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| Debussy - Pelléas et Mélisande | |
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Auteur | Message |
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TragicSymph Mélomane chevronné
Nombre de messages : 2153 Age : 33 Date d'inscription : 23/12/2010
| Sujet: Re: Debussy - Pelléas et Mélisande Lun 29 Jan 2018 - 20:42 | |
| Après plusieurs années de découverte et de fascination pour l’opéra grâce au forum, j’ai pensé que c’était le bon moment pour me lancer dans ce fameux Pelléas. En effet, l’aura que cette œuvre dégage à travers les nombreux posts (tout comme Parsifal par exemple) m’a tout d’abord effrayé. Je souhaitais vraiment prendre mon temps pour rentrer dans l’univers vocal et, petit à petit, faire la connaissance des quelques grands opéras qui figurent au sommet des listes du sujet « Vos opéras préférés ». J’ai découvert Pelléas et Mélisande ce matin par le DVD De Billy / Pelly et je dois dire que j’ai été captivé de bout en bout. Dès les premières notes, j’ai immédiatement compris et surtout pu (enfin !) réaliser que j’allais assister à un grand moment musical. Ce qui m’a le plus frappé, c’est que, selon moi, ce n’est pas véritablement l’histoire qui est importante mais plutôt l’âme des différents personnages qui est ainsi révélée à travers le déroulé de l'action et de la musique. J’avais l’impression que les chanteurs déclamaient leur texte de la façon la plus pure possible, presque de façon spirituelle je dirais alors que le ton (le sujet de la plupart des phrases) n’est pas particulièrement philosophique (à première vue), contrairement aux Carmélites par exemple. J’étais réellement dans une espèce de brume, d’un rêve, tout au long de l’œuvre. Évidemment, la sublime musique, quasi hypnotique, n’y est pas pour rien. Elle arrive à créer une ambiance à la fois sensuelle et onirique qui m’a tenu en haleine du début à la fin. Je ne sais pas s’il existe d’autres œuvres comme celle-là mais Pelléas et Mélisande me semble vraiment être une œuvre à part dans tout le répertoire. J’ai également trouvé la prosodie magnifique, bien plus que dans les Carmélites... J’ai également adoré le rôle central de l’orchestre, ces textures incroyables que Debussy arrive à créer sont tout simplement miraculeuses. Les interludes orchestraux m’ont fait voyager loin, très loin. Je sens bien qu’il y aura un avant et un après Pelléas. Il me reste maintenant à dévorer la version Abbado que je possède. J’ai également beaucoup aimé ce DVD qui m’aura fait découvrir Naouri et Degout dans une belle mise en scène. Très bel orchestre également de De Billy. Une magnifique expérience ! |
| | | Benedictus Mélomane chevronné
Nombre de messages : 15565 Age : 49 Date d'inscription : 02/03/2014
| Sujet: Re: Debussy - Pelléas et Mélisande Lun 29 Jan 2018 - 20:47 | |
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| | | Cololi chaste Col
Nombre de messages : 33398 Age : 43 Localisation : Bordeaux Date d'inscription : 10/04/2009
| Sujet: Re: Debussy - Pelléas et Mélisande Lun 29 Jan 2018 - 21:05 | |
| - TragicSymph a écrit:
- Je ne sais pas s’il existe d’autres œuvres comme celle-là
Non. Ne me remercie pas pour l'info Et dire que les interludes orchestraux n'étaient pas prévus à la base ... c'est juste la logistique du théâtre qui a poussé Debussy à cela Cela relève du miracle, oui. C'était un pauvre petit être mystérieux, comme tout le monde _________________ Car l'impuissance aime refléter son néant dans la souffrance d'autrui - Georges Bernanos (Sous le Soleil de Satan)
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| | | Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 91579 Age : 43 Date d'inscription : 08/06/2005
| Sujet: Re: Debussy - Pelléas et Mélisande Lun 29 Jan 2018 - 21:35 | |
| Si en plus tu as supporté Dessay, alors là... |
| | | TragicSymph Mélomane chevronné
Nombre de messages : 2153 Age : 33 Date d'inscription : 23/12/2010
| | | | TragicSymph Mélomane chevronné
Nombre de messages : 2153 Age : 33 Date d'inscription : 23/12/2010
| Sujet: Re: Debussy - Pelléas et Mélisande Lun 29 Jan 2018 - 21:44 | |
| - Xavier a écrit:
- Si en plus tu as supporté Dessay, alors là...
Justement, je n'en ai pas parlé ! J'ai préféré partager mes émotions sur l'oeuvre en elle-même ! |
| | | Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 91579 Age : 43 Date d'inscription : 08/06/2005
| Sujet: Re: Debussy - Pelléas et Mélisande Lun 29 Jan 2018 - 21:54 | |
| - Cololi a écrit:
- TragicSymph a écrit:
- Je ne sais pas s’il existe d’autres œuvres comme celle-là
Non. Ne me remercie pas pour l'info
C'est quand même un peu rapide comme réponse. Si on veut dire de même nature et de même niveau, non effectivement. Par contre de style plus ou moins proche et de grande qualité, il y a quand même au moins: Ariane et Barbe-Bleue (Dukas), Polyphème (Cras), voire le Château de Barbe-Bleue. (Bartok) |
| | | TragicSymph Mélomane chevronné
Nombre de messages : 2153 Age : 33 Date d'inscription : 23/12/2010
| Sujet: Re: Debussy - Pelléas et Mélisande Lun 29 Jan 2018 - 22:02 | |
| - Xavier a écrit:
- Cololi a écrit:
- TragicSymph a écrit:
- Je ne sais pas s’il existe d’autres œuvres comme celle-là
Non. Ne me remercie pas pour l'info
C'est quand même un peu rapide comme réponse.
Si on veut dire de même nature et de même niveau, non effectivement.
Par contre de style plus ou moins proche et de grande qualité, il y a quand même au moins: Ariane et Barbe-Bleue (Dukas), Polyphème (Cras), voire le Château de Barbe-Bleue. (Bartok) Ah, tiens, pendant mon écoute, j'ai aussi pensé à cet opéra (que j'aime énormément), peut-être les intervalles de quartes qui reviennent souvent. Je connais aussi celui de Dukas que j'ai découvert à l'Opéra du Rhin il y a quelques années, je ne sais plus si j'en ai fait un commentaire. D'ailleurs, il est disponible sur le Tube. Et Cras...inconnu au bataillon pour l'instant. |
| | | Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 91579 Age : 43 Date d'inscription : 08/06/2005
| Sujet: Re: Debussy - Pelléas et Mélisande Lun 29 Jan 2018 - 22:10 | |
| - TragicSymph a écrit:
Et Cras...inconnu au bataillon pour l'instant. C'est surement celui qui ressemble le plus, mais c'est évidemment moins génial. |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: Debussy - Pelléas et Mélisande Mar 30 Jan 2018 - 0:03 | |
| - TragicSymph a écrit:
- alors que le ton (le sujet de la plupart des phrases) n’est pas particulièrement philosophique (à première vue), contrairement aux Carmélites par exemple.
C'est vrai. - Citation :
- J’ai également trouvé la prosodie magnifique, bien plus que dans les Carmélites...
En effet, sans comparaison. Très gris et uniforme dans les Carmélites, mais c'est sans doute aussi délibéré, pour cette atmosphère de confinement, où tous les mots sont pesants. La version que tu as vue n'est pas la plus captivante (sur aucun des paramètres) qui soit, et la discographie déborde de lectures très singulières, toutes très différentes, tu as de l'amusement en perspective ! Très content de te voir rejoindre nos rangs. Il est à nouuuuuuuuuuuuus ! Has ! Irimiru Karabrao ! -- Sur les opéras qui ressemblent, outre ceux cités (Polyphème est excessivement proche en effet, une merveille aussi, même s'il est un peu moins mystérieux et original), il y a La Reine morte de Daniel-Lesur (mais jamais éditée officiellement) ou bien, plus aride mais sur du Maeterlinck aussi, Monna Vanna de Février. Bonne chasse ! |
| | | TragicSymph Mélomane chevronné
Nombre de messages : 2153 Age : 33 Date d'inscription : 23/12/2010
| Sujet: Re: Debussy - Pelléas et Mélisande Mar 30 Jan 2018 - 19:16 | |
| - DavidLeMarrec a écrit:
-
En effet, sans comparaison. Très gris et uniforme dans les Carmélites, mais c'est sans doute aussi délibéré, pour cette atmosphère de confinement, où tous les mots sont pesants. De ce point de vue-là (qui se défend tout à fait), c'est réussi oui ! Je n'y avais jamais pensé. - Citation :
La version que tu as vue n'est pas la plus captivante (sur aucun des paramètres) qui soit, et la discographie déborde de lectures très singulières, toutes très différentes, tu as de l'amusement en perspective !
Très content de te voir rejoindre nos rangs.
Il est à nouuuuuuuuuuuuus ! Has ! Irimiru Karabrao ! C'était le moment, oui. A moi maintenant l'enfer (et le plaisir) de la discographie... - Citation :
Sur les opéras qui ressemblent, outre ceux cités (Polyphème est excessivement proche en effet, une merveille aussi, même s'il est un peu moins mystérieux et original), il y a La Reine morte de Daniel-Lesur (mais jamais éditée officiellement) ou bien, plus aride mais sur du Maeterlinck aussi, Monna Vanna de Février. Pareil, je ne connais pas du tout ces oeuvres, je m'y attarderai certainement un jour ! Merci pour les conseils ! |
| | | Mefistofele Mélomaniaque
Nombre de messages : 1459 Localisation : Under a grey, rifted sky Date d'inscription : 17/11/2019
| Sujet: Re: Debussy - Pelléas et Mélisande Mer 22 Avr 2020 - 0:32 | |
| Bon. Enfin écouté, cet opéra à la réputation mythique sur le forum ! (D'autant qu' on m'en a encore fait l'article ailleurs), et je comprends sa cote d'amour et l'admiration qu'il procure. J'ai passé un très beau moment, mais je ne pense toutefois pas rejoindre le chœur des thuriféraires transis. J'ai opté pour la version Abbado, car on m'a dit que Le Roux était en voix, et l'orchestre flattait l'oreille (les fanfares sur le fameux Absalon ! ). Verdict : cette musique est à tomber ! Il y a tellement de belles choses, l'introduction, les scènes de la grotte, la fontaine, les réminiscences de La Mer dans "Je respire enfin !", les interludes... Côté diction, oui, c'est différent, et pourtant, je n'ai eu aucun souci à rentrer dedans. Parce que j'étais prévenu, ou qu'au contraire les torrents de contre-ut ont tendance à être plutôt un repoussoir ? Côté plateau vocal, il n'y a guère qu'Yniold ("wui, wui, toujours, petit père") et Geneviève qui m'ont déplu (quelle tristesse, alors que j'aime tellement Christa Ludwig en général). Côté livret et intrigue, j'ai apprécié tout le non-dit (qui est vraiment Mélisande ? D'où vient l'anneau pour qu'il soit si important ?), l'absence de justification de la moindre action, les jeux de référence permanents : la chevelure qui captive, qui capture, qui enchaîne ; toute l'ironie des répliques de Golaud, "aveugle" qui évoque sa perte au fond de la mer ou dans la forêt, lieux ô combien essentiels dans l'intrigue, ou son déni d'être un espion (c'est vrai, il exige d'un enfant de faire ce boulot à sa place... vive la morale élastique !)... MAIS ! Outre que les histoires d'amour évanescentes (surtout sans intervention diabolique !) ne sont pas forcément mon quotidien, j'ai trouvé le personnage de Mélisande un peu frustrant. Elle évoque clairement son malheur à de multiples reprises, de diverses façons, mais ne fait pas grand-chose à ce sujet. Quel plaisir trouve-t-elle à rester ? À un moment, je me suis dit : "Oh !#Golddigger ?" Même pas, elle semble un peu trop gourde, languide, confusément amoureuse tout en restant innocente et ne cherche même pas à abuser de son barbon. Elle ment très mal, aussi (la découverte de la disparition de l'anneau), et fort mal à propos. Femme-"enfant" ? Maladie mentale ? Traumatisme ? Je ne sais pas, mais c'est un facteur de frustration, j'ai eu parfois envie de la secouer (ou qu'elle se fasse secouer, ce qui arrive bien dans la fameuse scène avec Golaud). À côté de cela, la scène de l'anneau et toute la symbolique, certainement voulue mais aussi que j'y ai appliqué (j'ai lu trop de Voisenon et de Boyer d'Argens) m'a bien fait rire. Tout le cinquième acte m'a passablement ennuyé. Je vois bien l'intérêt théâtral et pyschologique, mais pour le plaisir narratif et auditif, je n'y ai pas trouvé mon compte. En fin de compte, j'ai préféré un autre livret de Maeterlinck, Ariane et Barbe-Bleue, dont les enjeux m'ont touché plus personnellement. Mélisande est une victime, là encore, mais complaisante, et ses motivations sont plus claires : le poids de la liberté est plus lourd que les chaînes de l'esclavage, surtout quand le mari/bourreau est riche et séduisant, alors que chez Debussy, elle se laisse embarquer (par dépit ? par absence de volition ?) par un homme qui pourrait être son père. Ariane aussi est formidable (ce sens si mal placé d'une mission supernelle, c'est aussi admirable que pathétique). La musique de Dukas est superbe, le traitement de la voix m'a toutefois nettement moins enthousiasmé. Bref, encore merci pour cette expérience, je pense y revenir un jour (avec image, peut-être ?). J'ai l'impression d'avoir enfin ma "ceinture jaune" en opéra. |
| | | Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 91579 Age : 43 Date d'inscription : 08/06/2005
| Sujet: Re: Debussy - Pelléas et Mélisande Mer 22 Avr 2020 - 0:52 | |
| C'est très intéressant de lire une première expérience dans cette oeuvre. - Mefistofele a écrit:
- Il y a tellement de belles choses, l'introduction, les scènes de la grotte, la fontaine, les réminiscences de La Mer dans "Je respire enfin !", les interludes...
Tiens, je n'ai jamais pensé à la Mer dans ce passage, pour tout dire je n'ai pratiquement jamais pensé à une autre œuvre de Debussy en écoutant Pelléas. (à part la fin du II, sur "il y a... il y a..." où les cordes alternent quintes et tierces en notes égales comme les bois au début de Nuages) "Réminiscences": plutôt prémonitions, s'il s'agit de la Mer, car celle-ci est postérieure. |
| | | Benedictus Mélomane chevronné
Nombre de messages : 15565 Age : 49 Date d'inscription : 02/03/2014
| Sujet: Re: Debussy - Pelléas et Mélisande Mer 22 Avr 2020 - 1:07 | |
| - Xavier a écrit:
- C'est très intéressant de lire une première expérience dans cette oeuvre.
En effet! Et puis, c'est rafraîchissant au milieu du genre de gars qui sévissent ici, qui ont écouté cent cinquante versions et coupent en quatre la moindre modulation dans un contrechant ou le moindre lexème inattendu au détour d'une phrase ou sont capable de tenir la conversation rien qu'avec des citations du livret... Cela dit, je subodore que Mefistofele aura tôt fait de rejoindre le clan... - Mefistofele a écrit:
- Côté plateau vocal, il n'y a guère qu'Yniold ("wui, wui, toujours, petit père") et Geneviève qui m'ont déplu (quelle tristesse, alors que j'aime tellement Christa Ludwig en général).
D'un autre côté, c'est très bien aussi, parce que comme ça, tu vas vouloir entendre ce qui se fait de mieux en Geneviève et en Yniold - et du coup, tu vas aller écouter Yvonne Minton et le petit Anthony Britten chez Boulez ainsi que Solange Michel et Françoise Ogéas chez Inghelbrecht, ce qui fera encore deux autres immenses versions de Pelléas à ton palmarès! Désolé, on ne se refait pas... |
| | | Cololi chaste Col
Nombre de messages : 33398 Age : 43 Localisation : Bordeaux Date d'inscription : 10/04/2009
| Sujet: Re: Debussy - Pelléas et Mélisande Mer 22 Avr 2020 - 9:32 | |
| - Xavier a écrit:
- C'est très intéressant de lire une première expérience dans cette oeuvre.
Oui ! - Benedictus a écrit:
Cela dit, je subodore que Mefistofele aura tôt fait de rejoindre le clan...[/size]
C'est l'évidence même ! Au fait l'autre jour pendant que vous vous amusiez avec le défi qu'avait relevé Pérec … j'ai essayé de transformer du Maeterlinck sans les "e", mais personne n'a remarqué Si j'avais une arrière-pensée pourquoi ne la dirais-je pas ??? L'acte 5 pas génial musicalement C'était un petit acte si tranquille, si timide et si silencieux ... C'était un pauvre petit acte mystérieux comme tous les autres ... Il est là comme s'il était orphelin de l'opéra ... _________________ Car l'impuissance aime refléter son néant dans la souffrance d'autrui - Georges Bernanos (Sous le Soleil de Satan)
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| | | gluckhand Mélomane chevronné
Nombre de messages : 4967 Localisation : Amiens Date d'inscription : 15/07/2013
| Sujet: Re: Debussy - Pelléas et Mélisande Mer 22 Avr 2020 - 9:52 | |
| [quote="Mefistofele"] Il y a tellement de belles choses, l'introduction, les scènes de la grotte, la fontaine, les réminiscences de La Mer dans "Je respire enfin !", les interludes...
Goléa rappelle justement , dans son bouquin Esthétique de la musique contemporaine, qu'il n'y avait au début ,aucun interlude prévu, mais Albert Carré ,directeur de l'opéra a demandé à Debussy d'en faire, pour faciliter les changements de décors. |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: Debussy - Pelléas et Mélisande Mer 22 Avr 2020 - 12:50 | |
| - Mefistofele a écrit:
- (quelle tristesse, alors que j'aime tellement Christa Ludwig en général).
Tu as dû beaucoup l'écouter dans les les lieder de Mahler, alors, parce qu'à l'opéra elle a toujours ce côté opaque (et, certes, ici en plus la voix est délabrée est le français insupportable, mais pas davantage que son italien). - Citation :
- Elle évoque clairement son malheur à de multiples reprises, de diverses façons, mais ne fait pas grand-chose à ce sujet. Quel plaisir trouve-t-elle à rester ? À un moment, je me suis dit : "Oh !#Golddigger ?" Même pas, elle semble un peu trop gourde, languide, confusément amoureuse tout en restant innocente et ne cherche même pas à abuser de son barbon. Elle ment très mal, aussi (la découverte de la disparition de l'anneau), et fort mal à propos. Femme-"enfant" ? Maladie mentale ? Traumatisme ? Je ne sais pas, mais c'est un facteur de frustration, j'ai eu parfois envie de la secouer (ou qu'elle se fasse secouer, ce qui arrive bien dans la fameuse scène avec Golaud).
Je la perçois comme beaucoup plus ambiguë… Elle manipule tout de même fort bien tout le monde (Pelléas, qu'elle aime en premier ; Golaud, à qui elle ment ; Arkel, qui ne voit rien), et ça passe par de petits détails de coquetterie (l'allumage en règle dans la première scène de la fontaine), par de petits détails qui montrent bien que, peut-être sans en avoir conscience, elle maîtrise et manipule assez bien les alentours. Le livret d' Ariane est beaucoup plus univoque et démonstratif : le propos est séduisant, mais on voit bien où l'on veut nous emmener, il n'y a pas vraiment de place pour la pluralité des lectures – un peu comme R. Strauss vs. R. Wagner. - Citation :
- Tout le cinquième acte m'a passablement ennuyé. Je vois bien l'intérêt théâtral et pyschologique, mais pour le plaisir narratif et auditif, je n'y ai pas trouvé mon compte.
Oui, le V pourrait être coupé, clairement. C'est davantage la musique que le texte qui s'étiole, je crois, mais il faut dire qu'un acte pour mourir dans un lit (et cette fois sans changement de tableau), ce n'est pas suffisamment original pour soutenir l'attention. - Xavier a écrit:
- Tiens, je n'ai jamais pensé à la Mer dans ce passage, pour tout dire je n'ai pratiquement jamais pensé à une autre œuvre de Debussy en écoutant Pelléas. (à part la fin du II, sur "il y a... il y a..." où les cordes alternent quintes et tierces en notes égales comme les bois au début de Nuages)
"Réminiscences": plutôt prémonitions, s'il s'agit de la Mer, car celle-ci est postérieure. Pourtant, les cuivres (bouchés ?) dans les palpitations de la mer, il y a une communauté de couleur… même si rien n'est identique entre les deux, c'est vrai. - Benedictus a écrit:
- Et puis, c'est rafraîchissant au milieu du genre de gars qui sévissent ici, qui ont écouté cent cinquante versions et coupent en quatre la moindre modulation dans un contrechant ou le moindre lexème inattendu au détour d'une phrase ou sont capable de tenir la conversation rien qu'avec des citations du livret...
Nous avons toujours été un peu étranges. - Citation :
- Cela dit, je subodore que Mefistofele aura tôt fait de rejoindre le clan...
Nous consentons à l'accueillir comme on accueillerait notre propre fils. - gluckhand a écrit:
- Goléa rappelle justement , dans son bouquin Esthétique de la musique contemporaine, qu'il n'y avait au début ,aucun interlude prévu, mais Albert Carré ,directeur de l'opéra a demandé à Debussy d'en faire, pour faciliter les changements de décors.
C'est cette version (de 1904, il me semble ?) qui est usuellement donnée, mais 1902 a pas mal de fois été documentée (Gardiner plusieurs, Minkowski pour le centenaire à l'Opéra-Comique, etc.). Ils sont si beaux, cela dit, qu'il n'y a pas lieu de s'en passer. D'ailleurs on les joue isolés encore plus souvent que l'opéra lui-même. |
| | | Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 91579 Age : 43 Date d'inscription : 08/06/2005
| Sujet: Re: Debussy - Pelléas et Mélisande Mer 22 Avr 2020 - 13:19 | |
| Il me semble que la version avec interludes date bien de 1902, et même que c'est la version de la première, Debussy ayant écrit les interludes supplémentaires (dont un ou deux passages très wagnériens) pendant les répétitions. A vérifier. |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: Debussy - Pelléas et Mélisande Mer 22 Avr 2020 - 15:32 | |
| Je suis allé vérifier chez Messie Orledge :
¶ La première édition de l'œuvre (Fromont 1902) ne contient pas les interludes.
¶ Messager vient trouver Debussy le 1er avril (la première était le 30, la générale le 28) pour lui demander d'allonger les interludes (déjà existants, mais beaucoup plus concis) d'un nombre précis de mesures.
¶ Les souvenirs de Messager semblent indiquer qu'il a recueilli les interludes page à page pour les faire travailler à l'orchestre, et que tout a été bouclé avant la première.
¶ Des commentaires des premières représentations soulignent le caractère wagnérisant de certains passages.
Donc, oui, apparemment les interludes étaient prêts pour la première. |
| | | Mefistofele Mélomaniaque
Nombre de messages : 1459 Localisation : Under a grey, rifted sky Date d'inscription : 17/11/2019
| Sujet: Re: Debussy - Pelléas et Mélisande Mer 22 Avr 2020 - 16:04 | |
| Merci à Xavier pour les précisions sur les dates, c'est vrai que La Mer est postérieure ! - DavidLeMarrec a écrit:
- Mefistofele a écrit:
- (quelle tristesse, alors que j'aime tellement Christa Ludwig en général).
Tu as dû beaucoup l'écouter dans les les lieder de Mahler, alors, parce qu'à l'opéra elle a toujours ce côté opaque (et, certes, ici en plus la voix est délabrée est le français insupportable, mais pas davantage que son italien). Je vais vous faire une confidence : ce qui m'a tenu loin de l'opéra pendant longtemps, outre l'émission si particulière de la voix, c'est... l'italien. J'aime l'opéra en allemand, en français, rarement en italien (mais 2 ÉNAURMES exceptions, Don Gio et... un certain opéra de Boito). Donc je n'ai jamais entendu Ludwig en italien (apparemment, bien m'en a pris !) ni en français, jusqu'à hier soir, et ça a fait mal. Je l'aime bien en allemand ( Humperdinck, Strauss), en anglais ( Candide !), en hongrois ( Le château de Barbe-Bleue), même si pour le coup, j'ai des doutes sur l'authenticité de la prononciation. Étant donné la prosodie dans Pelléas (moins chantée que parlée), la diction est vraiment importante essentielle, et j'ai choisi Abbado parce que "beau son + plateau (essentiellement) francophone". Maria Ewing est assez convaincante, tout au plus offre-t-elle un surcroît d'étrangeté qui ne messied pas au personnage. Par contre, la Geneviève décatie, heureusement que le rôle est court. - DavidLeMarrec a écrit:
- Mefistofele a écrit:
- Elle évoque clairement son malheur à de multiples reprises, de diverses façons, mais ne fait pas grand-chose à ce sujet. Quel plaisir trouve-t-elle à rester ? À un moment, je me suis dit : "Oh !#Golddigger ?" Même pas, elle semble un peu trop gourde, languide, confusément amoureuse tout en restant innocente et ne cherche même pas à abuser de son barbon. Elle ment très mal, aussi (la découverte de la disparition de l'anneau), et fort mal à propos. Femme-"enfant" ? Maladie mentale ? Traumatisme ? Je ne sais pas, mais c'est un facteur de frustration, j'ai eu parfois envie de la secouer (ou qu'elle se fasse secouer, ce qui arrive bien dans la fameuse scène avec Golaud).
Je la perçois comme beaucoup plus ambiguë… Elle manipule tout de même fort bien tout le monde (Pelléas, qu'elle aime en premier ; Golaud, à qui elle ment ; Arkel, qui ne voit rien), et ça passe par de petits détails de coquetterie (l'allumage en règle dans la première scène de la fontaine), par de petits détails qui montrent bien que, peut-être sans en avoir conscience, elle maîtrise et manipule assez bien les alentours. La scène de la tour, façon Raiponce, est à relire façon veuve noire, l'araigne qui tisse sa toile (ou mieux, qui laisse sa victime s'embobiner dans ses soies) ? Intéressant... J'imagine qu'une autre version de cet opéra mettrait plus l'accent sur cet aspect. Du coup, la critique qui parlait de Pédéraste et Médisante a raté le coche... Médusante aurait été tellement mieux à tant de niveaux (la chevelure, la paralysie, la physalie qui se laisse porter par le courant dont les immenses tentacules resplendissants piègent tout ce qui approche... Je découvre que ce n'est pas une méduse. ) - DavidLeMarrec a écrit:
- Le livret d'Ariane est beaucoup plus univoque et démonstratif : le propos est séduisant, mais on voit bien où l'on veut nous emmener, il n'y a pas vraiment de place pour la pluralité des lectures – un peu comme R. Strauss vs. R. Wagner.
En effet... Ce qui fait le charme de Pelléas, son caractère vaporeux qui permet d'y voir les fantômes que notre subconscient projettera sur ces brumes. Hélas, mon imagination est faible, le caractère plus démonstratif d'Ariane me sied mieux. - DavidLeMarrec a écrit:
- Benedictus a écrit:
- Cela dit, je subodore que Mefistofele aura tôt fait de rejoindre le clan...
Nous consentons à l'accueillir comme on accueillerait notre propre fils. Je ne suis pas certain d'être Pelléastre (ou de le devenir), et la phrase de David, qui a autrement écrit un topo sur Absalon ailleurs, est glaçante. Viens Médée, maman ! |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: Debussy - Pelléas et Mélisande Mer 22 Avr 2020 - 18:04 | |
| - Mefistofele a écrit:
- Je l'aime bien en allemand (Humperdinck, Strauss), en anglais (Candide !), en hongrois (Le château de Barbe-Bleue), même si pour le coup, j'ai des doutes sur l'authenticité de la prononciation.
C'est déjà flou en allemand, ailleurs c'est la cata, oui. Enfin, moins la catastrophe par l'inexactitude que par manque délibéré d'articulation, pour laisser la voix couler sans être embarrassée de la disparité des voyelles et les obstacles des consonnes – une conception très italo-datée du chant, d'ailleurs. - Citation :
- La scène de la tour, façon Raiponce, est à relire façon veuve noire, l'araigne qui tisse sa toile (ou mieux, qui laisse sa victime s'embobiner dans ses soies) ? Intéressant... J'imagine qu'une autre version de cet opéra mettrait plus l'accent sur cet aspect.
C'est peut-être exagéré, mais oui, il y a de cela, pas forcément consciemment d'ailleurs… elle est fatale à ceux qu'elle touche, sans nécessairement se rendre compte (parce qu'elle pense comme une enfant) du pouvoir qu'elle a sur les hommes (tous gagas d'elle, d'Yniold à Arkel). La paronomase Mélisande-Mélusine n'est sans nul doute pas fortuite : on la trouve près d'une fontaine, elle peigne ses cheveux dans sa chambre (le dimanche !), et elle dispose de cet aspect potentiellement magique / destructeur. - Citation :
- En effet... Ce qui fait le charme de Pelléas, son caractère vaporeux qui permet d'y voir les fantômes que notre subconscient projettera sur ces brumes.
Oui, les phrases sont tellement banales qu'elles peuvent suggérer beaucoup de choses, renvoyer à beaucoup d'expériences. Et les chanteurs ne se privent pas d'orienter le sens général ou particulier de leurs répliques. - Citation :
- DavidLeMarrec a écrit:
- Benedictus a écrit:
- Cela dit, je subodore que Mefistofele aura tôt fait de rejoindre le clan...
Nous consentons à l'accueillir comme on accueillerait notre propre fils. Je ne suis pas certain d'être Pelléastre (ou de le devenir), et la phrase de David, qui a autrement écrit un topo sur Absalon ailleurs, est glaçante. Viens Médée, maman ! Il ne faut pas s'inquiéter ainsi pour une blague. (Tu reviendras un autre jour et nous en trouverons une autre.) |
| | | Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 91579 Age : 43 Date d'inscription : 08/06/2005
| Sujet: Re: Debussy - Pelléas et Mélisande Jeu 4 Juin 2020 - 5:25 | |
| Vidéo très intéressante sur la partition de Pelléas et ses nombreuses modifications, où l'on apprend que la censure a joué un rôle important:
https://www.youtube.com/watch?v=VE21j3QvHA0 |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: Debussy - Pelléas et Mélisande Ven 5 Juin 2020 - 10:17 | |
| Oui, la censure, c'est bien documenté. Quelle scène en effet !
Nouvelle édition très bienvenue. Tous ceux qui s'y sont essayé ont remarqué, je crois, les discrépances entre la version piano et l'orchestre, les bouts de répliques coupés, partiellement rétablis…
Deux choses m'amusent néanmoins :
1) Les éditeurs disent « enfin une version cohérente », comme si c'était la faute à quelqu'un… Mais qui a attendu la fin des 70 ans de droits d'auteur (Maurice rejoignit Messaline en 1949) pour publier un matériel correct pour une des œuvres les plus jouées au monde ? Pas sûr que ce soit libre de droit pour autant (années de guerre, je ne sais pas si la directive européenne qui les inclut aux 70 ans affecte rétroactivement les droits qui couraient déjà), mais pour sûr Durand assis sur son tas d'or s'est pas trop pressé de faire du bon boulot.
2) Tu sais que tu es un geek quand tu dresses l'oreilles aux erreurs du spécialiste – il parle de tomber amoureux sur la terrasse à la fin du II ; or il s'agit de la fin de l'acte I (la fin du II, c'est la grotte, beaucoup plus ambiguë), et Mélisande dit au IV qu'elle a aimé Pelléas dès la première seconde, donc avant qu'on les voie ensemble sur scène (ce n'est pas une scène de rencontre, ils se connaissent déjà tous). |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: Debussy - Pelléas et Mélisande Jeu 25 Mar 2021 - 22:33 | |
| - Xavier a écrit:
- Vidéo très intéressante sur la partition de Pelléas et ses nombreuses modifications, où l'on apprend que la censure a joué un rôle important:
https://www.youtube.com/watch?v=VE21j3QvHA0 Je n'ai pas retrouvé le fil (playlist ? ^^) où tu posais la question des nombreuses variations d'édition. Je suis allé chercher. Fin de III,3 (la terrasse). → Suppression d'une remarque sur les moutons qui « crient comme des enfants perdus, comme s'ils pensaient déjà au boucher » et un climax où Golaud chante « Quelle belle journée ! Quelle admirable journée pour la moisson ! ». III,4 → Le fameux « Et le lit ? », supprimé sur demande du censeur, ce qui évite finalement de faire retomber la tension. fin de III,4 → Où tu avais remarqué 13 mesures et une phrase de Golaud. IV,4 → Référence au père de Pelléas dont la guérison rend Pelléas libre de prendre la fuite avant de retrouve Mélisande. (Jamais entendu ça.) IV,4 → 24 mesures avant la fermeture des portes. IV,4 → Suppression d'une glose de Pelléas autour de « il ne sait pas que nous l'avons vu ». Il y a donc des parties qu'on n'entend jamais, en effet. |
| | | Francesco Mélomane chevronné
Nombre de messages : 4116 Localisation : Paris Date d'inscription : 20/05/2010
| Sujet: Re: Debussy - Pelléas et Mélisande Ven 26 Mar 2021 - 0:16 | |
| Sans compter les cabalettes, systématiquement coupées, sauf dans la version Bonynge. Pourtant "Sainte Gudule et Sainte Perpétue" par Sutherland (avec un ré dièze de toute beauté) c'est quelque chose ... |
| | | Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 91579 Age : 43 Date d'inscription : 08/06/2005
| Sujet: Re: Debussy - Pelléas et Mélisande Lun 11 Oct 2021 - 16:57 | |
| Au sujet des dernières mesures de l'acte 3, j'avais souligné qu'au Komische Berlin ils avaient joué des mesures en plus, avec également une dernière réplique plus longue: "Viens! Nous allons voir ce qui est arrivé" ici à 1:34:58 : https://my.mail.ru/mail/sakalysarvydas/video/24/2753.html (attention, version bizarre!)
Je n'avais jamais entendu cela ailleurs.
Eh bien c'est tout simplement la version originale, en tout cas celle qu'on trouve dans la première édition de la partition piano: https://ks4.imslp.net/files/imglnks/usimg/d/d6/IMSLP33280-PMLP09094-Debussy-L088vsFR.pdf (page 168-169 de la partition, ou 174-175 du document)
Pourtant, les Minkowski, Gardiner ou Dumoussaud, qui rétablissent les interludes courts originaux, ne jouent jamais ces mesures-là.
Ceci dit, sur le manuscrit de la partition orchestrale, la fin du passage en question est barrée: http://conquest.imslp.info/files/imglnks/usimg/5/59/IMSLP411010-PMLP09094-ACTE3.pdf (page 91) Mais pas la réplique en plus... |
| | | Prosopopus Mélomaniaque
Nombre de messages : 901 Age : 41 Localisation : Paris Date d'inscription : 21/11/2017
| Sujet: Re: Debussy - Pelléas et Mélisande Mar 12 Oct 2021 - 17:02 | |
| Dites, c'est quoi le symbolisme de la scène d'Yniold qui n'arrive pas à récupérer sa balle d'or sous le rocher ? |
| | | Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 91579 Age : 43 Date d'inscription : 08/06/2005
| Sujet: Re: Debussy - Pelléas et Mélisande Mar 12 Oct 2021 - 18:15 | |
| Pour moi: tout le poids de sa famille de dingos. (je rappelle que tout mène à croire que les pères de Pelléas et Golaud étaient frères, voire que le père du premier a peut-être tué le père du second, et que son cadavre serait dans les fameux souterrains, si l'on en croit Louis Langrée, j'en parlais plus haut dans la discussion) |
| | | Benedictus Mélomane chevronné
Nombre de messages : 15565 Age : 49 Date d'inscription : 02/03/2014
| Sujet: Re: Debussy - Pelléas et Mélisande Mar 12 Oct 2021 - 18:56 | |
| Ça veut peut-être dire qu'aucun footballeur ne parviendra à obtenir le ballon d'or tant qu'il jouera pour l'AS Monaco? |
| | | Emeryck Mélomane chevronné
Nombre de messages : 14424 Age : 26 Localisation : Bochum. Date d'inscription : 27/07/2012
| | | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: Debussy - Pelléas et Mélisande Mar 12 Oct 2021 - 20:07 | |
| - Xavier a écrit:
- Pour moi: tout le poids de sa famille de dingos. (je rappelle que tout mène à croire que les pères de Pelléas et Golaud étaient frères, voire que le père du premier a peut-être tué le père du second, et que son cadavre serait dans les fameux souterrains, si l'on en croit Louis Langrée, j'en parlais plus haut dans la discussion)
Oui, Yniold est impuissant face à un poids écrasant que personne ne peut soulever pour lui. Ça symbolise assez bien les difficultés que lui imposent sa généalogie… Cela dit, je ne suis pas sûr qu'il faille absolument donner une signification à chaque signe, même si Maeterlinck semble les avoir prévues assez précisément. Pelléas fonctionne très bien en le laissant dans ses allusions vaporeuses. |
| | | Prosopopus Mélomaniaque
Nombre de messages : 901 Age : 41 Localisation : Paris Date d'inscription : 21/11/2017
| Sujet: Re: Debussy - Pelléas et Mélisande Mar 12 Oct 2021 - 22:24 | |
| Merci pour ces pistes d'explications.
Je suis d'accord que le flou de l'action sied bien à l'oeuvre mais c'est la seule scène que je trouve déconnectée du reste et plutôt hermétique (pourquoi les moutons pleurent en plus ?). |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: Debussy - Pelléas et Mélisande Mar 12 Oct 2021 - 22:39 | |
| Il pleurent parce que ce n'est pas le chemin de l'étable.
Le texte d'origine de Maeterlinck a une précision que n'a pas conservée Debussy, lors de la scène sur la terrasse, à la sortie des souterrains :
PELLÉAS : Ce sont des troupeaux qu’on mène vers la ville… GOLAUD : Ils pleurent comme des enfants perdus ; on dirait qu’ils sentent déjà le boucher. |
| | | Iskender Mélomane chevronné
Nombre de messages : 2696 Age : 57 Localisation : Bretagne Date d'inscription : 11/08/2009
| Sujet: Re: Debussy - Pelléas et Mélisande Jeu 24 Mar 2022 - 11:10 | |
| J'écoute la version Roth avec partition, et je constate quelques détails d'orchestration modifiés : là - dans l'acte II - un accompagnement de basson disparu, là une doublure de bassons ajoutée aux contrebasses, là un accord de flûtes confié aux cors. Je pourrai détailler j'ai pris quelques notes; j'en suis au IIIè acte de mon écoute. En cherchant je suis tombé sur ces propos de Roth concernant son enregistrement : - Citation :
- Je suis aussi très enthousiaste d’appréhender de nouveau cette œuvre dans un travail musicologique et scientifique passionnant. Lorsque j’ai dirigé Pelléas en 2002, je n’étais pas au fait de toutes les différentes versions que Debussy avait développées à partir de son œuvre. Aujourd’hui mon travail musicologique se fonde sur des ressources très précieuses : sur la nouvelle édition de la partition publiée chez XXI Music Publishing, mais aussi grâce à mon collègue et ami Louis Langrée qui m’a très gentiment confié un certain nombre d’informations sur les matériaux de Royaumont et sur les partis pris artistiques de Pierre Boulez. Ainsi en 2021, je peux opérer des choix dans l’orchestration mais aussi dans la ponctuation des chanteurs, dans la disposition de l’orchestre…
En dehors de ce qui concerne les interludes, je n'étais pas très au fait de ces évolutions. Je vais relire ce que j'ai sur Pelléas mais peut-être avez-vous des éclaircissements. |
| | | Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 91579 Age : 43 Date d'inscription : 08/06/2005
| Sujet: Re: Debussy - Pelléas et Mélisande Jeu 24 Mar 2022 - 12:47 | |
| Il y a 50 éditions de cette partition...
Le souci c'est que j'ai l'impression que ça fait reprendre des erreurs à Roth, dans la scène des sous-terrains il y a un truc qui ne me paraît définitivement pas logique dans les accords de cuivres au-dessus de l'ostinato de timbales. |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: Debussy - Pelléas et Mélisande Jeu 18 Aoû 2022 - 12:21 | |
| Comme je jouais hier (pour la première fois en entier… ) le premier acte de Pelléas, quelques remarques en vrac pour nourrir d'éventuelles discussions. → Quand on ne cherche pas à jouer les lignes vocales simultanément (ni à s'aviser de chanter…), ce n'est pas insurmontable, il faut surtout le temps de s'immerger dans la logique harmonique spécifique (accords de quatre sons, quintes augmentées fréquentes, notamment). Seuls quelques enchaînements rapides d'accords très riches demandent vraiment un travail spécifique. [Je ne parle que de l'acte I : à la fin du III et du IV, par exemple, il y a clairement des épisodes plus acrobatiques.] → En le jouant, le fameux premier interlude ne me paraît pas si éhontément parsifalien : on a un rythme pointé avec une marche harmonique, et le fait de mettre le pointé sur un renversement d'accord recrée une mélodie proche de la première musique de transformation de Parsifal… mais si l'on est honnête, c'est surtout parce que c'est une tournure banale, et ce n'est vraiment pas écrit pareil : chez Wagner c'est une continuité qui se densifier et va s'épancher, alors que chez Debussy ce sont des relances isolées, entrecoupées de silences. Ça ressemble, mais il n'est pas si certain qu'il y ait eu une influence de l'un sur l'autre. (Boris Godounov, en revanche, avec les triolets tournoyants, créant un thème à base de secondes dans le grave, le processus est vraiment proche de l'ouverture de la scène de Pimène.) → Au contraire, l'obsession des quintes augmentées au début de l'opéra (première intervention de Golaud) m'a vraiment fait soupçonner l'influence de Wagner et de son omniprésent accord des Walkyries. → Autre influence évidente : on retrouve quasiment trait pour trait, il me semble, l'accompagnement de « Qui est-ce qui vous a fait du mal ? » dans L'Oiseau de feu de Stravinski. https://youtu.be/lc7h0BLCBQk?t=262 Comme c'est masqué par le chant, on ne se rend pas compte de la chose sans l'isoler – même en venant de le jouer il y a quelques instants, je trouve ça subtil à l'écoute, alors que c'était frappant au piano seul. On entend facilement l'influence française dans l'Oiseau, mais le lien direct avec Pelléas, je ne le remarque qu'à présent. → En le jouant, j'identifie enfin clairement le motif de Pelléas (lorsqu'il arrive, tout simplement), assez parent (malgré leur aspect très différent) de celui de Mélisande, comme une forme très simplifiée de cet aller-retour entre montée et descentes. → Frappé plus qu'à l'accoutumée par la parole d'Arkel : « et ce mariage allait mettre fin à de longues guerres, à de vieilles haines », qui s'enchaîne avec « il sait mieux que moi son avenir ». Mis en relation avec le paysan mort de faim mentionné par Golaud et les pauvres qui dorment dans la grotte, l'engeance du château d'Allemonde paraît indifférente à un point assez invraisemblable au sort du peuple qu'elle est censée gouverner et protéger. « Il préfère épouser une enfant inconnue ; c'est son affaire après tout, les gens mourront et puis voilà. » Cette réplique semble initialement une marque de sagesse et de bienveillance d'Arkel ; peut-être l'est-ce, vis-à-vis de son petit fils (j'y vois plutôt son aveuglement et son impuissance proverbiales, une fois de plus il n'a rien vu venir…), mais elle accentue aussi la souffrance du monde réel autour de la bulle dynastique d'Allemonde, qui ne vit que pour ses intrigues amoureuses et ses vengeances internes, cachée dans son château. Le traitement même de Maeterlinck laisse cet aspect en toile de fond, comme un peu de couleur locale. Je l'avais déjà relevé dans la notule « Allemonde, royaume imaginaire ? », mais cela m'a frappé plus vivement en le jouant. http://carnetsol.fr/css/index.php?2009/12/16/1435-a-la-decouverte-de-pelleas-melisande-xvi-allemonde-royaume-imaginaire → Pendant l'apparition du bateau qui quitte le port (I,3), on entend distinctement le motif de Mélisande (puisqu'elle mentionne « c'est le navire qui m'a menée ici ») ; mais pendant toute la description du bateau, et y compris simultanément au motif de Mélisande, on entend le motif de Golaud – le motif où il est perdu dans la forêt. [Petite séance de rattrapage ici : http://carnetsol.fr/css/index.php?2021/04/20/3201-autour-de-pelleas-melisande-xxiv-les-leitmotive-de-pelleas-la-preuve-par-golaud .] C'est d'abord envisageable parce qu'il est question de brume sur la mer (donc la même idée d'égarement https://youtu.be/lc7h0BLCBQk?t=1475), pour la suite je ne sais, car c'est véritablement l'accompagnement du thème de Mélisande, et il revient sur toute l'évocation du navire, jusqu'à l'extinction. On peut y comprendre que Golaud a accompagné Mélisande sur la nef ; et pour le reste, peut-être que Golaud est lui aussi sur ce navire métaphorique où l'on s'embarque sans retour (l'amour imprévu, la vie tumultueuse, le voyage vers le pays des morts peut-être ?). https://youtu.be/lc7h0BLCBQk?t=1502 (Voilà, si jamais il y a des choses qui vous paraissent évidentes ou débattables, c'est posé là. ) |
| | | Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 91579 Age : 43 Date d'inscription : 08/06/2005
| Sujet: Re: Debussy - Pelléas et Mélisande Dim 21 Aoû 2022 - 15:02 | |
| - DavidLeMarrec a écrit:
→ Au contraire, l'obsession des quintes augmentées au début de l'opéra (première intervention de Golaud) m'a vraiment fait soupçonner l'influence de Wagner et de son omniprésent accord des Walkyries.
C'est bizarre, je n'aurais jamais fait le rapprochement, pour deux raisons je pense: il y a toujours un 4è son dans les accords de Debussy, et puis ça s'intègre vraiment toujours dans la gamme par tons, c'est pour cette raison que pour moi il n'y a pas de lien avec l'accord de quinte augmentée de Wagner ou Liszt, la ressemblance est à mon sens vraiment fortuite. |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
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| Sujet: Re: Debussy - Pelléas et Mélisande Lun 22 Aoû 2022 - 16:12 | |
| Merci pour ton éclairage syntaxique. Le lien ou l'hommage, en effet je ne vois pas pourquoi il y en aurait là, mais à l'oreille et surtout sous les doigts, l'empreinte est vraiment comparable, ça se balade partout, du coup il y a vraiment un effet d'écho avec la couleur de la Chevauchée ou de la fin de l'Immolation, par exemple. (Ça ne m'avait jamais frappé à l'écoute seule.) L'Oiseau de feu, en revanche, tu l'entends toi aussi, n'est-ce pas ? |
| | | Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 91579 Age : 43 Date d'inscription : 08/06/2005
| Sujet: Re: Debussy - Pelléas et Mélisande Jeu 25 Aoû 2022 - 12:00 | |
| Je ne suis pas sûr de voir où c'est dans l'Oiseau de feu, il faudrait trouver le point de comparaison précis, mais ça ne me saute pas aux oreilles immédiatement. |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: Debussy - Pelléas et Mélisande Mer 31 Aoû 2022 - 23:28 | |
| J'ai joué cet acte I en répétition avec interprètes vocaux par-dessus le piano.
Quelques remarques supplémentaires, donc, des petits repérages absolument personnels qui ne changent pas la face du sujet, clairement.
→ Plaisir de constater qu’en le rejouant, nous avons été moins à la rue que lors de nos premiers essais un peu déboussolés (quoique connaissant notoirement l’œuvre par cœur). Entendre ces harmonies sonner juste et ces répliques prendre vie est une telle expérience !
Scène 1 → Un homme de l’Art m’a souligné, dans l’intervalle (ci-dessus…), que les suites de quintes diminuées qui m’avaient évoqué l’accord des Walkyries était plus prosaïquement le résultat de la gamme par tons. En le rejouant, en effet, ça s’entend davantage, cette espèce d’absence de tension, où tous les accords peuvent se renverser et se substituer à l’infini… (On a beaucoup écrit, dès les contemporains de Debussy, que la gamme par tons contenait la corrosion du système tonal.
→ Je n’avais pas remarqué que l’accompagnement de « Oh, vous êtes belle » était ensuite un matériau réutilisé (leitmotiv ?), notamment dans un interlude, il me semble, j’irai vérifier où exactement au fil de mes relectures.
→ Très parent, un second thème attaché à Mélisande (en plus de son thème bien connu, souvent énoncé à la flûte ou aux violons) apparaît après « Qui est-ce qui vous a fait du mal ? ». Il est abondamment réutilisé pendant la conversion autour de « je suis perdue », et « Je n’en veux plus » contient des fragments (l’oscillation de tierce) de ce motif.
→ J’ai d’abord cru, en le jouant, que le thème de Mélisande était compressé sur « je regarde vos yeux », mais en relisant, ça semble le thème complet – et sa fin m’évoque un motif de ponctuation dans le duo du tombeau d’Aida, c’est comme ça.
→ Je confirme trouver vraiment lointainement wagnérien le fameux bout de marche de transformation de Parsifal dans le premier interlude – j’en ai déjà parlé.
Scène 2
→ Arkel est soutenu par un thème récurrent (« Il avait toujours suivi mes conseils jusqu’ici ») que je n’identifie pas bien, mais qui est clairement fréquent.
→ Après « de vieilles haines », alors qu’il est censé évoquer la lutte entre deux royaumes, on entend la basse du motif de Golaud… écho au possible assassinat du père de Golaud par celui de Pelléas ?
→ Je trouve toujours peu marquant le motif de Pelléas, mais sa transformation à l’acte IV reste un grand moment, hâte de le relire.
Scène 3
→ La poésie de l’évocation maritime de cette scène (saturée de motif de Golaud) ne m’avait pas frappé avant de la lire, vraiment un sommet de finesse de bout en bout, aussi bien dans les doux battements de croches régulières que dans les bifurcations harmoniques, toujours pour aboutir sur de belles choses…
|
| | | Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 91579 Age : 43 Date d'inscription : 08/06/2005
| Sujet: Re: Debussy - Pelléas et Mélisande Jeu 1 Sep 2022 - 0:48 | |
| Intéressant, je n'ai pas trop creusé (en tout cas sur l'ensemble de la partition) les motifs secondaires, je ne me rends pas compte si c'est aussi riche/complexe que ce que fait Wagner. Mais il est certain que ça peut se fouiller encore et encore, et que ça perçoit plus sensiblement en jouant qu'en écoutant!
Ce qui m'a toujours frappé de façon plus évidente, c'est que quasiment chaque scène a son motif-décor propre qu'on ne retrouve pas ailleurs (sauf exception), par exemple le thème de la forêt (justement l'exception qu'on retrouve au V comme je l'avais mentionné plus haut en ces pages), les guirlandes de la scène de la fontaine, les battements des souterrains, etc... indépendamment de l'utilisation des motifs plus récurrents bien sûr. |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: Debussy - Pelléas et Mélisande Jeu 1 Sep 2022 - 0:57 | |
| - Xavier a écrit:
- Intéressant, je n'ai pas trop creusé (en tout cas sur l'ensemble de la partition) les motifs secondaires, je ne me rends pas compte si c'est aussi riche/complexe que ce que fait Wagner. Mais il est certain que ça peut se fouiller encore et encore, et que ça perçoit plus sensiblement en jouant qu'en écoutant!
Je ne sais pas si c'est plus riche/complexe que Wagner (ça mute moins, j'ai l'impression), mais la structure est encore plus tissée de motifs que dans les deux premiers volets du Ring, c'est certain ! (Pour le Crépuscule, j'ai surtout joué l'acte III, c'est du même ordre de densité.) - Citation :
- Ce qui m'a toujours frappé de façon plus évidente, c'est que quasiment chaque scène a son motif-décor propre qu'on ne retrouve pas ailleurs (sauf exception), par exemple le thème de la forêt (justement l'exception qu'on retrouve au V comme je l'avais mentionné plus haut en ces pages), les guirlandes de la scène de la fontaine, les battements des souterrains, etc... indépendamment de l'utilisation des motifs plus récurrents bien sûr.
Justement, les souterrains, on trouve des éléments dans le II… J'ai l'impression que beaucoup de choses qui me paraissaient uniques circulent pas mal (même si, en effet, chaque scène a sa couleur). Par exemple les battements du début de I,3, qui sont déjà présents par touches dans I,1 (et qui semble dériver du motif initial de Golaud, en fait : sensiblement le même geste). J'ai justement déchiffré le II aujourd'hui (j'ai fait le compte-rendu de mes trouvailles dans la répétition de dimanche), j'en toucherai un mot quand j'aurai fini de rédiger. |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: Debussy - Pelléas et Mélisande Jeu 1 Sep 2022 - 23:32 | |
| Donc, après déchiffrage de l’acte II de Pelléas de Debussy.
¶ Esthétique du leitmotiv
Bien que les exégètes semblent assez peu insister sur le sujet (ils en parlent sûrement dans les publications les plus précises : je n’ai qu’effleuré la littérature autour de Pelléas, dont j’aime à soulever les mystères moi-même, et un à un), l’œuvre est totalement fondée sur les leitmotive, plus encore que le Ring de Wagner – où l’on trouve tout de même beaucoup de ponts qui ne relèvent pas de motifs existants. Ici, quasiment toute la matière, à l’exception de quelques accords secs de transition (et encore, contenant souvent des motifs) n’est que mutation et réemplois de motifs fondamentaux.
Je savais qu’il y avait une couleur propre à Pelléas, et je me doutais bien qu’il devait y avoir des leitmotive vu son intérêt pour les techniques wagnériennes, mais je pensais que c’était à marge avant ma découverte récente… et à présent que je mets vraiment les doigts dedans avec attention, je me rends compte qu’ils font plus que structurer l’œuvre : ils sont l’œuvre elle-même. J’ai tout de même lu des commentateurs qui expliquaient qu’il n’y avait pas de vrais leitmotive dans Pelléas ! (Je suppose qu’ils se fondaient sur la littérature secondaire et ont déduit que le fait qu’on en parlait peu voulait dire qu’il n’y en avait pas vraiment, parce que dès qu’on regarde la partition d’un peu près, les récurrences thématiques signifiantes sautent partout aux yeux et aux oreilles !)
J’entendais bien qu’il y avait une couleur singulière dans Pelléas, mais je ne me doutais pas du tout de ce taux écrasant de réemploi (le motif de Golaud est absolument partout, tout le temps, un peu comme le ploum-ploum…). Je devine que cela échappe d’autant plus facilement que, contrairement à Wagner ou R. Strauss, seul l’accompagnement prodigue discrètement les motifs, la partie vocale étant dévolue à la déclamation spécifique que l’on sait. (http://carnetsol.fr/css/index.php?2013/06/02/2263-la-prosodie-de-pelleas-pourquoi-melisande-parle-t-elle-bizarrement)
¶ Quelques détails
On en a plein les doigts, les petites tensions qui restent d’une grande plénitude, c’est assez merveilleux à jouer. Par exemple l’accacciatura (petite note ajoutée, collée à un accord) sur l’accompagnement de « l’eau est claire », au début de la première scène. Vraiment délicieux cet accord, une dissonance légère, sans frottement, comme une ridule à la surface d’un beau lac.
Je ne reviens pas sur la saturation du moment de l’anneau par la rémanence du motif de Golaud, j’y ai consacré une notule presque entière ! (http://carnetsol.fr/css/index.php?2021/04/20/3201-autour-de-pelleas-melisande-xxiv-les-leitmotive-de-pelleas-la-preuve-par-golaud)
Dans la scène sophistiquée de la grotte au bord de la mer, j’ai été impressionné d’entendre des couleurs propres aux souterrains de l’acte III. Il faudra que j’y revienne vérifier quelles portions et dans quel esprit.
¶ L’ombre de Boris
Partout aussi, on entend l’oscillation régulière du motif de l’anneau… qui se change (à partir de « j’avais déjà fermé les mains ») en un motif déjà entendu dans le premier interlude de l’acte I, mais que je ne raccrochais à aucun sens précis, la fameuse « oscillation de Boris » (à ne pas confondre avec les radiations de Bovis) qui m’évoque toujours la musique de la chambre de Pimène !
Nouvelle convergence avec Boris Godounov (évidemment une coïncidence, mais il l’avait décidément bien dans l’oreille !), la mélodie qui accompagne « Avec l’anneau qu’il m’a donné » évoque la leçon de géographie de Féodor. Lorsque Golaud demande « a-t-il vu quelque chose d’extraordinaire ? », ce même thème revient pour signifier ce qui a épouvanté le cheval : la perte de l’anneau.
Et le récit de sa chute par Golaud est accompagné par une orchestration en carillon (basse profonde puis accords chargés longtemps tenus) qui évoquent les douze coups de midi… ce figuralisme est assez répandu chez les compositeurs, mais là encore, il concorde avec la façon dont Moussorgski ouvre la scène du sacre de Boris. |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: Debussy - Pelléas et Mélisande Mer 14 Sep 2022 - 15:20 | |
| Je n’avais pas encore fini d’évoquer mes impressions en continuant de jouer Pelléas. Je vous ai calé les extraits pour que vous puissiez vérifier…
¶ Acte III, scène 1 – scène du balcon. → Le violons en trémolo jouent le thème de Mélisande pendant l’envol des colombes. Est-ce simplement pour montrer l’agitation du personnage, ou une métaphore de quelque chose qu’elle perd, comme la – moins discrète – robe déchirée au clou de la porte ? https://youtu.be/lc7h0BLCBQk?t=3906 → L’interlude qui suit superpose la mélodie de Mélisande aux rythmes (deux croches + un triolet de croches) du thème de Golaud – je devine qu’il s’agit surtout d’un réemploi de matériaux, pas nécessairement d’un symbole. Surtout lorsque l’on sait la précipitation avec laquelle ils furent modifiés !
¶ Acte III, scène 2 – scène des souterrains. → La superposition (apparente) d’accords de deux tonalités (deuxième système, première mesure, au début on dirait du fa mineur main droite et du mi mineur main gauche, même si la logique harmonique est en réalité autre) m’a évoqué l’écriture de Messiaen (on a un épisode de ce genre, certes avec des accords de 3 sons et non de 2, à la fin du « Collier » des Poèmes pour Mi). Debussy : https://youtu.be/lc7h0BLCBQk?t=4189 Messiaen : https://youtu.be/l_InFMyiyn8?t=1468 → L’harmonie m’a contre toute attente évoqué par fragment (dans ce contexte beaucoup plus étouffant et très singulièrement écrit par ailleurs) les Nocturnes (ce qui ne paraît pas si étonnant) et, plus étonnamment, la première Arabesque (que j’avais fraîchement dans l’oreille et les doigts, il faut dire).
¶ Acte III, scène 3 – scène de la terrasse à la sortie des souterrains. → Après « la moindre émotion pourrait amener un malheur », j’avais noté la présence d’une dissonance. ( https://youtu.be/lc7h0BLCBQk?t=4565 ) En réalité, à la relecture, c’est moins spectaculaire qu’il n’y paraît, mais le glissement de la basse (note de passage, procédé tout à fait traditionnel, des dissonances passagères qu’on peut trouver chez Schubert ou Mendelssohn sans problème…) crée un frottement assez rugueux : do bémol de Golaud (logique, accord de do bémol majeur), mais la basse glisse, en même temps qu’il attaque sa note, sur un si bémol, soit un frottement de demi-ton assez contre-intuitif. À l’orchestre, la douceur des cordes et la profondeur des contrebasses le rend insensible ; au piano, l’effet attire vraiment l’attention (alors qu’il ne se passe rien de particulièrement audacieux en termes de système). Probablement pas une découverte qui ait un sens particulier, mais le renforcement expressif m’a frappé (au visage) ici.
¶ Acte III, scène 4 – Golaud & Yniold devant le château. → Le motif ascendant qui accompagne la scène des souterrains se transforme ici en motif de la colère de Golaud, présent de façon presque anodine et délicate au début de la scène, annonçant ce qui se produit déjà dans l’âme de Golaud. ( https://youtu.be/lc7h0BLCBQk?t=4678 ) On l’entendait déjà, sous une forme qui ne se rattachait pas aux souterrains, sur « il pourrait y avoir quelque chose entre vous » ( https://youtu.be/lc7h0BLCBQk?t=4575 ), à la scène précédente. Il revient à plusieurs reprises, par exemple : « Tiens, quelqu’un passe avec une lanterne dans le jardin » – cette lanterne symbolise-t-elle la lumière vacillante de la vérité que Golaud entrevoit au fil de ses questions ? Et ce thème menaçant, est-ce la colère qu’il cherche à cacher à Yniold en changeant soudainement de sujet ? → J’aime assez le figuralisme de la pluie, beaucoup plus réussi avec le petit martèlement du piano (https://youtu.be/lc7h0BLCBQk?t=4998 ). → Je note la dissonance (moins audible à l’orchestre qu’au piano) qui précède la première question ( https://youtu.be/lc7h0BLCBQk?t=4732 ), comme le signe d’un changement brusque dans la pensée de Golaud. Dans le même esprit, la modulation brutale pour « Tu es toujours près d’eux ? » ( https://youtu.be/lc7h0BLCBQk?t=4936 ). → Avant « Veux-tu voir petit mère ? », l’une des rares occurrences du thème (simplifié, mais très identifiable) de Mélisande dans le grave, comme un écho déformé par la jalousie ou une menace ? ( https://youtu.be/lc7h0BLCBQk?t=5102 ) → J’ai surtout été frappé (mais ce n’est pas tout à fait probant à la relecture) par la parenté du motif de basse qui sous-tend toute la scène d’espionnage ( https://youtu.be/lc7h0BLCBQk?t=5163 ) avec la ligne mélodique dans le duo d’amour de l’acte IV « On dirait de l’eau pure sur mes mains » ( https://youtu.be/lc7h0BLCBQk?t=7007 ), s’accélérant de façon effrénée, comme si Golaud comprenait l’histoire d’amour qui se noue et en devenait obsédé. Mais, outre que les motifs ne sont pas exactement similaires (alors que les autres sont beaucoup mieux conservés au fil des réitérations), le fait que ce ne soit pas dans l’ordre du drame laisse penser que j’ai sans doute raté quelque chose (peut-être un motif précédent que je n’ai pas encore identifié, et qui s’incarne peut-être à nouveau à l’acte IV. → La scène culmine en beauté sur les injonctions terribles à l’enfant voyeur « Regarde ! », où l’on entend très distinctement le motif apeuré de Mélisande, visée par cette intrusion indiscrète. ( https://youtu.be/lc7h0BLCBQk?t=5210 )
¶ Acte IV, scène 1 – un appartement dans le château, Pelléas & Mélisande. → Sous « Toute la maison semble déjà revivre », en écho à la guérison du père de Pelléas, les triolets ne sont pas si éloignés du thème de Golaud (et il y a bien l’alternance 2 croches + triolet de croches, aux mesures précédentes), mais je ne vois pas pourquoi il serait convoqué ici.
¶ Acte IV, scène 2 – un appartement dans le château, Mélisande & Arkel. → Pendant « créait autour de lui des événements jeunes, beaux et heureux », on entend mal, en version orchestral, le motif (altéré) de Mélisande, qui est bien là, par-dessus les arpèges qui évoquent depuis le début le vieux château d’Allemonde et les entrées d’Arkel ( https://youtu.be/lc7h0BLCBQk?t=5597 ). |
| | | Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 91579 Age : 43 Date d'inscription : 08/06/2005
| Sujet: Re: Debussy - Pelléas et Mélisande Jeu 15 Sep 2022 - 2:21 | |
| Je réponds juste à ça pour l'instant: - DavidLeMarrec a écrit:
¶ Acte III, scène 2 – scène des souterrains. → La superposition (apparente) d’accords de deux tonalités (deuxième système, première mesure, au début on dirait du fa mineur main droite et du mi mineur main gauche, même si la logique harmonique est en réalité autre) m’a évoqué l’écriture de Messiaen (on a un épisode de ce genre, certes avec des accords de 3 sons et non de 2, à la fin du « Collier » des Poèmes pour Mi). Debussy : https://youtu.be/lc7h0BLCBQk?t=4189 Messiaen : https://youtu.be/l_InFMyiyn8?t=1468 → L’harmonie m’a contre toute attente évoqué par fragment (dans ce contexte beaucoup plus étouffant et très singulièrement écrit par ailleurs) les Nocturnes (ce qui ne paraît pas si étonnant) et, plus étonnamment, la première Arabesque (que j’avais fraîchement dans l’oreille et les doigts, il faut dire).
Beaucoup de Nuages dans Pelléas, oui. Pour l'extrait que tu as mis: mi mineur avec des si bémol et des fa bécarre, je ne vois pas trop! C'est en fait plus simple: un même accord de 4 sons (s'intégrant dans la gamme par tons) transposé à volonté. L'écriture pianistique donne l'impression d'une bitonalité mais c'est juste pour que ce soit plus simple à lire et à jouer, sinon ce n'est pas ce qu'on entend, c'est bien un même accord transposé et enchaîné de façon parallèle. Et pour l'extrait du Messiaen: c'est du pur Koechlin ça, à 100%! Du coup je ne te suis pas trop dans ta comparaison: on est en plein brouillard de gamme par tons dans les souterrains de Pelléas, alors que dans le Messiaen on a la lumière de deux accords majeurs superposés... (sans parler des registres et des timbres choisis bien sûr)
Dernière édition par Xavier le Jeu 15 Sep 2022 - 2:35, édité 1 fois |
| | | Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 91579 Age : 43 Date d'inscription : 08/06/2005
| Sujet: Re: Debussy - Pelléas et Mélisande Jeu 15 Sep 2022 - 2:34 | |
| - DavidLeMarrec a écrit:
¶ Acte IV, scène 2 – un appartement dans le château, Mélisande & Arkel. → Pendant « créait autour de lui des événements jeunes, beaux et heureux », on entend mal, en version orchestral, le motif (altéré) de Mélisande, qui est bien là, par-dessus les arpèges qui évoquent depuis le début le vieux château d’Allemonde et les entrées d’Arkel ( https://youtu.be/lc7h0BLCBQk?t=5597 ). C'est vrai, on ne l'entend pas au début, ensuite dans l'aigü beaucoup plus clairement. Au chef de faire son boulot, aussi. |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97900 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: Debussy - Pelléas et Mélisande Jeu 15 Sep 2022 - 12:12 | |
| - Xavier a écrit:
- L'écriture pianistique donne l'impression d'une bitonalité mais c'est juste pour que ce soit plus simple à lire et à jouer, sinon ce n'est pas ce qu'on entend, c'est bien un même accord transposé et enchaîné de façon parallèle.
Oui, c'était bien ça que je voulais dire : il y a un aspect hardi assez déroutant là-dedans, même si on entend bien que ce n'est pas de la bitonalité. (Et je suis d'accord que ça ne sonne pas pareil que Messiaen, j'ai juste été frappé de rencontrer ce type de disposition dans Pelléas où je ne l'attendais pas – mais tu dis que c'est en réalité, à nouveau, une conséquence assez naturelle de la gamme par tons, donc qu'il n'y a pas nécessairement matière à surprise.) |
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