TCE - Fauré, Dutilleux, Poulenc - ONF/de Billy - 11/10/19

Vendredi 11 octobre - 20h00
Théâtre des Champs Elysées

Fauré
Masques et Bergamasques op. 112
Elégie pour violoncelle et orchestre
Dutilleux
The shadows of time
Fauré
Cantique de Jean Racine
Poulenc
Litanies à la vierge noire
Stabat Mater

Orchestre National de France
Bertrand de Billy direction
Chœur de Radio France direction Martina Batič
Chœur de l'Armée Française direction Aurore Tillac
Maîtrise de Radio France direction Marie-Noëlle Maerten

Emőke Baráth soprano
Jean-Luc Bourré violoncelle

Et bien alors ?
Personne n'y était ?

Bon je vais être peu objectif, j'ai adoré.
J'ai trouvé le programme bien pensé (l'intrusion d'un Fauré facétieux dans des oeuvres beaucoup plus portées sur le recueillement) et j'étais tellement heureux d'écouter le Stabat Mater et du Dutilleux en live que j'ai un peu effacé de ma mémoire les possibles faiblesses.

N'étant pas amateur de (ce que je connais de) Fauré, j'avais un peu peur des oeuvres d'ouverture et le début de Masques et Bergamasques semblait me donner raison, où je retrouvais le Fauré subtil et jouant sur l'héritage musical, dans ce qui lorgne franchement vers le pastiche, mais ce morceau orchestral en quatre mouvements se terminent par deux derniers mouvements vraiment très beaux, avec une belle veine mélodique, ce qui se retrouve dans l'Elégie pour violoncelle et orchestre, où le violoncelle a quelques lignes très chantantes, très mélodiques, j'ai bien aimé malgré un aspect forcément un peu sentimental (ça rappelle certaines des pièces très lyriques pour l'instrument, j'ai pensé au Cygne de Saint-Saens). Bien aimé le son du violoncelliste qui accompagnait vraiment l'orchestre sans trop prendre le dessus.

Passer de ces morceaux de Fauré aux introspections de Dutilleux et aux circonvolutions des percussions de The shadows of time peut sembler un peu curieux mais au final c'était un vrai plaisir d'entendre du Dutilleux en live, même si l'oeuvre est loin d'être ce qui me plaît le plus chez Dutilleux. J'ai surtout beaucoup de mal avec l'intervention des voix d'enfants pour ce Pourquoi nous ? languissant qui me sort à chaque fois de l'oeuvre et ça n'a pas manqué ici. Par contre c'est vraiment prenant de regarder l'orchestre sur une telle partition, de comprendre d'où proviennent certains effets en voyant les percussionnistes jouer, de voir les pupitres s'animer.
J'ai trouvé l'entrée des cuivres trop tonitruante, je n'avais pas en tête que c'était aussi heurté (mais je ne connais qu'une seule interprétation de l'oeuvre par Ozawa et le Boston Symphonic). C'était tout de même précis dans l'interprétation, il y a eu un seul passage où j'ai senti un flottement, mais ça se rattrape plutôt facilement sur ce type de partition

Après l'entracte, je passe sur le Cantique de Jean Racine de Fauré, échauffement pour le choeur mais ça manquait de clarté dans la diction pour moi, et les Litanies à la vierge noire qui étaient présentées dans leur version orchestrale que j'aime beaucoup moins que la version plus simple avec orgue.

Bon le Stabat Mater j'étais sur un nuage, je me suis rendu compte que je connaissais vraiment bien l'oeuvre et seul point négatif j'ai noté deux ou trois erreurs aux cuivres (une sure à la trompette avec un pouet de trop). Tout le reste j'étais subjugué, j'ai trouvé ça vraiment interprété et j'ai beaucoup aimé la clarté de la soprano, une voix qui portait quand il le fallait, sans un caractère trop affirmé, vraiment parfait pour moi dans ce type d'oeuvre. L'orchestre a bien rendu les étrangetés de la partition, les pieds de nez à la fin de certains mouvements, ça pétaradait quand il le fallait, ça y allait dans le legato scintillant à d'autres, les silences laissaient bien sonner les notes de harpes. Les choeurs étaient parfaitement en place et j'ai moins ressenti l'étouffement du son lié à la disposition sur la scène, alors que c'était un peu plus difficile sur les deux premiers morceaux.

Grande soirée pour moi même si la simple présence du Stabat Mater m'a peut-être permis de passer outre la technique et l'interprétation.

J'y étais aussi. Je n'ai pas voulu en parler parce que sur les 38 vus depuis début septembre, il figure parmi les trois ou quatre seuls concerts qui m'aient laissé mitigé.

Pour plein de raisons : j'y allais avant pour le Dutilleux, et hors les « Vagues de lumière », j'ai été déçu par la composition que j'avais beaucoup aimée jusqu'ici. Ça m'a fait pareil pour le Concerto pour violon récemment (et inversement, j'ai adoré les Métaboles en concert alors que je ne les trouvais pas spécialement profondes au disque).

Pour Masques & Bergamasques, jouer ce type de musique archaïsante sans avoir de toute évidence d'appétence pour le répertoire auquel il fonctionne, cela ne prend pas.

Enfin, le chœur de Radio-France, même s'il s'améliore : vu qu'ils sont recrutés avec des voix très lourdes (de haut niveau, incontestablement) comme des solistes d'opéra, il reste un problème incompressible de discipline vocale, ils ne sont pas calibrés pour l'oratorio. Les vibratos à la tierce, les attaques différées et pas justes, dans les parties a cappella du Stabat, ça ne pardonne pas… (En plus ils étaient panachés avec l'Armée Française, pour achever de leur faire perdre en cohésion et en couleur.)

Pour couronner le tout, les musiciens de l'ONF avaient perdu de leur lustre (les cordes peuvent être incroyables), et semblaient même tristes en jouant.

Ça m'a serré le cœur de voir ça. Je n'ai pas passé une mauvaise soirée, mais soit que j'aie été dans une humeur non compatible, soit qu'ils aient vraiment été sur des standards modestes, je n'ai pas été très favorablement impressionné. (Alors que sur les 38 concerts, 32 m'ont enthousiasmé, tout de même…)

Les parties de choeur a cappela m'ont semblé plus problématiques dans Les litanies que dans le Stabat. Et c'est plus les cuivres qui m'ont semblé en dessous, j'ai bien aimé les cordes...
Après je suis encore facilement impressionnable dès que l'oeuvre jouée fait partie de mes préférées.
Mais un jour, oui un jour, j'aurais le même oeil critique et circonspect.
Mais la soprano ça marchait bien tout de même non ?

DLM a écrit:

les 38 vus depuis début septembre

Tu as vu plus de concerts depuis septembre que moi dans toute une vie...

Oui, là tu es parti pour un record, non??
Ca fait presque un par jour...

Prosopopus a écrit:

Les parties de choeur a cappela m'ont semblé plus problématiques dans Les litanies que dans le Stabat.

Vu comment était formulé le programme, je croyais que ce seraient les jeunes filles de Maîtrise qui les chanteraient, comme d'habitude. Quand j'ai vu le pupitre de femmes se lever, j'ai réprimé un petit cri de désespoir (qui a été audible pour mes voisins immédiats, je crois).

Le chœur a quand même progressé depuis la reprise en main par Jeannin puis Batič, qui lui font travailler les nuances et les couleurs… Mais à froid dans les Litanies, c'était pas fabuleux en effet.

Citation :

Mais la soprano ça marchait bien tout de même non ?

Moi je trouve ce type de chant laryngé à la fois inefficace et tout à fait moche, mais oui, c'était bien chanté, à défaut de me toucher (mais je n'aime pas beaucoup Baráth, ce n'était pas une surprise).


C'était pas pour pleuvoir sur ta parade, hein, juste la réponse de pourquoi je n'avais rien dit (d'une part j'en vois trop pour ouvrir un fil à chaque fois, d'autre part j'aurais juste bougonné, ce que je n'aime pas faire).

DavidLeMarrec a écrit:

Vu comment était formulé le programme, je croyais que ce seraient les jeunes filles de Maîtrise qui les chanteraient, comme d'habitude.

Effectivement, la dernière fois, c'était miraculeux.

Xavier a écrit:

Oui, là tu es parti pour un record, non??
Ca fait presque un par jour...

Il y a un à deux jours par semaine où je n'en fais pas, mais comme j'en fais parfois 2 à 3 samedi et dimanche, dernièrement (pas ma faute si la programmation est intéressante…), oui, on arrive à 38 concerts pour 45 jours, c'est beaucoup.

Ça se trouve juste comme ça, ce n'est pas un but en soi.

Je ne le prends pas mal du tout.
Je ne me vexe pas pour des questions esthétiques et de goût. D'autant que je n'ai pas le même bagage et les mêmes capacités d'analyse, et peu de points de comparaison.

Ah bah pour les litanies ceci explique cela, oui les voix étaient trop "épaisses" trop "fortes". Après, j'avais attribué ça à la configuration, le choeur au fond de la scène qui doit un peu s'extraire des parois, la salle n'est pas optimale pour du choeur je trouve, surtout vu l'effectif en présence.

Le chœur passe très bien dans cette salle en principe, c'est surtout le problème du recrutement initial de grosses voix solistes « verdiennes » pour chanter ensuite de l'oratorio français XXe…

DavidLeMarrec a écrit:

Pour couronner le tout, les musiciens de l'ONF avaient perdu de leur lustre (les cordes peuvent être incroyables), et semblaient même tristes en jouant.

Le chef, lui, avait l'air enthousiaste ?

DavidLeMarrec a écrit:

Xavier a écrit:

Oui, là tu es parti pour un record, non??
Ca fait presque un par jour...

Il y a un à deux jours par semaine où je n'en fais pas, mais comme j'en fais parfois 2 à 3 samedi et dimanche, dernièrement (pas ma faute si la programmation est intéressante…), oui, on arrive à 38 concerts pour 45 jours, c'est beaucoup.

Ça se trouve juste comme ça, ce n'est pas un but en soi.

Ouais.
Bah t'es quand même un enragé.