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Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 91654 Age : 43 Date d'inscription : 08/06/2005
| Sujet: Re: Votre Top-périodes Ven 11 Mar 2016 - 23:26 | |
| - Thomas Savary a écrit:
Je ne sais pas si un amoureux du romantisme peut tirer grand-chose de cet inventaire épidermique et décousu. Au cas où…
C'est compliqué, car tu nous surtout que tu n'aimes pas 36 choses, et que tu en aimes très très peu... du coup, difficile de trouver une bonne porte d'entrée. Tu dis que tu n'aimes pas Bruckner, Wagner, Bizet, Berlioz... sans dire pourquoi. J'aurais envie de te conseiller de commencer par les bords du siècle: si tu aimes les classiques, j'imagine que tu as déjà bien fouillé Beethoven et Schubert? Qui aimes-tu dans les premiers compositeurs du XXè siècle? (Mahler, Fauré, Sibelius, Debussy, Scriabine, Strauss, Janacek, Szymanowski...?) |
| | | Mélomaniac Mélomane chevronné
Nombre de messages : 28855 Date d'inscription : 21/09/2012
| Sujet: Re: Votre Top-périodes Sam 12 Mar 2016 - 0:07 | |
| - Thomas Savary a écrit:
- Xavier a écrit:
Le chromatisme exacerbé c'est propre au romantisme
Ah oui ? Pour moi, c’est bien plus le propre des maniéristes de la fin de la Renaissance (Gesualdo, Nenna, Luzzaschi), voire de Gallus (son Mirabile mysterium !), sans oublier quelques fulgurances prophétiques chez Nicolas Gombert.
Et Michelangelo Rossi (1601-1656) ?! - Thomas Savary a écrit:
Der König in Thule (dans la version bourrée de Prégardien-Staier)
Oui elle est carrément psychédélique cette interprétation. La voix hâve de Prégardien, le pianoforte bastringue de Staier (on le dirait préparé par John cage...) - Thomas Savary a écrit:
j’aime l’art baroque parce qu’il sait qu’il joue la comédie et loin de le cacher le souligne — le théâtre des émotions comme moyen de se protéger en même temps que de protéger le public permet paradoxalement une plus grande sincérité — ; je me défie au contraire du romantisme, parce qu’à mes yeux l’artiste romantique pour être sincère commence par se mentir à lui-même.
J'ai pas tout compris, mais ça m'a l'air intéressant si tu développes. En tout cas, pour le théâtre des émotions d'obédience romantique, que penses-tu de la Fantastique de Berlioz ? |
| | | Thomas Savary Mélomane du dimanche
Nombre de messages : 56 Age : 51 Localisation : Ceinture d'astéroïdes (je viens de déménager) Date d'inscription : 09/03/2016
| Sujet: Re: Votre Top-périodes Sam 12 Mar 2016 - 23:15 | |
| - Xavier a écrit:
- Thomas Savary a écrit:
Je ne sais pas si un amoureux du romantisme peut tirer grand-chose de cet inventaire épidermique et décousu. Au cas où…
C'est compliqué, car tu nous surtout que tu n'aimes pas 36 choses, et que tu en aimes très très peu... du coup, difficile de trouver une bonne porte d'entrée. Tu dis que tu n'aimes pas Bruckner, Wagner, Bizet, Berlioz... sans dire pourquoi.
J'aurais envie de te conseiller de commencer par les bords du siècle: si tu aimes les classiques, j'imagine que tu as déjà bien fouillé Beethoven et Schubert? Qui aimes-tu dans les premiers compositeurs du XXè siècle? (Mahler, Fauré, Sibelius, Debussy, Scriabine, Strauss, Janacek, Szymanowski...?) Merci de ta réponse. Alors, Bruckner, si, si, au contraire, j’aime beaucoup. Enfin, pas tout : en premier lieu, ses motets, ensuite ses symphonies, surtout la Huitième et la Neuvième. Je vais essayer de dire pourquoi. Je perçois Bruckner comme un compositeur sacré (ses symphonies ont pour moi un caractère plus « sacré » que bien des œuvres religieuses du dix-neuvième siècle), et sans doute un peu dingue. Comment quelqu’un apparemment de si peu affirmé et de si sensible à l’accueil du public a-t-il pu composer quelque chose d’aussi audacieux que le premier scherzo de la Huitième ? Un mystère… En tout cas, la musique de Bruckner est très construite. Malgré mon bagage musical très limité, j’y suis sensible. Les grandes architectures me plaisent, même lorsque je n’y comprends pas grand-chose. C’est sans doute fondamentalement pour cela que j’aime les polyphonies renaissantes et médiévales, et, dans la musique baroque, Johann Sebastian Bach tout spécialement. De manière générale, j’aime les voix, et je suis beaucoup plus touché par la musique sacrée que par la musique profane. C’est ainsi que pour explorer l’œuvre d’un compositeur l’ordre que je suis, le plus souvent — même pas volontairement, encore que très consciemment —, est à peu près le suivant : œuvres vocales religieuses (motets, messes, oratorios…), œuvres pour orgue, œuvres vocales profanes (en premier lieu celles destinées à des voix solistes, airs de cour, cantates, chansons, lieder, mélodies ; ensuite, les chœurs : oratorios, chœurs isolés ; enfin, mais vraiment « en fin » les opéras), œuvres orchestrales, œuvres pour petits ensembles instrumentaux, œuvres pour instruments solistes… On va éviter l’opéra, parce que le principe même de chanter une histoire me paraît incongru — je ne sais plus quel compositeur de la Renaissance aurait déclaré à propos du recitar cantando et de l’opéra naissant quelque chose comme « Oui, très bien. Mais en quoi cela concerne-t-il le musicien ? » : sans aller jusque-là, c’est tout de même un peu ce que je ressens. La musique me touche d’abord par sa beauté. Si elle cherche à véhiculer des émotions, comme dans la musique baroque, je préfère que ces émotions soient détachées d’une histoire : l’empathie, voire l‘identification fonctionnent alors bien mieux, en ce qui me concerne. Deux heures de cantates de Scarlatti, pas de problème ; un opera seria, non ! Je sais que beaucoup font facilement abstraction des livrets indigents et des intrigues ridicules, moi non : j’y suis viscéralement allergique. Beethoven : en général, je n’apprécie pas sa musique, cet « héroïsme » me tape sur les nerfs. Du côté des symphonies, j’adore tout de même la Septième, et de bout en bout, alors que pour toutes les autres symphonies il y a toujours de nombreux passages qui m’ennuient ou m’insupportent — la fin de la Neuvième ! Schubert, j’ai mentionné ce que j’aimais particulièrement. Je pourrais évoquer brièvement Tchaïkovski. Ce que j’aime, parmi le peu que je connais : le finale de la Quatrième, le début du premier mouvement de la Sixième (qui pour moi s’enlise ensuite rapidement, hélas). Ce que je n’aime pas du tout : Casse-Noisette. Brahms : j’aime le Requiem allemand, et quelques motets, en particulier son… Regina coeli, soit un bon vieux motet à l’ancienne (j’adore les canons et les fugues, on ne se refait pas). Des symphonies, je garde en souvenir le début très prometteur de la Première et mon rapide désintérêt, malgré quelques brefs passages saisissants (les pizzicati), au moins rien qui ait provoqué mon aversion comme chez Beethoven. Certains contrastes de la Deuxième m’ont laissé perplexe (annonçant Mahler ?). Pour les musiciens du début du vingtième siècle, ce sont de loin Debussy et Ravel qui ont ma préférence pour les Français. S’agissant de Mahler, mes réactions oscillent entre enthousiasme et consternation (je comprends très bien qu’Harnoncourt ait toujours refusé d’aborder son œuvre). Je précise, même si on commence à beaucoup s’éloigner du romantisme, que j’aime beaucoup Chostakovitch. Je ne sais pas si ces exemples seront parlants. De façon ramassée, ce que j’aime dans la musique : — la beauté des timbres ; — la dimension architecturale ; — l’aspiration au sublime (c’est vague, alors des exemples : l’introït du Requiem de Richafort, le Musæ Iovis de Gombert, le « Dona nobis pacem » de la Messe en si de Bach, le Salve Regina de Haydn, les motets de Bruckner, la musique orthodoxe) ; — l’« hébétude » extatique ( Christus vincit de MacMillan, Hymn to the Creator of Light de Rutter, de nombreuses œuvres de John Tavener ou d’Arvo Pärt comme son Da pacem Domine) ; — l’allégresse (par exemple, à l’orgue, pour changer, comme dans les fugues des BWV 550 et 542 — quoi de plus galvanisant qu’une fugue joyeuse, venant nourrir à la fois les neurones et le cœur ?) ; — l’expression brutale des sensations ou sentiments douloureux, sans les chichis qu’à tort ou à raison je tends à associer au romantisme (d’où mon goût pour Chostakovitch, mais aussi le Requiem de Ligeti, le premier Penderecki) ; — l’humour (les Carmina Burana loufoques et messes des fous du Moyen Âge, Janequin, Passereau, les sublimes pieds de nez comme la Missa super « Entre vous filles » de Lassus, que j’interprète comme un superbe doigt à l’adresse des recommandations du concile de Trente, le Carnaval de Saint-Saëns, l’Heure espagnole de Ravel, certains Chosta). Ce qui me rebute : — les déclinaisons du style galant, à de rares exceptions près synonyme pour moi de superficialité et de « trahison » (joliesse n’est pas beauté) ; — les histoires ineptes, farcies de clichés (surtout quand il s’agit d’intrigues amoureuses à la noix [pléonasme ?]) ; — le « mensonge romantique » (l’amour de l’amour [du sentiment amoureux], la pose souffrante qui résulte du mensonge à soi-même [je ne suis sans doute pas clair]) ; — la boursouflure (appréciation très subjective, puisque d’aucuns en taxent les symphonies de Bruckner, qui pour moi sont généralement grandioses). |
| | | Thomas Savary Mélomane du dimanche
Nombre de messages : 56 Age : 51 Localisation : Ceinture d'astéroïdes (je viens de déménager) Date d'inscription : 09/03/2016
| Sujet: Re: Votre Top-périodes Dim 13 Mar 2016 - 0:02 | |
| - Mélomaniac a écrit:
- Thomas Savary a écrit:
Der König in Thule (dans la version bourrée de Prégardien-Staier)
- Mélomaniac a écrit:
Oui elle est carrément psychédélique cette interprétation. La voix hâve de Prégardien, le pianoforte bastringue de Staier (on le dirait préparé par John cage...) Vériste avant l’heure. Schubert aurait peut-être détesté. M’en fiche. C’est de loin la plus émouvante que j’aie pu entendre. - Mélomaniac a écrit:
- Thomas Savary a écrit:
j’aime l’art baroque parce qu’il sait qu’il joue la comédie et loin de le cacher le souligne — le théâtre des émotions comme moyen de se protéger en même temps que de protéger le public permet paradoxalement une plus grande sincérité — ; je me défie au contraire du romantisme, parce qu’à mes yeux l’artiste romantique pour être sincère commence par se mentir à lui-même.
J'ai pas tout compris, mais ça m'a l'air intéressant si tu développes. En tout cas, pour le théâtre des émotions d'obédience romantique, que penses-tu de la Fantastique de Berlioz ?
L’art baroque ne ment pas, parce qu’il se présente ouvertement pour ce qu’il est : du théâtre. Son discours et sa manière d’exprimer les émotions se coulent dans le moule de règles et de conventions. Ce n’est pas un mensonge, mais une protection. L’homme est une bête féroce, ou du moins dangereuse, pour les autres comme pour lui-même, et l’art baroque le sait ou du moins le ressent. Le filtre de l’art protège à la fois le public des débordements des artistes et ces derniers du jugement du public. Cette barrière, ces masques permettent paradoxalement une plus grande liberté, celle de jouer (simuler) ou de ne pas jouer (exprimer les émotions que vraiment l’on éprouve) : s’exposer sans le dire. Exemple banal, mais authentique : quand j’étais en prépa, il y avait ce grand garçon maigre et timide, bégayant presque ; sur scène, dans le cadre du club de théâtre du lycée, je le vis transformé, méconnaissable, incarnant des personnages affirmés et conquérants. Il me semble qu’au contraire, souvent au moins, l’art romantique se nourrit d’illusions en croyant donner libre cours à l’expression pure et sincère des émotions, débarrassée du poids des conventions et des règles, quand les conventions ont simplement changé. C’est l’adolescent amoureux qui croit qu’il aime l’élue de son cœur d’un amour sincère et éternel, quand il est en réalité amoureux de l’amour. C’est parfois aussi un certain nombrilisme quand l’art, me semble-t-il, a beaucoup mieux à faire. Je ne sais pas si je suis plus compréhensible, cette fois. Enfin, j’ai bien conscience que cette présentation est forcément réductrice, peut-être au point d’être totalement à côté de la plaque, même. Après tout, j’ai longtemps trouvé la musique de la Renaissance totalement inintéressante, alors qu’aujourd’ui il s’agit de celle que je préfère ; mais il aura fallu plus de quinze ans pour cela. Peut-être m’ouvrirai-je un jour à la musique romantique en général ? Je crois en tout cas à l’utilité des échanges et des conseils pour cela. Sans l’ami qui me fit découvrir Chosta, peut-être que je n’aurais jamais eu la volonté de surmonter l’appréhension qu’aurait sans doute fait naître un premier contact non préparé avec ses quatuors, par exemple. S’agissant de la Fantastique, j’ai honte, mais je dois ne l’avoir écouté en entier qu’une ou deux fois, vers l’âge de vingt ans. J’ai tellement aimé le dernier mouvement qu’ensuite je n’ai plus écouté que celui-ci, sans doute une bonne trentaine de fois. Puis je n’y suis jamais revenu. Trois ou quatre ans plus tard, les Troyens m‘ont tellement désespéré que je crois ne plus jamais avoir essayé de revenir vers ce compositeur, du moins jusqu’en janvier dernier, où j’ai pour la première fois écouté son Requiem, dans la version de Paul McCreesh. Je m’attendais à détester. Eh bien, j’ai plutôt aimé. Si je ne l’ai écouté que deux fois pour l’instant, je compte bien y revenir. |
| | | Mélomaniac Mélomane chevronné
Nombre de messages : 28855 Date d'inscription : 21/09/2012
| Sujet: Re: Votre Top-périodes Dim 13 Mar 2016 - 2:36 | |
| - Thomas Savary a écrit:
Je ne sais pas si je suis plus compréhensible, cette fois.
Oui toutefois, je ne partage pas exactement cette vision. Ok pour la convention baroque (et même du classicisme). Cependant, tu évoques le romantisme comme s'il se réduisait à une simulation du sentiment, ou plus précisément une simulation mensongère. Or pourquoi l'artiste romantique feindrait-il son affect, quand au contraire il ambitionne de "parler à la première personne" au lieu de se masquer dans le decorum de la rhétorique baroque, que l'on peut estimer plus fabriquée et artificielle. Certes dans le romantisme habite une part d'idéalisme, d'idéalisation (concernant l'amour, l'amitié, l'admiration, la pitié...) et d'égotisme. Une intériorisation de la relation au monde, à autrui, qui peut prendre une tournure aliénante (Schumann / Clara), narcissique et hyperbolique -c'est ce qui semble te gêner. Toutefois cette (hyper)sensibilité, si elle cristallise des archétypes, nous les livre avec une sincérité innocente de tricherie -me semble-t-il. Sauf cas particuliers, dont la Fantastique qui fonctionne délibérément par projet de théâtralisation. Beethoven rayant rageusement la dédicace à Napoléon pour l' Eroica révèle toute l'ambiguité du romantisme : aspiration à un idéal (de l'héroïsme, auquel a failli Napoléon autoproclamé empereur) un peu égoïste et naïf, mais aussi immanence du compositeur en prise directe sur son environnement (les hommes, la nature) et probité de son message. Autrement dit : besoin de légendes, mais aussi d'une réalité qui leur corresponde. Et c'est d'ailleurs ce décalage qui nourrit souvent la dialectique typiquement romantique de l'inadaptation, et qui peut endosser diverses postures : souffrance (Schumann, Schubert, un peu Chopin...), fierté rebelle (Beethoven), repli dans les modèles formels intemporels (ie classiques, Mendelssohn, Brahms, Bruckner)... Du moins c'est ce qui me touche dans le romantisme : cette infinie mise en abyme des fenêtres sur le monde dans la subjectivité de l'auteur, et dont les diffractions s'offrent à nous par les voies du coeur et de l'empathie, par les clés de l'identification intime au même (et non à travers la distance d'un code). Pour en revenir au répertoire : si tu aimes les grandes architectures, l'aspiration au sublime, et même si tu n'es pas féru des instruments solistes, que dirais-tu des dernières sonates de Schubert ? L'expression des sentiments n'y est pas vraiment brutale (quoique : vertigineuse, si, souvent !) mais en tout cas sans chichi. |
| | | Thomas Savary Mélomane du dimanche
Nombre de messages : 56 Age : 51 Localisation : Ceinture d'astéroïdes (je viens de déménager) Date d'inscription : 09/03/2016
| Sujet: Sincérité romantique Dim 13 Mar 2016 - 18:50 | |
| Salut, Mélomaniac !
Merci de ta réponse. Je crois moi aussi l’artiste romantique tout à fait sincère avec son public, mais parce qu’à mon sens il a commencé par se mentir à lui-même. Je pense souvent ici à Frank Herbert et aux jumeaux Leto et Ghanima des Enfants de Dune. Pour le succès du plan élaboré avec son frère, il faut que cette dernière soit convaincue de la mort de ce dernier. Pour ce faire, elle recourt à une sorte d’autohypnose : son frère a été tué sous ses yeux par des bêtes sauvages. Cette mort sera dès lors tenue pour avérée, car les membres du Bene Gesserit ne pourront détecter aucun mensonge chez elle avec leurs pouvoirs mentaux. Eh oui, on peut aimer la Renaissance et la SF !
Ce n’est donc pas pour moi la sincérité du romantique qui est en cause, mais l’auto-aveuglement, dû sans doute à cette part de narcissisme exacerbé, qui sans doute est effectivement ce qui m’indispose le plus dans l’art de cette période en général.
Je goûte l’expression de la souffrance en musique, tout particulièrement dans celle de Chostakovitch. Mais lui au moins me semble avoir eu de bonnes raisons de souffrir.
La souffrance de l’amoureux transi ou du mari « trahi », je trouve cela généralement vraiment exaspérant. Au mieux m’inspire-t-elle de la compassion pour le fou qui se laisse par elle détruire : Golaud, au premier chef, mais nous avons quitté ici le romantisme.
Le rapport à la nature me touche déjà bien plus, parce qu’il permet de renouer, d’une autre manière, avec l’aspiration au sublime qui caractérise notoirement la musique sacrée de la Renaissance.
Allons-y pour les sonates de Schubert. Lesquelles me conseillerais-tu en particulier, de préférence au pianoforte ? |
| | | Mélomaniac Mélomane chevronné
Nombre de messages : 28855 Date d'inscription : 21/09/2012
| Sujet: Re: Votre Top-périodes Dim 13 Mar 2016 - 19:49 | |
| Lignes après lignes, je comprends un peu mieux tes griefs : le Romantique, une chochote qui s'abuse et en rajoute, qui se complaît dans ses états d'âme. Il parle à la première personne, mais peut-être ne parle-t-il qu'à lui-même et en lui-même. Certainement vrai. Le rapport à l'intime est une des composantes essentielles de cette esthétique, ce en quoi j'évoquais plus haut cette infinie mise en abyme des fenêtres sur le monde dans la subjectivité de l'auteur : l'environnement s'avale et s'y intériorise (comme un paysage de papier qu'on plie et replie) dans une sorte d'état végétatif, auto-entretenu, et qui s'enfonce dans les affects pour mieux résister au sursaut qui l'en soustrairait, comme le creux d'une dent douloureuse qu'on agace avec la langue. Toutefois, comme je l'ai dit, le miracle du Romantisme vient qu'on se reconnaît dans cette introversion, par empathie. L'auteur romantique est notre semblable, notre frère. - Thomas Savary a écrit:
Je goûte l’expression de la souffrance en musique, tout particulièrement dans celle de Chostakovitch. Mais lui au moins me semble avoir eu de bonnes raisons de souffrir.
Captivante question que celle de la souffrance (apparemment) sans cause, qui est loin d'être un paradoxe, au contraire -tu devrais (re)lire les analyses de Michel Schneider au sujet de Schumann. - Thomas Savary a écrit:
Allons-y pour les sonates de Schubert. Lesquelles me conseillerais-tu en particulier, de préférence au pianoforte ?
Le pianoforte n'est pas ma tasse de thé pour Schubert. Essaie les dernières (19°-21°). Je ne te conseillerai pas ici d'interprétation en particulier car ce topic risquerait de dévier sur le débat interprétatif. Mais si tu exiges des noms : Bolet, Brendel, Dalberto, Lupu, Pollini (par ordre alphabétique). Et bien sûr, Kempff. |
| | | Thomas Savary Mélomane du dimanche
Nombre de messages : 56 Age : 51 Localisation : Ceinture d'astéroïdes (je viens de déménager) Date d'inscription : 09/03/2016
| Sujet: Re: Votre Top-périodes Mar 15 Mar 2016 - 0:13 | |
| - Mélomaniac a écrit:
- Lignes après lignes, je comprends un peu mieux tes griefs : le Romantique, une chochote qui s'abuse et en rajoute, qui se complaît dans ses états d'âme. Il parle à la première personne, mais peut-être ne parle-t-il qu'à lui-même et en lui-même.
Certainement vrai. Le rapport à l'intime est une des composantes essentielles de cette esthétique, ce en quoi j'évoquais plus haut cette infinie mise en abyme des fenêtres sur le monde dans la subjectivité de l'auteur : l'environnement s'avale et s'y intériorise (comme un paysage de papier qu'on plie et replie) dans une sorte d'état végétatif, auto-entretenu, et qui s'enfonce dans les affects pour mieux résister au sursaut qui l'en soustrairait, comme le creux d'une dent douloureuse qu'on agace avec la langue. Chochotte, pas forcément. Complaisant, oui ; en tout cas, je le perçois ainsi — et comme disait Musset, « les chiants désespérés sont les chiants les plus sots ». - Mélomaniac a écrit:
- Toutefois, comme je l'ai dit, le miracle du Romantisme vient qu'on se reconnaît dans cette introversion, par empathie. L'auteur romantique est notre semblable, notre frère.
Je trouve pour ma part qu’il est bien plus facile d’habiter les coquilles vides, des personnages types dont on ne se soucie guère de connaître l’histoire, soit qu’il n’y en ait pas ou bien qu’elle soit brossée en vitesse sans qu’on ait besoin ensuite d’y revenir, comme dans les lamentos baroques (religieux ou profanes), soit qu’on la connaisse déjà par cœur (mythes). J’éprouve bien plus de difficultés à entrer en empathie avec un personnage/un compositeur qui ne cesse d’agiter l’étendard de sa subjectivité. Ou alors il faut, très égoïstement, que sa subjectivité corresponde grosso modo à la mienne. Et vu que je ne me sens pas du tout en phase avec le dix-neuvième siècle, voilà qui n’arrive pas souvent. Heureusement, il y a Bruckner. - Mélomaniac a écrit:
Captivante question que celle de la souffrance (apparemment) sans cause, qui est loin d'être un paradoxe, au contraire -tu devrais (re)lire les analyses de Michel Schneider au sujet de Schumann. Les lire, en effet. À dix-neuf ans, j’adorais le Huysmans d’ À rebours ou Jean Lorrain (son Phocas qui se lamente de ne plus pouvoir pleurer)… Ce sont ces auteurs qui me viennent à l’esprit en te lisant sur Schuman, en espérant que ce ne soit pas totalement idiot, vu que je ne connais quasiment rien à la musique de Schuman. À vingt ans, je commettais une tentative de suicide. Bon… On va dire que j’ai passé l’âge. En attendant la décrépitude physique, qui pourrait me faire reconsidérer la question. La dépression, banal constat, est un trou noir qui absorbe l’énergie de l’entourage du déprimé. Je ne suis pas sûr d’avoir envie d’entendre cela en musique. S’exprimant à travers les codes de procédés rhétoriques, la tristesse qui émane de certaines œuvres de musique ancienne ne nous dit rien sur l’état d’esprit du compositeur, et je préfère cela. - Mélomaniac a écrit:
]Le pianoforte n'est pas ma tasse de thé pour Schubert. Essaie les dernières (19°-21°). Je ne te conseillerai pas ici d'interprétation en particulier car ce topic risquerait de dévier sur le débat interprétatif. Mais si tu exiges des noms : Bolet, Brendel, Dalberto, Lupu, Pollini (par ordre alphabétique). Et bien sûr, Kempff.
Entendu, je vais essayer cette semaine. En cherchant tout de même en priorité des interprétations au pianoforte Je ne commence à apprécier les sonorités du piano moderne qu’à partir de Debussy-Satie, en gros… À partir de Chopin, passe encore. Mais Schubert est trop ancien. Les instruments de son époque sont trop différents pour que jouer ses sonates sur les pianos actuels n’introduisent pas ce décalage que je trouve très inconfortable, voire carrément insupportable quand il s’agit de Mozart ou Haydn, pour ne pas dire Bach, où là je sors mon rev… non, je sors tout court, même si c’est mal élevé. |
| | | Анастасия231 Mélomane chevronné
Nombre de messages : 14430 Age : 30 Localisation : Karl Marx est un ailurophile ukraïnien d'obédience léniniste Date d'inscription : 05/01/2011
| Sujet: Re: Votre Top-périodes Mer 16 Mar 2016 - 13:17 | |
| A : Antiquité (falcultatif) B : Moyen-âge et Renaissance C : Baroque D : Classicisme E : Romantisme F : Post-romantisme G : Période Moderne H : Contemporain Bien, alors : G : Le sommet de la musique à mon humble avis (tous ces grands compositeurs !). H : Surtout les soviétiques et autres pays de l'est (après 1960/70). F : Je garde mes racines dans Mahler (Merci DSCH). E : Pour la participation de Beethoven à l'ouverture de cette période musicale et pour les russes principalement. C : Y a Monteverdi et Bach. Point barre. D : Y a bien Bortiansky et Alexander Berezovsky, non ? B : Euh... JOKER ! A : Y a pas de musique... |
| | | luisa miller Mélomane chevronné
Nombre de messages : 5920 Age : 924 Date d'inscription : 27/11/2008
| Sujet: Re: Votre Top-périodes Mer 16 Mar 2016 - 13:20 | |
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| | | Анастасия231 Mélomane chevronné
Nombre de messages : 14430 Age : 30 Localisation : Karl Marx est un ailurophile ukraïnien d'obédience léniniste Date d'inscription : 05/01/2011
| Sujet: Re: Votre Top-périodes Mer 16 Mar 2016 - 13:23 | |
| - luisa miller a écrit:
- Dans cette catégorie tu mets les ruskovs et Wagner je suppose ?
Wagner, on le sait tous à présent (je l'espère), c'est romantique. Les ruskovs... euh... Il n'y avait que des chamanes ! |
| | | luisa miller Mélomane chevronné
Nombre de messages : 5920 Age : 924 Date d'inscription : 27/11/2008
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