrible mais le son de l'enregistrement peut avoir tendance à remplacer le souvenir du concert (chez moi en tout cas).

Le Karajan tardif avec Berlin fait partie de mes versions préférées (cordes de folie bien sûr). Je ne sais plus si j'ai écouté Barbirolli mais ça doit être moins au point techniquement que Bamberg.

mickt a écrit:

J'attends encore un peu avant de réécouter. C'est terrible mais le son de l'enregistrement peut avoir tendance à remplacer le souvenir du concert (chez moi en tout cas).

Un peu comme des photos qui tendraient à remplacer un véritable souvenir !

Bon, je suis un peu dégoûté de ne pas avoir pu y aller.

Assez grandiose alors que j'avais des réserves sur sa 3e.
J'ai davantage adhéré au mouvement général : le I s'est détaché, me faisant un peu peur pour la suite mais on entendait tout !
Le II et le III étaient fabuleux

tomseche89 a écrit:

Concert extraordinaire, inoubliable, qui ridiculise les autres Mahler 9 entendues récemment à Paris (les mêmes que mickt).

Le résumé en meme.