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| Mozart - Opéras peu connus | |
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+8T-A-M de Glédel Guillaume Zip Stadler felyrops Octavian Xavier Wolferl 12 participants | |
Auteur | Message |
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Wolferl Lapinophobe
Nombre de messages : 13311 Age : 34 Localisation : Paris Date d'inscription : 27/06/2006
| Sujet: Re: Mozart - Opéras peu connus Lun 8 Sep 2008 - 2:00 | |
| Je ne sais pas trop où caser ça donc ce topic censé être général fera l'affaire. La Pierre Philosophale ou l'Île enchantée (Der Stein der Weisen oder Die Zauberinsel) est un signspiel dont Mozart composa plusieurs plusieurs parties et qui fut redécovert en 1996 par David J. Buch vant d'être entièrement enregistré en 1999 par Martin Pealrman. Il a été créé en 1790 sur un livret de Schikaneder et avec presque exactement la même troupe de chanteurs que la Flûte Enchantée. La compsition fut onc partagée entre Johann Baptist Henneberg (la plus grosse partie), Mozart, Benedikt Schak, Franz Xaver Gerl et Schikaneder pour quelques airs. C'était une pratique visiblement courante à l'époque puisqu'on sait que Mozart a également composé des airs pour d'autres opéras de ses amis, et son nom sur l'affiche avait certainement dû attirer les spectateurs. Voilà, ça c'était la partie laborieuse histoire de planter le décor. Maintenant, comme on s'en doute et comme les rédacteurs du livret (Buch et Pearlman) n'arrêtent pas de le répéter pour attirer l'auditeur, la ressemblance avec la Flûte Enchantée composée un an plus tard est assez frappante. Tout d'abord par le livret, également de Schikaneder, qui nous fait nous renre compte que celui-ci s'est surpassé pour la Flûte. Ici l'intrgue est encore plus indigeste et tarabscotée, des histoires de dieux sages et cléments à qu'il faut vénérer sous peine de terribles sanctions, de liens de parentés cachés, de couples séprés et plus ou moins soumis à des épreuves, des femmes basses et frivoles en qui il ne faut jamais faire confiance etc. Comme son nom ne l'indique pas, rien à voir avec la recherche de la pierre philosophale qui joue un rôle minime dans le dénouement. Le grand prêtre Sadik (qui, lui, porte bien son nom) est un espèce de Sarastro prêt à sacrifier ses enfants mais enrage lorsque sa fille lui est dérobée. Nadir et Nadine sont des Tamino et Pamina : le héros courageux qui faiblit mas se repent pour délivrer la seule femme qui, par sa pureté, sa détache de la foule de mégères démoniaques. En contraste, évidemment, Lubano et Lubanara en Papageno et Papagna, un peu simples et bourrus mais bien braves et qui finissent aussi par voir leurs mésaventures se terminer dans la joie. En parallèle aussi avec la Flûte, les dieux Astromonte (le gentil) et son frère Eutifronte (le vilain méchant) dont les positions s'inversent à un moment donné comme Sarasto et la Reine, mais tout est bien qui finit bien : les gentils sont effectivement gentils et les méchants restent et resteront méchants. Bref, tout ça pour dire que dans un univers et une intrugue proche de la Flûte Enchantée, il était visiblement possible de faire encore plus gratiné... En ce qui concerne la musique, force est de constater que c'est tout de même plutôt efficace. L'unité de style est relativement respectée malgré ces cinq compositeurs différents, et on est bien souvent proche de la Flûte avec des mélodies, des tournures très mozartiennes. Dire que c'est de la "mauvaise Flüte Enchantée" serait un peu dur, et surtout absurde, mais c'est tout de même un peu ça... Heureusement la majorité a été écrite par Henneberg qui est sans doute l'un des meilleurs compositeurs qui ont collaboré à cet opéra, l'ouvertur en est même très bonne et il y a nombre depetites mélodies qui restent dans la tête. Rien de bien méchant mais ça s'écoute très facilement et on peut même y prendre du plaisir - il n'y a à vrai dire pas d'autre but ici (puisque je pense qu'on peut se permettre de remettre en question le caractère édifiant de l'histoire...) Les parties composées par Mozart (à savoir le fameux duo de chats et le finale de l'acte 2) ne brillent d'ailleurs pas vraiment plus que celles des autres, il ne s'est pas foulé, on remarque juste un souci d'orchestration et d'unité un peu plus important - quoique, il coupe le milieu de son final d'une lourde cadence, c'est très mauvais. Il ne faut évidemment pas écouter uniquement les pages de Mozart dans l'espoir de découvrir des trésors cachés, d'abord vous serez très déçus, et puis l'intérêt n'est pas là. Où est-il dans ce cas, me demanderez-vous ? C'est une bonne question, je ne vous remercie pas de me l'avoir posée... Eh bien, essentiellement dans la découverte d'un genre dont la Flûte n'est pas le seul représentant et qui s'en inspire même beaucoup (le premier air de Nadire qui ressemble beaucoup au premier de Tamino, les vocalises reinedelanuitesques d'Astromonte au final de l'acte I), l'appréciation du style des contemporains de Mozart, le ridicule du livret qui fait franchement sourire... Bon, d'accord, je ne suis pas très doué pour convaincre mais j'espère au moins avoir éveillé la curiosité de quelques uns. |
| | | Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 91579 Age : 43 Date d'inscription : 08/06/2005
| Sujet: Re: Mozart - Opéras peu connus Lun 8 Sep 2008 - 2:05 | |
| Pour éviter qu'on se perde dans un sujet trop long, je divise pour faire un sujet "opéras peu connus de Mozart", où on peut parler de Lucio Silla, Il Re pastore, etc... |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Mozart - Opéras peu connus Lun 8 Sep 2008 - 8:03 | |
| - Wolferl a écrit:
Bon, d'accord, je ne suis pas très doué pour convaincre mais j'espère au moins avoir éveillé la curiosité de quelques uns. pour le moins... |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Mozart - Opéras peu connus Lun 29 Sep 2008 - 16:59 | |
| comme je l'avais fait dans le fil Playlist je renvoie à l'article en français ceux qui souhaiteraient avoir un résumé du scénario http://www.rodoni.ch/proscenio/cartellone/zauberflote/steinderwesen.html pour ceux qui souhaiteraient l'entendre: lien amazone Pour mieux comprendre ce qui suit, le tableau qui résume les différentes attributions des numéros de l'ouvrage Et maintenant le premier épisode du feuilleton de l'hiver 2008 (Wolferl und Spiritus gewidmet natürlich): car je vais revenir essentiellement sur la "partie laborieuse"... |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Mozart - Opéras peu connus Lun 29 Sep 2008 - 17:03 | |
| Le premier enregistrement complet du singspiel Der Stein der Weisen oder die Zauberinsel (La pierre philosophale ou l’Ile Enchantée) apporte un éclairage nouveau à l’histoire des derniers mois de la vie de Mozart, et peut-être à l’histoire de l’opéra allemand en général. En 1996, le musicologue américain David Busch découvre dans un lot de partitions rendus par la Russie à l’Allemagne une partition autographe de ce « nouveau grand opéra héroïco-comique » créé le 11 septembre 1790 par le théâtre d’Emmanuel Schikaneder, sans que l’affiche d’époque précise le nom de l’auteur de la musique. La plupart des musicologues en attribuaient la paternité à Benedikt Schack, créateur du rôle d’Astromonte, et tout juste un an plus tard de celui de Tamino dans la Flûte. On attribuait à Mozart l’orchestration du duo « Mann und Weib », duo des chats dans lequel la soprano miaule, en lui refusant en général la paternité de la ligne vocale, bien qu’il existe de ce duo un autographe complet conservé à Paris entièrement de la main de Mozart. La bibliothèque de Berlin possédait déjà une copie de Der Stein der Weisen, attribuée entièrement à Mozart, alors que l’autre autographe connu ne mentionnait pas de nom de compositeur. L’intérêt du nouveau manuscrit résidait dans le fait qu’il désignait une bonne moitié des auteurs des parties musicales, à savoir Henneberg principalement, chef de l’orchestre du théâtre auf der Wieden, mais aussi Schakt, Gerl (créateur du role de Sarastro) Schikaneder, et Mozart lui-même crédité non seulement du duo mais aussi de deux fragments du final de l’acte II.
L’excellent enregistrement réalisé par Martin Perlmann à la tête de l’ensemble Boston baroque permet de pénétrer plus avant dans l’analyse de cette œuvre, mais aussi de se rendre compte qu’elle constitue telle quelle, anonyme ou pas, une pièce par plusieurs aspects remarquables, et notamment par l’unité qu’elle affiche, surprenante pour un ouvrage collectif, même si l’acte II semble encore supérieur au début. Elle donne aussi une idée plus précise de ce que pouvait être l’activité d’une troupe de théâtre dans les dernières années du 18ème siècle, et comment certaines productions « maison » concurrenceraient aisément les opéras –majoritairement italiens- des contemporains. Elle montre aussi que la musique populaire, comme celle de Mozart lui-même, avait pénétré le répertoire. Ainsi, Schikaneder et sa troupe, à peine installés dans le théâtre auf der Wieden, avaient repris en avril et mai 1789 l’Enlèvement au Sérail auquel la guerre contre les Turcs avait redonné une actualité brûlante : Gerl y jouait Osmin, et la musique de L’Ile enchantée semble bien avoir quelques rapports, dans ses chœurs et marches (n°12 et 21 ouverture de l’acteII) avec celle de certains ensembles de l’Enlèvement. Curieusement, si l’on en connaît bien certaines pages on retrouvera aussi dans l’orchesration de certains airs des tournures qui semblent, comme un pastiche, issues directement d’Idoménée. Rétrospectivement, on s’aperçoit également du rôle capital que la troupe de Schikaneder a joué dans la vie de Mozart durant les derniers mois de sa vie et l’on comprend mieux certains témoignages inexpliqués que les musicologues ont généralement balayé comme fantaisistes concernant les circonstances de composition des dernières œuvres de Mozart. On est aussi conduit à s’interroger sur l’influence de l’entourage direct sur la composition de la Flûte et sur ce qui dans cette partition relève moins de Mozart que de la tradition du théâtre auquel elle est destinée. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Mozart - Opéras peu connus Lun 29 Sep 2008 - 22:55 | |
| Emmanuel Schikaneder
Le plus simple est peut-être de tenter de s’intéresser aux différents compositeurs de ce pot-pourri, en commençant par l’auteur seul crédité pour le livret, Schikaneder. Emmanuel Schikaneder a écrit plus d’une cinquantaine de pièces de théâtre et de nombreux livrets d’opéras et d’opérettes, ou faut-il plutôt dire de canevas, car une grande partie de son art de comédien semble reposer sur l’improvisation (et la personnification d’un Arlequin local, le « Hanswurst » des boufonneries autrichiennes). Ses premiers succès sont dus à la popularité de son incarnation d’Hamlet, il semble s’être intéressé à la représentation majoritaire d’œuvres musicales vers 1778, et sa réputation de compositeur repose sur l’attribution de deux uniques œuvres, une opérette Die Lyranten jouée à Innsbruck (un seul document tardif affirme qu’il est l’auteur de la musique) et le singspiel Das Urianische Schloss, représenté à Salzbourg en 1786 .
Schikaneder fut membre du chœur de la cathédrale de Regensburg dans sa jeunesse, et sa formation musicale semble s’arrêter à cela, puisqu’il fut un temps musicien de rue, puis danseur avant de diriger des compagnies de théâtre itinérantes comme celle qui passa toute une saison à Salzbourg en 1780, et dont la famille Mozart fréquenta assidument les représentations. Wolfgang et Nannerl tinrent à l’époque un journal détaillé de ce qu’ils y virent, dont une seule page fragmentaire nous est parvenue. On sait cependant que toute la famille avait ses entrées gratuitement au théâtre, en échange d’airs composés gracieusement pour les chanteurs de la troupe, mais aucuns de ces airs n’ont été identifiés ni conservés, à moins de penser qu’ils aient pu être recyclés dans le fond du répertoire que Schikaneder transporta finalement à Vienne, recueillant au passage à Regensburg (où il dirigea un temps le théâtre de la cour de Turm und Taxis), les chanteurs et compositeurs Schak et Gerl, à qui sont attribués le plus souvent alternativement et « avec d’autres » les musiques des singspiele à succès du théâtre Freihaus dans les faubourgs de Vienne, entre autres celles de la série des Anton (Le jardinier stupide ou les deux Anton, Anton à la cour, Anton n’est pas mort, Le Renégat ou Anton en Turquie). Il travaillera plus tard avec Sussmayr, Winter, et finira même par offrir, en vain, un logement à Beethoven dans son dernier théâtre…
Que Schikaneder eut des idées musicales, c’est certain, qu’il possédât les compétences pour les noter ou les développer paraît moins sûr. Dans la partition de La Pierre Philosophale, il est en une occurrence crédité seul (II-18 ) et partage d’autres numéros avec Schak et Henneberg. Une tradition voudrait qu’il ait réclamé à Mozart l’écriture de la Marche des prêtres de la Flûte (il y a aussi une marche dans l’acte II de L’Ile enchantée) et qu’il lui ait soufflé le commencement du duo bouffe Pa-pa-pa-pa, alors que Mozart aurait écrit dans une première version des cris de reconnaissance n’exprimant pas suffisamment la stupéfaction. Dans la distribution de la flûte on retrouve son frère Urban Schikaneder (1er Prêtre) et sa nièce Anna (1er Garçon) qui sera plus tard dans la compagnie de son frère Karl la Reine de la Nuit en 1811 à Leopoldstadt, ce détail pour souligner que dans ces compagnies tenues par des familles de comédiens, il n’est pas exclu que des pans du répertoires puissent survivre, et peut-être parfois de façon orale, durant plusieurs dizaines d’années…
Dernière édition par sud273 le Mar 30 Sep 2008 - 0:57, édité 1 fois |
| | | Wolferl Lapinophobe
Nombre de messages : 13311 Age : 34 Localisation : Paris Date d'inscription : 27/06/2006
| Sujet: Re: Mozart - Opéras peu connus Lun 29 Sep 2008 - 23:24 | |
| Merci beaucoup Sud, tu te lance dans quelque chose de vraiment conséquent j'ai l'impression, et c'est passionnant ! Mais quelque chose m'intrigue, les trois garçons étaient déjà à l'époque joués par des femmes ? Je croyais que c'était une sorte de convention installée plus tard, alors qu'on ne se souciait pas trop de la crédibilité ni de l'équilibre (le parallèle Trois Dames/Trois Garçons), et que ça n'avait été rétabli que récemment... Mozart a donc écrit ses parties pour trois femmes et le fait de les faire aujourd'hui chanter par des garçons serait juste une tendance qui prendrait appui sur des idées erronées ? |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Mozart - Opéras peu connus Mar 30 Sep 2008 - 0:55 | |
| je ne sais pas, je n'ai pas la réponse, il y avait des enfants sur scène, qui jouaient les animaux de Monostatos, pour l'instant je n'en sais pas plus, mais je vais me pencher sur la question... |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Mozart - Opéras peu connus Mar 30 Sep 2008 - 12:59 | |
| Les influences de Schikaneder
Les livrets de Schikaneder paraissent aujourd’hui souvent confus et absurdes. Il faut admettre qu’ils devaient exercer une attraction assez irrésistible sur le public. Plusieurs de ses trames ont d’ailleurs connu des mises en musiques différentes chez ses concurrents. Vers 1790, Schikaneder est en tout cas le promoteur d’une forme d’opéra féérique, avec machinerie qui recueille un succès durable dont on peut distinguer qu’il se prolonge chez Schubert, Weber et même Wagner. La source d’inspiration de ces « opéras enchantés » repose sur les contes de Wieland (Dschinnistan 3 volumes parus en 1776-77) lui-même traducteur de Shakespeare, et auteur d’un Oberon qui aura un retentissement mondial à travers la traduction qu’en fera à son tour John Quincy Adams, président des Etats-Unis. En tant que traducteur de Shakespeare Wieland avait fait paraître une version allemande de La Tempête ou l’Ile enchantée : la coïncidence des sous-titres et des sources pourrait expliquer la mystérieuse phrase d’Albert Einstein, prétendant que Mozart aurait eu l’intention d’écrire un opéra sur La Tempête (de Shakespeare) après le passage de Schikaneder à Salzbourg. Néanmoins la thématique antique et égyptienne parcourt la littérature « féérique » avant Wieland, et Mozart a rencontré les récits initiatiques par deux fois en écrivant la musique de scène de Thamos pour la pièce du baron Gebler, à laquelle il tenait tant et qu’il citera à plusieurs reprises dans son dernier opéra.
La Pierre Philosophale est peut-être la première apparition d’une adaptation à l’opéra des contes de Wieland, mais de peu : il semblerait que Schikaneder se soit emparé du sujet, à cause du grand succès de la saison 1790 du théâtre concurrent, celui de Marinelli, installé dans le faubourg de Leopoldstadt, « La Fête du Soleil des Brahmanes » opéra exotique dont le scénario comprenait un grand prêtre noble, le triomphe du bien symbolisé par un temple solaire, et les aventures d’un couple comique de caractère « populaire », Barzalo et Mika chantant un duo « Ich werde dein Weibchen » et autres gimmicks lubanaro-papagenesques. En réaction à ce vol manifeste et au succès de L’Ile enchantée (qui tiendra pendant 25 ans la scène dans divers théâtres allemands), Marinelli mettra en chantier l’opéra « Gaspard le bassoniste ou la cithare magique » (texte Périnet, musique Wenzel Müller) adapté du conte de Wieland « Lulu ou la Flûte enchantée » qui ouvre le 8 juin 1891. Mozart qui assiste à la représentation le 11, écrit le lendemain : « Je m’en allai pour me distraire voir Kasperl dans le nouvel opéra « Le Basson » qui fait tant de bruit, mais il n’y a rien du tout là-dedans ».
Le scénario de La Pierre Philosophale présente le même renversement des bons en méchants que la Flûte Enchantée : cette similitude confirme bien que l’idée du coup de théâtre entre les deux actes est une composante de base du livret et non une réfection tardive comme certains « témoins » d’époque commenceront à en faire courir le bruit après la mort de Mozart. On a consciencieusement cherché à taxer le livret de ravaudage absurde conçu dans l’urgence pour pour éviter d’en comprendre le sens, ce qui n’a pas trompé le public qui s’est précipité aux 35 premières représentations de la Flûte pour en apprécier autant la musique que le message. On pourrait même aller plus loin et reconnaître dans ce brouillage des perspectives (l’identité interchangeable des dieux bons et mauvais), l’écho de théories gnostiques effectivement héritées de l’Egypte et du Mazdéïsme et bien antérieures aux religions chrétiennes européennes. Mais cela dépasse Schikaneder qui, vétu des plumes de Papageno saura transmettre la fable morale par le biais de la farce… Notons qu’en tant que librettiste Schikaneder, et particulièrement lorsqu’on sort de la prose allemande, n’est pas non plus livré à lui-même, sa femme écrit également, et la troupe bénéficie de la présence d’un personnage singulier, acteur de rôles parlés, le mystérieux Karl-Ludwig Gieseke (plus tard Sir Charles Lewis). Selon Seyfried (futur chef d’orchestre du théâtre), il n’est pas jusqu’au souffleur (Haselbeck) qui ne soit mis à contribution pour transcrire en vers les inspirations brutes de Schikaneder. En 1798, l’ennemi d’alors, Joachim Perinet, rejoindra à son tour l’écurie du théâtre auf der Wieden, où, comme la majorité de la troupe, il élira domicile. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Mozart - Opéras peu connus Mar 30 Sep 2008 - 22:11 | |
| Henneberg
On sait beaucoup moins de choses concernant l’activité en tant que compositeur de Johan-Baptist Henneberg (né Henneberger 1768-1822) et il est assez surprenant de constater que le manuscrit retrouvé de Der Stein der Weisen l’identifie comme l’auteur d’une bonne partie de l’acte I alors que son nom n’apparaît plus que pour le numéro 4 de l’acte II. Fils d’un organiste viennois, Henneberg reprit à sa mort la charge de son père. Il occupe le poste de chef d’orchestre du théâtre de Schikaneder de 1790 à 1802 ; d’abord connu comme pianiste, c’est dans cet emploi de directeur musical qu’Henneberg semble s’être particulièrement distingué. Une légende tenace voudrait que les représentations du théâtre aud der Wieden eussent été d’un niveau très moyen. Ces critiques semblent s’adresser plutôt à l’ère Friedel (prédécesseur de Schikaneder) les journaux du temps attribuant le manque d’ensemble des musiciens et des chanteurs à l’absence d’un Kappelmeister : au contraire les commentateurs d’après 1790 soulignent tous unanimement la qualité des interprêtes, certains des membres de l’orchestre, dont le premier violon Josef Suche, ayant été recrutés parmi les instrumentistes du Kärntnertochtheater qui ferma en 1788. Henneberg est resté célèbre pour avoir fait répéter la Flûte pendant le voyage de Mozart à Prague puis repris la baguette après la troisième représentation de l’opéra. Il est crédité aussi pour la réduction au piano des partitions des singspiele joués après 1792. On sait qu’il donna des Académies au bénéfice de Schikaneder (lors de l’une des premières en avril 1791, il joua un concerto de Kozeluch sur le fortepiano) et par le témoignage de son futur adjoint Seyfried –élève de Mozart- qu’il était toujours « tiré à 4 épingles » et coiffé à la dernière mode, semblant « commander du piano, tel un général en chef une armée de musiciens ». En tant que compositeur son grand succès fut l’opéra comique « Die Wäldmänner » en 1793, précédé de Johanna von Weimar (1792) et Die Eisen-Königin. Curieusement son nom n’apparaît pas parmi les auteurs de Schikaneder à l’exception du singspiel collectif Der Wohltätige Derwisch (1791), une turquerie dont des bribes sont explicitement citées dans le rôle de Sarastro. Collaborateur d’Hoffmeister et de Sussmayr vers la fin de son engagement, il semble avoir complètement cessé d’écrire pour le théâtre après 1802, et occupera divers postes d’organiste et de maître de Chapelle (successeur d’Hummel chez les Esterhazy), n’écrivant en plus de quelques danses que de la musique religieuse. L’ouverture de La Pierre Philosophale montre un talent honnête, qui fait songer à celles de Salieri par son côté légèrement archaïsant, mais la plupart des parties du premier acte attribuées à Henneberg comme l’air de basse n°4 ou le chœur des chasseurs n°14 ne font tendre l’oreille que parce qu’elle semble décalquer l’Enlèvement au sérail. Les autres arie ont un caractère de musique populaire, dans une orchestration agréable mettant en relief les bois. En fait, malgré un effort d’intégration de l’action dans un discours continu, rien de très original avant le final du I, ce qui tendrait à faire penser que le rôle joué par Henneberg serait plutôt celui d’un arrangeur, et qu’il aurait peut-être été essentiellement la plume chargée de mettre en forme les idées de ses co-auteurs. Détail troublant : pour sa belle-sœur Josepha Hofer future créatrice du rôle de La Reine de Nuit, Mozart aurait écrit en 1789 un air allemand perdu, et le 17 septembre 1789 un air qui ne nous est parvenu que sous la forme d’esquisse, qu’on dit destiné à la reprise en allemand du Barbier de Paisiello, « Schon lacht der holde Frühling » k 580 ; or, dans le coin supérieur droit du manuscrit de la main de Mozart, quelqu’un (Schikaneder? un copiste ?Mozart lui-même ?) a écrit : « Henneberg ». |
| | | Wolferl Lapinophobe
Nombre de messages : 13311 Age : 34 Localisation : Paris Date d'inscription : 27/06/2006
| Sujet: Re: Mozart - Opéras peu connus Mar 30 Sep 2008 - 22:46 | |
| Encore merci, j'attends la suite avec impatience ! Mais j'avais tout de même trouvé à Henneberg un peu plus qu'un talent d'arrangeur, ce qu'il a composé fait tout de même partie de ce qu'il y a de mieux dans ce singspiel... |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Mozart - Opéras peu connus Mar 30 Sep 2008 - 23:17 | |
| je ne trouve pas du tout, la transition entre l'ouverture un peu étalée et le choeur à trois temps qui suit est franchement hard et un peu par-dessus la jambe, seule aria un peu originale le n°4, mais très proche du 2ème air d'Osmin, l'aria de la soprano est vraiment très musique campagnarde, on régresse un peu dans le style "à l'ancienne". En revanche les choeurs sont très bons, le duetto bouffe de Gerl et l'air de Schack avec cor obligato aussi. Tout l'acte 2 est d'une autre hauteur, dès l'ouverture dramatique, très réussie, et les liaisons me paraissent mieux assurées et d'une main plus ferme, mais là on ne sait plus avec certitude qui a écrit la musique, et j'ai tendance à penser que ce serait plutôt Schack. Evidemment ce n'est qu'une supposition et mon ressenti, je serai bien content d'entendre du Henneberg tout seul pour pouvoir en juger plus précisément, mais ça n'a pas trop l'air d'exister. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Mozart - Opéras peu connus Mer 1 Oct 2008 - 17:42 | |
| Gerl
Franz-Xaver Gerl (ou Görl) est né bavarois en 1762. Comme ses frères il a été enfant alto dans le chœur de la cathédrale de Salzbourg où il fit ses études et fut probablement selon le Groove l’élève de Léopold Mozart. Sa carrière de basse bouffe commence en 1785, et deux ans plus tard il entre dans la compagnie de Schikaneder à Regensburg. Son activité de compositeur est peu documentée, on le cite en collaboration avec Schack, et on attribue parfois à l’un les airs composés par l’autre, comme celui tiré des deux Anton sur lequel Mozart écrit en avril 1791 des variations (k613) qui se trouvent être sa dernière composition pour piano. Il semble avoir collaboré à l’écriture de la plupart des épisodes d’Anton, et au wohltätiger Derwisch : deux opéra lui sont entièrement attribués, dont le Don Quichotte de Gieseke donné en mars1790. Gerl devait posséder une voix tout à fait extraordinaire, descendant très bas dans les graves, comme le montre les parties de Sarastro dont il est le créateur, et l’air « Per questa bella mano » k612, dernier air de concert écrit par Mozart présentant un obligato de contrebasse destiné à faire valoir en duo avec Gerl, Pischlberger, virtuose de l’orchestre d’Henneberg. Faut-il relever que le prénom de Gerl était Franz-Xaver ? prénom sans doute très à la mode tout au long de la deuxième moitié du 18ème siècle en Autriche puisque c’est aussi celui de Süssmayr, et que l’enfant que porte Constance en 1791 sera également prénommé ainsi. Le 2 septembre 1789, Gerl épouse la soprano Barbara Reisinger qu’il a connue à Regensburg, qui tient le rôle de Lubanara dans La Pierre Philosophale et créera celui de Papagena. La rumeur (relancée par les confidences tardives de Gieseke) prétend que madame Gerl aurait été l’instrument du rapprochement viennois de Mozart et Schikaneder et qu’elle aurait été sa maîtresse jusqu’à ce que Anna-Maria Gottlieb la remplace dans le cœur de Mozart. Dans La Pierre Philosophale Gerl est désigné comme l’auteur du n°10 de l’acte 1, « Trallalera » tout à fait dans le ton des bouffonneries à la Schikaneder, sauf qu’il est ici destiné au couple Gerl, et de l’air n°12 de l’acte II, grand air de bravoure à coloratures d’Astromonte (chanté par Schak) qui ne peut manquer d’évoquer les vocalises de la Reine de la nuit : cet air, l’un des sommets de la partition se caractérise par un accompagnement de timbale et une contrebasse très présente. Le fait que l’air à coloratures soit confié au ténor ne s’explique pas par des préoccupations de structure mais par le fait que Josepha Hofer est indisponible à l’époque des représentations de la Pierre Philosophale. Elle est enceinte. Si la Flûte n’a pas connu de remaniement dans l’urgence de son livret, ce n’est peut-être pas le cas de L’Ile enchantée : cela expliquerait-il que l’équipe de Schikaneder ait eu recours à un joker, capable d’opérer rapidement des changements à vue dans une partition restée en plan ? On sait par une entrée du journal de Backhaus que Gerl, à défaut de sa femme, fréquentait quotidiennement Mozart durant les deux dernières années de sa vie, et qu’ils avaient pour habitude de jouer aux cartes ensemble. Dans ses une lettre sollicité par Treischke (collecteur de mémoires sur Bach, Mozart et beethoven) Seyfried précise que certaines parties de la Flûte auraient été écrites « dans les quartiers de Gerl, ou dans le jardin de Schikaneder, à quelques pas du théâtre », et qu’il le sait pour avoir été présent à de nombreux repas en compagnie de Mozart et Schikaneder « et avoir pris part à de nombreuses répétitions dans le même salon, ou pour être plus exact, dans la même hutte en bois ». N’y a-t-il pas encore confusion ici entre deux époques, et n’attribue-t-il pas à La Flûte des faits en rapport avec La Pierre dont Mozart aurait pu superviser chez Gerl des airs écrits par l’un ou l’autre ?
Gerl était présent au chevet de Mozart la veille de sa mort. Après 1792 il sera le créateur en allemand de Figaro et Don Giovanni, il quittera le théâtre de Schikaneder en 1793 pour tenter l’aventure à Brno avec sa femme. Après le décès de celle-ci il épousera en seconde noces sa belle sœur, veuve elle-même d’un directeur de théâtre. Sa dernière partition recensée est en 1796 l’opéra La mort de Rollas ou l’Espagnol au Pérou. |
| | | Octavian Glasse les fraises
Nombre de messages : 7333 Age : 41 Localisation : Près du Vieux Port Date d'inscription : 07/05/2008
| Sujet: Re: Mozart - Opéras peu connus Mer 1 Oct 2008 - 19:08 | |
| Eh bien si chaque "opéra peu opéra peu connu" de Mozart a droit au même traitement ce fil va être gigantesque. Faute de... connaître justement cette partie de son répertoire, à quelques titres près - en tout cas je n'avais même jamais entendu parler de cette "Pierre philosophale" -, je ne peux guère réagir mais ne vous désespérez pas Wolferl et Sud, je pense m'exprimer au nom de pas mal de monde ici en disant qu'on vous lit avec grand intérêt. Merci et continuez. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Mozart - Opéras peu connus Mer 1 Oct 2008 - 20:32 | |
| ce sujet tombait plutôt bien et évitait d'en créer un autre: évidemment ce n'est pas à proprement parler un opéra de Mozart, et ça amène à parler d'un autre opéra très connu donc le titre du fil est un peu mensonger ou je suis HS plutôt. En ce qui me concerne l'existence de cette oeuvre oubliée m'a permis de me pencher sur des questions restées longtemps sans réponses. En passant j'essaye d'en profiter pour répondre à des questions qui ont été soulevées aussi par Pan dans le fil Flûte enchantée et qu'on ne peut plus considérer indépendamment de ce qui se trouve autour une fois qu'on l'a découvert.
En fait il y a trois axes principaux du questionnement: comment expliquer l'absence de productivité de Mozart en 1790, et le côté tout a fait disparate de sa production l'année de sa mort? Comment justifier le secret qui entoure la création des 4 dernières oeuvres de Mozart et qu'y a-t-il dedans qui relève d'un travail collectif? Comment la disparition de l'opéra italien et la création de l'opéra allemand correspond à un changement de société qui reflète les bouleversements politiques causés par la révolution française? |
| | | felyrops Mélomaniaque
Nombre de messages : 1855 Date d'inscription : 20/12/2006
| Sujet: Re: Mozart - Opéras peu connus Jeu 2 Oct 2008 - 1:12 | |
| Interessant, d'autant plus que la découverte d'un manuscrit, en 1996, par le musicologue américain David Busch dans un lot de partitions rendus par la Russie à l’Allemagne se fait 200 ans après la première impression du livret. La Library of Congress à Washington, dans sa collection de livrets du 18ième, qui est à trois soupirs de la complétude, possède: "Arien und Gesänge aus 'Dem Stein der Weisen, oder die Zauberinsel", eine heroisch-komische Oper in zwei Aufzügen. Frankfurt-am-Main, 1796, 28 p., 16 cm. Ni l'auteur, Schikaneder, ni le compositeur, Benedikt Schack, ne sont mentionnés. Ils affirment que la première eût lieu à Vienne, au Theater auf der Wieden, le 11 septembre 1790, comme il est dit ici, plus haut. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Mozart - Opéras peu connus Jeu 2 Oct 2008 - 16:29 | |
| Schack
Avec Benedikt Schack, l’Astromonte de la Pierre et le Tamino de la flûte, on a l’impression de se trouver en présence d’un compositeur d’une toute autre envergure. Pourtant trois numéros seulement de l’Ile enchantée lui sont nommément attribués, le finale ultimo, l’air de Nadir de l’acte I avec cor obligé qu’on confondrait facilement avec le style de Mozart et le n°14 de l’acte II, une sorte de fausse déploration funèbre pour chœur d’hommes avec cuivres et timbale, dans un style qui évoque les rituels maçonniques. La présence d’un soliste au cor dans l’air composé par Schack pour le rôle de Nadir soulève aussi diverses questions : quand au rôle très exigeant de Nadir, on peut se demander si Schack ne l’aurait pas dans un premier temps pensé pour son propre usage avant que le livret ne soit remanié, par suite par exemple de la défection de Josepha Hofer, ce qui expliquerait que Nadir ait été créé par Kistler qui n’est que le second prêtre de la Flûte. La présence du corniste suppose que l’orchestre comptait un virtuose de cet instrument et l’on sait maintenant que le « 1er concerto pour cor » inachevé de Mozart (sans andante) a probablement été rédigé en 1791. Ne serait-ce pas une nouvelle preuve de la proximité de Mozart avec les musiciens de l’orchestre ?
Né en Bohème en 1758 (donc de deux ans seulement le cadet de Mozart), fils d’organiste et flûtiste de formation, choriste à la cathédrale de Prague dans ses jeunes années, Schack arriva à Vienne en 1775 pour y étudier la médecine, la philosophie et le chant. Encore étudiant il aurait composé ses premiers singspiele avant d’occuper pendant quelques années le poste de Maître de Chapelle du Prince Heinrich von Schönaich-Carolath en Silésie. En 1786 il se serait enfui avec le théâtre itinérant de Schikaneder dont il devint rapidement le ténor vedette et le premier compositeur attitré. Les relations entre Mozart et Schack sont devenues intimes dès le moment où il revient à Vienne avec la troupe de Schikaneder, mais il est probable que leur rencontre remonte à plusieurs années et qu’ils se sont cotoyés à l’occasion de la réorganisation des loges maçonniques en 1786 (lorsque Gebler, l’auteur de Thamos devient Grand Maître de l’Espérance nouvellement couronnée, ou l’année précédente lors de l’initiation de Haydn ou de Leopold). En 1786, Leopold tout du moins a entendu Schack à Salzbourg comme il le rapporte à sa fille le 26 mai : « Il chante excellemment, possède une très belle voix, une gorge flexible et agile, et une bonne technique… Cet homme chante remarquablement bien ». D’autres critiques après l’avoir entendu en 1791 dans l’Oberon de Wranitzky lui reprochent son « accent autrichien » et sa « déclamation de faubourg ».
Le 20 février 1790, la mort de l’empereur Leopold II provoque la fermeture des théâtres jusqu’en avril, ce qui met en danger la Freihaus. Courant toujours après la concurrence et prenant acte du triomphe de la Leopoldstadt dû à la reprise en allemand de Cosa Rara de Martin y Soler, Schikaneder profite du deuil pour produire le livret de Der Fall ist noch weit seltner (Le cas est encore plus étrange) présenté comme la suite de l’opéra de Soler, et dont la mise en musique est confiée à Schack, déjà auteur (ou co-auteur avec Gerl) en 1789 du grand succès évoqué Le jardinier stupide des montagnes ou les deux Anton. Mozart qui assiste à l’une des représentations écrit à Constance : « J’ai vu hier la deuxième partie de Cosa Rara, ça ne m’a pas autant plu que les Anton ». Les commentateurs se méprennent en général sur cette phrase, croyant que Mozart déclare estimer la musique de Schack comme meilleure que celle de Soler, alors qu’il parle non pas de l’opéra qui avait éclipsé le succès des Noces de Figaro, mais de la « suite » concoctée par Schikaneder et Schack. Il se pourrait même que cette phrase recèle un autre indice…
Toutes les biographies de Schack citent la phrase du Baierisches Musik-Lexicon de Lipowsky paru à Munich en 1811: « Mozart passait souvent chercher Schack pour la promenade; pendant que Schack s’habillait, il avait pour habitude de s’asseoir à son bureau et de composer ça et là une pièce dans un des opéras de Schack. Ainsi plusieurs passages des opéras de Schack proviennent de la main de Mozart et dérivent de son génie. » Raconté ainsi on a l’impression que Mozart le plaisantin écrivait quelques notes en passant pour faire une farce à son ami, et les éxégètes traduisent “Schack demandait à Mozart des conseils pour la composition de ses propres oeuvres”. Il faut noter que « Mozart passait chercher Schack » implique qu’il s’agit d’une période antérieure à celle de la rédaction du livret de la Flûte, puisque durant le printemps et l’été 1791, tandis que Constance est à Baden, enceinte de son sixième enfant, Mozart réside sur place, dans une cabane au fond du jardin de la Freihaus, mise à disposition par Schikaneder. Le théâtre auf der Wieden était naturellement sur son chemin puisque Mozart rendait fréquemment visite à sa belle-mère, lui apportant des douceurs exotiques, du café et du sucre.
En 1826 Constance qui projetait une nouvelle édition révisée de la biographie rédigée par Nissen son second mari, écrivit à Schack qui vivait à Munich retiré depuis 13 ans : « Je ne peux songer à quelqu’un qui l’eut mieux connu que vous ou à qui il fut plus dévoué… Il serait d’un grand intérêt pour tous que vous puissiez désigner quelles sont les rares compositions de Mozart dans vos opéras » . La réponse à la requête ne lui parvint jamais Schack étant mort le 10 décembre 1826. Constance ne parle pas de La Pierre Philosophale uniquement mais de « vos opéras » en général, ce qui pourrait faire penser que l’Ile Enchantée n’était pas l’unique collaboration de Mozart à un singspiel de Schikaneder.
Pourquoi Constance se serait-elle réveillée aussi tardivement ? Parce qu’à l’évidence une collaboration plus étroite et de plus longue date de Mozart avec ses compagnons de loge à une entreprise de propagande suspecte de jacobinisme ne servait pas ses intérêts à l’époque de la mort de son mari déjà en disgrâce auprès de la cour, ni la légende dorée d’un Mozart amendé, mort chrétien en traçant les dernières phrases du lacrymosa de son Requiem. Car, on le verra il s’agit bien d’une légende…
Dernière édition par sud273 le Dim 12 Oct 2008 - 22:09, édité 1 fois |
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| Sujet: Re: Mozart - Opéras peu connus Jeu 2 Oct 2008 - 16:39 | |
| Un élément néanmoins aurait pu aller dans le sens de ses mensonges rédempteurs. En 1830, Constance reçut la visite de l’éditeur anglais Vincent Novello, lequel avait entendu à Munich l’année précédente une messe inconnue dont il lui sembla immédiatement qu’elle ne pouvait être que de Mozart. Quand il s’informa de l’identité du compositeur on lui répondit qu’elle était de Benedetto Schack ! Constance répéta consciencieusement à Novello ce que Nissen avait écrit dans sa première version de la biographie de Mozart : « Schack avait coutume de montrer ses productions musicales à son ami, de lui demander son opinion et de solliciter des conseils; et Mozart non seulement les corrigeait à l’occasion, mais avec sa générosité et sa gentillesse coutumière, il y apportait parfois des changements considérables, des additions et des améliorations ». Novello publia la messe en 1831, écrivant « j’ai peu de doutes maintenant et pratiquement la certitude qu’une grande partie de cette Messe fut en réalité composée par Mozart, particulièrement le Kyrie, le Crucifixus, le Sanctus et la première partie de l’Agnus Dei ». La Messe en sol de Benedikt Schackt “avec des additions de Mozart” entra en 1947 au supplément du catalogue Köchel (K3-Anh 235f/ K6 C1.02). Le dernier Singspiel de Schack semble avoir été le 7ème épisode d’Anton, Le retour d’Anton dans sa patrie en 1795, après quoi il quitta Vienne pour Munich. Il semble avoir alors composé de nombreux oratorios, cantates, et de la musique religieuse dont au moins deux requiem. Tout cela est réputé perdu… ou bien est-ce qu’on ne se serait pas donné la peine de bien chercher ?
Les universitaires s’affrontent encore afin de réfuter la théorie selon laquelle, Schack, flutiste de formation jouait lui-même les parties de flûte en scène : quoique Groove le pense vraisemblable, il faut remarquer que l’orchestre de la Freihaus possédait un flutiste virtuose, Anton Dreyssing, créateur de nombreux concertos et plus tard membre de l’orchestre qui donna les premières des symphonies 3 à 6 de Beethoven. On peut également signaler que La Pierre Philosophale contient aussi des interventions de flûte solo liées à la présence d’un oiseau magique. La femme de Schack, Elisabeth Weinhold apparaît également dans la distribution de la Flûte où elle est la 3ème dame. Elle jouait sans doute une utilité comparable dans l’opéra précédent. On peut s’étonner encore étant donné les l’amitié qui liait Schack et Mozart que ce dernier n’ait rien écrit de vocal à son intention dans La Pierre philosophale, où l’air le plus marquant du rôle du ténor est attribué à Gerl, ni aucun air de concert comme il le fit pourtant pour Josefa Hofer (par deux fois, mais c’était la sœur de Constance) ou pour Gerl lui-même. Ou bien faut-il en conclure qu’il avait déjà en plusieurs occasions écrit à l’intention de Schalk, voire à sa place ? Les variations k613 (dernière œuvre pour clavier de Mozart) ne mentionnent pas dans leur titre le nom de l’auteur du thème alors que Mozart répertoriait avec précision les noms des compositeurs des opéras pour lesquels il composait des interpolations, précisant seulement « 8 variations sur l’air « Ein weib is ein herrlichste Ding » extrait du singspiel « Der dummer Anton » -et la notation n’est pas des plus précises puisque l’air parait tiré du deuxième épisode d’Anton et non du premier. On serait tenté d’émettre l’hypothèse que ces variations sont peut-être finalement des variations sur un thème original, et que la collaboration de Mozart avec l’équipe du théâtre auf der Wieden puisse remonter plus loin dans le temps, mettons aux tout débuts de l’arrivée de Schikaneder à Vienne, vers juin 1789, au moment où Mozart rentre de Berlin et Prague. La phrase « J’ai vu hier la deuxième partie de Cosa Rara, ça ne m’a pas autant plu que les Anton » prendrait alors un sens tout différent, bien représentatif de l’humour épistolaire de Mozart, « ça ne m’a pas autant plu » et pour cause, comprenez : « cette fois-ci ce pauvre Schack a dû se débrouiller seul ». |
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| Sujet: Re: Mozart - Opéras peu connus Ven 3 Oct 2008 - 12:12 | |
| Mozart
Fin 1789 l’horizon s’éclaircit subitement pour Mozart. La reprise des Noces de Figaro en août et la commande qui s’ensuit par Joseph II de Cosi fan tutte ont été comme une sorte de retour en grâce, avec l’espoir de lendemains meilleurs. Pendant les trois mois qui suivent, Mozart est occupé à la composition de Cosi, il n’a plus le temps de songer à autre chose qu’à l’opéra italien. Créé le 26 janvier 1790 (anniversaire de Mozart) l’opéra connaît un succès honnête, il est encore joué quatre fois en février. La mort de Joseph II signe la disparition de Cosi fan tutte de la scène. Pendant le trimestre suivant Mozart croit encore à ses chances d’obtenir un poste important auprès de Léopold qui avait autrefois songé à le nommer maître de Chapelle quand il rêgnait en Toscane. Il est donc obligé pendant quelques temps encore de ménager les apparences et de garder le plus grand secret vis-à-vis de ses rapports avec les loges maçonniques car les deux pouvoirs (l’église et l’état) vont le considérer désormais comme un ennemi en disgrâce. Parallèlement, les dix dernières années du siècle verront la mort de l’opéra en langue italienne dans les cours allemandes et autrichiennes, la Clémence de Titus n’en étant que la dernière convulsion. Après l’échec de sa création l’opéra connaîtra une grande vogue, mais en langue allemande dans les années 1810, et sera le premier opéra de Mozart à atteindre Londres. Schack (Gonsalvo, c'est-à-dire Octavio, et Almaviva) et Gerl, par la création des versions allemandes de Don Giovanni et des Noces contribueront à populariser les opéras de Mozart, dont les versions originales tombent peu à peu en désuétude.
Dans la Pierre Philosophale Mozart est désigné comme l’auteur de l’irrésistible « Nun liebes Weibchen » (n°8 acte II) qui figurait depuis longtemps à son catalogue ainsi que des fragments (n°20 et 24 du finale), le premier s’inscrivant logiquement dans la prolongation du duo puisqu’il fait miauler les deux partenaires. En gros il serait responsable des passages comiques les plus conformes à ce qu’on connaît de Schikaneder, une scène complète et sa résolution divisée en trois parties, ce qui nous fait trois minutes de sa main complètement inédites. A l’évidence il n’est pas l’auteur de l’ensemble du final de l’acte II, précisément parce que ce final manque d’ensemble et de cohésion, il apparaît comme un ravaudage de parties disparates et les coutures se voient trop ou craquent un peu. Mais certains moments font irrésistiblement penser à son style, le début du n°22 « Fühl meine Macht du Bösewicht » ressemble comme deux gouttes d’eau à une réplique de la Reine de la nuit, et dans le numéro suivant, dès que commence le solo imitatif de flûte on est frappé de la parenté entre une brêve phrase de liaison avec le balancement initial de l’Introït du Requiem, puis l’attention retombe jusqu’à l’entrée du chœur où l’on plonge de nouveau dans les atmosphères de la Flûte ; l’impression se poursuit sans rupture de ton dans le chœur initial du numéro suivant. L’avant dernier numero qui précède le chœur final de Schack contient aussi d’étrange imitations de cris de chat, et une écriture pour les bois plus complexe que dans tout le reste de la partition. Si Mozart n’a pas participé à l’écriture de quelques mesures ça et là, il faut alors penser qu’il a remarquablement assimilé le style de ce qu’écrivaient ses co-auteurs, et qu’ils ont considérablement contribué à l’ambiance générale de la Flûte. Mais le passage le plus remarquable et qu’on imagine volontiers le dernier écrit est l’ouverture de ce deuxième acte et la scène chorale qui s’y enchaîne dans un style « effrayant » à la Gluck (ou dans le genre des imitations de Gluck du Salieri des Danaïdes). De même la marche, et particulièrement son trio avec basson présente des similitudes avec les danses allemandes que Mozart écrivait à la même époque. Or ces passages ne sont pas nécessaires à l’action, le ton en est même assez surprenant pour une œuvre de pur divertissement. Un compositeur qui n’a plus d’espoir d’écrire de symphonie ni de musique d’opéra aurait-il résisté à l’envie de faire sonner un orchestre et de hisser soudain le niveau d’une petite opérette à celui de « grand opéra » comme l’annoncera finalement l’affiche ? car la situation de Mozart en ce qui concerne les œuvres dont il peut avouer la paternité ne lui laisse guère d’espoir de dénicher des commandes valorisantes. Il en est réduit à fournir –à reculons et avec force retard- des pièces pour les instruments mécaniques et les horloges du comte Deym : « s’il s’agissait d’une grande horloge, si la mécanique devait donner des sons d’orgue, cela m’amuserait ; mais l’instrument n’est qu’un simple petit chalumeau, dont les sons sont aigus, et pour moi, trop enfantins ».
Aussitôt arrivé au pouvoir Léopold II, confronté aux suites de la révolution française doit faire face à la révolte des Pays-Bas autrichiens (la Belgique) et aux velléités d’indépendance de la Hongrie. Le durcissement autoritaire qui retourne à la ligne politique de Marie-Thérèse se manifeste également dans la reprise en main de la chapelle impériale. L’intendant général des théâtres, Rosenberg est disgracié, Salieri démissionne pour placer à la tête de l’opéra son élève Weigl, Da Ponte et sa maîtresse (la soprano Ferrarese, la Suzanne de 1789 et créatrice de Fiordiligi) embarquent pour l’Angleterre : ils tentent de convaincre Mozart de les suivre. Mais Mozart, malgré l’insistance des Storace déjà installés à Londres n’a aucune intention de quitter Vienne, il en est d’ailleurs empêché par son emploi (qu’il conserve) de « Compositeur officiel de la Chambre impériale et royale », poste où il a succédé à Gluck en 1788, voyant passer la rémunération annuelle de 2000 à 800 florins et qui lui impose, outre la composition de musique de danse pour les bals de la cour, de ne pas quitter le territoire sans les démarches interminables de demande de congé exceptionnel. Paradoxalement, Mozart, qui avait reçu cet honneur avec amertume, semble faire servir cette contrainte comme prétexte à ne pas s’éloigner, malgré les propositions alléchantes qu’il reçoit de l’étranger et en particulier des théâtres d’opéra anglais.
En mai 1790, Mozart songe à solliciter un poste de maître de Chapelle à la Cour (on possède un brouillon de supplique en ce sens adressée à l’archiduc Franz, héritier du trône) et essaye de faire intervenir van Swieten, dont la situation précaire ne lui permet pas de défendre un co-religionnaire aussi mal considéré : courant septembre, lorsque le roi de Naples et sa femme (Marie-Caroline, sœur de Léopold) sont invités à Vienne, Mozart (au contraire de Salieri) n’est pas invité à prendre part aux festivités officielles comme son titre devrait l’y obliger. Plus grave il ne fait pas partie des 17 musiciens que l’empereur convoque pour son couronnement, fixé le 9 octobre à Francfort. Il fera le voyage à ses frais en compagnie de son beau-frère Hofer, un voyage qui ne rapporte rien puisque la seule académie qu’il donne à Francfort n’arrive même pas au terme du programme prévu. Celle envisagée pour le 15 octobre est carrément annulée. Bien qu’il sache à l’avance qu’il n’y a plus rien à espérer de Francfort, Mozart ne quitte la ville que le 16. On sait peu de choses du voyage de retour car la plupart des lettres de cette période ont été détruites. Ce qui est certain, c’est que le 15 octobre au soir, la compagnie de Schikaneder se produit à Francfort, donnant la création, avec Schack dans le rôle-titre, de L’Oberon de Wranitzky sur un livret de Gieseke. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Mozart - Opéras peu connus Sam 4 Oct 2008 - 11:00 | |
| Gieseke
Il y a quelques années sir Charles Lewis Gieseke (1761-1833) était essentiellement connu comme l’un des professeurs de minéralogie de l’université de Dublin, et pionnier de l’exploration géologique du Groenland et des îles Feroe, où il découvrit de nouvelles espèces minérales, agrandissant par ses dons les collections des musées de Dublin, Copenhague, Vienne et Graz. On a souvent eu du mal à l’identifier avec le comédien et auteur Karl Ludwig Gieseke qui exerça jusqu’en 1799 ses talents dans diverses compagnies théâtrales. Né Johann Georg Metzler en 1761 à Augsburg, fils d’un tailleur, Gieseke fit des études de droit avant d’entrer comme comédien dans la compagnie de Karl Friedrich Abt à Brême, en partie soupçonne-t-on à cause de sa fascination pour Felizia, la femme de son employeur. Le 12 décembre 1781, cette compagnie représenta l’opérette « L’alchimiste ou le faiseur d’or » de Meissner. De 1784 à 1786, il fut membre de la compagnie Block à Regensburg. En 1787 c’est à Salzbourg que fut représentée sa première pièce de théâtre Die Muttersohnchen auf der Galeere, dédiée à son patron, Siegmund Hafner (le même que celui de la sérénade) et adaptée du Père de famille de Goldoni. Gieseke arriva en janvier 1789 au théâtre auf der Wieden alors dirigé par Friedel. A l’arrivée de Schikaneder il dut se mettre aussi au chant. Dans la flûte enchantée il joua le premier esclave. Oberon fut son premier livret pour la Freihaus, plagié sur un livret préexistant de Sophie Seyler. Wranitsky était membre de la loge l’Espérance Couronnée depuis 1884, et c’est lui qui sera pressenti plus tard lorsque Goethe envisagera de donner une suite à la Flûte Enchantée. Le nom de Gieseke apparaît également en compagnie de Mozart sur les listes de présence de la loge en 1790. L’intérêt de Gieseke pour la minéralogie le rapprochait également d’Ignaz von Born, grand Maître de L’Harmonie véritable, chef de file de l’Illuminisme bavarois dans les années 1780, et doyen des sciences dans les domaines de la minéralogie, la physique et la métallurgie, à une époque ou la chimie, sous l’impulsion de Lavoisier commence à se séparer de la tradition alchimique de la philosophie hermétique, laquelle s’en va nourrir la littérature féérique du premier romantisme. Tout le monde s’accorde pour reconnaître dans la figure de Sarastro une évocation de Born, déjà célébré dans la Cantate maçonnique k471, mort le 24 juillet 1791, peu de temps après avoir publié dans l’article célèbre «Sur les Mystères des Egyptiens ». Les passages du livret de la Flûte qui sortent directement de ses écrits ont été depuis longtemps recensés, il sont plus disséminés mais aussi nombreux que les citations du Sethos de Terrasson ou les emprunts à Gebler. La tradition prétend que le livret de la Flûte enchantée aurait été discuté au pied du lit de mort d’Ignaz von Born, suspecté de faire partie du complot jacobin élaboré par les Illuministes munichois pour supprimer toutes les têtes courronnées d’Europe.
En 1790 Gieseke fit représenter une pièce autobiographique « Il y a encore des femmes fidèles » dont certaines répliques à caractère légèrement mysogyne présentent des ressemblances avec des fragments du texte du livret de la Flûte. Gieseke participa à la rédaction en allemand du livret de Die Hochzeit des Figaro(28 December 1792) et de Die Schule der Liebe oder So machen sie alle( 14 August 1794) mais ne fut nommé auteur officiel de la Freihaus qu’en 1795, date à partir de laquelle il résida sur place. On ne connaît pas le détail de ses collaborations, car dans le journal qu’il tint régulièrement pendant toute sa vie le cahier 4 couvrant ses années chez Schikaneder a mystérieusement disparu…
En 1818, après avoir réussi à faire oublier sa carrière de saltimbanque, le très sérieux professeur Gieseke revint à Vienne le temps de chercher quelques décorations impériales et le prix de ses collections de minéraux rares. Il participa à une réunion de ses anciens collègues à laquelle assistaient Julius Cornet directeur de l’opéra et Seyfried. Il évoqua quelques souvenirs que Cornet, trente ans plus tard raconta dans son livre « l’Opéra en Allemangne » et dont l’objet principal était d’affirmer qu’il était en grande partie l’auteur du livret de la Flûte enchantée. En réalité il affirma même que seul le couple Papageno-Papagena était la création de Schikaneder. Neukomm confirma en partie ses propos. La question a été amplement discutée, et il est plus que probable que Gieseke mit la main au moins aux passages rimés de la partition dont l’analyse électronique montre qu’elle n’est au mieux qu’à moitié du même auteur que les dialogues. Compte tenue du caractère numérologique, philosophico-alchimique, minéralogique à prétention scientifique de la Flûte, Gieseke se trouvait tout à fait à même de mettre les textes en vers, au moins autant que le souffleur du théâtre : écrire de la prose rythmée, c’est même à l’époque ce qu’il savait faire de mieux. Et bien sûr, ceci s’applique probablement aux deux fééries précédentes… et nous voilà avec au moins un auteur de plus à ajouter à la liste des cinq précédents. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Mozart - Opéras peu connus Sam 4 Oct 2008 - 11:03 | |
| On nous dira que tout cela repose sur des témoignages de seconde main, mais Gieseke, dans la position d’autorité qu’il occupait en 1818 aurait très bien pu lui-même revendiquer sa participation à l’œuvre. Il existe plusieurs raisons de croire qu’il n’ait pas voulu le faire, hormis le révéler à quelques amis bien choisis qui prendront soin de se taire jusqu’après sa mort. Francis II (l’archiduc Franz auquel Mozart tenta d’adresser une supplique afin d’obtenir un emploi, et dans lequel certains commentateurs on voulu reconnaître un modèle fantasmatique de Tamino), succéda en 1792 à Léopold et mena aussitôt une politique de répression et de censure plus dure que celle de son prédécesseur, faisant interdire la franc-maçonnerie en 1794 sur tout le territoire de l’empire, ce qui n’empêcha pas Schikaneder d’annoncer à grand renfort de publicité le 22 octobre 1795 la 200ème représentation de La Flûte Enchantée, et à La Pierre Philosophale d’être jouée dans tous les théâtres autrichiens et allemands jusqu’en 1820. Comme le formule le Musical Times en 1878 « la Flûte Enchantée fut le convoi mortuaire de la Franc-Maçonnerie autrichienne, la défense éloquente et l’apologie d’un condamné innocent ; mais c’est aussi le véhicule par lequel ont été enseignés publiquement les principes et les idées de la Maçonnerie, en dépit de toutes les prohibitions, et à travers lequel elle a continué à vivre et à influencer les foules jusqu’à nos jours. » J’aurais tendance à dire qu’il s’agissait d’une entreprise de subversion à plus grande échelle, et que la collaboration de Mozart au projet d’ensemble peut être considérée comme une vengeance personnelle vis-à-vis des autorités qui l’ont ignoré et sali, voire sa contribution à l’édifice de la progression des idées révolutionnaires, dans un langage que Beethoven illustrera à son tour avec Fidelio et Goethe avec le second Faust (résultat final de sa suite projetée au dernier opéra de Mozart). Les confidences de Gieseke ne s’arrêtent pas là, il raconte à Cornet les circonstances du « contrat » conclu entre Schikaneder et Mozart. La scène, romancée et dialoguée est réécrite anonymement par le Wiener Monatschrift für Theater und Musik en 1857 : - Citation :
- Ce fut le 7 mars 1791, à 8 heures du matin, qu’Emmanuel Schikaneder, directeur du théâtre auf der Wieden, im Freihause, vint trouver Mozart, encore au lit, et lui parla ainsi : « Ami et Frère, si tu ne viens pas à mon secours, je suis perdu !.. J’ai besoin d’argent. – Mon affaire va mal. La Léopoldstadt me tue ! »
Mozart (éclatant de rire) : -« Et alors tu viens me trouver, cœur fraternel ? Tu t’es trompé de porte !.. » S. –« Pas du tout ! Toi seul tu peux me sauver. H…, le négociant, m’a promis un prêt de 2000 florins si tu écrivais pour moi un opéra… Mozart tu me tireras de la ruine et tu montreras au monde que tu es l’homme le plus noble qui ait jamais existé. D’ailleurs je te donnerais de beaux droits, et l’opéra, qui aura sans doute un grand succès remplira aussi ta poche. On dit que Schikaneder est un homme léger, mais il n’est certainement pas un ingrat. » M.-« as-tu un livret ? » S. –« J’en ai un en train : c’est une féérie, tirée de Lulu, du Djinnistan de Wieland… Le dialogue sera de moi ; mais comme je crains que les morceaux de chant ne te conviennent pas, je les ferai faire par mon ami Cantes… Tout sera terminé d’ici quelques jours, alors je te le donnerai à lire. Alors cher Ami, -ta parole, - dis-tu oui ? » M. – « Je ne dis ni oui ni non : il faut que je réfléchisse d’abord ; je te donnerai ma réponse dans quelques jours. » Schikaneder remit encore une fois son salut entre les mains de Mozart et partit. Dans l’escalier, une idée soudaine comme l’éclair lui traversa l’esprit, et presque hors d’haleine, aussi vite que le lui permettait sa corpulence, il courut… au Wieden. Là habitait, avec son mari la basse Gerl de la troupe de Schikaneder, madame Gerl, qui avait, dit-on une grande influence sur Mozart. Le malin Schikaneder la mit dans ses intérêts et, dès le lendemain soir, Mozart venait trouver celui-ci sur la scène : « Eh bien, lui dit-il, au nom de Dieu ! je veux écrire l’opéra. Si nous faisons un four je n’y serai pour rien, car je n’ai pas encore écrit d’opéra féérique. » Le récit est évidemment hautement fantaisiste en plusieurs points : Schikaneder et Mozart se connaissaient très bien, et depuis plus de dix ans… mais peut-être contient-il quelques parcelles de vérité déguisée. Imaginons que la scène ait eu lieu non pas en 1791 mais un an avant, voire deux, au moment où Schikaneder est sur le point de reprendre le théâtre, que le lien entre l’anecdote Gerl et la proposition de Schikaneder soit un condensé de divers récits dramatisés et que la discussion de base n’ait peut-être pas eu lieu à Vienne… La proposition de Schikaneder pourrait très bien concerner la Pierre Philosophale, ou le Derviche, il pourrait aussi s’agir simplement du recrutement initial de Mozart par le directeur de troupe, en tant que « conseiller » musical : ce qui expliquerait que les reprises des opéras bien rodés du répertoire (comme l’Ariane de Benda) montés par le théâtre auf der Wieden figurent parmi les favoris de Mozart depuis très longtemps. Et si la scène avait eu lieu avant l’engagement d’Henneberg, et que Mozart ait coupé la poire en deux, acceptant de collaborer, de façon occulte, non pas en écrivant des parties entières, mais en révisant simplement la partition de façon à en améliorer l’orchestration par exemple? N’aurait-il pas joué finalement le même rôle que Gieseke pour les textes, remaniant ça et là quelques phrases chorales, ou refaçonnant des ensembles eux-même imités de certaines de ses propres compositions ? Officiellement, durant toute l’année 1790, Mozart n’écrit guère que ses deux derniers quatuors : en juillet il s’occupe à la réinstrumentation de Belshazzar’s feast et de l’Ode à Sainte-Cécile de Haendel pour van Swieten, et rien d’autre. La dépression et le manque d’inspiration ayant ses limites quand on court après trois sous, est-il aussi déraisonnable de penser que s’il en avait eu l’occasion, il n’aurait pas travaillé à autre chose, dont il ne pouvait pas faire état publiquement, pas plus qu’il ne pouvait en décembre de la même année suivre Joseph Haydn à Londres ou répondre à l’invitation lucrative d’un prince russe ? |
| | | Wolferl Lapinophobe
Nombre de messages : 13311 Age : 34 Localisation : Paris Date d'inscription : 27/06/2006
| Sujet: Re: Mozart - Opéras peu connus Sam 4 Oct 2008 - 13:10 | |
| Dis donc, c'est extrèmement documenté tout ça, tu as dû faire beaucoup de recheches, non ? Ou bien tu as une bible mozartienne sous le coude ? En tout cas c'est toujours aussi passionnant, merci ! |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Mozart - Opéras peu connus Sam 4 Oct 2008 - 13:54 | |
| la Bible est toujours la même, le livre des Massin (j'ai malheureusement égaré Alfred Einstein), la correspondance de Mozart, mais j'ai en effet beaucoup fouillé dans les articles récents, Busch, Brauneis, Agnes Selby, le Groove, le Mozart forum, et "apropos Mozart" http://www.aproposmozart.com/ tout ça étant le plus souvent en anglais ou en allemand.
Ensuite en reconstruisant la chronologie, j'ai échafaudé quelques hypothèses (dont je me doute que certaines seront considérées comme fantaisistes), mais aussi tenté de mettre en relief certains détails auxquels je trouve qu'on n'accorde pas assez d'importance, comme la demande de Mozart au moment du requiem qu'on lui envoie le graduale de Michel Haydn. Et puis dans la mesure du possible j'ai réécouté tout ce qu'il y a autour. D'ailleurs si quelqu'un possédait une version de la messe de Schack? (ça a été republié brièvement en cd mais ça n'existe plus) |
| | | Wolferl Lapinophobe
Nombre de messages : 13311 Age : 34 Localisation : Paris Date d'inscription : 27/06/2006
| Sujet: Re: Mozart - Opéras peu connus Sam 4 Oct 2008 - 14:39 | |
| Dommage que je ne lise pas assez bien l'anglais et l'allemand, ça semble très intéressant. Sinon pour les hypothèses que tu fais, ells n'ont pas l'air si fantaisistes que ça, au contraire, mais es-tu le premier à les avoir émises ? Les conclusions que tu titres de certaines informations étant souvent plutôt "logiques", ça n'a pas dû échapper à certains historiens. Si ce n'est pas le cas, attèle toi à la rédaction de ton bouquin. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Mozart - Opéras peu connus Sam 4 Oct 2008 - 15:25 | |
| en fait les révélations principales viennent de l'enregistrement de La Pierre Philosophale sur lequel tu es tombé tout d'abord! je n'ai pas l'impression qu'il y ait beaucoup de littérature concernant Schack, Gerl ou Henneberg, mais il faudrait alors pouvoir fouiller sur place dans les bibliothèques qui détiennent des copies des singspiele de cette époque: je crois que David Busch est en train de s'y atteler. Pour le reste, le livre des Massin va déjà dans le sens de ce que je tente de démontrer, mais à l'époque ils ne disposaient pas de tous les documents (il n'y a pas de référence par exemple à la messe de Schack alors qu'elle était bien connue). Une des principales caractéristiques du livre des Massin est de montrer pour la première fois quel a pu être l'engagement de Mozart en rapport avec les idées politiques et particulièrement pendant le voyage de retour de Francfort alors qu'il fait la "tournée" de toutes les loges(il y a eu depuis des études plus précises sur Mozart révolutionnaire) mais ils restent extrêmement prudents sur plusieurs points, faute évidemment de documentation. Pareil pour l'affaire Lichnowsky (à venir dans l'épisode suivant) je n'ai pas pu entrer dans les détails mais les analystes se perdent en conjectures dont la plupart me semblent plus fantaisistes que la conclusion que j'en tire. Le problème c'est que je n'utilise que des informations que je n'ai pas pu vérifier, et surtout je n'ai aucune autorité pour parler de ça, si tant est que ça apporte quelque chose d'un peu neuf. En fait ce qui a motivé ma curiosité c'est qu'en me penchant sur ces personnages accessoires dont on n'explique généralement pas le rôle qu'ils ont pu jouer dans l'entourage de Mozart, quelques idées qui me travaillaient déjà il y a une vingtaine d'années se sont enchaînées comme des évidences. Et en plus diverses énigmes autour de la Flûte, que moi non plus je n'aimais pas particulièrement, se sont soudain révélées des portes d'entrée qui ont complètement modifié ma perception des choses. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Mozart - Opéras peu connus Dim 5 Oct 2008 - 16:08 | |
| Quelques raisons de se tairePourquoi Mozart aurait-il voulu cacher le plus longtemps possible une collaboration avec le théâtre de Schikaneder alors qu’au fil des déménagements il n’a cessé de se rapprocher du faubourg de Wieden et qu’il doit renoncer à tout espoir d’un emploi à la cour et d’un retour en grâce ? C’est d’une part qu’il espère encore jusqu’en mars 1791 donner des Académies qui lui permettraient de retrouver la faveur du public viennois le plus huppé. En prévision de pareils concerts, il écrit son dernier concerto pour piano, mais les espoirs tournent court et il finit par le jouer en mars, en participant avec sa belle-sœur Aloysia Lange à l’Académie d’un clarinettiste. Le Lexikon de Gerber paru en 1790 reflête bien l’opinion majoritaire parmi la bourgeoisie viennoise : « Ce grand maître, grâce à sa précoce connaissance de l’harmonie s’est familiarisé si profondément et si intimement avec cette science qu’il est difficile à une oreille non exercée de le suivre dans ses œuvres. Même des auditeurs plus exercés sont obligés d’entendre ses compositions plusieurs fois ». Mozart est trop moderne et trop compliqué pour les Viennois, mais il finira par en faire la démonstration, pas pour les gens des faubourgs. En avril 1791, Mozart apprend que le Kappelmeister de la cathédrale Saint-Etienne, Léopold Hoffmann, âgé de 61 ans est malade : il entreprend aussitôt de solliciter de la municipalité de Vienne l’attribution de sa place, mais le vieil homme se remet. Néanmoins début mai, Mozart ne renonce pas à ses espoirs et écrit « à la très sage municipalité » : « Cependant M. le maître de Chapelle Hoffmann est revenu à la santé, et dans ces circonstances, comme je souhaite et désire cordialement la prolongation de sa vie (sic!), j’ai pensé qu’il serait peut-être avantageux au service de la Cathédrale, et à vous, Messieurs, que je fusse adjoint momentanément, et simplement à titre gratuit, à M. le Kapellmeister, dont l’âge est bien avancé ». Le 9 mai la ville répond favorablement à une demande aussi avantageuse et s’empresse de le nommer adjoint sans solde, en lui promettant la place en cas de décès du Kappelmeister en titre. Cet échange vaudevillesque ne connaîtra pas d’heureuse conclusion pour Mozart, car Hoffmann lui survivra de cinq mois, remplacé finalement par Albrechtsberger .Mais au moins Mozart a le titre, ce qui présente l’avantage de neutraliser les ennemis que son anticléricalisme supposé lui a faits, et le met en condition de pouvoir songer à faire entrer son fils aîné Karl chez les Piaristes (fort réticents à accueillir le rejeton d’un débauché suspect d’athéïsme), affaire qui occupe Mozart jusque après le création de la Flûte. Peut-être imagine-t-il qu’il pourra à l’occasion faire jouer d’anciennes messes, comme les deux que son ami Stoll fait entendre à Baden durant l’été 1791 à l’occasion des visites de Mozart à Constance, toujours en cure, en compagnie de sa sœur Sophie et sous la protection de Süssmayr. « Sous la protection » ce sont les termes mêmes de Mozart quand il lui envoie Süssmayr, protection d’occasion car le 2 juillet Mozart raconte à sa femme que deux anglais sont passés s’informer du « lacci-baci » qu’ils cherchaient afin de « lui faire nettoyer leur lampe » et le 25 juin déjà : « Je te recommande de ne pas aller à la Messe demain. Ces canailles de paysans sont trop malins à mon goût. C’est vrai que tu as un accompagnateur solide, mais les paysans ne le respectent pas… ils voient au premier coup d’œil que c’est un schaberl » (c’est sans doute intentionnellement que ces deux lettres n’ont pas été caviardées par Constance et Niessen, pour se venger de Süssmayr à partir du moment où il revendiqua la paternité des deux tiers du requiem.) Durant les mois de Juin et jusqu’au 15 juillet, Mozart, seul à Vienne écrit la plus grande partie de la Flûte enchantée. Il est assez étrange de constater que dans l’abondante correspondance échangée avec sa femme, il ne fait allusion que très brièvement à son travail alors qu’il l’entretient du détail de sa vie courante. Aussitôt Constance partie, Mozart renvoie la bonne, couvre de draps le mobilier, dîne avec Schikaneder, emmène des amis voir la cinquième partie d’Anton à la Freihaus, passe la nuit « dans la petite Chambre au Jardin chez Leitgeb » et s’efforce de se montrer aux prises avec une grande agitation pour régler une affaire mystérieuse dont on n’a toujours pas percé le secret. Il ne parle pas plus de ce qu’il compose qu’il ne raconte à sa femme que Schikaneder lui a créé une petite maison d’été dans la cabane au fond du jardin où certains prétendent qu’il aurait mené une vie de bâton de chaise, distrait par ses amis (mais peut-être aidé par eux aussi, ou tout du moins inspiré par une connaissance profonde de leurs répertoire familier) et par la présence d’Anna Maria Gottlieb : elle a 17 ans, Mozart l’a choisie lui-même pour le rôle de Pamina, il la connaît depuis longtemps, à douze ans elle a joué la Despina des Noces. Alors que Constance en ignore tout, à Vienne, même l’été, le fait que Mozart réside à la Freihaus est probablement de notoriété publique, et le bruit de ce qui s’y passe sans doute grossi et déformé. Qu’est-ce que l’organisation interne du théâtre auf der Wieden ? 5 corps de bâtiment d’habitation, abritant 35 musiciens d’orchestre, une troupe d’acteur et de chanteurs ; 23 escaliers menant aux étages, une auberge, une vaste cour, des jardins… et pour l’organisation, selon Gary Smith qui résume l’étude d’Honolka(Schikaneder un homme de théatre au temps de Mozart): - Citation :
- « Les règles domestiques étaient imprimées et tous devaient jurer d’y obéir. Elles faisaient appel à la base à « moralité, bonne discipline, et politesse informelle », insistant sur la ponctualité à assister aux répétitions. Chaque quart d’heure de retard exposait à une amende d’environ 15 euros. Trois retards successifs constituaient un motif de renvoi immédiat. Aucun membre de la compagnie ne pouvait refuser un rôle, y insérer des altérations ou des modifications, ni se comporter de manière belliqueuse, ni critiquer le théâtre ou sa direction. Il était requis des musiciens qu’il apparaissent en temps et en heure dans la fosse et qu’ils se contraignent à éviter « les fou-rires et le bavardage inutile » pendant les heures de service. Enfin, « Herr Emanuel Schikaneder, qui a fait ces règles et dirige ce théâtre, ne s’exclue pas lui-même d’aucune d’entre elles ». Quoiqu’il se situe plutôt du côté strict de la barrière, le théâtre de la Freihaus offrait à ses employés une plus grande sécurité d’emploi que ses concurrents, étendant le préavis de licenciement à six mois au lieu des six semaines habituellement requises ».
A quoi pense-ton en lisant ces lignes ? à une sorte d’organisation en coopérative, voire à un embryon de phalanstère. Certains critiques comparent le théâtre auf der Wieden à un de ces cinémas de quartier qui sont le centre de l’activité culturelle des alentours. Le samedi depuis le milieu de l’après-midi tous les habitants des alentours s’y réunissaient, on venait y dîner, assister au spectacle, les enfants des artisans fournissaient la troupe des figurants. Dans une lettre de 1793, à propos de la tournée du théâtre à Francfort, -et on imagine bien qu’il en allait de même à Vienne quelques semaines après la création, mais les journaux du temps n’en parlent que de façon voilée et embarrassée - Madame la Conseillère Goethe (mère du dramaturge) raconte : « Tous les ouvriers, tous les jardiniers y vont, et jusqu’aux braves gens de Sachsenhausen (faubourg de Francfort) dont les enfants tiennent les rôles de lions et de singes dans l’opéra. On n’avait encore jamais rien vu de pareil ici. On est obligé d’ouvrir le théâtre depuis 4 heures, et, avec tout cela, il y a à chaque fois plusieurs centaines de personnes obligées de s’en retourner sans avoir pu trouver de places… La semaine dernière on a donné pour la 24ème fois la Flûte Enchantée devant une salle bondée: elle a déjà rapporté 22000 florins. » |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Mozart - Opéras peu connus Dim 5 Oct 2008 - 16:18 | |
| L’image longtemps colportée d’un Mozart indigent, aux abois, poursuivi par ses créanciers, pour conforme qu’elle puisse sembler à une interprétation romantique, est une vision fabriquée par la malveillance des autorités politiques et de leurs portefaix. Il n’a pas suffi d’éloigner Mozart des célébrations officielles et de le priver du soutien du public bourgeois, on s’est ingénié à le discréditer : c’est la conclusion finale qu’il me semble légitime de tirer d’une affaire qui a divisé et laissé perplexes tous les spécialistes, la découverte en 1991 d’un jugement rendu le 9 novembre 1791 par la Camerale (Haute cour de justice impériale ne traitant que des affaires impliquant des membres de l’aristocratie ou des serviteurs de la famille impériale) condamnant Mozart à payer au prince Lichnowsky la somme de 1435 gulden et 34 kreuzer –frais de justice compris- par retenue sur son salaire officiel. Voilà probablement la mystérieuse affaire dont Mozart doit s’occuper dès juin 1791, affaire qui le pousse à éloigner sa femme de son domicile (« Je pourrais sans doute te faire définitivement revenir si mon affaire était terminée » (5 juillet) mais sans doute ne l’est-elle pas puisque après le voyage-éclair à Prague et la création de La Flûte, Mozart n’a rien de plus pressé que de mettre à nouveau Constance à l’abri à Baden, en dépit des frais qu’implique le séjour). On suppose que l’affaire en question concerne des dettes de jeu, remontant peut-être au voyage à Berlin, mais le prince Lichnowsky n’aurait pas pu porter plainte pour des dettes de jeu ordinaires en vertu d’une ordonnance de Marie-Thérèse –elle-même grande joueuse de Pharaon- interdisant la récupération des dettes de jeu, sauf en cas de tricherie ou d’escroquerie manifeste, délit susceptible d’une réprobation sociale plus dommageable que les possibilités de contrainte par corps auxquelles il expose. On est d’ailleurs en droit de se demander si l’on ne s’en est pas pris, pour mieux l’atteindre, non à Mozart lui-même, mais à sa femme, car dans deux lettres du 12 juin à Constance, Mozart insiste lourdement, et par deux fois dans la même journée sur l’imprudence qu’il y aurait pour sa femme à se rendre au casino : « Je t’en prie ne va pas au casino aujourd’hui, même si la Schwingenschub doit sortir… » et le même soir dans une lettre différente qui part avec un voyageur « Mais je te prie sérieusement de ne pas aller au Casino 1°) c’est cette compagnie –tu me comprends bien… 2°) tu ne pourrais d’ailleurs pas danser. Et regarder ?.. Ce sera plus amusant quand le petit homme sera là . »
Il n’existe aucune preuve tangible que Mozart ait été un joueur compulsif : en revanche beaucoup de ses connaissances l’ont été et Lichnowsky le premier (au retour de Berlin, le prince dut emprunter à Mozart, et non le contraire –la même histoire se reproduira plus tard entre Lichnowsky et Beethoven). L’accusation revient très souvent concernant les francs-maçons dont on dit qu’il se rendaient systématiquement après les réunions dans des cercles de jeu. Il est à peu près certains que c’est consécutivement à une affaire de dettes non honorées que Schikaneder sera plus tard chassé de l’organisation par ses frères. En 1802 Joachim Perinet dans un « Dialogue sur la vente du théâtre » met en scène son patron, rendant visite à la tombe de Mozart (« son ombre me poursuit tout le temps » disait Schikaneder »), et le fantôme de Mozart lui donne cet avertissement :
« Sois prudent, pour l’amour du ciel, Et ne joue pas au Pharaon, Car souviens-toi qu’avec ses troupes Pharaon fut noyé par la Mer rouge. »
Après la mort de Mozart, Constance aura le plus grand mal à prouver à l’empereur que les dettes qu’il laisse ne s’élèvent pas à 30000 gulden comme Léopold II l’affirme mais à 3000 tout au plus, non déduites les sommes non récupérables que Mozart a lui-même prêté à ses amis. S’il fallait d’autres preuves de l’acharnement des souverains, on pourrait signaler la façon dont ils intriguèrent afin que les instances religieuses excommuniassent le défunt. Comme van Swieten (toujours conseiller auprès du monarque) tentait de s’opposer à la manoeuvre il fut révoqué de ses fonctions dans l’après-midi du 5 décembre, le jour-même du décès!
L’évidence que le pouvoir impérial a cherché à nuire à Mozart, tout en feignant de lui rendre un ultime service, transparait encore dans la commande de la Clémence de Titus. Alors que Mozart était persona non grata en octobre 1790 au couronnement impérial, pour le couronnement royal des mêmes altesses à Prague il retournerait soudain en grâce ? sauf que les choses ont tellement traîné qu’il reste à peine quinze jours pour écrire l’œuvre, que c’est le Kappelmeister en chef de la cour qui devrait s’en charger (après sa démission de l’opéra Salieri a conservé ce poste) mais Salieri tergiverse pour finalement refuser (avait-il la possibilité de refuser si ce refus n’était pas commandé par une instance supérieure ?). Le fin mot de l’histoire c’est en effet Marie-Louise d’Espagne qui le donne, trahissant les intentions de la couronne lorsqu’elle laisse échapper à l’issue du spectacle le fameux « Porcheria tedesca ! » et le compte-rendu officiel du couronnement après elle qui dit « le Singspiel ( ?! sic) fut bien accueilli ». Mozart n’est plus un compositeur d’opéra italien, c’est un ennemi de classe, le fer de lance de la sédition, il a volontairement choisi la porcherie allemande contre les châteaux de cartes des tyrans de droit divin. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Mozart - Opéras peu connus Lun 6 Oct 2008 - 10:31 | |
| Opus ultimumLe 18 juin 1791 Mozart écrit l’Ave verum corpus k.618, sa dernière œuvre religieuse complète et assumée, que Stoll fait exécuter à Baden. Mozart n’a pas écrit de musique d’église depuis plus de 8 ans, et encore sa dernière messe (ut mineur k427) est-elle restée inachevée. Il n’a eu de cesse tenter d’en recycler la musique –finalement dans l’oratorio Davide penitente- et pareillement l’Ave verum comme l’Introït du futur requiem vont grossir les esquisses chorales de la Flûte. Le 12 juillet dans la lettre plus que légère déjà citée, Mozart réclame à Stoll, en contrefaisant l’écriture de Süssmayr, de bien vouloir envoyer “ce que Herr von Mozart vous a demandé, c’est –à-dire la Messe et le graduale de Mich. Haydn, sinon pas de nouvelles de l’opéra, et il ajoute en post-scriptum cette citation détournée de Kaspar le bassoniste « Ainsi un homme tient sa parole ! » à quoi compte-t-il faire servir l’œuvre sinon à nourrir le canevas du requiem? A cette période Mozart considère que le partition de la Flûte est suffisamment avancée pour la mentionner comme achevée dans son catalogue. Peut-être aurions-nous eu un requiem complet de Mozart s’il n’avait sauté sur l’occasion d’écrire ce nouvel opéra, La Clémence de Titus, ou si en rentrant de Prague il n’avait pas assisté à toutes les représentations de la Flûte, et préféré, plutôt que se remettre au travail sur sa messe, composer un concerto pour clarinette ! En fait Mozart n’a aucune intention d’écrire de la musique religieuse, et surtout pas sur le ton de la déploration… Le fameux requiem n’est resté en plan que parce que Mozart n’a jamais eu la moindre intention de le terminer. A partir du moment où sa collaboration avec Schikaneder éclate au grand jour, il n’a même plus aucune chance qu’on lui demande d’écrire de la musique religieuse, à moins encore une fois que ce soit une affaire secrète, et que l’œuvre soit achetée par un prête-nom. Jusqu’à quel point ne tente-t-il pas de se débarrasser rapidement de la commande en rameutant tous ses souvenirs des « meilleures musiques funèbres » des compositeurs qu’il admire ? On a depuis longtemps montré les parentés très étroites qui existent entre le premier requiem de Michel Haydn et les cinq fragments de juillet 1791, mais Mozart mélange à ces emprunts des réminiscences d’au moins 2 chœurs du Messie qu’il a réorchestré, de «The way Zion do Mourn » (Musique funèbre pour la Reine Caroline), et une esquisse d’Amen retrouvée au dos de brouillons de la Flûte (qui pourrait être une intention de continuation du Lacrymosa) va jusqu’à convoquer le Stabat Mater de Pergolese comme aide à l’écriture. L’usage d’une encre différente montre que Mozart a terminé le Kyrie et rédigé le brouillon des recordare, confutatis et des deux morceaux de l’Offertoire plus tardivement, sans doute durant la deuxième semaine d’octobre (il date du 7 octobre l’achèvement du concerto pour clarinette) avant de mettre définitivement la partition de côté pour se consacrer à plus intéressant. Selon les dires de Constance, c’est vers le 15 octobre qu’elle aurait « cachée » la partition du requiem pour empêcher que son mari s’épuisât dessus, puis qu’elle lui aurait procuré une commande plus distrayante ! ce qui est un tissu de pieuses absurdités, Mozart ne s’étant visiblement guère escrimé que quelques heures tout au plus sur le requiem en octobre, et n’ayant certainement pas besoin de sa femme pour que ses frères de loge lui demande la composition d’un « Eloge de l’amitié ». Les deux premières semaines de novembre 1791, Mozart les consacre à écrire la Cantate Das Lob der Freundschaft, destinée à la consécration du nouveau local de la Loge. L’accueil réservé à l’œuvre par ses Frères fut triomphal au point que Mozart déclara : « Si je ne savais pas avoir fait mieux, je pourrais croire que cette cantate est mon chef-d’œuvre. » L’œuvre rayonne d’une séduction immédiate, un optimisme radieux la traverse, le récitatif accompagné qui succède au chœur initial pourrait très bien sortir de la plume de l’auteur du n°18 de l’acte I de la Pierre philosophale (Das wirdst du nie) ; cette célébration de la fraternité constitue la cérémonie finale qui manque à la Flûte, ou plutôt pour emprunter les mots de Jean-Victor Hocquard « elle se situe après la pièce, une fois le rideau tombé, quand nous sommes introduits dans l’intimité du sanctuaire ». - Citation :
- « douce est la pensée que l’Humanité a désormais repris place parmi les hommes…
Partageons chaque fardeau Avec le poids de l’amour Pour recevoir ici dignement La lumière véritable de l’Orient(…) Alors l’envie sera apaisée Et nous verrons réalisé Le couronnement de notre espoir. » Ce texte a lontemps été attribué à Schikaneder, mais la plupart des critiques reconnaissent qu’ils n’avait probablement pas les qualités requises pour l’écrire et admettent aujourd’hui qu’il est de Gieseke. La cantate est pour chœur d’homme et orchestre avec intervention de deux ténors et d’une basse : sans en avoir la preuve écrite on devine que les solistes en question avaient toutes les chances d’être Schikaneder, Schack et Gerl. A cette pièce d’inauguration Mozart ajouta un lied à trois voix pour la fermeture de la loge, la traditionnelle mise en musique du rituel de la chaîne d’amitié. L’édition complète des œuvres de Mozart le tient aujourd’hui pour apocryphe et certains en attribuent sur la foi d’une ressemblance structurelle avec le cantique Au nom des Pauvres, la paternité à Holzer, musicien amateur, Vénérable de la loge Zu Wahren Eintratt que Mozart visita en compagnie de son père lors d’une tenue en 1784. Qu’importe, on a vu que la question du véritable auteur était beaucoup moins claire qu’on tend à le faire croire pour des raisons de morale ou de fine politique. Il n’en demeure pas moins que le rituel de la chaîne d’amitié fut joué le même jour que Laut verkünde unsre Freude. Dans la nuit du 19 au 20 novembre Mozart passe au « Serpent d’argent » voir son ami l’aubergiste Deiner, afin de lui commander du bois de chauffage. Il ne peut terminer son verre de vin, il gratifie le garçon d’une pièce d’argent : « Alors entra au Serpent d’argent une bande de chanteurs italiens que Deiner détestait, parce qu’ils pestaient toujours contre son « cher Maître de musique » et il quitta la salle » (Souvenirs de Deiner). Même racontée longtemps après, la conclusion de l’anecdote ne montre-t-elle pas à quel point Mozart est passé de l’autre côté, celui des petites gens qui n’entendent rien au raffinement décadent de l’aristocratie viennoise ? Mozart se coucha, pour ne plus jamais se relever. Durant les 14 jours que dura son agonie, ce n’est pas au requiem qu’il songeait, mais à la Flûte Enchantée dont il suivait montre en main chaque soir le déroulement : « La veille de sa mort, il disait encore à sa femme : je voudrais bien entendre encore une fois ma Flûte enchantée. Et il fredonna d’une voix presque imperceptible « Der Vogelfänger bin ich ja ! » (Souvenirs de Constance rapportés en 1857) Mais en 1791 pour Constance il était essentiel d’accréditer la légende selon laquelle la dernière pensée de Mozart avait été pour une œuvre chrétienne. Le 4 décembre, on la voit s’agiter en tous sens et envoyer en secret sa sœur quérir des prêtres afin que Mozart reçoive l’extrême onction (ceux-ci refusent d’ailleurs de se déplacer). Le stratagème qu’elle emploie afin de ménager leur intervention, alors que ne défilent au chevet du mourant que des francs-maçons et des gens de théâtre, montre à quel point elle est au bord de la panique à l’idée que son mari puisse ne pas se laisser administrer et les renvoie avec perte et fracas. A la dernière extrémité, c’est le médecin lui-même qui refuse de quitter le théâtre avant la fin du spectacle… D’une certaine façon le mensonge a bien pris, de l’autre on peut avancer qu’il a produit certaines anecdotes invraisemblables qui n’ont réussi qu’à travestir en partie la vérité. Dans un obituaire anonyme de Schack, publié en 1827 par l’Allgemeine Musikalische Zeitung, on lit : « La veille de sa mort Mozart fit apporter sur son lit la partition du Requiem et lui-même (il était deux heures de l’après-midi) en chanta la partie d’alto : Schack, l’ami de la famille, prit la partie de soprano, comme il avait eu l’habitude de le faire déjà, Hofer, beau-frère de Mozart, prit le ténor, et Gerl, plus tard chanteur à l’opéra de Manheim, la basse. » Evidemment à 36 heures de sa mort, Mozart n’aurait sans doute pas pu chanter l’ébauche du Requiem jusqu’au Lacrymosa, et d’autre part la maison était pleine de chanteuses, Constance, Josepha, Mme Gerl, Anna Gottlieb peut-être. Malgré lui l’auteur du texte nous apprend qu’elles n’étaient pas conviées à chanter dans la chambre du mourant, malgré ce qu’on lui a raconté, parce qu’on ne pouvait tout de même pas révéler au public l’intimité de ce groupe d’hommes tous excommuniés par leur appartenance-même aux dernières sociétés secrètes pro-révolutionnaires, Mozart et ses frères ont sans aucun doute chanté quelque chose ensemble la veille de sa mort, quelque chose d’aussi bref et déchirant que les canons improvisés qu’il notait pour ses amis avant de quitter la table du repas, dont une partie exprimait la joie de les avoir vus, et l’autre la douleur de devoir s’en aller, quoi d’autre que le rituel de la chaîne d’amitié répété une quinzaine de jours plus tôt ? « Enlaçons nos mains, mes frères, en terminant ce travail dans l'éclat sonore de notre joie. Puisse cette chaîne enlacer fermement le globe entier comme ce lieu sacré. Qu'honorer la vertu et l'humanité et apprendre l'amour de soi et des autres soit toujours notre premier devoir. Alors, non seulement à l'est, non seulement à l'ouest, mais aussi au sud et au nord, brillera la lumière. » Ce lied, pourvu d’autres paroles, et rendu par les érudits à l’anonymat, est devenu en 1947 l’hymne autrichien. |
| | | Stadler Clarinomaniaque
Nombre de messages : 8501 Age : 54 Localisation : Gembloux (Belgique) Date d'inscription : 27/11/2006
| Sujet: Re: Mozart - Opéras peu connus Lun 6 Oct 2008 - 11:00 | |
| - sud273 a écrit:
- ...ou si en rentrant de Prague il n’avait pas ... préféré, plutôt que se remettre au travail sur sa messe, composer un concerto pour clarinette !
C'est vrai quoi; quelle idée saugrenue J'en profite pour te remercier pour ces textes extrêmement intéressants |
| | | Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 91579 Age : 43 Date d'inscription : 08/06/2005
| Sujet: Re: Mozart - Opéras peu connus Sam 11 Oct 2008 - 3:45 | |
| J'ai découvert Mitridate dans la version DVD Harnoncourt/Ponnelle. C'est je crois le premier opéra seria de Mozart, écrit à tout juste 14 ans, ce qui est assez hallucinant. Cependant, en tant que tel, c'est un opéra qu'on ne peut pas qualifier de raté mais pas de chef d'oeuvre non plus. C'est très bien écrit, il y a quelques airs qui retiennent un peu l'attention, mais rien de vraiment marquant. L'ouverture m'a bien accroché, mais par la suite l'intérêt est allé plutôt décroissant, à de rares exceptions près. Ah si, le cluster quand Mitridate se suicide, je me demande comment c'est écrit sur la partition ou bien si c'est le claveciniste d'Harnoncourt qui s'amuse... Pour ce qui est de l'interprétation, Harnoncourt est remarquable, très mordant, très dramatique, il fait vraiment le maximum. J'ai beaucoup aimé la prestation d'Ann Murray (Sifare) vocalement, par contre scéniquement elle n'est absolument pas crédible. (la faute notamment au travestissement qui passe assez mal) Gjevang (Farnace) fonctionne mieux à ce niveau-là. Mise en scène un peu vieillote et statique de Ponnelle, il essaie de faire passer le plus de choses possibles par les visages mais on a le plus souvent des expressions outrées et quasi ridicules. (chez Winbergh en particulier, quand il prend ses airs méchants notamment) C'est un film, le playback est plutôt réussi, les décors du théâtre de Vicence assez beaux. |
| | | Zip Mélomaniaque
Nombre de messages : 935 Localisation : Lyon Date d'inscription : 21/02/2008
| Sujet: Re: Mozart - Opéras peu connus Sam 11 Oct 2008 - 22:56 | |
| Bonsoir Xavier. Je l'ai déjà dit dans le fil "Playlist" lors d'une récente réécoute, Mitridate, premier opera seria de Mozart, est celui qui m'ennuie le plus des quatre (je suppose que tu connais déjà la Clemenza et Idomeneo, il te reste donc maintenant Lucio Silla, composé par un Mozart de 17 ans, et qui est AMHA un petit bijou d'ingéniosité). WAM a pris quelques leçons avec le Padre Martini alors qu'il débutait la composition, par les récitatifs, comme toujours. Il sont selon certains particulièrement soignés mais, franchement, je n'y vois rien de passionnant, comme pour 75% de ses récitatifs, tous les opéras confondus. Et puis en plus il sont longuets (presque huit minutes pour certains !). Quant à la musique, ça dure trois heures, alors je ne peux pas tout écouter en une fois sans m'ennuyer terriblement, car ça suit les conventions du genre, avec de longs airs certes bien jolis, mais on se lasse vite de ces terribles vocalises, de ces multiples reprises, ces contrastes à répétition. Du coup, on finit par n'entendre plus que des récitatifs/airs interchangeables, qui se suivent et se ressemblent, dans une monotonie seulement rompue en fin d'acte, par trois sensembles: un quintette, un duo et un choeur (si ma mémoire est bonne). Je me passe quelquefois "Lungi da te", "Son reo, l'error confesso" et "Nel grave tormento", les quelques airs qui me semblent dignes d'intérêt...mais c'est bien peu sur 23 numéros ! Il y a pas mal d'extraits du film Ponnelle/Harnoncourt où-tu-te-doutes. Nikolaus semble en effet en forme – quoi qu'un peu bourrin, comme d'habitude . Quant à la mise-en-scène de Ponnelle (je suppose), elle cherche visiblement à faire "comme à l'époque" mais le mot "ridicule " convient parfaitement, quand celui de "statique" n'est pas assez fort: les chanteurs se tiennent tous droits, comme des piquets, dans des costumes certes somptueux mais qui ne doivent pas les aider beaucoup question liberté de mouvements –tant ils paraissnet longs et lourds–, chantent leurs airs en se tournant de temps à autre sur le côté (mais de 90°, hein, pas plus), tandis qu'on zoome sur leur visage, plus expressif encore que celui d'un mime. J'aurais préféré, moi qui n'ai rien contre Aïda en short égyptien, quelque chose de plus moderne (dans la cage d'escalier d'un HLM, que sais-je encore ?), qui m'aurait légèrement choqué , plutôt que ça, franchement risible. Avec ce statisme, la direction de Ponnelle, dont les plans changent toutes les quatre à cinq minutes minutes environ, et la musique, pas géniale, tu as réussi à rester attentif jusqu'à la fin ? pardon, je suis long, un peu brouillon comme toujours et sans doute trop sévère |
| | | Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 91579 Age : 43 Date d'inscription : 08/06/2005
| Sujet: Re: Mozart - Opéras peu connus Dim 12 Oct 2008 - 0:37 | |
| - Zip a écrit:
- Bonsoir Xavier.
Je l'ai déjà dit dans le fil "Playlist" lors d'une récente réécoute, Mitridate, premier opera seria de Mozart, est celui qui m'ennuie le plus des quatre (je suppose que tu connais déjà la Clemenza et Idomeneo, il te reste donc maintenant Lucio Silla, composé par un Mozart de 17 ans, et qui est AMHA un petit bijou d'ingéniosité). Bon alors je suis rassuré! Je ne connais pas encore Lucio Silla. - Citation :
- Quant à la musique, ça dure trois heures, alors je ne peux pas tout écouter en une fois sans m'ennuyer terriblement, car ça suit les conventions du genre, avec de longs airs certes bien jolis, mais on se lasse vite de ces terribles vocalises, de ces multiples reprises, ces contrastes à répétition.
Idem, les vocalises étaient pénibles, et souvent les mêmes. Par contre dans cette version ça durait 2 heures tout juste. - Citation :
- Avec ce statisme, la direction de Ponnelle, dont les plans changent toutes les quatre à cinq minutes minutes environ, et la musique, pas géniale, tu as réussi à rester attentif jusqu'à la fin ?
Non. Mais je me suis dit punaise c'est Mozart fais un effort! |
| | | Guillaume lapineau huguenot
Nombre de messages : 17530 Age : 31 Localisation : Paris Date d'inscription : 27/06/2006
| Sujet: Re: Mozart - Opéras peu connus Dim 12 Oct 2008 - 10:19 | |
| Donc Mithridate c'est à éviter ? |
| | | Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 91579 Age : 43 Date d'inscription : 08/06/2005
| Sujet: Re: Mozart - Opéras peu connus Dim 12 Oct 2008 - 10:54 | |
| Ben non, avec ton amour pour Mozart, tu peux toujours essayer! Mais ce n'est surement pas ce qu'il a fait de mieux... |
| | | Guillaume lapineau huguenot
Nombre de messages : 17530 Age : 31 Localisation : Paris Date d'inscription : 27/06/2006
| Sujet: Re: Mozart - Opéras peu connus Dim 12 Oct 2008 - 11:28 | |
| - Xavier a écrit:
- Ben non, avec ton amour pour Mozart, tu peux toujours essayer!
Mais ce n'est surement pas ce qu'il a fait de mieux... D'accord, donc à essayer ! Lucio Silla est tentant aussi ! et puis je ne connais pas encore la Clémence et Idoménee... |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Mozart - Opéras peu connus Dim 12 Oct 2008 - 11:40 | |
| il n'existe malheureusement pas de très bonne version de Lucio Silla. Idoménée est évidemment prioritaire, c'est un des sommets de l'opéra chez Mozart et particulièrement par la présence de choeurs bien supérieurs à tout ce qui existe dans ses oeuvres plus tardives. C'est dans sa structure un opéra tout à fait unique qui sort du cadre du séria par l'abondance des ensembles et les situations dramatiques fortes. La Clémence de Titus est à connaître aussi au moins pour l'air avec clarinette et les deux ensembles des finales qui n'ont guère d'équivalent non plus dans les autres opéras de Mozart. Pour une fois la version Jacobs est très bonne. Pour Mithridate, une version à l'ancienne est peut-être préférable, l'esthétique étant proche des opéras italiens de Haendel ou même de Vivaldi. Là aussi je recommanderais pour une fois la version Rousset. Mais ça n'a pas la fraîcheur de certains autres opéras de jeunesse comme Apollo et Hyacinthe. |
| | | Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 91579 Age : 43 Date d'inscription : 08/06/2005
| Sujet: Re: Mozart - Opéras peu connus Dim 12 Oct 2008 - 11:51 | |
| - Guillaume a écrit:
et puis je ne connais pas encore la Clémence et Idoménee... Et ça se dit fan de Mozart! |
| | | Guillaume lapineau huguenot
Nombre de messages : 17530 Age : 31 Localisation : Paris Date d'inscription : 27/06/2006
| | | | T-A-M de Glédel Mélomaniaque
Nombre de messages : 1512 Age : 37 Localisation : Vincennes Date d'inscription : 11/08/2007
| Sujet: Re: Mozart - Opéras peu connus Dim 12 Oct 2008 - 12:52 | |
| - Guillaume a écrit:
- Xavier a écrit:
- Guillaume a écrit:
et puis je ne connais pas encore la Clémence et Idoménee... Et ça se dit fan de Mozart! En même temps, personne ne connait toute l'oeuvre de Mozart...c'est quand même autre chose que ces fainéants de con-temporains...710 oeuvres... mais pas mal de déchet aussi... Sur les 41 symphonies, en connaître les 6-7 meilleures est amplement suffisant par exemple!! |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Mozart - Opéras peu connus Dim 12 Oct 2008 - 13:01 | |
| sur les 57 symphonies répertoriées à ce jour... |
| | | Pison Futé patate power
Nombre de messages : 27496 Age : 33 Localisation : CAEN, la meilleure ville de toute la Normandie. Date d'inscription : 23/03/2008
| | | | T-A-M de Glédel Mélomaniaque
Nombre de messages : 1512 Age : 37 Localisation : Vincennes Date d'inscription : 11/08/2007
| Sujet: Re: Mozart - Opéras peu connus Dim 12 Oct 2008 - 13:22 | |
| - sud273 a écrit:
-
sur les 57 symphonies répertoriées à ce jour... Sans aucun doute d'authenticité? Il me semblait avoir lu ça,mais au final peu importe... Je n'en ai écouté qu'une vingtaine, mais c'est assez pour moi car même celles qui sont considérées comme les plus abouties, je ne trouve pas ça transcendant. Au final, tu écoutes la 25, 29, 35, 38, 40 et 41 et je pense que tu peux passer à autre chose car tu as écouté ce que Mozart a de mieux à proposer. Il y a d'autres compositeurs aussi...
Dernière édition par Moander le Dim 12 Oct 2008 - 13:25, édité 1 fois |
| | | Wolferl Lapinophobe
Nombre de messages : 13311 Age : 34 Localisation : Paris Date d'inscription : 27/06/2006
| Sujet: Re: Mozart - Opéras peu connus Dim 12 Oct 2008 - 13:23 | |
| Et puis les opéras c'est quand même ce qu'il y a de prioritaire ! Mais bon, j'avoue aussi ne pas avoir eu le courage d'essayer ceux qui précèdent La Finta giardiniera et j'ai toujours trouvé Idoménée trop long... D'ailleurs ça me fait penser que j'ai une question là dessus, je vais voir s'il n'y a pas un sujet plus approprié... |
| | | Pison Futé patate power
Nombre de messages : 27496 Age : 33 Localisation : CAEN, la meilleure ville de toute la Normandie. Date d'inscription : 23/03/2008
| Sujet: Re: Mozart - Opéras peu connus Dim 12 Oct 2008 - 13:23 | |
| - Citation :
- Je n'en ai écouté qu'une vingtaine, mais c'est assez pour moi car même celles qui sont considérées comme les plus abouties, je ne trouve pas ça transcendant.
Il y autre chose à écouter... Mais après, si on trouve son bonheur, où est le problème ? |
| | | T-A-M de Glédel Mélomaniaque
Nombre de messages : 1512 Age : 37 Localisation : Vincennes Date d'inscription : 11/08/2007
| Sujet: Re: Mozart - Opéras peu connus Dim 12 Oct 2008 - 13:27 | |
| - Elvira a écrit:
-
- Citation :
- Je n'en ai écouté qu'une vingtaine, mais c'est assez pour moi car même celles qui sont considérées comme les plus abouties, je ne trouve pas ça transcendant.
Il y autre chose à écouter... Mais après, si on trouve son bonheur, où est le problème ? Aucun... je ne vois juste pas l'intérêt de sanctifier ce monsieur en disant que tout ce qu'il a touché est génial, alors que ce n'est pas vrai, et que donc, le reste, celà ne sert à rien de l'écouter... |
| | | Wolferl Lapinophobe
Nombre de messages : 13311 Age : 34 Localisation : Paris Date d'inscription : 27/06/2006
| Sujet: Re: Mozart - Opéras peu connus Dim 12 Oct 2008 - 13:34 | |
| - Moander a écrit:
- Elvira a écrit:
-
- Citation :
- Je n'en ai écouté qu'une vingtaine, mais c'est assez pour moi car même celles qui sont considérées comme les plus abouties, je ne trouve pas ça transcendant.
Il y autre chose à écouter... Mais après, si on trouve son bonheur, où est le problème ? Aucun... je ne vois juste pas l'intérêt de sanctifier ce monsieur en disant que tout ce qu'il a touché est génial, alors que ce n'est pas vrai, et que donc, le reste, celà ne sert à rien de l'écouter... Je suis assez d'accord avec toi, mais cela sert toujours à quelque chose, même si on peut s'ennuyer... |
| | | Pison Futé patate power
Nombre de messages : 27496 Age : 33 Localisation : CAEN, la meilleure ville de toute la Normandie. Date d'inscription : 23/03/2008
| Sujet: Re: Mozart - Opéras peu connus Dim 12 Oct 2008 - 13:35 | |
| - Moander a écrit:
- Elvira a écrit:
-
- Citation :
- Je n'en ai écouté qu'une vingtaine, mais c'est assez pour moi car même celles qui sont considérées comme les plus abouties, je ne trouve pas ça transcendant.
Il y autre chose à écouter... Mais après, si on trouve son bonheur, où est le problème ? Aucun... je ne vois juste pas l'intérêt de sanctifier ce monsieur en disant que tout ce qu'il a touché est génial, alors que ce n'est pas vrai, et que donc, le reste, celà ne sert à rien de l'écouter... Ah ça d'accord. |
| | | Zip Mélomaniaque
Nombre de messages : 935 Localisation : Lyon Date d'inscription : 21/02/2008
| Sujet: Re: Mozart - Opéras peu connus Dim 12 Oct 2008 - 14:13 | |
| - sud273 a écrit:
- il n'existe malheureusement pas de très bonne version de Lucio Silla.
Faute de mieux, ma référence perso est la version de S. Cambreling, captée à la Monnaie en 1986 – dans l'Intégrale Brilliant Classics, notamment. C'est un enregistrement sur le vif, avec toutes les qualités et les défauts que ça peut avoir, mais je suis vraiment séduit par la "théâtralité" de la chose. Ça a été filmé (mise-en-scène de Chéreau) mais jamais publié, peut-être pour d'obscurs raisons juridiques, ou financières. (Par contre, éviter la version Harnoncourt: une demi-douzaine d'airs sautent, le personnage complet d'Aufidio disparaît et les récitatifs sont charcutés...au dépend parfois de la concordance entre les répliques ! ) - Wolferl a écrit:
- Mais bon, j'avoue aussi ne pas avoir eu le courage d'essayer ceux qui précèdent La Finta giardiniera et j'ai toujours trouvé Idoménée trop long...
N'aie pas peur, ce qui peut t'arriver de pire, c'est, à la rigueur de t'ennuyer un peu ! Mais ces opéras de jeunesse – j'entends par là d' Apollo Hyacintusque au Rè pastore –, s'ils ne sont pas génials (enfin, pour un gamin de douze ans, peut-être, mais si on veut comparer avec sa production antérieure... ) sont vraiment pleins de grâce, de fraîcheur, de naïveté, aussi. Ça se discute, mais j'aurais tendance à les mettre au même niveau que ceux d'Haydn ( Armida exclue), qui datent à peu près de la même époque.
Dernière édition par Zip le Sam 1 Nov 2008 - 17:25, édité 1 fois (Raison : A la Monnaie, en 86, la mes était signée Chéreau, par Carsen) |
| | | joachim Mélomaniaque
Nombre de messages : 1232 Age : 78 Localisation : Nord (avesnois/thiérache) Date d'inscription : 02/03/2006
| Sujet: Re: Mozart - Opéras peu connus Lun 13 Oct 2008 - 9:55 | |
| Bravo Wolferl et Sud pour vos textes sur La Pierre Philosophale, cet opéra collectif qui est un avant goût de la Flûte. J'avais acheté le coffret dès sa sortie. Il est curieux que cet opéra ne donne pas une impression de décousu, sauf la scène finale comme Sud l'a d'ailleurs relevé. Je me demande jusqu'à quel point l'ouverture attribuée à Henneberg n'a pas la "patte" de Mozart lui-même, quoiqu'avec ses 4 minutes elle soit un peu courte pour du Mozart.
Parmi les opéras antérieurs à Idoménée, Mithridate est celui que j'aime le moins, avec ses récitatifs interminables et ses airs à reprises. Lucio Silla est largement au dessus. Un peu pareil pour les deux "Finta" auxquels je fais les mêmes reproches. Par contre j'adore Il Re Pastore, plus court, et cette petite merveille qu'est Bastien et Bastienne. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Mozart - Opéras peu connus Sam 1 Nov 2008 - 12:03 | |
| - Guillaume a écrit:
- je rappelle que Mozart a été jeté à la fosse commune
on est HS, mais Mozart a été enterré en catimini, parce qu'il était Franc-Maçon, et pas pour des questions d'argent. Mozart mort de pauvreté est une légende, tout prouve aujourd'hui qu'à sa mort le montant de ses dettes était moins élevé que les sommes d'argent prétées à ses amis (notamment à Stadler qui devrait avoir honte). En ce qui concerne les luttes de classes, il me semble qu'il faudrait étudier dans quelle mesure Mozart n'est pas entré dans une rebellion ouverte contre le pouvoir impérial et en quoi la perspective de le voir pensionné par les rebelles hongrois n'a pas ajouté une dimension politique à sa disparition. |
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