Renata Scotto

Cher Otello,
Nous entamons un dialogue de sourds, soit je n'entends pas des stridences existantes, soit vous souffrez d'hallucinations auditives. J'ajoute la photo de ma version de cette fameuse Lucia, en dernier recours (serait-ce votre restitution CD qui pêche ?).

En outre, entre la période dont je parle et les années 70, la voix de Scotto a connu une évolution telle qu'on saurait à peine la reconnaître, où le grave est riche, mais où la voix "tire" déjà bien avant le contre-ut, ce que vous décrivez parfaitement, jusqu'à la souffrance qu'elle cause à l'auditeur.

Je pense m'être abondamment expliquée sur le sujet, et je laisse le dernier mot à votre grande érudition.

J'ai cette version en 33 t et en CD (la même édition que vous) :



Oui je pense que vous ne les entendez pas ou que votre oreille a un taux de tolérance à l'acidité vocale au point de ne pas la percevoir du tout que moi je n'ai pas, ça c'est fort possible ! A la limite tant mieux pour vous !
Encore une fois, je ne nie pas les qualités, autres, de Renata Scotto.
Ce qui m'intrigue le plus dans votre propos, c'est lorsque vous soutenez qu'à cette époque elle se distingue des autres en ce qu'elle ne fait que les notes écrites par le compositeur, alors qu'elle rajoute les vocalises et les suraigus non écrits ...

Otello a écrit:

Excuse-moi de ne pas être forcément le dernier des abrutis et de pouvoir donc faire la différence entre une vingtaine de personnes mécontentes et la bronca de quelques centaines de spectateurs fous de rage. Je suis désolé David, mais ça s'entend parfaitement, à plus forte raison dans des bandes de qualité (ce qui est le cas ici) ! A un moment donné, il va falloir faire un peu l'effort de faire confiance parce que remettre systématiquement la parole de l'autre en cause, c'est amusant un temps ... mais un temps seulement et je te le dis en toute camaraderie. Je n'ai pas à justifier ni à prouver le moindre de mes propos à tous les coins de phrases ou alors je le fais quand j'en ai envie ou quand j'en ai le temps. Je sais quand même de quoi je parle.

Pardon, mais comme ton sport préféré est d'affirmer que tu as raison sans nécessairement argumenter (les tops « objectifs » des meilleures chanteuses), et que tu n'entres que difficilement dans les détails quand on t'exprime un désaccord (« je m'y connais », « j'ai écouté tous les disques », « tous les grands disent », désolé, ce n'est pas suffisant pour démontrer), en effet si je ne suis pas convaincu, je vais poser la question.

Ce n'est pas contre toi, c'est simplement que vu ta propension à affirmer « c'est vrai » / « c'est faux » sans laisser de place au doute, il n'y a pas de raison de ne pas soulever des points de doute dans des fils qui sont susceptibles d'être lus par tous. (Et vu la façon dont tu as accueilli Magda, je me suis dit aussi qu'il était bien que tu ne sois pas tout à seul à réagir ici. )

Tu ne peux pas à fois balancer sèchement à tes interlocuteurs « c'est faux » et ensuite te plaindre qu'on te demande des justifications. Je te fais crédit de ta culture, mais si je ne suis pas convaincu, l'argument d'autorité ne suffira pas ; libre à toi ensuite, selon ton temps ou ton humeur, d'argumenter ou pas – mais tu ne peux pas à la fois être péremptoire et faire grief de ne pas croire des affirmations sans argumentation.

Je me suis excusé auprès de Magda ... j'étais fatigué ...

Sur le fond, si je reprends cet exemple qui est l'objet d'ailleurs de ce fil de discussion, il n'est pas question d'émettre le moindre argument (d'autorité ou pas). On parle ici de quelque chose de factuel et de factuellement faux : quand je lis par exemple que Renata Scotto, dans sa première partie de carrière plutôt belcantiste, ne faisait pas de pyrotechnies et ne chantait que les notes écrites par le compositeur, je ne peux pas faire autrement que de dire que c'est faux puisque c'est factuellement faux ... vu qu'elle rajoute des vocalises non écrites et des suraigus non écrits (et d'ailleurs dans l'absolu je ne l'en blâme pas). Il n'y a rien à argumenter là, je suis désolé, c'est juste le rappel d'un état de fait. En tout cas, moi je n'appelle pas ça un argument et je ne considère pas qu'il y ait là matière à en dresser un.

idem pour l'acidité naturelle du registre aigu et suraigu de cette voix dès sa première période en comparaison de ses consoeurs belcantistes de cette époque ... Et j'ai précisé de manière développée dans la suite de l'échange ... en vain.

Il peut m'arriver d'être expéditif (parce que je n'ai pas forcément le temps de développer en long, en large et en travers et que je n'ai pas forcément non plus envie de me diluer dans une prose bavarde à n'en plus finir et qui ne sera pas lue, donc pour pas grand chose au final) et, oui !, j'ai des convictions fortement ancrées, non sans raisons, mais que je justifie toujours en général, même brièvement (certes peut-être pas comme tu aimerais que ça le soit ...).

bref ...

Otello a écrit:

idem pour l'acidité naturelle du registre aigu et suraigu de cette voix dès sa première période

… ce qui reste malgré tout, dans une forte mesure, subjectif. Plutôt qu'acide, je trouve son aigu un peu « dur » dans ses jeunes années. Mais là aussi, autant « juste » ou « faux », « vibré » ou « droit », c'est à peu près mesurable, autant les descriptions de voix… on sait bien qu'on n'entend pas exactement pareil, et qu'on ne l'exprime pas pareil non plus, d'un auditeur à l'autre !

Citation :

l peut m'arriver d'être expéditif (parce que je n'ai pas forcément le temps de développer en long, en large et en travers et que je n'ai pas forcément non plus envie de me diluer dans une prose bavarde à n'en plus finir et qui ne sera pas lue, donc pour pas grand chose au final) et, oui !, j'ai des convictions fortement ancrées, non sans raisons, mais que je justifie toujours en général, même brièvement (certes peut-être pas comme tu aimerais que ça le soit ...).

Je sais. Mais il ne faut pas t'étonner qu'en cas de désaccord on t'en demande un peu plus (tu es bien sûr absolument libre de donner ou de ne pas donner ce plus, chacun a ses contraintes).


(En écrivant ces lignes, je me rends compte que je n'ai dû écouter Scotto qu'en italien. On doit bien avoir des bouts de trucs au moins en français, une Micaëla, une Marguerite, des trucs comme ça, ou elle s'y refusait / on n'a pas de bande ?)

En français ? Il y a des récitals studios tardifs et impossibles à trouver, mais je pense que, comme Tebaldi et elle avantelle, elle ne chantait que dans sa langue ? Les Gounod/Massenet sont aussi en italien, il me semble.

Evidemment, il y a le Prophète de studio avec McCracken et Horne. Ils forment un étonnant trio monstrueux et atypique. C'est en français, mais le sien est pour le moins bridé.

Ah oui, chouette Berthe, mais je ne me rappelle plus de la qualité du français (dans mon souvenir, c'est tout à fait bien).

C'est pas incroyable (c'est pas Sutherland dans l'air de Philine non plus), mais ça ne sonne pas comme de l'italien. Et ce n'est pas de la bouillie. Mais c'est bizarrement accentué.

Il y a aussi une Marguerite à Tokyo en vidéo et en CD (avec Kraus et Ghiaurov).
Le français est passable... mais un peu "faux"...

Pour Berthe, j'avoue que les premières fois j'ai eu un peu de mal. C'est en effet un peu dur comme voix pour ce rôle. Du coup dans son air d'entrée c'est vraiment peu cohérent. Par contre pour la suite où elle devient plus dramatique, ça convient parfaitement!

Le problème de Scotto, si tant est que ça soit un problème ... (pour moi ça peut en être un !), c'est que c'est un timbre coloré voire légèrement corsé sur le medium mais durci dès qu'il faut s'élever au dessus de la portée, durcissement qui va jusqu'à la stridence d'un suraigu étroit et perçant, le tout s'appuyant sur une voix peu large mais bien projetée. Et ce problème a gagné en acuité avec l'élargissement progressif du répertoire de la dame qui a été de ces chanteuses qui aimaient à jouer à la grenouille qui veut se faire plus grosse que le bœuf. La voix s'est élargie sans pour autant atteindre les différents formats requis et, dans le même temps, s'est raccourcie très sensiblement en tessiture.
Il y a des choses très réussies qu'on doit chérir de sa part : à peu près tous ses Puccini et quelques Verdi (avec une mention spéciale pour sa Lady Macbeth).
Et puis, il faut bien admettre que l'actrice s'est révélée au moment où sa voix perdait ! et du sac à patates un peu niais de ses débuts, elle est devenue scéniquement extraordinaire à partir du milieu des années 70. On ne peut pas ignorer son Elisabetta (Don Carlo), sa Desdemona (Otello) et sa Suor Angelica du MET !

Otello a écrit:

Et puis, il faut bien admettre que l'actrice s'est révélée au moment où sa voix perdait ! et du sac à patates un peu niais de ses débuts, elle est devenue scéniquement extraordinaire à partir du milieu des années 70. On ne peut pas ignorer son Elisabetta (Don Carlo), sa Desdemona (Otello) et sa Suor Angelica du MET !

Oh oui! Sa Desdemona face à Vickers au MET, c'est assez impressionnant!

Elle vient de rejoindre le paradis des artistes. Scotto avait 89 ans, puisse-t-elle reposer en paix

Je suis bouleversé par cette disparition d'une artiste qui malgré ses imperfections est une de celles qui m'a bouleversé et bouleverse depuis que je me suis vivement intéressé à l'opéra y compris dans sa dimension scénique et non seulement au chant car c'était juste une tragédienne extraordinaire, surtout dès qu'elle perdit du poids et appris à jouer.

Je vais redécouvrir ce coffret de lives avec les Bellini moins connus dans sa carrière car elle fut une très intéressante belcantiste dans les années 1960.