Sémiramide (Rossini, 1823)

Quand je dis que c'est comme ça que j'imagine Colbran, je devrais plutôt dire que c'est comme ça que j'imagine la Semiramide de Colbran, dans une version évidemment romantique des choses et donc sans doute anachronique. Une voix faillible mais impressionnante, avec une couleur de mezzo et des aigus tranchants. Je me doute bien que Tamar, ça ne doit pas être ta cam' !

Mais rien que pour la direction, cette version vaut vraiment l'écoute. Je ne connais pas celle que tu cites (qui ne doit pas être officielle ?) mais j'écoutais le récital de belcanto de Cuberli l'autre jour pour la première fois, où j'ai tout trouvé authentiquement magnifique (et les interventions de Dupuy !) ... jusqu'à la scène d'Ermione, où, pour moi, il manquait quand même un peu de furia. Mais, oui, grande chanteuse belcantiste, cela ne fait aucun doute.

On peut même tranquillement  dire que c'est la plus grande qu'on ait eue depuis les années 80, je pense.
Même si c'est une chanteuse inégale (une Cuberli fatiguée, ça s'entendait tout de suite), qui a eu un déclin rapide (dés 88-89, l'instrument a commencé à se gâter), et avec une nature pas vraiment généreuse, je parle de voix bien sûr   (un petit lirico assez commun).
Mais, car il y a un mais. Une compréhension intime de ce que ce style de chant implique, sûrement guidée  par un amour profond. Pas l'amour du piédestal, qu'on associe souvent au belcanto, non, vraiment quelque chose "d'intellectuel" (et oui ça existe!). C'est ce qui la lie tant à Dupuy. Et forcément, ça change tout. Surtout dans une tradition qu'on assimile par erreur à la belle voix, mais où ce qui importe c'est le style, la noblesse du chant, et la grammaire qui ordonne cela. Tout ça, Cuberli le possédait, et pas qu'un peu. Il suffit d'entendre son Amenaïde (comme je disais ailleurs, un rôle somme) pour s'en assurer. Dans les parties Colbran, elle a eu l'intelligence et la modestie de se limiter à celles qui lui étaient transposables (Elena, Desdemona, Semiramide, moins convaincu par Elisabetta, mais c'est aussi le rôle) et d'éviter les autres. Pas Gasdia donc, qui elle n'était adaptée pour rien mais qu'on entendait pourtant dans tout.
Cuberli aurait dû faire tous les Manfredini en revanche, là, elle est idéale. Ermione ne lui est bien entendu pas naturelle, bien que la scène dans le récital soit remarquablement déclamée et chantée. C'est un peu petit, mais très beau.

Je suis évidemment d'accord avec toutes les belles qualités sus-citées de Cuberli. Je rajoute et précise que c'était un lirico tout à fait standard (ni petit ni grand) et que cette voix était tout sauf commune : un timbre plutôt beau (ce qui en belcanto n'est pourtant pas un critère prioritaire) et tout à fait reconnaissable (donc une signature vocale).
Quant à Gasdia, je peux être critique sur certaines prises de rôles mais je ne suis certainement pas d'accord avec le fait qu'elle n'était adaptée pour rien ! Faut quand même pas exagérer ! Et même là où elle n'est pas pleinement idoine sur le plan musicologique (et je suis le premier à le dire), elle réussit des choses formidables qui expliquent qu'elle puisse emporter une certaine forme d'adhésion. Je pense que Rossini lui-même aurait pu être très séduit.

Pour la scène d'Ermione, j'ai un souvenir plus impressionnant, quoique, évidemment un peu rigide, d'Anderson. J'ai lu le livre un peu lyrique mais très renseigné et intéressant, qui avait été consacré à elle, Cuberli (et Verrett ... qui était un peu décalée à tous les niveaux dans ce contexte). Ce que tu dis à la fois de sa rigueur et de son amour intellectuelle pour ce répertoire se perçoit bien (c'est même la ligne directrice des parties qui lui sont consacrées).

Mais j'attends le DVD avec Gonassi, je n'ai jamais entendu l’œuvre en entier.

La version Elmer, c'est le feu, quand même ... entre la prise de son, la direction, l'orchestre ... j'ai l'impression de redécouvrir l'œuvre. Le final du premier acte, on dirait du Gluck ...

Francesco a écrit:

La version Elmer, c'est le feu, quand même ... entre la prise de son, la direction, l'orchestre ... j'ai l'impression de redécouvrir l'œuvre. Le final du premier acte, on dirait du Gluck ...

Tu as obtenu toute mon attention.

Francesco a écrit:

La version Elmer, c'est le feu, quand même ... entre la prise de son, la direction, l'orchestre ... j'ai l'impression de redécouvrir l'œuvre. Le final du premier acte, on dirait du Gluck ...

C'est quoi cette version Elmer? Je n'en trouve aucune trace...

PArdon, je voulais dire "Elder" évidemment (dont tu dis toi aussi grand bien, je crois !)

Francesco a écrit:

PArdon, je voulais dire "Elder" évidemment (dont tu dis toi aussi grand bien, je crois !)

Ah oui, la version Opera Rara!! Oui en dehors du Idreno assez affreux de Banks, c'est une très chouette version je trouve!