Histoire de rêver (un peu) et de jouer les directeurs artistiques utopistes, chacun monte donc son Ring, avec distributions des rôles, conception d'ensemble et tout le toutim.
J'aime bien ce genre de jeu, ça permet de mieux connaître les goûts des uns et des autres.
Bon alors, coco, moi je veux un Ring flamboyant, mythologique, des super-dieux, des super-héros, du grand spectacle. Alors tu me vides Bayreuth de tes Wolfgang Schmidt et autre Gaby Schnaut, table rase. On invoque les morts...
D'abord un chef.
Pour ma conception, je veux du grandiose, de la vision. Tu m'appelles
Willy Furtwängler, ou à défaut
Hans Kna.
Les chanteurs maintenant...
Pour
RHEINGOLD...
Pour les
Filles du Rhin, tu te débrouilles coco. Tu m'en trouves trois qui ne ricanent pas comme des bécasses et savent chanter, ça suffira largement. Si tu peux les recaser en Walkyries, ce sera toujours ça de gagné...
Pour
Alberich, je veux du méchant très méchant, on est là pour faire du légendaire, pas du traîté de psycho. On prendra le p'tit
Gus Neidlinger.
Pour
Wotan, fais signer le grand, là,
Hans Hotter. Bon, il y a bien
Schorr aussi, m'enfin, c'est kif kif. Du dieu à dimension divine, tout ce qu'il nous faut.
En
Fricka, on n'a qu'à mettre
Christa Ludwig. C'est beau, c'est noble, c'est tout comme il faut. Tu me la ramènes version jeune, hein, comme chez Solti, pas le spectre de chez Levine...
Pour
Donner, tu me prends
Uhde. On n'aura pas de place importante pour lui, mais il mérite d'être là quand même. En
Froh, tu me mets
Sandor Konya : du son divin, rien que du son.
Pareil pour
Freia : une belle Eva, genre
Schwartzkopf,
Seefried ou
Grümmer ira à merveille. Bon, pas Grümmer, on la réserve pour plus tard.
Loge, ça va être dur. On pourrait tenter
Windgassen, à la fois parce qu'il le chante de manière intéressante et qu'il mérite qu'on lui trouve une place. Tu te trompes pas, hein, tu prends celui des années 50...
Pour les
géants, un mix entre
Ridderbusch et
Salminen pourrait être intéressant, c'est sonore tout en restant capable de nuances. En plus, ils peuvent s'échanger les rôles sans souci.
En
Mime,
Kuen suffit amplement, pas la peine de chercher les complications.
En
Erda, il faut de la voix d'outre-espace. Tu me ramènes donc d'outre-tombe
Kerstin Thorborg, ça en impose ça, tu peux me croire sur parole coco !
Bon, c'était que le hors d'oeuvre ça. Place aux choses sérieuses...
DIE WALKÜREEn
Siegmund, je veux un type à la fois fruste et noble, sauvage mais lyrique, en tout cas pas d'usine à belles sonorités, de l'énergie ! On pourrait demander à
Maxou Lorenz... mais j'ai lui en tête pour un autre rôle. Je vais jouer la carte de la surprise, et lancer
Ernst Kozub. Si pas moyen, on se rabattra sur
Vinay, mais bon... Ah non, bien mieux en y repensant, on met
René Maison : c'est digne et abrupt, tout en étant capable de belles envolées. Juste comme il faut dans cette vision du rôle.
Pour
Sieglinde, on évite la carte de la séduction à tout prix, et on joue aussi sur le côté fille sauvage qui se révèle.
Rysanek ne déparerait pas, mais c'est peut être plus facile d'inciter
Lotte Lehmann ou
Meta Seinemayer à se donner à fond qu'à la première à chanter de manière homogène...
En
Hunding, on fait alterner
Moll et
Kipnis. Le mafieux et le grand seigneur (mais vilain quand même).
Pour Wotan et Fricka, on change rien : Hotter/Schorr et Ludwig. A la limite
Flagstad, pour l'ensemble de son oeuvre.
Pour la
jeune Brünnhilde, sans hésitation tu me mets
Marjorie Lawrence. De l'énergie, du feu, de la classe, de la séduction. Tout ce qu'il faut en superlatif. On tient notre héroïne, en tout cas pour la Première journée.
Pour les
Walkyries, tu me mets quelques Borkh, Rysanek voire Nilsson et Varnay, histoire de faire encore plus beau sur le verso du disque et plus hyperbolique pour notre version, et roule Raoul. Ca coûte pas bien cher, ça fait hommage, et ça peut en plus apâter le client...
Bon, alors
SIEGFRIED maintenant.
On va garder Gus en Alberich, Paulo en Mime, Hans (ou Fred) en Wotan/Wanderer et Madame Thorborg en Erda.
En
Brünnhilde, tu peux garder Marjo, mais on peut aussi faire tourner avec
Frida Leider. C'est plus souverain encore, tout en gardant une magnifique féminité, et le rôle est encore mieux maîtrisé. Enfin, à ce niveau c'est comparer deux grands crus de Bourgogne...
Dans le rôle titre, tu laisses de côté Lauritz et tu prends
Lorenz. C'est jeune, c'est fulgurant, c'est violent, le tout avec une vocalité et une technique à faire tomber. Siegfried absolu.
Pour l'oiseau, une ch'tite soprano qui sait faire de belles trilles suffira bien, on claque assez de pognon dans le casting comme ça...
GOTTERDÄMMERUNG maintenant...
Pour les
Nornes, on réserve une place de 3e à
Martha Mödl, qui le mérite bien. Pour les deux autres, tu complètes coco, du moment que ça sonne ample, mythique. On est dans le télurique là !
En
Siegfried, on garde Maxou (on fait tourner avec
Melchior, hein, bon, quand même, ne serait-ce que pour l'acte 2 et la mort), en
Brünnhilde, la doublette Frida/Marjo est déjà superlative. Avec un couple comme ça et Furtie ou Hans à la baguette, c'est déjà gagné.
En
Gunther, dommage pour Uhde mais la place est déjà réservée pour
Herbert Jansenn, et on a gardé les numéros de portable de
Fischer-Dieskau et
Stewart, au cas où.
Pour
Gutrune,
Grümmer s'impose presque naturellement. On pourrait aussi la jouer plus corsée avec
Crespin.
Face à eux, on cherche un
Hagen bien méchant, mais aussi pourquoi pas bien rocailleux, en tout cas un fauve à l'affut.
Weber dans son style bien débraillé peut impressionner, ou alors on prend bien noir mais plus classieux avec
Ludwig Hoffman (non, pas Peter, crétin : lui on le met souffleur, et encore).
En
Waltraute, on prend là encore la dimension mythique d'abord.
Margarete Klose ira à merveille, mais j'y verrais bien aussi là
Flagstad.
Le reste, on laisse Gus en Alberich, et les Filles du Rhin à qui tu veux.
Bon, ben voilà, c'est tout.
Pour la mise en scène, on évitera Cherreau et Küpfer pour éviter d'effrayer ceux des années 30-40, et Schenk pour éviter de m'effrayer moi. Soit on se la joue épurée à la Wieland, soit on fait du naturalisme esthétique à la Hall.
Tu me réserves le Covent Garden, salle et orchestre, des années 30, un des sanctuaires wagnériens.
Voilà. Avec la machine à remonter le temps et le rajeunisseur, le cachet des agents, la location des locaux et les télévisions du monde entier, ça fera que 50 milliards de $ US.
On aura p'têt une ch'tite ristourne si on engage des filles du cru pour les Rheintöchtern, mais je garde les choeurs de Wilhelm Pitz, hein !
En résumé :
L'Or du RhinWotan: Hans Hotter ou Friedrich Schorr
Donner: Hermann Uhde
Froh: Sandor Konya
Loge: Wolfgang Windgassen
Fasolt: Matti Salminen ou Karl Ridderbusch
Fafner: Karl Ridderbusch ou Matti Salminen
Alberich: Gustav Neidlinger
Mime: Paul Kuen
Fricka: Christa Ludwig
Freia: Irmgard Seefried
Erda: Kirsten Thorborg
La Walkyrie:Siegmund: René Maison ou Ernst Kozub
Hunding: Alexander Kipnis ou Kurt Moll
Wotan: Hans Hotter ou Friedrich Schorr
Sieglinde: Lotte Lehmann ou Meta Seinemayer
Brünnhilde: Marjorie Lawrence
Fricka: Christa Ludwig
Les Walkyries: un assortiment de Rysanek, Varnay, Grob-Prandl, et autres : on est là pour une démonstration de cruauté...
Siegfried:Siegfried: Max Lorenz
Mime: Paul Kuen
Der Wanderer: Hans Hotter ou Friedrich Schorr
Alberich: Gustav Neidlinger
Fafner: Matti Salminen ou Karl Ridderbusch
Brünnhilde: Marjorie Lawrence ou Frida Leider
Waldvogel: s'en fout
Le Crépuscule:Siegfried: Max Lorenz ou Lauritz Melchior
Günther: Herbert Jansenn ou Dietrich Fischer-Dieskau
Hagen: Ludwig Hoffman ou Ludwig Weber
Alberich: Gustav Neidlinger
Brünnhilde: Marjorie Lawrence ou Frida Leider
Gutrune: Elisabeth Grümmer ou Regine Crespin
Waltraute: Margarete Klose ou Kirsten Flagstad
Norne 1 et 2 : m'en fout
Norne 3: Martha Mödl
Les filles du Rhin: commence par me les faire bien chanter...
Chef d'orchestre: Wilhelm Furtwängler ou Hans Knappertsbuch
Orchestre: Covent Garden ou Philharmonique de Vienne