Beethoven: les quatuors (présentation et discographie)

Eusèbe a écrit:

DavidLeMarrec a écrit:

Les Hongrois, c'est terne et plutôt mou, mais la « grande référence historique » où ça ne joue pas très juste, ça correspond plutôt au signalement des Budapest.

Tu trouves? C'est une version que je réécoute de temps en temps, et c'est pour l'époque assez rapide et un peu rugueux. Rien à voir avec le Budapest contemporains qu'on présentait dans ma jeunesse en effet comme grande version de référence. Je me dis même que ça pourrait plaire à Benedictus

J'vais parcouru le fil un peu vite: la version de découverte de Benedictus était bien le quatuor hongrois. Il ne voudra peut-être pas réessayer. Pourtant, je trouve que ce qu'il dit du quatuor Beethoven (que j'avais vraiment aimé, découvert ici sur les conseils de Docteur Mabuse, je crois) pourrait en partie s'appliquer aux hongrois (mais plus jeune, je n'avais pas trop aimé ces derniers, que je trouvais un peu ingrats).

Ma référence reste le Quatuor Amadeus.
Mais j'ai découvert sur disque vinyle les quatuors de Beethoven (l'Opus 59 no.3) par le Quatuor Guarneri dans le coffret Time-Life.
Autre version qui m'a marqué: celle de l'Opus 18 no.5 par le Quatuor Juilliard.

J'ai peu réécouté les Amadeus. Très bien, mais il y a un côté « violon soliste » qui a un peu vieilli, les voix sont quand même également intéressantes très tôt dans le corpus.

Les Guarneri, je les ai toujours trouvés ternes, clairement une version secondaire pour moi (rien à reprocher, mais on a tellement de version avec plus de couleurs / de feu / de choix personnels !).

Juilliard, effectivement, rêche et robuste, ça marche très bien, je suis d'accord !

Ravélavélo a écrit:

Ma référence reste le Quatuor Amadeus.
Mais j'ai découvert sur disque vinyle les quatuors de Beethoven (l'Opus 59 no.3) par le Quatuor Guarneri dans le coffret Time-Life.
Autre version qui m'a marqué: celle de l'Opus 18 no.5 par le Quatuor Juilliard.

Jamais essayé les Amadeus ici, alors qu'ils m'ont servi de version de découverte pour d'autres corpus (Brahms). Mais leurs caractéristiques habituelles (vibrato appuyé de Brainin) n'en font pas une priorité.
J'ai réécouté les Jérusalem dans l'op. 18 (mais pourquoi n'ont-ils pas enregistré la suite?): les phrasés sont incroyablement articulés (je crois que c'est cela que je considérais à la sorite comme "théâtral"), mais sans emphase, avec un grand sens du dialogisme instrumental.
Réécouté aussi Emerson dans l'op. 59, son superbe, technique impeccable, quelque chose de très maîtrisé, mais avec une sorte de détachement un peu hautain. Ça m'impressionne mais ne m'émeut toujours pas (mais ça se laisse écouter).
Mon humeur étant plutôt placide, je vais aller voir du côté de Tokyo RCA.

Eusèbe a écrit:

J'ai réécouté les Jérusalem dans l'op. 18 (mais pourquoi n'ont-ils pas enregistré la suite?)

Vu leur niveau d'exigence, et qu'ils l'ont fait il y a peu, on peut penser que la suite n'est pas exclue, mais qu'elle viendra en son temps. (Ce qui est mieux que de publier une intégrale à moitié pensée.)

Citation :

Réécouté aussi Emerson dans l'op. 59, son superbe, technique impeccable, quelque chose de très maîtrisé, mais avec une sorte de détachement un peu hautain. Ça m'impressionne mais ne m'émeut toujours pas (mais ça se laisse écouter).

C'était un peu mon cas… mais depuis que j'ai joué ces quatuors (au piano, je ne crois pas que vous découvriez seulement ce soir l'étendue de ma perversité), j'ai étrangement totalement changé de perception vis-à-vis de leur intégrale, que je trouve particulièrement pensée, respectueuse, aboutie.

charles.ogier a écrit:

DavidLeMarrec a écrit:

Ah mais oui, le 8 est de toute façon le meilleur quatuor du corpus.

(Ce mouvement lent, un sommet de toute la musique pour moi, aussi bien pour la forme vertigineuse que pour l'émotion qu'il me procure.)

Combien juste cette opinion !

DavidLeMarrec a écrit:

Je me le suis joué ce soir.

Il existe une bonne transcription de Louis Winkler, fidèle et jouable (du moins pour ce mouvement-là, le premier est vraiment difficile au piano).

Ravélavélo a écrit:

DavidLeMarrec a écrit:

Je me le suis joué ce soir.

Il existe une bonne transcription de Louis Winkler, fidèle et jouable (du moins pour ce mouvement-là, le premier est vraiment difficile au piano).

Merci pour la transcription de Louis Winkler.

Comme Ravélavélo, merci d'avoir indiqué cet arrangement de L.W et aussi merci à IMSLP de nous permettre d'y accéder !
Mais, bon, le 2ème mouvement est déjà vraiment tout juste abordable.

Oui, le quatuor version piano est rarement confortable. Beethoven, il y a quand même des choses jouables (les premiers mouvements de l'Op.18 n°3 et n°4, par exemple). En revanche Schubert 14 ou Mendelssohn 6, c'est clairement assez exigeant !

Pour ma part, je n'en suis pas encore à avoir envie de le jouer au piano (surtout que c'est tellement bon en VO), mais après une assez longue interruption je réécoute ce 8 dans la version des Taneïev, et je trouve ça vraiment merveilleux (je n'avais pas du tout autant aimé leur 7e, mais c'est peut-être surtout l'œuvre que j'apprécie moins)...

J'aime de plus en plus ce quatuor, que je réécoute même plus volontiers que les derniers pour le moment; je lui trouve un côté automnal proto-brahmsien au meilleur sens du terme (en ce qu'il préfigure le Brahms que j'aime le plus, donc pas forcément les quatuors mais plutôt les plus tardifs quintettes...), et le mouvement lent est effectivement une des plus belles choses que j'aie jamais entendues — alors qu'à première écoute il n'avait pas particulièrement accroché mes oreilles trop formatées au langage post-1850 : c'est une des (rares) cas où Beethoven, il me semble, a touché d'emblée une sorte de perfection du langage romantique malgré la simplicité et l'économie des moyens mis en œuvre, ce qui est certainement le signe d'un génie vertigineux (Schubert par exemple n'a jamais atteint la même évidence limpide dans sa musique de chambre — c'est autre chose dans ses Lieder, et même à mon sens dans certaines pages pour piano)...

Bon, autrement dit Beethoven est (finalement/décidément) un immense compositeur : au moins je ne crains pas de bousculer trop d'idées reçues par cette considération.

Golisande a écrit:

et le mouvement lent est effectivement une des plus belles choses que j'aie jamais entendues — alors qu'à première écoute il n'avait pas particulièrement accroché mes oreilles trop formatées au langage post-1850 : c'est une des (rares) cas où Beethoven, il me semble, a touché d'emblée une sorte de perfection du langage romantique malgré la simplicité et l'économie des moyens mis en œuvre, ce qui est certainement le signe d'un génie vertigineux

Ça fait plaisir à lire.

(D'autant plus qu'en général je lis plutôt des éloges sur le lent du 15, qui est bien sûr gigantesque aussi, mais d'une forme générale un peu plus convenue.)

Celui du 15 est extraordinaire, mais à mon sens les deux n'ont pas grand-chose à voir : dans le 15 c'est une alternance de deux épisodes très contrastés (tonalité/harmonie, tempo/rythme, caractère/ambiance), ce qu'on retrouvera en effet souvent par la suite chez Beethoven et d'autres (en revanche, n'est-ce pas un des premiers exemples de ce type de structure dans un mouvement lent ?), alors que celui du 8 est une vaste coulée de forme sonate on ne peut plus homogène, d'humeur unique et avec pour tous contrastes d'infimes inflexions de couleurs et de lignes, des effets de clair-obscur extrêmement ténus et subtils pour du Beethoven (non, sérieusement je ne pense vraiment pas ça, on est vraiment très au-delà de ce genre de considérations)...

Du coup, évidemment, l'Adagio du 15 est beaucoup plus immédiatement saisissable à première écoute, mais il me touche moins (pour le moment en tout cas).

Golisande a écrit:

(en revanche, n'est-ce pas un des premiers exemples de ce type de structure dans un mouvement lent ?)

Tu crois ? Il me semble qu'on en trouve déjà chez les Classiques… mais je ne peux pas te citer d'exemple spontanément, j'ai donc peut-être tort. Ça m'étonne beaucoup tout de même.

Citation :

alors que celui du 8 est une vaste coulée de forme sonate on ne peut plus homogène, d'humeur unique et avec pour tous contrastes d'infimes inflexions de couleurs et de lignes, des effets de clair-obscur extrêmement ténus et subtils

Absolument.

DavidLeMarrec a écrit:

Golisande a écrit:

(en revanche, n'est-ce pas un des premiers exemples de ce type de structure dans un mouvement lent ?)

Tu crois ?  Il me semble qu'on en trouve déjà chez les Classiques… mais je ne peux pas te citer d'exemple spontanément, j'ai donc peut-être tort. Ça m'étonne beaucoup tout de même.

Je n'en sais évidemment rien non plus, mais contrairement à toi je n'ai pas l'impression que ça se pratiquait beaucoup avant (à vrai dire j'avais dans l'idée que c'était une invention de Beethoven)... Mais vu mon ignorance crasse de cette période, c'était surtout histoire de connaître ton avis !

Tiens, regarde, certes c'est à l'emplacement d'un mouvement rapide, mais le premier mouvement de l'Été de Vivaldi… Et ça se fait partout dans les airs à da capo. Donc spontanément, je penserais que ça doit exister. Mais peut-être que non, en réalité, dans la musique instrumentale de style classique. Je maintiendrai mon attention ouverte lors de mes lectures et écoutes futures, et je te dirai d'ici un an ou deux si tu as raison !

Oui, d'accord, dans la musique baroque et les mouvements rapides...

Bon je pinaille, je pensais en effet uniquement aux mouvements lents de quatuors/symphonies/sonates classiques, mais même là tu as sans doute raison (surtout vu la quantité de musique existante)...

Edit : en plus je dis n'importe quoi puisque le mouvement lent de la Neuvième symphonie est légèrement antérieur (je mélangeais absurdement les dates des 8e et 15e quatuors...)

Ça reste du Beethoven de maturité… Donc curieux de vérifier / infirmer ton axiome chez les compositeurs précédents.