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Cololi a écrit:

Récemment j'ai découvert deux très bons westerns américains des années 60 : El Perdido d'Aldrich et Rio Conchos de Gordon Douglas.

Oui, deux très bons westerns, avec une préférence pour El Perdido et le regretté Kirk !

Rubato a écrit:

Emeryck a écrit:

En tout cas, si tu regardes des films, poste-les ici, ça animera un peu le fil ! 

Je trouve que l'on parle surtout des films d'auteurs ici (je n'ai rien contre et j'en regarde aussi beaucoup) et pas suffisamment de films de genre...je ne sais pas pourquoi.
J'avais commencé il y a quelques temps à "présenter" quelques séries B de western...grand succès!

Depuis je ne suis pas intervenu alors que je connais une grande partie des films qui y sont présentés.
...bon, on verra ça au mois d'"avril !

Je ne sais pas si j'ai déjà dit que j'ai fait projectionniste bénévole dans un un "petit" cinéma d'art et essai (environ pendant 15 ans)...j'ai eu l'occasion d'y rencontrer Bertrand Tavernier !

Ce n'est pas incompatible ! En fait, je n'ai jamais compris l'expression "films d'auteurs" : pour moi, ça voudrait dire "regarder du untel pour du untel" en opposition à "regarder John Ford pour regarder un western" mais je ne comprends alors pas : chacun a ses spécificités lorsqu'il aborde un genre : Jarmusch n'aborde pas le film noir dans The limits of control de la même manière que Godard dans Alphaville ou que Dassin dans Night and the city ; pour moi, ça dépend essentiellement de la manière dont on envisage l'étendue du cinéma - ou alors j'ai très mal deviné la définition.  
J'avoue que je ne suis pas extrêmement attiré par les westerns - enfin, je n'y connais pas grand-chose ; j'essaie d'en regarder un peu et certains me plaisent tout de même. Concernant les séries B, (enfin, on n'est même plus dans la série B), j'avais aussi parlé un peu des films de Jean Rollin.

Ah ! C'est super, ça ! Il a l'air très sympathique. 

Cololi a écrit:

@Emeryck :

Dans le genre expérimental, as-tu déjà vu le Cinq et la peau de Pierre Rissient ? (BR Carlotta)
Pierre Rissient a été assistant de Godard, et a beaucoup fait la promotion, en France, de Lino Brocka et de King Hu (ils n'ont rien à voir avec le cinéma de Rissient, et rien à voir non plus entre eux … mais ce sont deux réalisateurs exceptionnels, si tu les connais pas - à découvrir grâce à Carlotta là aussi).
Pierre Rissient parlant de A Touch of Zen : https://www.arte.tv/sites/olivierpere/2015/07/31/pierre-rissient-parle-de-a-touch-of-zen-de-king-hu/

Je connais Rissient de nom mais je n'ai rien de lui ! Concernant King Hu, j'ai trois ou quatre films de lui (L'hirondelle d'or, Dragon inn, A touch of zen et Raining in the moutain) mais je ne les ai pas encore regardés ; ça viendra !

Emeryck a écrit:

En fait, je n'ai jamais compris l'expression "films d'auteurs"

C'est l'expression consacrée, et je suis d'accord avec toi...mais je pense que tu as compris ce que je voulais dire!

Oui, Tavernier est quelqu'un de vraiment charmant !

Cololi a écrit:

Récemment j'ai découvert deux très bons westerns américains des années 60 : El Perdido d'Aldrich et Rio Conchos de Gordon Douglas.

Ah oui, Rio Conchos est génial - avec des trucs visuellement très forts, comme la terrifiante scène prégénérique ou l'espèce de villa sudiste en trompe-l'œil au milieu de nulle part, un scénario d'une subtilité assez retorse (tant dans la construction du récit que dans le traitement des thèmes) et puis des acteurs formidables (à commencer par l'immense Richard Boone!)

Emeryck a écrit:

Ce n'est pas incompatible ! En fait, je n'ai jamais compris l'expression "films d'auteurs" : pour moi, ça voudrait dire "regarder du untel pour du untel" en opposition à "regarder John Ford pour regarder un western" mais je ne comprends alors pas : chacun a ses spécificités lorsqu'il aborde un genre : Jarmusch n'aborde pas le film noir dans The limits of control de la même manière que Godard dans Alphaville ou que Dassin dans Night and the city ; pour moi, ça dépend essentiellement de la manière dont on envisage l'étendue du cinéma - ou alors j'ai très mal deviné la définition.  

En fait, il y a un texte de Truffaut qui définit ça très précisément, et que lui-même a bien résumé:
«Ce qui m'intéressait alors, c'était cette idée que la carrière d'un bon réalisateur résumait sa pensée, de son premier film à ses derniers, plus matures. Au final, peu m'importait de savoir si tel ou tel film de son œuvre avait été un succès ou un échec, était bon ou mauvais : chacun de ses films est une facette de sa pensée, et c'est ça qui était important.»
(https://www.cinematheque.fr/expositions-virtuelles/truffaut-par-truffaut/index.php?id=3)
De fait, l'exemple de Ford est assez parlant: on trouve dans ses films un certain nombre de traits formels prégnants (par exemple l'organisation spatiale centrée sur une dialectique intérieur / extérieur qui s'articule autour des entrées, des sorties et des itinéraires ou bien, encore plus élémentaire, la façon de filmer un groupe ou un personnage qui avance en ombre chinoise sur une ligne de crête en contre-plongée) qui renvoie à des thèmes récurrents (la façon dont se construit une communauté, l'articulation de destins individuels et collectifs...) et qu'on retrouve de film en film, indépendamment du genre ou du degré d'accomplissement. En gros, un auteur, c'est un cinéaste qui possède un faisceau propre de caractéristiques stylistiques et thématiques qui finissent par constituer un effet de corpus.

L'incompris (1966) de Luigi Comencini.

Benedictus a écrit:

Emeryck a écrit:

Ce n'est pas incompatible ! En fait, je n'ai jamais compris l'expression "films d'auteurs" : pour moi, ça voudrait dire "regarder du untel pour du untel" en opposition à "regarder John Ford pour regarder un western" mais je ne comprends alors pas : chacun a ses spécificités lorsqu'il aborde un genre : Jarmusch n'aborde pas le film noir dans The limits of control de la même manière que Godard dans Alphaville ou que Dassin dans Night and the city ; pour moi, ça dépend essentiellement de la manière dont on envisage l'étendue du cinéma - ou alors j'ai très mal deviné la définition.  

En fait, il y a un texte de Truffaut qui définit ça très précisément, et que lui-même a bien résumé:
«Ce qui m'intéressait alors, c'était cette idée que la carrière d'un bon réalisateur résumait sa pensée, de son premier film à ses derniers, plus matures. Au final, peu m'importait de savoir si tel ou tel film de son œuvre avait été un succès ou un échec, était bon ou mauvais : chacun de ses films est une facette de sa pensée, et c'est ça qui était important.»
(https://www.cinematheque.fr/expositions-virtuelles/truffaut-par-truffaut/index.php?id=3)
De fait, l'exemple de Ford est assez parlant: on trouve dans ses films un certain nombre de traits formels prégnants (par exemple l'organisation spatiale centrée sur une dialectique intérieur / extérieur qui s'articule autour des entrées, des sorties et des itinéraires ou bien, encore plus élémentaire, la façon de filmer un groupe ou un personnage qui avance en ombre chinoise sur une ligne de crête en contre-plongée) qui renvoie à des thèmes récurrents (la façon dont se construit une communauté, l'articulation de destins individuels et collectifs...) et qu'on retrouve de film en film, indépendamment du genre ou du degré d'accomplissement. En gros, un auteur, c'est un cinéaste qui possède un faisceau propre de caractéristiques stylistiques et thématiques qui finissent par constituer un effet de corpus.

D'accord, merci pour la réponse détaillée. Enfin, ça pose quand même un certain nombre de problèmes, non ? Comment ça s'inscrit vis-à-vis des films collectifs, par exemple ? J'ai l'impression aussi de ç'a une connotation sociologique très très forte : par exemple, pourrait-on parler de cinéma d'auteur pour des réalisateurs comme Godfrey Ho ou Jean Rollin - qui sont pourtant totalement extérieurs à cette réalité sociologique du cinéma d'auteur : le premier, je ne sais pas si des articles lui ont déjà été consacrés hors des revues sur les nanars et le second, la critique lui a constamment tourné le dos. En plus, si je m'en tiens à la définition de Truffaut, toute personne qui fait des films a le statut d'auteur et qu'on en choisit arbitrairement (bien sûr, pas arbitrairement mais suivant les échos que ç'a avec nous) des meilleurs que les autres ; mais ça mène à des conneries comme : "Le meilleur film de Jean Delannoy n'égalera jamais le pire film de Jean Renoir.". Bien sûr, il y a un ton volontairement provocant mais ça dit quand même quelque chose sur cette position.

Comme on a abordé le genre, j'ai fait le compte de "mes" westerns (DVD/Blu-ray)...332.  

Rubato a écrit:

Comme on a abordé le genre, j'ai fait le compte de "mes" westerns (DVD/Blu-ray)...332.  

Comptes tu des westerns contemporains dedans ?

Cololi a écrit:

Rubato a écrit:

Comme on a abordé le genre, j'ai fait le compte de "mes" westerns (DVD/Blu-ray)...332.  

Comptes tu des westerns contemporains dedans ?

C'est à dire?...un western est un western!

Si c'est une question de date de tournage sortie, ça va de 1924 à 2018 !

Rubato a écrit:

Cololi a écrit:

Rubato a écrit:

Comme on a abordé le genre, j'ai fait le compte de "mes" westerns (DVD/Blu-ray)...332.  

Comptes tu des westerns contemporains dedans ?

C'est à dire?...un western est un western!

Si c'est une question de date de tournage sortie, ça va de 1924 à 2018 !

Oui c'était la question.

Ma remarque n'est pas en fait pas si saugrenue que cela. Car le genre western … est bien lié à une époque, tu le sais bien.

Oui, c'est bien lié à une époque, d'ailleurs j'ai une forte "concentration" de westerns allant des années 40 à la fin des années 50.
En même temps, ça reste aussi un genre et pour répondre à ta question, oui j'ai aussi des westerns "contemporains".

John Cassavetes : Gloria        1980

 + / 
Qu'est-ce que c'est beau ! Rien que les vues aériennes de New-York qui ouvrent le film, avec la musique de Bill Conti qui accompagne toujours justement le film, ce saxophone un peu nostalgique, c'est déjà très beau. Ce Cassavetes est un peu à l'écart des autres : la caméra y est plus sereine, les états dépeints peut-être moins extrêmes. Dans ce film, on suit un duo totalement improbables, presque antagoniste : un enfant dont on ne sait personnellement rien (si ce n'est que ses parents ont eu des contacts avec le FBI et la mafia n'aime pas trop ça) et une ex-call-girl en perte de vitesse ; cela fait penser un peu à Alice in the cities de Wenders mais c'est différent : alors que chez Wenders, c'est le voyage qui est au centre de la caméra ; chez Cassavetes, ce qui frappe, c'est la puissance de Gena Rowlands (comme toujours, en fait), une sorte d'ascension progressive ; c'est tout à fait superbe - et l'enfant est extrêmement mignon dans ses paroles. En regard de l'ascension extrêmement forte de Gloria (le personnage de Rowlands), la fin est un peu décevante, une happy-end qui arrive un peu comme un pétard mouillé. C'est pour moi, l'un des plus beaux films de Cassavetes, même s'il n'est pas tout à fait au même niveau qu'Opening night.

Alice in the cities
C'est nouveau, ça vient de sortir ?
Très beau film au demeurant comme les premiers Wenders, Faux mouvement et Au fil du temps

La Mélodie
Rachid Hami

Je dois être un peu ramollo ces temps-ci mais ce feel good movie qui regarde du côté d'El Sistema et expériences pédagogiques récentes n'est pas sans qualités, malgré les ficelles tire-larmes.
La musique y est plutôt bien honorée: par exemple l'extrait de la chaconne de la partita N°2 de JS Bach est suffisamment développé pour pouvoir être apprécié, et revient sous une autre forme (arrangement au vibraphone) en arrière plan comme leitmotiv.
L'apprentissage n'y est pas présenté comme miraculeux (mis à part la scène finale, et un solo de Shéhérazade de Rimski-Korsakov improbable - mais le propos tient ostensiblement de la fable).
Le jeu des enfants y est plutôt sans affectation.

Oui, je l'ai vu, j'ai bien aimé aussi. C'est bien joué.

xoph a écrit:

Alice in the cities
C'est nouveau, ça vient de sortir ?
Très beau film au demeurant comme les premiers Wenders, Faux mouvement et Au fil du temps

Alice in den Städten, si tu préfères. 
Je n'ai pas fortement accroché à Faux mouvement mais j'adore Alice in den Städten. ( )

Alice dans les villes est aussi un film que j'ai beaucoup apprécié, même si je n'en ai gardé que peu de souvenirs.

Idem pour Au fil du temps.

Barking dogs never bite



Premier film de Bong (The Host, Parasite), déjà bien loufoque.

Werner Herzog : La ballade de Bruno        1977

 +
C'est le deuxième film de Herzog que je vois après Aguirre, la colère de dieu (enfin, j'ai aussi vu Grizzly man il y a longtemps mais il faudrait que je le revoie) et j'avoue que j'ai été surpris par la différence entre les deux : le cadre est beaucoup plus banal et prend une saveur beaucoup plus concrète et les personnages principaux sont assez différents l'un de l'autre - même s'ils sont tous les deux marginaux (enfin, pour celui d'Aguirre, difficile de le dire tant le cadre spatiotemporel semble lointain) et tous les deux fous - de manière différente : Aguirre, c'est une folie de l'action, de la personnalité, volontiers mégalomane alors que Bruno, c'est une folie tranquille, intérieure, que l'on devine par son contour. Le film est cependant assez clair avec les issues finales : lors de sa sortie de prison, Bruno promet au gardien qu'il ne boira plus et à peine un pied dehors, il entre dans un pub ; et les traductions à l'image de sa situation psychologique sont nombreux (et apparaissent en nombre croissant au fur et à mesure que le film avance) : la sorte de corne qui ne peut produire que quelques sons, le fait qu'il arrive dans un garage aux USA, la dépanneuse, la scène où il l'abandonne et qu'elle ne cesse de tourner en rond et puis évidemment les remontées mécaniques finales (et toutes les attractions délirantes) ; cette scène finale se double aussi d'une critique sur le rêve américain, évidemment mais ça ne me semble pas être la préoccupation majeure de Herzog ici. J'ai mis un peu de temps à entrer dans ce film mais je l'ai trouvé assez intense (et assez déprimant), avec des scènes parfois curieuses (des (beaux) plans non-fonctionnels de paysages), et des scènes où l'on rit jaune (la vente aux enchères avec ce commissaire-priseur pris d'une logorrhée délirante).

I Wish (2012) d'Hirokazu Kore-eda.

Emeryck a écrit:

Oriane a écrit:

I Wish (2012) d'Hirokazu Kore-eda.

J'ai beaucoup aimé ce film qui interroge la place de chacun dans les familles divisées, ainsi que les souhaits les plus profonds entre affirmation et acceptation.

Oriane a écrit:

Emeryck a écrit:

Oriane a écrit:

I Wish (2012) d'Hirokazu Kore-eda.

J'ai beaucoup aimé ce film qui interroge la place de chacun dans les familles divisées, ainsi que les souhaits les plus profonds entre affirmation et acceptation.

Oui, la famille divisée est une thématique très fréquente chez Kore-eda (parfois jusqu'au deuil) : si tu ne l'as pas vu, il y a le très beau Une affaire de famille ainsi que Notre petite sœur et Tel père, tel fils. Ce sont de très beaux films.

François Ozon : Frantz        2016


J'ai beaucoup aimé. En voyant l'affiche de ce film, on pourrait penser que la filmographie de François Ozon est vraiment très débraillée puisqu'il n'avait encore jamais fait de film ouvertement "historique" - même si ces films relatent une historicité cinématographique, d'une certaine manière puisqu'ils ont beaucoup recours à la référence. Quand on y pense, c'est assez curieux puisqu'il me semble que le temps est un élément assez majeur dans sa filmographie : il ceint le film dans Le temps qui reste, et c'est sans doute dans la bande-originale qu'il est le plus important, exprimant souvent un état transitoire, statique : c'est la scène d'errance de Charlotte Rampling dans les allées du supermarché au son de Septembre de Barbara dans Sous le sable ou la danse entre Catherine Deneuve et Gérard Depardieu dans Potiche au son de Viens faire un tour sous la pluie de Il était une fois : à chaque fois, la chanson relate une transition temporelle, c'est la fin de l'été et le départ d'un être cher chez Barbara, c'est l'approche de la fin de soirée chez Il était une fois. Pourtant, ce film développe une cohérence avec un autre thématique très présente dans la filmographie du réalisateur : il s'agit de la fiction et de son exploration - tout particulièrement le mensonge, qui est même le moteur de Dans la maison mais ce serait oublier une autre composante importante dans la démarche d'Ozon : le spectateur ; ici, contrairement à Dans la maison où il avait de l'avance sur les personnages à propos de la vérité, dans Frantz, il avance en même temps que tout le monde - et en cela, Frantz possède une intensité un peu spéciale, qui n'est pas de l'ordre de la jouissance comme peut l'être Dans la maison, par exemple.
Dans les films qui parlent de la guerre, il est usuel de prendre un héros de l'un des deux camps (le plus souvent) ou parfois quelqu'un entre deux, une sorte d'agent double ; mais ici, Ozon fait un choix original en bâtissant le film sur une symétrie profonde : dans la première partie, c'est plutôt le personnage d'Adrien (d'ailleurs assez fadement interprété par Pierre Niney) qui est le personnage principal alors que c'est ensuite plutôt Anna (très bien interprétée par Paula Beer) qui est au centre de l'attention ; la symétrie est vraiment très présente (les mensonges aux parents, les scènes au cimetière, les scènes de départ à la gare, les scènes dans la taverne au patriotisme exacerbé, la musique) ; honnêtement, c'est tout de même parfois un peu systématique. C'est un peu pareil pour l'utilisation du (sublime) noir et blanc et de la couleur (elle aussi, à contrepied) : alors que le cinéma a commencé avec le noir et blanc et a migré vers la couleur - et que cela a influé notre représentation du flash-back au cinéma - ici, Ozon utilise la couleur pour les scènes passées (enfin, supposées passées puisqu'il y a une grand part fantasmée) et le noir et blanc pour la ligne temporelle actuelle du film - mais c'est sans doute pour également dépeindre des atmosphère - comme le suggère la très belle fin.
J'aimerais revenir sur deux points : le premier, c'est le rôle de la musique dans ce film ; elle va très souvent de pair avec un trio : il s'agit du thème du vingtième nocturne de Chopin joué au violon qui ne cesse de hanter Anna, lointain souvenir de Frantz qui revêt petit à petit les traits d'Adrien ; mais c'est aussi les scènes d'accompagnement : il y a par exemple cette scène que j'ai trouvé très bien pensée, lorsqu'Anna arrive au château des Rivoire, la cantatrice lui propose de les accompagner, elle et Franz - et d'ailleurs, lors du récital, la façon dont Ozon filme est pertinente : les trois têtes dans le même axe, avec ce jeu de regards, Anna ne joue que l'accompagnement.
Le deuxième point sur lequel j'aimerais revenir, c'est le rapport de ce film au mensonge, il occupe une place importante dans le film et pourtant ce dernier s'inscrit dans une certaine "vérité cinématographique", dans un certain héritage : lorsque l'on voit le superbe noir et blanc très rigoureux, le père de famille sévère, on pense bien sûr à Dreyer (aux Fiancés de Glomdal par exemple) - ou peut-être aussi un peu au Ruban blanc de Haneke ; il y a également quelques citations : la scène très déterminée dans le la rivière comme dans Le destin de madame Yuki de Mizoguchi, par exemple. C'est en tout cas un très bon film d'Ozon, qui aurait peut-être gagné à être un peu moins systématique dans les procédés (pourtant très intéressants) qu'il convoque ; il m'a beaucoup touché.

Amadeus

+

Ah oui c'était un Ozon très réussi.

Non, c'est un Milos Forman.

Spoiler:

Xavier a écrit:

Amadeus

+

Cololi a écrit:

Ah oui c'était un Ozon très réussi.

Benedictus a écrit:

Non, c'est un Milos Forman.

Spoiler:

Ça m'a fait "tiquer" aussi !

Oh c'est pas dramatique j'adore Amadeus

Cololi a écrit:

Oh c'est pas dramatique j'adore Amadeus

Ah, moi, pas du tout.

Outre que ça contribue à accréditer les légendes urbaines saliérophobes, j'y retrouve en concentré tout ce qui m'agace chez Forman: mise en scène à gros effets de virtuosité frontale, jeu d'acteurs très outré et théâtral, traitement caricatural (et a-critique) de la thématique du "rebelle contre l'ordre établi"... (Enfin, cela dit, j'aime bien Ragtime et Valmont, et tous ses films tchécoslovaques.)

Benedictus a écrit:

Cololi a écrit:

Oh c'est pas dramatique j'adore Amadeus

Ah, moi, pas du tout.

Outre que ça contribue à accréditer les légendes urbaines saliérophobes, j'y retrouve en concentré tout ce qui m'agace chez Forman: mise en scène à gros effets de virtuosité frontale, jeu d'acteurs très outré et théâtral, traitement caricatural (et a-critique) de la thématique du "rebelle contre l'ordre établi"... (Enfin, cela dit, j'aime bien Ragtime et Valmont, et tous ses films tchécoslovaques.)

Ca tu n'as même pas besoin de me le dire, je m'en doute.

Tout ce que tu dis est assez vrai … mais c'est passer à côté de l'intérêt du film à mon avis.

Précisément, dans Amadeus, je ne vois pas trop quel est l'intérêt - en premier visionnage, ça se regarde avec un certain plaisir, mais je ne vois pas trop pourquoi avoir fait ce film (même des films que je trouve plus pénibles comme Vol au-dessus d'un nid de coucou, Hair, Larry Flint ou Man on the Moon, le contexte contemporain fait que j'en vois beaucoup mieux le propos.)

Quand même, il y a peu de films qui mettent autant en valeur la musique, il y a quelques scènes presque purement musicales de haute volée.

Personnellement j'adore Amadeus, le côté historiquement foireux ne me dérange absolument pas dans la mesure où je sais justement très bien qu'il ne s'agit que d'une sorte de fantaisie brodée autour d'éléments de la vie de Mozart. Quasiment pas une seul des scènes musicales du film n'est crédible, mais ça n'a aucune importance, je trouve ça jubilatoire et merveilleusement bien fait (Mozart qui transforme la marche à deux balles de Salieri, Mozart qui dicte le Confutatis sur son lit de mort, ok, ce n'est peut-être pas subtil mais chez moi ça prend complètement). De Forman, je ne connais sinon que Vol au-dessus d'un nid de coucous je crois (que pour le coup je trouve aussi vraiment pas terrible, surtout vu la célébrité du film).

Il faut voir Man on the moon!

Nadav Lapid : Le policier        2011

 +
J'avais déjà été un peu déconcerté lorsque j'avais découvert Lapid avec Synonymes, je crois que je l'ai encore plus été face à ce film - que j'ai toutefois moins aimé. Je crois que son principal défaut est son manque d'équilibre qui provient très certainement de la façon dont il est monté : le montage est très abrupt, avec des parties assez hermétiques qui s'enchaînent de la même façon que deux plans de la même scène. La première partie est sans doute la plus réussie : un flic assez imbuvable, pure présence physique (la caméra insiste bien sur la masse qu'il représente, non sans une certaine ironie) qui se comporte parfois de façon vraiment dégueulasse ("ma femme est enceinte, je ne peux plus avoir de rapports sexuels" et aussi quand il essaie d'épater une gamine de quinze ans avec son pistolet). La seconde partie s'attèle à un groupe d'activistes israéliens et la troisième partie est le passage à l'acte ; la deuxième partie est beaucoup trop longue. 
Ce dont le cinéaste israélien fait le portrait ici, c'est un pays fracturé - avec une petite pique politique à ces policiers qui pensent à tout prix trouver des arabes (entendre palestiniens) parmi le groupe d'activistes ; mais c'est étrange car les deux parties représentées dans le film le sont de façon particulièrement caricaturales. C'est un film qui gagnerait à être développé (et remonté !!) parce qu'en terme de cadres, c'est tout de même maîtrisé ; c'est d'ailleurs le premier film de Lapid. Synonymes me semble être plus abouti - même si pas complètement convaincant - et on retrouve déjà des similitudes : l'importance des corps, notamment.

Ildikó Enyedi : Simon le mage        1999

 +
Je suis toujours assez surpris en découvrant les films d'Enyedi et celui-ci ne déroge pas à la règle, il est tout à fait surprenant à bien des égards. Tout d'abord, le scénario est très original : un meurtre a été commis à Paris, la police fait donc (logiquement) appel à un mage de Budapest et le fait venir par le train ; arrivé à la gare il s'éprend d'une jeune femme croisée sur le quai et plie bien sûr l'affaire en deux temps trois mouvements, ce n'est pas ça qui intéresse vraiment la cinéaste. Lors de son séjour à Paris, il rencontre l'un de ses anciens rivaux - mage, lui aussi - qui lui propose un défi plutôt saugrenu : rester enterré pendant trois jours ; l'issue est bien sûr sans surprise, quoique... 
Ce film me fait un peu penser à un poème de Michaux - à ceci près qu'ici, j'ai pleinement accroché au film : il y a une sorte de folie douce dans un cadre tout à fait ordinaire (les lieux de Paris qui sont filmés ne sont pas du tout touristiques) ; ce qui est sans doute le plus beau dans ce film, c'est tout ce qui est exprimé silencieusement ; notamment la rencontre totalement improvisée avec la jeune femme au café : elle ne parle pas le hongrois (et elle ne sait même pas qu'il ne parle pas français) et lui ne parle presque pas français, la discussion qui s'ensuit est assez amusante car Simon répond oui ou non un peu au hasard. On trouve également de très belles scènes, notamment vers la fin avec ces visages heurtés et la scène finale peut-être la plus belle parmi celles du film - même moi qui n'accroche pas outre-mesure à ce genre de choses, j'ai été ici conquis. Enyedi est vraiment une cinéaste qui ne cessera de m'étonner.

Trop envie de voir cet Enyedi !

***


Atlantique (2019) de Mati Diop.

Oriane a écrit:

Atlantique (2019) de Mati Diop.

Tu as aimé ?

Emeryck a écrit:

Oriane a écrit:

Atlantique (2019) de Mati Diop.

Tu as aimé ?

Oui, très beau film, mêlant enquête policière et réflexion sur la réparation, la résilience.

Xavier Dolan : Les amours imaginaires        2010


Je crois que j'ai de plus en plus de mal avec Dolan, il s'agit ici de son deuxième film et s'il y a tout de même des audaces, elles sont systématiquement maladroites - mais ça ne semble pas volontaire, ou (au moins) ce n'est pas distancié ; je crois que c'est ce qui m'a franchement irrité durant tout le film : des zooms compulsifs hideux, de la musique en overdose, des lumières de couleurs dans les scènes un peu plus sensuelles/dénudées, des ralentis caricaturaux ; vraiment c'est le degré zéro de la subtilité. Heureusement, les personnages sont assez attachants, quelques scènes sont amusantes, et il y a quelques scènes qui pourraient être réussies : par exemple, la scène de danse sous les lumières stroboscopiques (mais sans ces inserts de statue !! ça va, on a compris le truc !) ; vraiment, le sentiment majoritaire que j'ai c'est l'artificialité (sans doute volontaire) mais sans la distanciation, quelque chose de très plaqué/forcé.

Emeryck a écrit:

Ce film me fait un peu penser à un poème de Michaux - à ceci près qu'ici, j'ai pleinement accroché au film

On y vient, on y vient, à ce champion du décrochage.

Blade Runner (1982) de Ridley Scott.

J'ai beaucoup aimé. Très belle reconstitution de ville labyrinthique plongée dans les lumières artificielles, brouillant d'emblée les frontières entre authenticité et recréation technique. Seul bémol selon moi : les symboles chrétiens, qui semblent un peu incongrus dans le contexte ... Intéressants, sans doute, avec l'assimilation de la confection de machines à un geste divin, mais beaucoup trop tape-à-l’œil, et "déplacés" dans ce monde futuriste qui n'est plus exactement le nôtre.

Frank Capra : It happened one night        1934

 +
Quelle belle découverte ; ce sont mes premiers pas chez Capra - eh oui ! - mais j'ai été totalement charmé. Tout d'abord, Clark Gable et Claudette Colbert sont toujours très justes ; ensuite le scénario est à la fois plutôt thématiquement simple mais extrêmement fouillé, avec notamment des personnages secondaires qui ont du piquant - l'homme au cigare dans l'autobus, les gens qui louent des bungalows vers la fin ; et puis, les dialogues : qu'est-ce que c'est précis et parfois très drôle (la séquence de l'autostop, la façon dont Ellie rembarre l'homme au cigare dans le bus) ; et puis visuellement, c'est beau, quand même - la scène finale de mariage où celle avec la paille, au bord d'un lac. Capra installe aussi des petits leitmotivs qui assoient vraiment le récit, je pense notamment au mur de Jericho, très amusant.

Le Grand Restaurant

Lina Wertmüller : Vers un destin insolite, sur les flots bleus de l'été.