Medtner : discographie

Voici un compositeur russe longtemps oublié des mélomanes. Et pourtant, son œuvre, coincée entre Rachmaninov (qui l'admirait au point de lui dédier son 4ème concerto) et Scriabine, vaut vraiment le détour par la richesse de ses thèmes mélodiques comme par le spleen typiquement slave qu'elle véhicule. Pour ma part, c'est par l'intermédiaire du pianiste Yevgeny Sudbin que je l'ai découvert.

Cet artiste russe que j'admire et qui a notamment gravé des récitals Scriabine et Rachmaninov couverts de lauriers par la presse anglo-saxonne et américaine, vient d'achever une intégrale des concertos de Medtner entamée en 2007. On y retrouve les caractéristiques habituelles de son jeu : toucher typiquement russe au fond du clavier avec de belles envolées lyriques mais aussi des allègements miraculeux rehaussés parfois par un usage parcimonieux de la pédale dans la lignée d'un Horowitz. Bref un très grand pianiste qui vous tient en haleine tout en préparant à fond ses enregistrements (il a mis plusieurs années avant d'enregistrer le 3ème concerto car il souhaitait trouver un chef susceptible de faire un travail en profondeur sur cette œuvre rarement enregistrée).

Bref, si vous aimez le Rach3, tentez le Medtner3 qui n'est pas sans rappeler la douloureuse nostagie russe de son ainé et poursuivez l'aventure avec les deux autres concertos :



A noter aussi, l'existence de deux gravures mythiques et volcaniques du premier et troisième concerto par le tandem Nikolayeva/Svetlanov qui valent le détour en dépit d'une prise de son un peu dure et moins confortable (Melodiya du début des années 60) :

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Nikolai Medtner: Mélodies oubliées
Cycles pour Pianoforte Op 38 & 39 / 2004
Irina Ossipova

On ne parle pas souvent de Medtner, c'est vrai que ses sonates sont complexes,parfois interminables et souvent pas toujours faciles à trouver,pourtant ,elles méritent à la longue,d'être explorées et l'on en est bien récompensé.Pour ceux qui ne connaissent pas, un bel album très poètique ,pour entrer dans cet univers particulier mais très riche et attachant.

Un compositeur en effet assez largement ignoré... et pourtant ses concertos pour piano (la seule partie de son oeuvre que j'ai déjà écoutée) valent le détour... entre Rachmaninov et Scriabine, mais en plus "classique" ; pour moi, moins séduisants que Rachmaninov, ou surprenants que Scriabine. Mais une musique très intéressante, "fouillée" et moins pathos que Rachmaninov (que malgré tout j'adore).
Je suis assez curieux des CONCERTOS 2 et 3 par le compositeur lui-même et le Philharmonia Orchestra dir. par  Issay Dobrowen (1947). Si quelqu'un a déjà écouté cela ?

Je rejoins cette description une sorte de Rachmaninov plus sophistiqué et abstrait, très lyrique mais pas très mélodique. J'ai beaucoup aimé quand je l'ai découvert (ça permet d'éviter le petit malaise du surépanchement), mais je n'y reviens pas beaucoup, c'est à la fois un peu sirupeux et un peu élusif.

J'étais persuadé d'avoir parlé de ses Lieder, mais je n'ai pas retrouvé...bizarre!  

Détails:

Autre beau disque de Romances de Medtner par Lydia Chernykh

Rubato a écrit:

J'étais persuadé d'avoir parlé de ses Lieder Songs, mais je n'ai pas retrouvé...bizarre!  

J'ai retrouvé; c'est ici

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Bon ,c'est un peu ouvrir une porte ouverte , que de dire du bien de ce coffret,des sonates de Medtner par Marc-André Hamelin, surtout que je n'ai écouté que le premier disque, l'ayant reçu très récemment.Mais franchement je trouve ça superbe, d'abord le son du piano et la façon très  poètique dont joue Hamelin.On a beaucoup parlé de l'école russe de piano, mais si l'on écoute de plus près tous ces pianistes célèbres,on s'aperçoit qu'ils avaient chacun ,une façon de jouer très différente, le jeu de Neuhaus n'a rien à voir avec celui de Feinberg ou bien Richter n'a rien à voir non plus avec  Horowitz.Sans parler de Sofronitsky qui était lui aussi ,complètement à part.
Medtner était lui-même un bon pianiste et sa musique ,surtout ses sonates, reste très riche,imaginative,pleines de difficultés  pianistiques ,mais  pour moi ,jamais ennuyeuse . On a beaucoup  souligné chez lui et dans cette musique "le chromatisme saturé,un  goût pour les ornements expressifs,la  virtuosité étourdissante, avec en plus  un art de la divagation harmonique". Bertrand Boissard
Comme toute musique romantique, de virtuosité et de finesse,elle fait la part belle ,aux interprètes et aux différentes sensibilités et c'est ,en la réécoutant souvent ,qu'on s'aperçoit de la richesse de ces oeuvres et des possibilités variées,qu'elles offrent à l'auditeur .
Ici ,dans les deux premières sonates, il y a vraiment une évidente osmose avec M.A Hamelin et une appropriation lucide et  naturelle de ces deux oeuvres.

Autant ,j'avais réussi a bien appréhender la 1ère sonate,déjà dans la belle version de Lucas Debargue, autant avec la deuxième sonate ops 11,dite Triade (trois petites sonates en une seule )J'avoue ,j'ai plus de mal. L'oeuvre est dédiée, après avoir été composée, à son beau-frère qui s'est suicidé et s'inspirerait  d'un poème de Goethe" La Trilogie de la Passion ". A Werther, Elégie, et Reconciliation.
Reconnaître pour moi ce programme est plutôt difficile pour l'instant,,mais j'ai bon espoir d'y arriver un jour.
Trois petites sonates séparées qui forment un tout ,dans cette Triade , mais qui échappent toutes  à la facilité, la troisième est d'une efficacité redoutable,autant elle est forte et touchante.
En fait tous ceux qui écoutent les sonates trouvent ,dans l'ensemble que c'est une musique difficile à assimiler pour l'oreille et que c'est un compositeur diffus, ou l'on a du mal à se retrouver et je peux pas leur donner tort .C'est vrai qu'on y perd un peu, ses repères habituels.
Bref, pour en revenir au début,c'est  une oeuvre complexe, riche et qui ne se livre pas facilement. Surtout si l'on se dit ,qu' on est simplement en face ,en tout et pour tout de, seulement 24 minutes de piano,et bien pour moi,après nombre d'écoutes  le combat reste rude.
Hamelin est remarquable de justesse et de sensibilité .Il adapte remarquablement son piano à l'oeuvre.

Le pianiste australien Goeffrey Tozer  ( 1954-2009 ) n'est pour moi hélas,pas assez connu ,et c'est bien  dommage,car,Il a laissé de très belles choses ,comme des enregistrements de Roberto Gerhard, de Busoni de Bartok et de nombreux autres compositeurs. Très tôt ,il s'est intèressé  et pris de passion pour la musique de Nicolaï Medtner,qu'il a servi vraiment passionnément et amoureusement toute sa vie, bien trop courte.Sa version des sonates ne peut laisser indifférent,celui qui aime les oeuvres complexes ,riches et subtiles ,telles que les sonates de Medtner.Tozer a aussi enregistré les concertos ,plus la musique de chambre.Le coffret de ces sonates ,est désormais difficile à trouver, mais sur YT ,on peut les écouter et même les comparer, à d'autres versions.

Pour en savoir plus / http://www.geoffreytozerlegacy.com/recordings.html

https://youtu.be/9E3reaOoLA0

Version vraiment magnifique de la sonate-ballade op 27 par un pianiste russe, Leonid Brumberg (1925-2010 ) assez peu connu , mais remarquable dans cette oeuvre et dans d'autres d'ailleurs . On la trouve à la fois sur YT et sur le site consacré à Medtner / https://www.medtner.org.uk/downloads.html

Leonid Brumberg 1970 / Sonate-ballade op 27 / Sur YT / https://youtu.be/QCGe17daQMg

Il est interessant aussi de parler d'Edna Amy Iles (18 mai 1905 - 29 janvier 2003),pianiste anglaise ,élève et amie du compositeur, qui a laissé des bandes privées de ses enregistrements, qui si ,ils ne sont pas tous remarquables, délivrent un peu la parole et le testament du maître .Je dis qu'ils ne sont pas remarquables, c'est un peu faux,car pour les sonates, on a vraiment la direction et l'intensité  des oeuvres de Medtner et c'est passionnant. Mais d'autres pianistes, comme Geoffrey Tozer ou Hamelin ,y ajoutent  ,la beauté ,la prestance et l'efficacité du jeu du piano,bref le métier, mais les enregistrements de Iles , pour qui aime Medtner ça reste indispensable et très interessant à connaître.

Pour en savoir plus sur Edna Iles  / https://en.wikipedia.org/wiki/Edna_Iles

Pour l'écouter / https://youtu.be/vl4Z8NXJXyc

                    / https://youtu.be/x3_9y8djByA

Je n'avais pas vu qu'il y avait aussi sur YT une version de la Sonate-Ballade Op. 27 par Medtner lui-même,et c'est très enrichissant, passionnant même, plus pour qui connait déjà l'oeuvre.Il n'est pas perdu dans la richesse des thèmes et des entrecoupements de cette oeuvre complexe.D'ailleurs, on ne peut vraiment pas reprocher à un compositeur d'être complexe, au contraire cette complexité m'attire et me pousse à aller plus loin.Pour au final ,en être récompensé.D'ailleurs les commentaires cités ,sous cette oeuvres, semblent un peu paumés et montrer le désarroi à l'écoute .Bien que certains autres ,conseillent aussi âprement de perséverer et ils ont raison. Quoiqu'il en soit ,on ne se plaindra pas d'avoir un enregistrement de Medtner de ses propres oeuvres.

Pour l'écouter / https://youtu.be/tR7G0FNFDgQ

PS/ si l'on regarde sérieusement la discographie de Medtner, il a beaucoup été enregistré en 33 tours, surtout la sonate la réminiscenza, qui par sa brève durée, pouvait plus satisfaire un public néophyte,bien qu'elle ne soit pas si simple que ça. Bref pas mal d'enregistrements 33 tours ,qu'on a du mal à dénicher aujourd'hui.

Autre grand défenseur acharné de la musique de Medtner,Hamish Milne , pianiste anglais ,qui est mort,il y a deux ans à 80 ans je crois.Il s'était spécialisé surtout dans la musique classique  peu jouée, commme celle de Reubke,Lyapunov,et d'autres.Son coffret consacré à Medtner reste une mine d'or pour les amoureux du compositeur.

« J’aimerais pouvoir jouer du piano comme Bill Evans et Ahmad Jamal ; mais j’aimerais aussi pouvoir chanter comme Flagstad – certaines choses ne sont tout simplement pas possibles » (Hamish Milne)




Pour l'écouter / https://youtu.be/milne/ medtner
Hamish Milne plays Medtner - Piano Sonata in G minor op. 22 (1986)

Nikolay Medtner - "Sonata Romantica" op. 53 nr. 1 (Vasily Gvozdetsky - piano)

Vasily Gvozdetsky est un excellent pianiste et un ardent défenseur des oeuvres pour piano de Medtner.
Pour cela ,Gvozdetsky a créé la socièté dédiée au compositeur (https://www.medtner-gesellschaft.de),mais qui n'a rien à voir non plus avec le site plus ancien,consacré à Medtner (https://www.medtner.org.uk/)

Vasily Gvozdetsky fait partie pour moi des nouveaux interprètes de Medtner.Sa façon de jouer est plus ciselée, jouant beaucoup sur les couleurs du piano,une énorme virtuoisité,sa palette est plus étendue,moins didactique et  beaucoup moins fortement accentuée qu'avant ,qu'un Hamish Milne par exemple ,sans le décrier, pour autant.Cette nouvelle façon d'aborder Medtner se défend très bien et a ses qualités, même si on peut aussi ,par moments, en préfèrer d'autres.Mais c'est aussi souvent le fait des grands compositeurs, tout leur va,comme qui dirait.On ne peut qu'être séduit, à l'écoute de cette vraiment très complexe et très belle sonate Romantica par Vasily Gvozdetsky.

Pour l'écouter / https://youtu.be/medtner/romantica /Gvozdetsky

Autre très grand défenseur historique de la musique de Medtner,Ievgueni Svetlanov (1928-2002) ,qui avant ,d'être le grand chef d'orchestre reconnu, était pianiste et aussi compositeur. Il a toujours voué à Medtner,une admiration sans borne et faire partager sa musique n'était pas évident non plus et comme le rappelle Nina Moznaïm Svetlanova
"En tant qu’émigré, Medtner, ainsi que d’autres compositeurs et écrivains éminents qui ont quitté le pays, était presque un hors-la-loi. Il était quasiment impossible de se procurer ses œuvres." Medtner avait en effet émigré en 1921 .Svetlanov pourtant,semble avoir joué toute sa musique en concerts ,que ce soit les sonates, les pièces plus courtes, les sonates avec violon plus les concertos pour piano,sans oublier les mélodies,car il avait paraît il, une belle voix.Son jeu pianistique dans Medtner ,est d'ailleurs très investi et passionné,comme la musique de Medtner, doit être jouée.Un ensemble de cd de musique sur Medtner qui doit être connu ,même si pour les concertos, ce n'est pas lui,au piano.

Pour en savoir plus sur la jeunesse de Svetlanov/ https://www.svetlanov-evgeny.com/pianiste/svetlanov-le-pianiste-les-premieres-annees-13/

Pour en savoir plus sur ce coffret. / http://www.musicweb-international.com/classrev/2010/July10/Medtner_Napravnik_SVET4247.htm

Retour de Medtner en Russie

L’éminent pianiste russe Boris Berezovsky a organisé le « Medtner Festival » international en 2006. Il aime beaucoup ce compositeur et a réuni ses gens partageant les mêmes idées à ce festival. Il a organisé le premier festival avec son propre argent. Les musiciens travaillaient gratuitement, Berezovsky leur payait les billets et l’hébergement. Interrogé par un journaliste sur l’incroyable altruisme des artistes, Berezovsky a répondu: « C’est juste que tous les fans de Medtner sont comme des toxicomanes, comme une secte. Pour les gens qui l’aiment, l’argent n’a pas d’importance. »

Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il avait un tel amour pour Medtner, le pianiste a répondu: « Parce qu’il est un narodnik. Protégé par des harmonies complexes et sophistiquées, mais populiste. Dans sa musique, il y a du folklore, et pas seulement du russe, mais, disons, de l’anglais . Il a des thèmes étonnants et diversifiés. Medtner me rappelle un païen. »

Sur l’amitié de Medtner avec Rachmaninov : « Ils se complétaient. Rachmaninov a beaucoup de musique d’église, par exemple, tout le monde connaît ses « cloches »,et Medtner a de la musique folklorique. Ce sont des compositeurs complètement différents, mais ce
sont les deux charges différentes qui s’attirent. Ils formaient une étonnante unité d’opposés. Probablement, un compositeur n’est pas soumis à tout, il a besoin de quelqu’un qui peut faire ce qu’il ne peut pas faire. Rachmaninov et Medtner étaient très amicaux dans la vie et se soutenaient mutuellement. »

Texte ci-dessus ,issu de https://obiskusstve.com/194781038826228615/odin-iz-poslednih-romantikov-v-muzyke-nikolaj-metner/?ysclid=lce6vm7kxn732702082

Boris Berezovsky plays Medtner - Sonata-Romantica op. 53 No. 1 (Moscow, 2012)
www.youtube.com/watch?v=GRJnUF3d25s

Quand on considère la vie de Nikolai Karlovich Medtner, il est impossible de ne pas être émerveillé par son destin étrange, tragique et pourtant merveilleux. Il a été reconnu en Russie au début du XXe siècle comme l’un des compositeurs les plus importants et a été, avec Scriabine et Rachmaninov, une figure extrêmement influente, presque « culte » pour toute une génération de l’élite intellectuelle russe. Il était aussi un grand pianiste et un penseur musical exceptionnel. Sa personnalité était complètement coupée de la vie quotidienne, mais la profondeur et la puissance de son intellect, entièrement absorbé par la musique, la philosophie et l’histoire de la culture, étaient profondément respectées par des contemporains tels que Nikisch, Rachmaninov, Furtwängler, Koussevitsky, Glazounov et Prokofiev. Il y a donc quelque chose de paradoxal dans le fait que pendant les trente dernières années de sa vie, quand il a vécu en Occident, il est resté pratiquement inconnu du grand public et a passé la majeure partie de sa vie dans une pauvreté abjecte.
Sa musique fait l’objet d’un paradoxe similaire. Plus d’un demi-siècle de composition a vu son style changer remarquablement peu; La réaction critique, cependant, différait énormément. Certains le considéraient comme un innovateur alors que d’autres le considéraient comme un archi-conservateur. Certains pensaient qu’il était l’héritier de la grande tradition germanique, tandis que d’autres parlaient de son âme russe et de sa capacité à capturer dans sa musique l’atmosphère de la Russie au tournant du siècle. Il semblerait donc que ni la personnalité du compositeur ni son style musical ne puissent être analysés dans les limites d’une seule tradition, même la riche tradition d’une Russie ou d’une Allemagne. Cette ambivalence provient des origines propres de Medtner. Depuis que Pierre le Grand avait, selon les mots de Pouchkine, « ouvert une fenêtre sur l’Europe », des milliers d’étrangers vivaient en Russie. Cette étrange communauté, qui juxtaposait les racines européennes à l’environnement changeant de la Russie, formait une partie unique de la vie russe et produisait de nombreuses figures remarquables – des hommes d’art, de science et de politique.

Les ancêtres de Medtner ont probablement quitté l’Allemagne au XVIIIe siècle, et il est né à Moscou. Sa personnalité et sa musique témoignent d’une combinaison de tendance germanique à philosopher lourdement et d’esprit typiquement moscovite. Le début de l’activité artistique de Medtner est arrivé à un moment que beaucoup considèrent comme l’un des points culminants de l’histoire de la culture russe. Cette ère est connue sous le nom d’âge d’argent, ou la Renaissance russe. Au tournant du siècle, les arts, la musique et la philosophie étaient florissants en Russie; La révolution de 1917 mit fin à cette période unique. Comme Scriabine et Rachmaninov, Medtner exprime le nerf brut de cette époque capitale : ses contemporains notent le caractère « psychologiquement intense et démoniaque » de sa musique. Pourtant, le compositeur a utilisé les « lois éternelles de la musique » à côté de ces principes plus insaisissables, transitoires et indéfinissables. Beaucoup plus tard, en 1930, dans son livre Muse et Mode, il analyse avec une précision scientifique les éléments de base du langage de la musique (mélodie, harmonie, rythme), les interprétant dans l’esprit de la tradition classique du XIXe siècle et répudiant tout le développement de la musique moderne. Ainsi, la musique de Medtner n’est pas facile à comprendre en raison de sa combinaison compliquée d’éléments entièrement différents: la fusion des racines allemandes et de l’esprit russe, la quête d’une nouvelle expression musicale et d’un conservatisme dévoué, une intelligence rare et une naïveté presque enfantine.

Quelle a été la genèse du style de Medtner ? Il se considérait comme un disciple de Beethoven et le meilleur de son travail reflète la grande habileté polyphonique, le développement détaillé de motifs compacts courts, et l’esprit sévère et la profondeur concentrée des sonates tardives de Beethoven. Non moins important pour Medtner était le romantisme allemand en général et l’héritage de Schumann en particulier. Goethe (que l’arrière-grand-père de Medtner connaissait était) était une source d’inspiration permanente pour lui. Medtner a souvent été comparé à Brahms et il y a en effet des comparaisons à faire: le sérieux profond de sa musique, certaines des caractéristiques harmoniques spéciales, l’intérêt pour les rythmes croisés complexes et l’écriture pour piano. Néanmoins, ce serait une grave erreur de le considérer comme néo-brahmsien. Medtner n’a jamais imité personne et n’était d’ailleurs pas connu pour son intérêt pour la musique de Brahms. Les similitudes sont plutôt le résultat de leur développement indépendant de la tradition romantique communément héritée.

La comparaison entre Medtner et Rachmaninov est plus justifiable. Ils ont été de grands amis pendant la majeure partie de leur vie et ils se sont influencés mutuellement de plusieurs façons. Medtner a été enchanté par la beauté des mélodies de Rachmaninov et Rachmaninov a été très impressionné par la quête de Medtner pour de nouvelles harmonies et rythmes. Il est significatif que Rachmaninov ait dédié à Medtner son Quatrième Concerto pour piano, l’exemple le plus explicite de cette inspiration mutuelle.

Le meilleur de la musique de Medtner représente quelque chose de très spécial, et c’est indubitable: les mélodies et les harmonies sont inimitables dans la façon dont elles sont tirées du piano, un instrument chéri par Medtner autant que par Chopin. Aujourd’hui, quarante ans après la mort de Medtner, nous voyons que l’œuvre héroïque et dévouée à laquelle il a consacré toute sa vie n’a pas été vaine. Sa musique, imprégnée de la force de son esprit puissant et de la beauté en laquelle il croyait, découvre une nouvelle vie.

Texte très instructif ,(sûrement le texte d'une pochette de présentation de disque ) trouvé sur Hyperion, d’après des notes de Dmitri Alexeev .1994.Merci à eux.De nombreux CD et oeuvres téléchargeables chez eux.https://www.hyperion-records.co.uk/find.asp?f=medtner

Nikolai Medtner - 'Night Wind' Sonate en mi mineur, op 25-2,en mi mineur en un mouvement Shoko Inoue, piano « L’ensemble de la pièce dans un esprit épique »
Enregistré le 22 déc. 2021 Salle de récital Phillip T. Young Victoria (Colombie-Britannique)

Superbe prestation, d'une des grandes sonates de Medtner, magnifiquement filmée et aussi,magnifiquement jouée par Shoko Inoue. Avec le texte traduit en français du poème de  Tioutchev, dont Medtner s'est inspiré pour cette sonate,qu'on néglige le plus souvent.

Pourquoi gémir, pourquoi gémir, vent de nuit,
Avec un tel désespoir, une telle folie frénétique?
Pourquoi ta voix est-elle maintenant pleine de puissance,
Maintenant pitoyable et teinté de tristesse?
Dans la langue connue du cœur, de la douleur
Inconnu pour toujours chanter,
Parfois, presque frénétique
Des sons que vous éveillez et fous.

Ne chante pas, ô vent, ton chant effrayant
Du chaos, pour l’esprit affamé,
Dans le monde nocturne des ombres,
S’exulte dedans et s’efforce de l’entendre.
Les limites de la chair mortelle voleraient
Et fusionnez avec un balayage illimité de l’océan.
Prenez garde! Que mentent les tempêtes endormies :
Sous eux, le chaos s’agite pour dormir.
Fiodor Ivanovitch Tioutchev

Pour l'écouter et le voir /
www.youtube.com/watch?v=1JDm04pKL04

PS/ Pour ceux qui aiment cette version,elle joue aussi en studio, la sonate tragique ,qui dure à peine une dizaine de minutes .A retrouver sur son site.

Nikolay Medtner - « Sonata Romantica » op. 53 nr. 1 (Vasily Gvozdetsky - piano)

Version vraiment magnifique ,presque magique de cette sonate Romantica.Vasily Gvozdetsky est formidable.
Pour l'écouter/
www.youtube.com/watch?v=Vasily Gvozdetsky

Je suis un de seuls, je crois à parler de Medtner sur ce forum et c'est bien dommage. Mais j'espère que ceux qui nous lisent, eux, écoutent les sonates , ou la musique de chambre de ce génial compositeur.
Les Fairy-tales, ces petits contes musicaux font partie de ce qu'il a fait de meilleur pour le piano, avec les sonates. C'est une musique , qui sûrement  part d'une base folklorique ,pleine d'inventivité et de beauté.Elle est aussi bien plus facile d'accès ,que certaines sonates.
Alexei Volodin dans ce récital Live nous régale et rend justice à ces belles pièces pour piano.C'est aussi une musique très attachante.

Nikolai Medtner: Fée Тales
- Op. 20-1, si bémol mineur
- Op. 20-2, si mineur 3:19 - Op. 34-2, mi mineur 6:43 - Op. 34-3, un mineur (« Esprit de la forêt ») 8:58 - Op. 42-1, fa mineur (« Conte russe ») 12:34 - Op. 26-3, fa mineur 18:07 - Op. 42-3, sol dièse mineur 20:38 - Op.  35-4, do dièse mineur (« Le Roi Lear ») 25:01 -  Op. 51-3     , la  majeur 28:40 - Op. 26-4, fa dièse mineur 32:08 - Op.  42-2, do mineur (« mode phrygien ») 35:53 -  Op. 26-2, mi bémol majeur 37:39  Alexeï Volodine - « Contes ». Алексей Володин - « Сказки »
01-07-2018, Saint-Pétersbourg (Russie) Salle de concert Mariinsky


Pour l 'écouter/
www.youtube.com/watch?v=alxtMdOMf0g

Pour ma part, c'est que je ne suis pas totalement conquis : l'expression a à voir avec Rachmaninov, mais le langage est beaucoup moins complexe et sensiblement moins mélodique, comme mâtiné de Reger. Le résultat ne tire pas forcément le meilleur raffinement du premier, ni l'immédiate intelligibilité du second.

Donc je n'en dis rien pour ne pas gêner… j'aime bien sa musique, mais elle me touche peu directement. (Un peu comme Janáček dont les opéras me font souvent l'impression d'un Puccini intello. )

Mais c'est très bien d'en parler, d'autant que c'est un compositeur qui est souvent pratiqué et abondamment enregistré, ça ne peut pas faire de mal de le mettre à l'honneur !

Qu'est-ce qui te touche plus particulièrement chez lui ? (tu dis « génial », mais qu'est-ce qui te fait ressentir ça ?)

Les dernières sonates sont d'une complexité inouïe.J'en parle plus haut la Romantica et la Nigth Wind sont à citer ,mais c'est plus un ensemble,que quelques oeuvres.Ses Forgotten mélodies (mélodies oubliées) sont magnifique. Bref, c'est plus ,sa vision de la musique en général, qui me fait dire ça.Le comparer à Rachmaninov,n'a pas vraiment de sens, pour moi, ils ne livrent pas les mêmes messages, tout en respectant bien sûr Rachmaninov.C'est un peu comme, comparer Schubert à Beethoven,pour leurs sonates, ils ont deux mondes différents.
David, si tu écoutes le récital de Volodin cité plus haut , c'est à la fois simple et complexe ,comme musique et le public a l 'air plus ,que conquis,il en redemande.Il y a bien une raison à tout cela , bien que le public, ,ne soit pas toujours un critère valable..

Ses Mélodies me plaisent beaucoup, voir ici

gluckhand a écrit:

Le comparer à Rachmaninov,n'a pas vraiment de sens, pour moi, ils ne livrent pas les mêmes messages, tout en respectant bien sûr Rachmaninov.C'est un peu comme, comparer Schubert à Beethoven,pour leurs sonates, ils ont deux mondes différents.

Oui, c'est un peu ça, il y a une matrice commune, des inspirations et des moyens en commun, mais le résultat est d'un esprit assez éloigné.

J'irai écouter Volodin (qui est de toute façon un super pianiste).

Boris Berezovsky plays Medtner - Piano Sonata in F minor op. 5 (Moscow, 2008)Live


Nikolai Medtner (1880-1951) - Piano Sonata No.1 in F minor, op. 5
Boris Berezovsky, piano
Great Hall of Moscow Conservatory, 10 January 2008

La première sonate de Medtner n'est pas tellement jouée,alors un Live c'est toujours ça.C'est assez loin d'être parfait, mais c'est un russe qui joue un autre russe et ça, c'est toujours passionnant.Mes relations avec  Berezovsky sont assez mauvaises.J'avais trouvé son Ludus-Tonalis d'Hindemith assez baclé,et là ,ce n'est pas la version du siècle, mais ce n'est que mon point de vue.

Pour l'écouter/ https://youtu.be/SMMa964Z2rk?si=gRlszoSr4DlNDVlf

Encore une superbe version Live d'une des plus belles sonates de Medtner .La Romantica avec un pianiste dont je n'avais jamais entendu parler Adil Saberov,qui est vraiment très bon.

N. Medtner – Sonate romantique en si bémol mineur, opus 53 n° 1
Cette vidéo est rendue possible grâce au soutien d’Augustinus Fonden, Beckett-Fonden et Vilhelm Kiers Fond.

N. Medtner – Sonate romantique en si bémol mineur, opus 53 n° 1
- Romanza
-Scherzo
- Méditazione
-Finale
Adil Saberov

Pour l'écouter/ https://youtu.be/gugR1awxLK0?si=tPSKqbxfsgjtsW_a

Encore une autre très belle version Live de cette très belle sonate Romantica.Je ferais bien un parallèle entre Medtner et Havergal Brian, bien qu'ils aient eu des répertoires différents, mais chacun dans son genre préfèré ,la sonate pour Medtner et la symphonie pour Brian, nous surprennent à tout moment, ils sont carrément imprévisibles et c'est ce qui pour moi, fait le génie de leur musique.Bref , une autre pianiste russe Darya Dadykina (j'aime bien ces noms russes ,qui ajoutent à la performance dans l'imaginaire) joue cette sonate ,avec une belle conviction et passion, cette magnifique musique.

Medtner - Sonate Romantica - Darya Dadykina, piano

Pour l'écouter/ https://youtu.be/JOVMWoY4GMA?si=JfUhFScm2hBz4zda

Medtner - Esquisses romantiques pour la jeunesse, opus 54 (Tozer)

N° 1, Prélude (Pastorale) - 00 :00 N° 2, Conte d’oiseau - 02 :21 N° 3, Prélude (Tempo di Sarabanda) - 05 :10 N° 4, Conte (Scherzo) - 07 :44 N° 5, Prélude (Tendre Reproche) - 10 :06 N ° 6, Conte (le broyeur d’orgue) - 14 :08 N° 7, Prélude (Hymne ) - 19 :16 N° 8, Conte (le mendiant) - 23 :42 Pianiste : Geoffrey Tozer.

Voilà encore un petit chef-d'oeuvre de Medtner ,moins connu que ses sonates ou concertos.En plus, qui sera plus abordable que certaines sonates.Geoffrey Tozer est au piano et je ne dirais jamais assez tout le bien que je pense de ce pianiste dans tout ce qu'il a joué.Il a beaucoup fait pour Medtner.Ces petites pièces sont très bien faites et nulle mièvrerie ou facilité dans tout ça.Bref, de la très belle musique.

Pour l'écouter/ https://youtu.be/tELbAgnDYYY?si=cU6t49EAFbx2FOnL

Medtner - Sonata minacciosa - Darya Dadykina

Nikolay Medtner - Sonata minacciosa (Grozovaya Sonata) f-moll op.53 No.2
Darya Dadykina, piano
Live from Berlin (2018)

Apparemment ,on ne trouve pas de disques de cette pianiste, je ne sais pourquoi . Mais c'est un régal de l'écouter dans Medtner.

Pour l'écouter/ https://youtu.be/jZzgAdgaBmo?si=s2b6ZPWDEzkpO9zn

Medtner : Sonate pour piano en mi mineur, opus 25 n° 2 « Vent de nuit » Vadym Kholodenko / Piano

De plus en plus de pianistes enregistrent Medtner,il commence vraiment à sortir de l'ombre ou il était cantonné.Je trouve qu'il le mérite bien.Des pianistes russes ou ukrainien comme Vadym Kholodenko ici,le jouaient beaucoup plus , que les européens ou anglo-saxons, mais ça devient l'inverse maintenant. Paul Stewart , pianiste canadien en est ,a son troisième CD des sonates de Medtner et c'est remarquable.Je ne peux me défendre de penser que la musique de Medtner est fondamentalement russe. Ces 38 skazki, petits contes musicaux russes ,sont très personnels au compositeur.Le fait de mettre en avant en épigraphe pour cette sonate un poème Fiodor Tioutchev de 1832 « De quoi hurlez-vous, vent de nuit... ? » est assez important et singulier pour le signaler.
En plus je trouve que les russes ,du moins certains ,ne jouent pas vraiment pareil ,cette musique très complexe et toujours surprenante.Bref il faut écouter Medtner et cette grande et belle sonate.Une des plus belles du compositeur.

Pour l'écouter/ https://youtu.be/BLxeuXS72Og?si=4wF-0yTvYbLa1dko

Nikolai Medtner - Piano Sonata in F minor, Op. 5 [with score]
Sandro Russo - piano
recording date: 2012

00:00 - I. Allegro
11:22 - II. Intermezzo: Allegro
14:47 - III. Largo divoto
22:15 - IV. Finale: Allegro risoluto

Une assez bonne version de cette première sonate de Medtner.Mais pour moi, s'il faut choisir absolument,je reste toujours fidèle ,à la version de Geoffrey Tozer, qui s'est montré prophètique et très judicieux ,dans sa vision de Medtner.Sandro Russo est un pianiste italien qui vit et travaille aux USA.

Pour l'écouter/ https://youtu.be/OkZ8VR7_ou0?si=sSu6DXU4_dxqWcpk

Medtner : Sonate pour piano en mi mineur, opus 25 : n° 2


Medtner : Sonate pour piano en mi mineur, opus 25 : n° 2 · Mikhaïl Lidsky
Medtner : Sonate pour piano - Chopin : Prélude et 3 Nocturnes

Ecouter chaque version d'un enregistrement de Medtner est toujours captivant pour moi, surtout quand il s'agit de cette sonate magnifique très complexe.Je pensais un moment, que les pianistes russes ajoutaient un plus à cette oeuvre composée par un russe .Je n'en suis plus si sûr,en écoutant Eckardstein ou les formidables enregistrements de Paul Stewart.Lidsky est d'une clarté exemplaire ici et nous rend cette sonate peut être moins incendiaire qu'elle ne l'est vraiment ,mais c'est une version à connaître et à pratiquer,comme j'y reviens de temps en temps avec un grand plaisir.

Pour l'écouter / https://youtu.be/zW32aU_DkTU?si=-nWk6Fq0Yl7Y3-1S