Walter BRAUNFELS: son opéra "Die Vögel" et autres.

Walter BRAUNFELS 1882-1954
Opéra : Die Vögel

Avant de parler de son opéra, quelques mots sur le compositeur.

Ce compositeur allemand est né à Francfort en 1882. Sa mère, très bonne pianiste, était une amie de Clara Schumann et de Franz Liszt. Elle lui donna ses premières leçons de piano.
A 12 ans il entra au conservatoire puis commença à composer et improviser.
C’est une représentation de Tristan qui le décida à se consacrer entièrement à la musique.
Excellent pianiste, il donna de nombreux concerts qu’il terminait souvent par des improvisations.
C’est après avoir assisté à des créations d’œuvres de Berlioz qu’il se lança dans la composition lyrique.
Son oeuvre prend racine dans le classicisme et le romantisme.

1er opéra : Prinzessin Brambilla créé en 1909

2ème opéra : Die Vögel qui eut immédiatement un grand succès. Créé en 1920
Voici ce qu’écrivit Albert Einstein lors de la création :
Je ne crois pas que la scène lyrique allemande ait jamais connu une oeuvre d’art aussi absolue.
On peut et on doit la comparer dans sa nécessité aux Maîtres Chanteurs et au Palestrina de Pfitzner

Opéra suivant : Don Gil von den grünen Hosen créé en 1924

Braunfels devient alors l’un des compositeurs les plus joués en Allemagne, aux côtés de R. Strauss et de F. Kenek. Ses œuvres pour orchestre étaient beaucoup jouées.
1924 : grand succès avec son Te Deum
Malheureusement, son travail fut interrompu par les événements politiques de 1933.
Ses œuvres furent interdites. Sa musique était classée « Entartete Musik » (musique dégénérée) par le 3ème Reich. Il n’était pas le seul compositeur dans ce cas. Il se retira au bord du lac de Constance où il continua à composer des œuvres importantes mais sans jamais retrouver le succès des années vingt.

Die Vögel : livret de Braunfels, adapté de la comédie d’Aristophane.
L’argument : deux hommes (Bonespoir et Fidèlami) pénètrent dans le monde des oiseaux et incitent ces derniers, qui se plaignent de ne plus avoir de domaine, à se révolter contre les dieux en érigeant une ville fortifiée et ainsi reconquérir leur pouvoir sur le ciel et la terre.
Prométhée exhorte les oiseaux à ne pas défier les dieux. Mais ils ignorent ses recommandations et s’arment pour la guerre. Révoltés, les dieux anéantissent la ville. Les oiseaux, plein de remords, rendent alors hommage aux divinités toute puissantes.
Nos deux amis, humiliés, retournent à la ville.

La musique :
Dans un langage musical néo-romantique, ce conte merveilleux est un véritable enchantement. Toutes les voix d’oiseaux sont parfaitement différenciées, le rossignol et ses coloratures, le pépiement des mésanges, le coucou, le gazouillis des hirondelles…..les voix féminines sont à l’honneur.
Pour Fidèlami , c’est une basse bouffe et pour Bonespoir, un ténor lyrique.
Les parties chorales sont très variées : unisson, homophonie à 4 voix, polyphonie à 2 voix, quand ce ne sont pas une demi-douzaine d’oiseaux qui gazouillent ensemble. Un magnifique duo d’amour entre le rossignol et Bonespoir débute le 2ème acte. Puis la grande tempête déclanchée par les dieux vers la fin.
La palette instrumentale est très colorée. Elle reflète très bien l’aspect confus et fantastique de l’action. La musique, plutôt légère au début, prend un aspect plus solennel dès l’apparition de Prométhée. Le monde des dieux fait irruption et l’opéra tourne au sérieux, au drame, prenant un sens religieux.
C’est l’un des opéras importants du 20ème siècle.

J’aime beaucoup cet opéra et j’espère que cette petite présentation donnera envie à d’autres de l’écouter et de l’apprécier.

Sources : notes du livret

je confirme que ça donne envie, plus que Krenek ou Ulmann, hélas, encore un compositeur dont je n'ai jamais entendu une note

Disque qui n'est plus commercialisé, d'ailleurs... Enfin, ça se trouve quand même par correspondance, en cherchant un peu.

On ne connaît que cet opéra de Braunfels, et pourtant, gros succès à Genève il y a quelques années. C'est assez comparable à Schreker, comme esprit, avec en plus, ici, une bonne dose de dérision.

Bon! je vais me le procurer... personne n'a ça dans sa discothèque? (question innocente, déjà qu'il faut que j'écoute Florenz et Escaisch, je suis ruiné à la fin du mois!)

sud273 a écrit:

je confirme que ça donne envie, plus que Krenek ou Ulmann, hélas, encore un compositeur dont je n'ai jamais entendu une note

Krenek, difficile de le rejeter en bloc, il y a vraiment de tout. Johnny n'est pas particulièrement ce qui me fait le plus rêver, mais il y a notamment dans les lieder (pas forcément enregistrés...) des choses très intéressantes. Notamment pour le postromantique décadent néozemlinskien, mais il a touché vraiment à tous les types d'écriture.

A propos, Rubato, je ne trouve pas Die Vögel si postromantiques que ça. On est tout de même dans le versant décadentiste, plus loin que Richard Strauss.

Ullmann, ce n'est peut-être pas du même niveau, mais souvenirs flous.

DavidLeMarrec a écrit:

A propos, Rubato, je ne trouve pas Die Vögel si postromantiques que ça. On est tout de même dans le versant décadentiste, plus loin que Richard Strauss.

Je ne suis pas tout à fait d'accord. L'as tu écouté récemment? la mémoire auditive nous joue souvent des tours.
Pour le reste de ses oeuvres, je ne saurais dire.

Rubato a écrit:

DavidLeMarrec a écrit:

A propos, Rubato, je ne trouve pas Die Vögel si postromantiques que ça. On est tout de même dans le versant décadentiste, plus loin que Richard Strauss.

Je ne suis pas tout à fait d'accord. L'as tu écouté récemment? la mémoire auditive nous joue souvent des tours.

Pas hier, et il est vrai que la mémoire auditive joue parfois des tours, mais en l'occurrence, je me souviens assez précisément, je crois.

Tout dépend ce que nous appelons postromantique. Vraiment, moi j'approche ça du Schreker de la maturité. Qui n'est plus exactement romantique.

Evidemment, ce n'est pas du Webern des années quarante !

Si tu veux, je trouve ça moins pâteux que Zemlinsky ou le Schönberg des Gurre.

je crois qu'Ulmann n'a pas vraiment eu sa chance, mais seul Kia pourrait nous le confirmer? Krenek, pourquoi pas, surtout par Gould, mais Schulhoff est tellement plus loin

DavidLeMarrec a écrit:

Tout dépend ce que nous appelons postromantique. Vraiment, moi j'approche ça du Schreker de la maturité. Qui n'est plus exactement romantique.

Tu as peut-être raison, j'ai toujours un peu de mal à "étiquetter" les oeuvres à partir d'une certaine époque

@ Sud : Dans le lied, Schulhoff est plus folklorique, moins passionnant que Krenek. Ensuite, dans le ballet, c'est original mais ça reste du sous-mandarin. Les symphonies sont bien faites, mais dans le genre germanique, Franz Schimdt fait beaucoup mieux.
Je précise par ailleurs que Schulhoff parle plus naturellement à mes oreilles que Krenek, mais je ne suis pas sûr que son intérêt soit si majeur par rapport au second, comme on le dit parfois.

@ Rubato : Oui, à partir d'une époque, c'est difficile. Je ne sais pas à quoi tu raccrocherais Braunfels ? Richard Strauss peut-être, d'où le postromantique ?

@

DavidLeMarrec a écrit:

@ Rubato : Oui, à partir d'une époque, c'est difficile. Je ne sais pas à quoi tu raccrocherais Braunfels ? Richard Strauss peut-être, d'où le postromantique ?

C'est difficile aussi dans le cas de Braunfels car je ne connais pas ses autres oeuvres Mon impression est uniquement rattachée à cet opéra. Si tu as quelques conseils je suis preneur
Je pourrais m'en faire une meilleure idée.

Un conseil ne t'avancerait à rien, il n'existe à ma connaissance que peu d'autres monographies Braunfels plus ou moins disponibles : par exemple Prinzessin Brambilla ou le disque de Russel Davis chez CPO.

De toute façon, si j'ai entendu autre chose de Braunfels, c'est du piano solo...

Je vais quand même faire une petite recherche.
...on verra bien

ah Franz Schmidt symphoniste supérieur à Schulhoff, David, tu as bu (moi aussi d'ailleurs!) A mon avis tu n'as pas bien écouté Flammen... qui relègue Schrecker et Zemlinsky au rang de la maternelle

sud273 a écrit:

ah Franz Schmidt symphoniste supérieur à Schulhoff, David, tu as bu (moi aussi d'ailleurs!)

Je parle des symphonies, pas de leur symphonisme en général. Les symphonies de de Schmidt, c'est tout de même bougrement bien troussé.

Citation :

A mon avis tu n'as pas bien écouté Flammen...

C'est incontestable !

Ah David (ou d'autres), si tu connais les autres symphonies de Schmitt (que la 2e) tu pourrais me dire vers quoi je pourrais m'orienter et chez quel éditeur par exemple ? La 2e Symphonie je suis tombée sur l'enregistrement Live des Wiener avec Leinsdorf, dans le coffret XXe Andante.

Attention à ne pas confondre Schmitt et Schmidt!

En effet, c'est bien de Franz dont je parle
Mais tout le monde est dans une période Entartete Musik ou quoi ?

La 3e, et plus encore la 4e (plus intéressante harmoniquement), sont des merveilles de savoir-faire orchestrale, et le propos, quoique totalement de son temps, est très loin de l'académisme stériel.

Pour la Troisième, je suis content de Järvi et Chicago. Et le très beau disque de Mehta/Vienne pour la Quatrième (ces cuivres mélancoliques ! - et un timbalier de grand goût, suggestif et discret).

Voilà.

Guigui a écrit:

Mais tout le monde est dans une période Entartete Musik ou quoi ?

On dirait. Mais je crois que c'est surtout lié aux habitués de ce forum de mauvaise vie.

bon, je vais réécouter Franz Schmidt si tu veux bien prêter une oreille à Schulhoff en retour

DavidLeMarrec a écrit:

le propos, quoique totalement de son temps, est très loin de l'académisme stériel.

Lapsus révélateur ?

Citation :

Voilà.

Merci ! (Combien de symphonies en tout au fait ?)

Concernant Die Vögel, je l'écoute en ce moment, c'est fin, aérien, constrasté et agréable à écouter !

Je n'arrive pas à dénicher le disque

Je file à nouveau le tuyau : sur Arkivmusic, il rééditent les Entartete Musik (et moins cher).

On ne pourra plus dire que Flammen est introuvable!

Je n'ai pas vu Flammen lorsque j'ai découvert ça. Tu l'as repéré ?

Sinon, il y a aussi les opéras de Krása, Ullmann, Haas, les Gezeichneten, du Wolpe, et la musique instrumentale. Il n'y a pas absolument tous les titres, mais beaucoup tout de même.

Je n'avais pas déjà prévenu dans bons plans CD ?

C'est bien die Vögel ? C'est accessible pour moi ou pas ? Parce que c'est pas si cher que cela sur le Marketplace d'amazon.

Guillaume a écrit:

C'est bien die Vögel ? C'est accessible pour moi ou pas ? Parce que c'est pas si cher que cela sur le Marketplace d'amazon.

Pour le coup, je crois bien l'avoir commandé chez Arkiv et c'étaient les CDs originaux.

C'est très bien, et ça peut vraiment te plaire vu le langage encore postromantique, bien qu'original et un peu grinçant.

Je plussoie. C'est tout à fait accessible (plus même que certains Strauss) et c'est un petit bijou.

(Si tu te souviens, j'avais mis un passage en tête du BT sur les adaptations littéraires en musique...)

Trés bien, je note.

D'ailleurs, c'est disponible sur JPC pour la somme de 19€. (une bonne affaire donc, surtout que c'est un coffret luxueux)

Je vais le commander le mois prochain, avec les Huguenots.

Guillaume a écrit:

D'ailleurs, c'est disponible sur JPC pour la somme de 19€. (une bonne affaire donc, surtout que c'est un coffret luxueux)

Je vais le commander le mois prochain, avec les Huguenots.

Certains membres de ce forum ont une influence très néfaste sur la rectitude de tes goûts, fais attention.

Arnaud sors de ce corps

Arnaud, si tu pouvais arrêter de faire écouter du Meyerbeer à Guillaume, ce serait gentil. Merci.

DavidLeMarrec a écrit:

Guillaume a écrit:

C'est bien die Vögel ? C'est accessible pour moi ou pas ? Parce que c'est pas si cher que cela sur le Marketplace d'amazon.

Pour le coup, je crois bien l'avoir commandé chez Arkiv et c'étaient les CDs originaux.

Il y a bien le livret avec traduction française?

Tout à fait. Et au moins anglais (je crois italien aussi).

DavidLeMarrec a écrit:

Tout à fait. Et au moins anglais (je crois italien aussi).

Je confirme : allemand, français, anglais, italien.

Bientôt un DVD pour les Oiseaux!

Braunfels: DIE VÖGEL - Désirée Rancatore, Brandon Jovanovich, James Johnson, Martin Gantner, Stacey Tappan, Brian Mulligan, Matthew Moore; Darko Tresnjak; James Conlon, Los Angeles Opera, 2009

La mise en scène a l'air assez enfantine: https://www.youtube.com/watch?v=8VavxnA2BCY

Ca a l'air sympa.

Xavier a écrit:

Bientôt un DVD pour les Oiseaux!

Braunfels: DIE VÖGEL - Désirée Rancatore, Brandon Jovanovich, James Johnson, Martin Gantner, Stacey Tappan, Brian Mulligan, Matthew Moore; Darko Tresnjak; James Conlon, Los Angeles Opera, 2009

La mise en scène a l'air assez enfantine: https://www.youtube.com/watch?v=8VavxnA2BCY

Musicalement, ça fait pas rêver sur le papier, Genève / Schirmer / Kokkos ou même Cagliari / R. Abbado, ça me plaît plus (mais il est vrai que celles-là, je les ai écoutées ).

Rubato a écrit:

Ça y est, c'est écouté, et je remercie encore tout le monde (hum) de le conseiller aussi chaudement avant de me joindre au choeur de louanges qui envahit ce fil (hum hum) !


Une petite perle décadente comme je les aime, ça pourrait ressembler à du Strauss optimiste et coloré : une mosaïque contrastée aux reflets d'or, une volière agitée de battement chamarrés... pardon, je m'égare. En un mot, c'est superbe.
L'harmonie n'est pas moderne ni vraiment torturée comme du Schreker, mais elle est extrêmement séduisante ; il y a assez de sucre et de lyrisme pour qu'on ressente une vraie consistance musicale et à la fois de la légèreté. Ce sont les atmosphères que je trouve les mieux dépeintes, comme dans le prélude du premier acte, ou bien la nuit au début du II avant ce merveilleux levé de soleil.
Les moments les plus dramatiques manquent peut être d'emportement (ou est-ce dû à cette version studio ?) et l'on sent également dans le duo d'"amour" quasi wagnérien qu'il ne va pas jusqu'au paroxysme éclatant, mais c'est aussi ce qui contribue à garder une certaine fraîcheur. En parlant de Wagner, j'ai même repéré une discrète citation du motif de l'oiseau de Siegfried !
L'orchestre est aussi brillamment employé, on croirait entendre des touches de Berlioz à certains endroits, notamment pendant le (surprenant) ballet en plein milieu du deuxième acte.
Il y a juste l'intervention du choeur des oiseaux que j'ai trouvé parfois un peu lourde, très hymnique, solennel, ça ne va pas du tout avec le reste de l'ambiance. Tout le passage à la gloire de Zeus est d'ailleurs assez pénible, mais ça reste un petit détail.
A part ça, le livret est vraiment sympathique, sans beaucoup d'enjeux mais on ne s'y ennuie quasiment jamais, et en plus c'est pas trop mal écrit.

Je recommande !

Wolferl a écrit:

A part ça, le livret est vraiment sympathique, sans beaucoup d'enjeux

Ah ? Tu veux dire d'enjeux dramaturgiques, je suppose, parce que philosophique...

Citation :

mais on ne s'y ennuie quasiment jamais, et en plus c'est pas trop mal écrit.

C'est même plutôt chouette...


Merci pour le compte-rendu, dont tu n'auras nullement à rougir dans deux ans.

J'ai lu dans une petite biographie de Braunfels qu'il avait entrepris la composition d'un opéra à partir de l'Annonce faite à Marie de Claudel et d'un autre opéra d'après La vie est un songe de Calderón de la Barca. En principe cette dernière oeuvre aurait été achevée mais sa création a Vienne n'aurait pas eu lieu à cause de l'Anschluss.

Je demande à tout hasard si quelqu'un sait si ces oeuvres existent, si on peut les trouver quelque pars, en particulier La vie est un songe…

(Je pose la question ici, j'imagine que c'est le lieu approprié. Si jamais je suis passé à côté d'un topic consacré à Braunfels signalez le moi et j'y copierai le message)

Le disque n'est malheureusement pas sur Musicme contrairement à d'autres titres de la série Entartete. Je trouve qu'il y a de moins en moins de choses d'ailleurs...

Tantris a écrit:

J'ai lu dans une petite biographie de Braunfels qu'il avait entrepris la composition d'un opéra à partir de l'Annonce faite à Marie de Claudel et d'un autre opéra d'après La vie est un songe de Calderón de la Barca. En principe cette dernière oeuvre aurait été achevée mais sa création a Vienne n'aurait pas eu lieu à cause de l'Anschluss.

Je demande à tout hasard si quelqu'un sait si ces oeuvres existent, si on peut les trouver quelque pars, en particulier La vie est un songe…

(Je pose la question ici, j'imagine que c'est le lieu approprié. Si jamais je suis passé à côté d'un topic consacré à Braunfels signalez le moi et j'y copierai le message)

Oui, ça existe (Der Traum ein Leben, mais pas sûr que ce soit d'après Calderón)... mais rien de trouvable (on trouve Brambilla couramment, et trois autres titres plus difficilement, mais pas celui-ci).

WoO a écrit:

Le disque n'est malheureusement pas sur Musicme contrairement à d'autres titres de la série Entartete. Je trouve qu'il y a de moins en moins de choses d'ailleurs...

Livret indispensable de toute façon...

Baah Xavier à annoncer le DVD prochainement

...et le disque se trouve à 18€ dans les bonnes crémeries... (amazon.de et jpc)