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Sujet: Re: Lectures (3) Dim 14 Oct 2012 - 19:15
Picrotal a écrit:
J'ai lu Les Assassins de la mémoire, de Pierre Vidal-Naquet... Au delà du sujet, capital, et de la qualité de son argumentation, je suis marqué par la qualité de sa langue, de son style clair et incisif. C'est merveilleusement bien écrit, surtout si l'on compare sa prose à celle des personnes qu'il dénonce dans ce recueil de textes.
C'est sur le Négationnisme c'est ça? Ils n'ont vraiment pas grand chose à faire de leur journées ces types.
Ben. Mélomane chevronné
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Sujet: Re: Lectures (3) Dim 14 Oct 2012 - 19:17
arnaud bellemontagne a écrit:
Picrotal a écrit:
J'ai lu Les Assassins de la mémoire, de Pierre Vidal-Naquet... Au delà du sujet, capital, et de la qualité de son argumentation, je suis marqué par la qualité de sa langue, de son style clair et incisif. C'est merveilleusement bien écrit, surtout si l'on compare sa prose à celle des personnes qu'il dénonce dans ce recueil de textes.
C'est sur le Négationnisme c'est ça? Ils n'ont vraiment pas grand chose à faire de leur journées ces types.
Ce mec a eu des engagements et une vie exemplaires, ça occupe plus que de passer son temps à haïr son prochain...
arnaud bellemontagne Gourou-leader
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Sujet: Re: Lectures (3) Dim 14 Oct 2012 - 19:21
Tout à fait!
Jorge Caliméro baroqueux
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Sujet: Re: Lectures (3) Dim 14 Oct 2012 - 19:24
Dans le domaine de l'engagement et de la vie exemplaire, je conseille le livre "Les épines et les roses" de Robert Badinter, sorti en poche depuis peu. Il raconte ses 5 années d'expérience ministérielle, les embûches, les coups tordus, les réussites, ses frustrations et ses satisfactions. Assez passionnant et stupéfiant de rigueur morale.
Ophanin Fer galant
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Sujet: Re: Lectures (3) Dim 14 Oct 2012 - 22:27
Albert Samain - Les Chariots d'Or Je suis assez partagé. Ca se lit super bien malgré le style vieillot ampoulé et pourtant, ça ne m'a plus accroché que ça. Des très belles formules au détour d'un vers mais pas de grand poème que j'aurais envie d'apprendre par coeur pour emballer de la pour nourrir l'esprit. (au passage, il parle de seins et de jeune vierge sans arrêt, il avait un problème ce monsieur)
Lautréamont - les Chants de Maldoror Tout juste commencé. Pour l'instant le ton employé me rebute pas mal.
Verlaine - Intégrale vol1 (édition Kindle) Je me refais l'intégralité de son oeuvre, petit à petit.
J.K. Rowling- Une place à prendre 2 chapitres et j'ai abandonné. C'est toujours aussi peu écrit et fourmillant de détails inutiles.
aurele Mélomane chevronné
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Sujet: Re: Lectures (3) Jeu 18 Oct 2012 - 14:33
J'ai enfin terminé il y a deux-trois jours cette oeuvre magistrale qu'est Les Frères Karamazov de Dostoievski. Il m'aura fallu pour des raisons de lectures prioritaires voire lectures en parallèle deux ans si ce n'est un peu plus pour lire dans l'intégralité ce roman aussi long et dense que Les Misérables. Je rappelle que je l'ai lu dans la traduction d'André Markowicz publiée dans la collection de livre de poche Babel d'Actes Sud. Le deuxième tome car j'avais évoqué mes impressions sur le premier est toujours aussi palpitant avec des personnages que l'on voit plus : Mitia, Ivan, Grouchenka pour ne citer que ces trois là. Mitia est un personnage éminemment touchant malgré son comportement. Il est tourmenté et passionné, le lecteur souhaite qu'il s'en sorte. Grouchenka est un personnage fascinant, plus que Katia. Ivan est un personnage rongé par la culpabilité et moins immédiatement attachant que Aliocha et Mitia. Aliocha est toujours aussi juste, sensible. Smerdiakov est un personnage pour qui le lecteur selon moi n'éprouve aucune pitié, les discussions avec Ivan relatées par le nattateur sont des moments de tension et montrent le vrai visage du personnage, qui n'était déjà pas éminemment sympathique dans le premier tome. La machine judiciaire s'enclenche dans ce deuxième tome et l'intrigue policière prend forme avec évidemment le long livre sur le procès présentant le déroulement de ce dernier. Le style de Dostoievski peut rebuter et je sais que la traduction de Markowicz est la plus réputée en terme de fidélité à l'original. Personnellement, je trouve cette écriture extraordinaire, flamboyante, prenante, fascinante. Comme je ne parle pas russe, je fais confiance aux personnes qui m'avaient conseillé cette traduction sur le forum. La psychologie des personnages est un des points forts de cette oeuvre. Je pense qu'on peut considérer ce roman comme étant une des plus grandes oeuvres de la littérature mondiale. Tout le monde ne peut pas y accrocher, cela va de soi. Personnellement, il me hantera longtemps et représente une de mes plus grandes expériences de lecteur à ce jour. J'ai L'Idiot à Nancy dans ma bibliothèque dans la traduction de Markowicz toujours et je le lirai à l'occasion.
*Nico Mélomane chevronné
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Sujet: Re: Lectures (3) Jeu 18 Oct 2012 - 14:48
L'Idiot, c'est génial. Un bouquin que l'on oublie pas.
aurele Mélomane chevronné
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Sujet: Re: Lectures (3) Jeu 18 Oct 2012 - 14:51
*Niko a écrit:
L'Idiot, c'est génial. Un bouquin que l'on oublie pas.
Cela promet quand j'aurai l'occasion de le lire. Je ne sais plus si tu avais déjà participé aux quelques discussions dans les pages nombreuses des topics "lectures" sur Dostoievski. As tu lu Les Frères Karamazov ou un autre roman/une autre oeuvre de l'écrivain? Evidemment, je compte également me procurer Les démons et Crime et Châtiment. Il faut saluer le travail de Actes Sud pour cette édition complète considérée comme une référence de l'édition française des oeuvres de Dostoievski.
WoO Surintendant
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Sujet: Re: Lectures (3) Jeu 18 Oct 2012 - 15:31
Ophanin a écrit:
Albert Samain (au passage, il parle de seins et de jeune vierge sans arrêt, il avait un problème ce monsieur)
Sans doute. Tu peux écouter son Polyphème mis en musique par Jean Cras, histoire d'en être convaincu.
Vanaheim Mélomane averti
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Sujet: Re: Lectures (3) Jeu 18 Oct 2012 - 15:44
aurele a écrit:
J'ai enfin terminé il y a deux-trois jours cette oeuvre magistrale qu'est Les Frères Karamazov de Dostoievski. Il m'aura fallu pour des raisons de lectures prioritaires voire lectures en parallèle deux ans si ce n'est un peu plus pour lire dans l'intégralité ce roman aussi long et dense que Les Misérables. Je rappelle que je l'ai lu dans la traduction d'André Markowicz publiée dans la collection de livre de poche Babel d'Actes Sud. Le deuxième tome car j'avais évoqué mes impressions sur le premier est toujours aussi palpitant avec des personnages que l'on voit plus : Mitia, Ivan, Grouchenka pour ne citer que ces trois là. Mitia est un personnage éminemment touchant malgré son comportement. Il est tourmenté et passionné, le lecteur souhaite qu'il s'en sorte. Grouchenka est un personnage fascinant, plus que Katia. Ivan est un personnage rongé par la culpabilité et moins immédiatement attachant que Aliocha et Mitia. Aliocha est toujours aussi juste, sensible. Smerdiakov est un personnage pour qui le lecteur selon moi n'éprouve aucune pitié, les discussions avec Ivan relatées par le nattateur sont des moments de tension et montrent le vrai visage du personnage, qui n'était déjà pas éminemment sympathique dans le premier tome. La machine judiciaire s'enclenche dans ce deuxième tome et l'intrigue policière prend forme avec évidemment le long livre sur le procès présentant le déroulement de ce dernier. Le style de Dostoievski peut rebuter et je sais que la traduction de Markowicz est la plus réputée en terme de fidélité à l'original. Personnellement, je trouve cette écriture extraordinaire, flamboyante, prenante, fascinante. Comme je ne parle pas russe, je fais confiance aux personnes qui m'avaient conseillé cette traduction sur le forum. La psychologie des personnages est un des points forts de cette oeuvre. Je pense qu'on peut considérer ce roman comme étant une des plus grandes oeuvres de la littérature mondiale. Tout le monde ne peut pas y accrocher, cela va de soi. Personnellement, il me hantera longtemps et représente une de mes plus grandes expériences de lecteur à ce jour. J'ai L'Idiot à Nancy dans ma bibliothèque dans la traduction de Markowicz toujours et je le lirai à l'occasion.
Intéressant, je m'y mettrais bien ! D'autant plus que j'ai découvert Tolstoi il y a peu (quels livres et traductions aurais-tu à me conseiller de ce dernier s'il te plaît ?).
Ce Roman de Dostoievski donc, c'est plutôt Realiste ?
aurele Mélomane chevronné
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Sujet: Re: Lectures (3) Jeu 18 Oct 2012 - 15:58
Concernant Tolstoï, j'ai Guerre et paix, les nouvelles sur la mort dont La mort d'Ivan Ilitch et Anna Karénine en Folio. Ne parlant pas russe et n'en sachant pas plus, je ne peux pas te dire si les traductions sont de qualité. Je n'ai pas encore lu Guerre et paix et Anna Karénine. Les Frères Karamazov est un roman trop touffu pour qu'on le range dans une catégorie. S'il emprunte certains aspects au roman réaliste, c'est un roman philosophique, métaphysique et psychologique avant tout avec des ingrédients policiers, sentimentaux voire une certaine part de fantastique.
Pat17 Mélomaniaque
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Sujet: Re: Lectures (3) Dim 21 Oct 2012 - 18:40
Utopia, de Sir Saint Thomas Moore.
Un livre qui semblerait bien naïf et inoffensif, si l'on oubliait qu'il a été écrit en 1516. Il dynamite allègrement la notion de noblesse, d'Eglise, de privilèges, pour dépeindre une société idéale que n'auraient pas reniés un Proudhon ou un Marx : la propriété n'existe pas, la société est organisée et régie par des lois simples appliquées par des princes élus. Bien sûr, il est difficile de s'extirper totalement de son époque : l'esclavage existe toujours (même s'il est très différent de celui alors pratiqué), la peine de mort également, et la femme reste soumise à l'autorité de son mari, même si par ailleurs elle peut librement travailler...
Ceci étant, je me suis dit à plusieurs reprises qu'une telle vie parfaite devait au final être... euuuuh... relativement pénible (j'a un autre mot qui me vient plus naturellement à l'esprit ).
C'est le genre de livre qui me fait apprécier le Kindle : téléchargé gratuitement, le dictionnaire Français-Anglais que j'y ai installé permet de traduire instantanément les mots rebelles (assez peu nombreux au demeurant, j'imagine que la version que j'ai lu était transcrite dans un Anglais moderne). Il est peu vraisemblable que je l'aurais lu un jour s'il n'avait pas été disponible dans des conditions aussi favorables.
Il est relativement curieux au demeurant que Thomas Moore ait été canonisé, après avoir écrit un livre aussi subversif aussi peu conforme à la doctrine de l'Eglise catholique. Mais il est vrai que ladite canonisation a été plutôt tardive, puisqu'elle ne date que de 1935.
adriaticoboy Mélomane chevronné
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Sujet: Re: Lectures (3) Dim 21 Oct 2012 - 22:05
Pat17 a écrit:
Il est relativement curieux au demeurant que Thomas Moore ait été canonisé, après avoir écrit un livre aussi subversif aussi peu conforme à la doctrine de l'Eglise catholique. Mais il est vrai que ladite canonisation a été plutôt tardive, puisqu'elle ne date que de 1935.
Utopia est un ouvrage tellement ambigu et énigmatique qu'on peut l'interpréter un peu comme en veut. Pour l'Eglise, la béatification puis la canonisation de Thomas More se justifient avant tout par sa défense inconditionnelle du catholicisme romain face à Henri VIII, et son martyre.
Pat17 Mélomaniaque
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Sujet: Re: Lectures (3) Lun 22 Oct 2012 - 6:24
adriaticoboy a écrit:
Utopia est un ouvrage tellement ambigu et énigmatique qu'on peut l'interpréter un peu comme en veut.
La version que j'en ai lu, en Anglais moderne, n'avait pas grand chose d'ambigu ou énigmatique. Ce qui tendrait à dire qu'il y a eu interprétation par rapport au texte originel ? Car j'ai du mal à croire que le texte que j'ai pu lire était bien celui écrit par Sir Thomas More. Je me suis essayé plus jeune à lire Shakespeare dans le texte, et j'ai refermé le livre après trois pages... Trop difficile vu mon niveau d'Anglais...
Citation :
Pour l'Eglise, la béatification puis la canonisation de Thomas More se justifient avant tout par sa défense inconditionnelle du catholicisme romain face à Henri VIII, et son martyre.
Bien sûr, c'est son attitude face au pouvoir qui est à l'origine de son accession à la sainteté.
Cependant, l'Eglise est habituellement très stricte dans les investigations menées sur les candidats à la béatification, et tous les aspects de la vie sont alors passés en revue. Il est surprenant qu'un ouvrage tel qu'Utopia n'ait pas créé une difficulté insurmontable lors de cette enquête. A moins que la volonté de l'Eglise ait été elle-même politique, en reconnaissant la position de martyre de la foi à un catholique anglais au moment où le catholicisme était plus largement accepté dans la société britannique.
adriaticoboy Mélomane chevronné
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Sujet: Re: Lectures (3) Lun 22 Oct 2012 - 20:37
Pat17 a écrit:
A moins que la volonté de l'Eglise ait été elle-même politique, en reconnaissant la position de martyre de la foi à un catholique anglais au moment où le catholicisme était plus largement accepté dans la société britannique.
Cela a certainement joué. La canonisation en 1935, ce fut sans doute aussi pour marquer le 400e anniversaire de son exécution. Mais pour revenir à Utopia, je reste assez persuadé que lors de son examen pour le procès en béatification, les savants exégètes du Vatican ont dû considérer que l'ouvrage était certes audacieux mais qu'au fond il défendait astucieusement la doctrine de l'Eglise. Je suis loin d'être un spécialiste de la question mais je sais que certains auteurs défendent l'idée que Utopia serait en réalité une dystopie ironique, une mise en garde sur les dangers d'une société a priori idéale.
Cello Chtchello
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Sujet: Re: Lectures (3) Mer 24 Oct 2012 - 10:32
Hérodote: Histoires
Et avant ça, quelques extraits de l'Encyclopédie (oui, je racle un peu les fonds de ma bibliothèque pour le moment...)
DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
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Sujet: Re: Lectures (3) Mer 24 Oct 2012 - 14:52
Jorge a écrit:
Dans le domaine de l'engagement et de la vie exemplaire, je conseille le livre "Les épines et les roses" de Robert Badinter, sorti en poche depuis peu. Il raconte ses 5 années d'expérience ministérielle, les embûches, les coups tordus, les réussites, ses frustrations et ses satisfactions. Assez passionnant et stupéfiant de rigueur morale.
Et modeste comme d'habitude, je devine.
Picrotal Parano lunatique
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Sujet: Re: Lectures (3) Lun 29 Oct 2012 - 19:34
Céline c'est tout de même au niveau international qu'il pèse, ce qui est toujours compliqué étant donné le jeu des traductions bien sûr, mais son influence a par exemple beaucoup compté dans la littérature américaine contemporaine. Il faut dire aussi qu'ils sont beaucoup moins au courant là-bas de ses diatribes racistes et autres, plus éloignés de cette question, donc cela aide à se revendiquer de son héritage sans trop de complexes...
MaximeR Mélomane du dimanche
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Sujet: Re: Lectures (3) Lun 29 Oct 2012 - 19:36
Je viens de finir Les Epis Mûrs, un roman de Rebatet.
J'imagine que certains connaissent ici, car il a également écrit "Mon Histoire de la musique", que je n'ai pas encore eu l'occasion de parcourir, mais qui paraît-il, est formidable !
L'auteur est surtout connu pour "Les Décombres", qui fut best-seller sous l'occupation, ce qui vous laisse imaginer le contenu...
Mais il était aussi un mordu de musique classique, un Wagnérien sans limite. D'après ces dires, il aura vu 10 représentations de Tristan ! Pour le roman qui nous intéresse, l'éditeur a d'ailleurs choisi en couverture, une photo de Rebatet, sa femme et une amie devant le buste de Richard Wagner, à Bayreuth.
L'histoire se dérouler à la fin du 19ème siècle, début 20ème. On suite un jeune garçon, Pierre Tamare, qui se découvre une passion dévorante pour la musique classique... Très vite, la musique sera la seule de sa préoccupation.
D'abord, ce sera la musique populaire, la musique de cabaret. Jusqu'à qu'un de ces voisins lui fasse découvrir Chopin qui était "un grand monsieur". Ce voisin fera découvrir au jeune homme les concerts, il sera fort étonné de la pluie d'insulte survenue pendant du Debussy. "Je suis debussyste aussi !" dira-t-il.
Sa vie est ensuite une succession de "mouvements". C'est le terme qui convient, me semble -t-il. Il rencontrera plusieurs Maîtres, très différents les uns des autres et très formateurs pour le jeune enfant... Des moments de grâces comme des moments terribles...
Le style de Rebatet est recherché, sans être ampoulé, avec parfois une vraie force, une vraie vitalité qui corresponds tout à fait à celle de Pierre Tamare pour la musique !
Bref, un roman que je conseille vivement à tous les mélomanes, donc, à priori, à tout le monde ici !
Dernière édition par MaximeR le Lun 29 Oct 2012 - 21:26, édité 1 fois
Zeno Mélomane chevronné
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Sujet: Re: Lectures (3) Lun 29 Oct 2012 - 19:38
Céline a inventé un monde. Il est immense. Le Voyage au bout de la nuit a changé mon regard sur les choses, mon écoute de la musique des mots...
Spoiler:
... et m'a donné le goût d'écrire.
MaximeR Mélomane du dimanche
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Sujet: Re: Lectures (3) Lun 29 Oct 2012 - 20:44
Il est de bon ton aujourd'hui d'applaudir des deux mains Le Voyage Au Bout de La Nuit, un peu Mort à Crédit, mais moins ; tout en précisant que Céline était un salaud, ça va de soi !
Mais au fond, qui a lu ces lignes si terribles ? Pas grand monde... Personnellement, j'ai lu Bagatelles Pour Un Massacre, et c'est quand même un poil plus subtile que "Céline est un génie, mais quel salaud !"
Invité Invité
Sujet: Re: Lectures (3) Lun 29 Oct 2012 - 20:50
MaximeR a écrit:
Personnellement, j'ai lu Bagatelles Pour Un Massacre, et c'est quand même un poil plus subtile que "Céline est un génie, mais quel salaud !"
C'est-à-dire ?
Alifie Googlemaniac
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Sujet: Re: Lectures (3) Lun 29 Oct 2012 - 20:54
Céline est un salaud, mais quel génie
Merlin Mélomane averti
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Sujet: Re: Lectures (3) Lun 29 Oct 2012 - 20:56
Alifie a écrit:
Céline est un salaud, mais quel génie
Yep. C'est leurs contradiction qui font les hommes riches.
arnaud bellemontagne Gourou-leader
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Sujet: Re: Lectures (3) Lun 29 Oct 2012 - 20:57
Les Deux Etendards de Rebatet est très réputé. C'est selon George Steiner et bien d'autres l'un des grands romans de la littérature du XXème siècle.
Invité Invité
Sujet: Re: Lectures (3) Lun 29 Oct 2012 - 20:57
Alifie a écrit:
Céline est un salaud, mais quel génie
Golisande Mélomane chevronné
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Sujet: Re: Lectures (3) Lun 29 Oct 2012 - 21:00
MaximeR a écrit:
Personnellement, j'ai lu Bagatelles Pour Un Massacre, et c'est quand même un poil plus subtile que "Céline est un génie, mais quel salaud !"
Voudrais-tu dire que génie et saloperie sont confondus chez lui, et pas seulement deux faces d'une médaille ?
MaximeR Mélomane du dimanche
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Sujet: Re: Lectures (3) Lun 29 Oct 2012 - 21:02
Avant d'être un écrivain, Céline est un ancien combattant. La Ière guerre mondiale l'a traumatisé au plus haut point. Et il voulait à tout prix éviter une nouvelle guerre. C'est capital pour comprendre Céline. Le "massacre" dont il est question d'ailleurs ici et celui à venir, que Céline avait pressenti.
Ensuite, on a pour habitude aujourd'hui d'affilié naturellement antisémite et nazi, alors que de nombreux antisémites pouvaient être communistes ou socialistes, ce n'était pas incompatible...
Céline était un misanthrope avant tout. Oui, il haïssait les juifs, et a écrit des lignes terribles, mais il en a écrit de la même sorte sur les "ayriens" ! D'ailleurs les nazis ne se sont jamais "servis" de L-F Céline pour leur propagande, celui-ci étant trop anarchiste pour être utile.
Alors que la France était vaincu, dans le château de Sigmaringen, où toute la collaboration s'était réfugiée, Céline, invité par les allemands disaient "J'ai rien contre les anglais et les américains, moi ! C'est pas eux qui m'ont foutus une balle dans la tête !" (D'ailleurs, D'un château l'autre, Nord, et Rigodon constituent une trilogie narrant l'époque de Sigmaringen)
Enfin, oui Céline était antisémite, mais je crois pas qu'il était nazi pour autant. C'est une différence qui me paraît importante, tout de même !
A noter qu'à la sortie de Bagatelles pour Un Massacre, un critique du Canard Enchaîné dont j'ai oublié le nom, disait du livre que c'était le plus drôle qu'il ait jamais lu ! Céline faisait tellement dans l'outrance qu'il ne pouvait pas être sérieux !
Je rajouterais que Bagatelles Pour Un Massacre est presque une "suite logique" de ces deux premiers romans... Céline y décrit toute l'absurdité de l'Homme, toute sa méchanceté...
Golisande Mélomane chevronné
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Sujet: Re: Lectures (3) Lun 29 Oct 2012 - 21:12
J'ai l'impression que Céline haïssait quasiment tout (y compris lui-même), et pas seulement les Juifs ni même les hommes... J'ai l'impression que globalement son moteur était la haine, que c'est elle qui le faisait écrire... Après, c'était tout de même un être humain, évidemment....
MaximeR Mélomane du dimanche
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Sujet: Re: Lectures (3) Lun 29 Oct 2012 - 21:16
Une petit vidéo qui répondra bien mieux que moi :
Le dernier passage cité est éblouissant !
MaximeR Mélomane du dimanche
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Sujet: Re: Lectures (3) Lun 29 Oct 2012 - 21:19
Effectivement ! La seule raison qui fait que je ne l'ai pas lu est le prix de l'ouvrage, qu'on trouve seulement à 50€... Vivement Noël !
Mais de tout ceux qui l'ont lu, Les Deux Étendards est un des plus grand chef d’œuvre du XXème ! Et on y trouve aussi beaucoup de références mélomanes !
Guillaume lapineau huguenot
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Sujet: Re: Lectures (3) Lun 29 Oct 2012 - 21:24
MaximeR a écrit:
le buste de Richard Wagner, à Beyrouth.
Ce festival fut hélas une vraie déroute, à tel point que les organisateurs décidèrent de changer le nom de la ville l'accueillant. Puisqu'on y baillait beaucoup, "Baille-Route" (car la route était longue pour y aller) transposé en "Bayrouth" fut le nom de ce festival jusqu'à ce que François Bayrou porte plainte. Alors on décida d'un commun accord que le nom de "Bayreuth" serait adopté. La ville de Bayeux ne porta pas plainte, elle.
(Blague à part, c'est la 100e fois que j'entends ça quand je parle de Bayreuth... )
Dernière édition par Guillaume le Lun 29 Oct 2012 - 21:27, édité 1 fois
MaximeR Mélomane du dimanche
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Sujet: Re: Lectures (3) Lun 29 Oct 2012 - 21:25
La faute au correcteur !
Cololi chaste Col
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Sujet: Re: Lectures (3) Lun 29 Oct 2012 - 21:36
Mais qui a dit que nazisme et anti-sémitisme étaient synonymes ? Et effectivement l'anti-sémitisme pouvait tout à fait être présent à gauche. De la même façon que le nationalisme fut d'abord de gauche ...
_________________ Car l'impuissance aime refléter son néant dans la souffrance d'autrui - Georges Bernanos (Sous le Soleil de Satan)
MaximeR Mélomane du dimanche
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Sujet: Re: Lectures (3) Lun 29 Oct 2012 - 21:40
Peut-être me trompe-je, mais il me semble que Céline est souvent affilié au nazisme de part son antisémitisme. Ce que je crois être tout à fait faux.
Picrotal Parano lunatique
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Sujet: Re: Lectures (3) Lun 29 Oct 2012 - 21:46
MaximeR a écrit:
Je viens de finir Les Epis Mûrs, un roman de Rebatet.
J'imagine que certains connaissent ici, car il a également écrit "Mon Histoire de la musique", que je n'ai pas encore eu l'occasion de parcourir, mais qui paraît-il, est formidable !
L'auteur est surtout connu pour "Les Décombres", qui fut best-seller sous l'occupation, ce qui vous laisse imaginer le contenu...
Mais il était aussi un mordu de musique classique, un Wagnérien sans limite. D'après ces dires, il aura vu 10 représentations de Tristan ! Pour le roman qui nous intéresse, l'éditeur a d'ailleurs choisi en couverture, une photo de Rebatet, sa femme et une amie devant le buste de Richard Wagner, à Bayreuth.
L'histoire se dérouler à la fin du 19ème siècle, début 20ème. On suite un jeune garçon, Pierre Tamare, qui se découvre une passion dévorante pour la musique classique... Très vite, la musique sera la seule de sa préoccupation.
D'abord, ce sera la musique populaire, la musique de cabaret. Jusqu'à qu'un de ces voisins lui fasse découvrir Chopin qui était "un grand monsieur". Ce voisin fera découvrir au jeune homme les concerts, il sera fort étonné de la pluie d'insulte survenue pendant du Debussy. "Je suis debussyste aussi !" dira-t-il.
Sa vie est ensuite une succession de "mouvements". C'est le terme qui convient, me semble -t-il. Il rencontrera plusieurs Maîtres, très différents les uns des autres et très formateurs pour le jeune enfant... Des moments de grâces comme des moments terribles...
Le style de Rebatet est recherché, sans être ampoulé, avec parfois une vraie force, une vraie vitalité qui corresponds tout à fait à celle de Pierre Tamare pour la musique !
Bref, un roman que je conseille vivement à tous les mélomanes, donc, à priori, à tout le monde ici !
J'ai détesté ce roman. Comparé aux Décombres, et même comparé à rien du tout, c'est écrit avec les pieds. Rebatet n'arrive pas à se maintenir sur une ligne stylistique claire, et là où certains pratiquent la diversité avec brio, lui ne le fait qu'avec maladresse. Quant à ses dialogues, ils sont d'une terrible indigence. Le livre est en effet très intéressant pour son histoire, le contexte historique qu'il dépeint, les références musicales qui le jalonnent naturellement de part et d'autres, mais alors d'un point de vue littéraire c'est vraiment une lecture pénible...
Les Deux étendards, en effet, est sur ma liste de choses à lire. Mais en effet toujours, il n'est pas donné...
Par contre, juste une petite remarque : oui, Les Décombres ont été un best-seller sous l'occupation, mais cela ne suffit pas pour en imaginer le contenu. En l'occurrence, c'est effectivement une charge profondément fasciste et antisémite, ce qui n'a rien d'étonnant puisque Rebatet était passé par l'Action Française puis Je suis partout, mais tous les ouvrages parus durant l'occupation ne sont pas aussi politisés ou marqués politiquement. Après tout, Les Yeux d'Elsa a été publié en 1942. Ravages de Barjavel fut publié en épisode, toujours dans Je suis partout, de même que Travelingue de Marcel Aymé. Ce dernier, sans être un fasciste identifié ou identifiable, avait cela dit de profondes amitiés dans ce milieu-là, comme en témoigne la lettre qu'il adresse à Rebatet et que cette nouvelle édition des Epis Mûrs reproduit...
Enfin bref, je voulais juste faire cette petite parenthèse.
Golisande Mélomane chevronné
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Sujet: Re: Lectures (3) Lun 29 Oct 2012 - 21:53
Mais j'avais été bouleversé par ce passage sur le sergent Alcide (passage que certains admirateurs de Céline, d'ailleurs, renient presque comme "complaisant" et "pas encore vraiment célinien"), ainsi bien sûr que par tout ce qui concerne la guerre... En fait c'est son style lui-même, sa puissance expressive - et pas nécessairement son propos - qui est d'une tonalité presque uniformément haineuse et/ou désespérée (et je ne nie pas que ce désespoir et cette haine soient parfois - et même assez souvent - justifiés, d'où la jubilation que l'on peut éprouver à le lire). Le problème est peut-être que j'ai une conception hédoniste de la littérature, comme de la musique, or l'écriture de Céline fait plutôt souffrir...
Golisande Mélomane chevronné
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Sujet: Re: Lectures (3) Lun 29 Oct 2012 - 22:04
MaximeR a écrit:
Peut-être me trompe-je, mais il me semble que Céline est souvent affilié au nazisme de part son antisémitisme. Ce que je crois être tout à fait faux.
Oui enfin ça ce sont les gens qui ne s'y intéressent pas du tout...
MaximeR Mélomane du dimanche
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Sujet: Re: Lectures (3) Lun 29 Oct 2012 - 22:06
Céline fait partie de ces artistes qui divisent ! Je fais parti de ceux qui trouvent ce désespoir et cette haine jubilatoire par la force que mets Céline dans ces lignes ! En outre, il fait parti des auteurs à lire pour qui veut essayer de comprendre le XXème siècle !
Mais je te comprends tout à fait ! D'ailleurs, je suis moi même un grand admirateur de toute la littérature hédoniste. Mais déjà chez Baudelaire, même Rimbaud, on trouve ci et là des brides de ce que Céline poussera à son paroxysme ! (Si tu me demandes des exemples, je serais incapable de le faire de tête ! Mais si ça t'intéresse, je pourrais replonger la tête dans tous ces livres !)
Et ils sont nombreux, à ne pas s'y intéresser ! Où à faire semblant, car c'est plus simple de ranger Céline dans la case "salaud intégral".
Picrotal Parano lunatique
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Sujet: Re: Lectures (3) Lun 29 Oct 2012 - 22:10
Oui enfin bon... D'abord, Bagatelles, c'est littérairement très mauvais. Quand on compare avec le Céline de la même époque, celle de Mort à crédit, c'est difficile de ne pas être estomaqué par le manque de sérieux et de talent qui accompagne la plupart des pages de ce pamphlet. On dirait du Céline qui ne se relit pas, qui se contente de vomir tout ce qu'il peut et dans tous les sens. C'est en effet ce qui a amené quelques bonnes âmes (comme Gide) à croire que ce pamphlet était une parodie : trop outrancier pour être vrai. C'est aussi ce qui a amené quelques antisémites déclarés à rejeter le livre en déclarant qu'il donnait une mauvaise image de l'antisémitisme. Mais qu'on ne s'y trompe pas : la majorité des antisémites de son époque ont adoré le bouquin. Brasillach en était fou amoureux et Rebatet n'en pouvait plus de le relire.
Pour ce qui est de la critique du Canard Enchaîné, il ne faut en effet pas perdre de vue que, même si l'Affaire Dreyfus avait un peu plus marqué politiquement l'antisémitisme ou le racisme en général, l'antisémitisme n'était certainement pas exclusivement de droite. Des journalistes antisémites au Canard, il y en a eu, même après la guerre. Henri Béraud en faisait partie, qui s'est fait virer lorsque son antisémitisme l'a amené à prendre des positions qui ne collaient plus avec la ligne anarcho-socialiste du Canard de l'époque, au lendemain du 6 février 34. — Est-ce que ça veut dire que ce journaliste du Canard, Jules Rivet, était antisémite ? Je n'en sais rien. Je ne le connais pas. Son argumentaire concernant cette critique, qu'on lui reprocha, est qu'il a jugé la forme plus que le fond, qu'il a salué la verve célinienne en considérant que l'antisémitisme était ici un simple objet de délire, une prise de position comme une autre pour justifier la rédaction d'un pamphlet déjanté. Certes, l'antisémitisme était monnaie courante à cette époque, mais c'est tout de même un argumentaire profondément inepte. Le bouquin a été largement condamné par d'autres parutions et d'autres critiques, qui ne se sont pas arrêtés à la forme et ont aussi voulu signaler que le contenu est à gerber.
Il faut voir qu'avec Le Voyage, on considérait Céline comme un auteur de gauche, pacifiste, peut-être communiste (mais moins après Mea Culpa, quand même). Forcément, Bagatelles changeait un peu la donne. Peut-être que certains ont voulu continuer à voir en Céline un prophète de gauche, quitte à interpréter Bagatelles de travers pour qu'il puisse continuer à coller à cette image...
Maintenant, les témoignages sont nombreux, dans un sens comme dans l'autre, pour montrer que Céline était un nazi ou au contraire n'en était pas un. Il y a des faits : il a refusé en effet certaines compromissions avec les autorités vichystes ou allemandes. Certes. Il a également, selon le témoignage de son voisin, soigné un anglais blessé. D'accord. Il a aussi, dans sa correspondance, déploré que l'on puisse encore croiser des Juifs dans Paris, accusant Vichy d'être à la solde des Juifs (!) et a rédigé des lettres de dénonciation concernant l'un de ses collègues Juif du dispensaire où tous deux travaillaient, qui ont conduit à l'éviction de ce dernier dont le brave docteur Destouches put ainsi prendre la place... Nazi, non. Opportuniste, très certainement.
Alors franchement, est-ce que Céline était un génie ? Oui. Est-ce que Céline était un salaud ? Ah oui, mille fois oui encore... Tout est toujours plus compliqué, d'accord, mais le résumé est loin d'être mauvais. J'ai longtemps voulu défendre Céline, aujourd'hui je l'aborde avec l'oeil le plus objectif possible. On ne peut pas se contenter de dire : « il détestait tout le monde » pour expliciter son antisémitisme, sincèrement. Il y a la part de misanthropie, il y a la part de délire, il y a la part d'humour, il y a la part de paranoïa, et il y a la part d'antisémitisme pur, « aryen » et hygiéniste, très proche de celui défendu par le nazisme.
Le nazisme dont, d'ailleurs, Céline reprend les chiffres de la propagande raciste dans son Bagatelles, en les amplifiant encore plus, plus hitlérien que les hitlériens eux-mêmes pour le coup...
Et sinon, Cololi, certes l'antisémitisme pouvait être de gauche, mais depuis l'affaire Dreyfus il était quand même clairement situé à droite. Les antisémites de gauche finirent plus ou moins tous par aboutir à droite (Déat, Doriot, Laval), parfois par conviction, parfois par carriérisme. Il y en eut dans la résistance aussi, certes, mais dire que c'était monnaie courante serait exagéré. D'autant que la question même de l'antisémite en cette période est compliqué, entre ceux qui l'étaient par conviction, ceux qui l'étaient par habitude, et ceux qui l'étaient par ignorance... Bien des « antisémites » ont réalisé l'inanité de leur propre racisme après la découverte de la Shoah et l'effondrement général des idéologies racialistes en Europe, quand plus rien ne venait légitimer politiquement le racisme...
Et le nationalisme qui fut d'abord de gauche, là par contre je ne te suis pas. Que le PCF ait été longtemps un parti clairement nationaliste, certes, mais de là à dire que le nationalisme fut d'abord de gauche...
MaximeR Mélomane du dimanche
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Sujet: Re: Lectures (3) Lun 29 Oct 2012 - 22:22
Globalement d'accord avec ce que tu dis ! Même si je serais moins catégorique sur la valeur littéraire de Bagatelles. Je relis très souvent et avec beaucoup de plaisir les premières lignes sur les danseuses ! Qui sont d'un sublime ayant peu d'égal en littérature, à ma connaissance.
Le Voyage était d'ailleurs le roman favori de Trotsky ! (Cela ne l'empêcha pas de l'interdire, le trouvant trop pessimiste pour laisser une place à la révolution)
Mis-à-part sur l'opportunisme de Céline ! Je crois qu'il était tout à fait inconscient "politiquement" si l'on peut dire. Un petit anecdote reflète parfaitement ce que je veux dire.
Je ne me rappelle plus exactement l'année, mais de mémoire, ça doit être en 44. Tout le monde savait parfaitement que la guerre était pliée, et qu'il s'agissait d'une question de temps avant que l'Allemagne ne cède. Voilà donc un Céline qui se rends à la Kommandatur, en plein après-midi, contre l'avis de tous qui voyaient là un suicide ! Et pourquoi s'y rends-il ? Parce que le général allemand était un descendant direct d'un des Frères Grimm, auteurs des fameux Contes, et qu'il voulait en discuter avec lui. Et pour moi, c'est ça Céline, un homme de littérature avant tout !
Et si je soulignais tout à l'heure être lassé de lire "ah quel génie ! ah quel salaud !", c'est tout simplement parce que nombre d'auteurs du XXème n'ont pas ces égards alors qu'ils sont, politiquement parlant, loin d'être net. Aragon n'a malheureusement pas uniquement écrit sur les beaux yeux d'Elsa Triolet, et Sartre ne manquait pas de serrer la main de tout dictateur pourvu que celui-ci se disait de gauche. Là encore, tout est plus compliqué !
Guillaume lapineau huguenot
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Sujet: Re: Lectures (3) Lun 29 Oct 2012 - 22:29
Citation :
Et le nationalisme qui fut d'abord de gauche, là par contre je ne te suis pas. Que le PCF ait été longtemps un parti clairement nationaliste, certes, mais de là à dire que le nationalisme fut d'abord de gauche...
Le nationalisme était à gauche avant le boulangisme (1887-1889), c'est-à-dire que c'était la gauche républicaine et radicale qui plaçait la valeur de "Nation" au-dessus du reste, et non pas les droites, qu'elles soient orléanistes, bonapartistes ou légitimistes. La Nation, c'était une valeur révolutionnaire, c'est le peuple (en armes) : pour la "réaction", les valeurs principales étaient le Trône, l'Autel... (je schématise).
Boulanger fut un ami de Gambetta, mais son passage à droite à un certain moment est avéré, d'autant que la droite se groupe autour de lui ; de même Déroulède, qui sera franchement nationaliste (d'extrême-droite) fut au départ gambettiste et son évolution se fait en même temps que celle de Boulanger. Beaucoup d'historiens mettent donc en relief cette période comme le passage du nationalisme de la gauche vers la droite. Après, dans les années 90, arrivèrent Barrès, les antidreyfusards, Maurras (le "nationalisme intégral")... et le nationalisme se sédimentera alors dans son acception qui a toujours cours aujourd'hui.
Cololi chaste Col
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Sujet: Re: Lectures (3) Lun 29 Oct 2012 - 22:31
Picrotal a écrit:
Et sinon, Cololi, certes l'antisémitisme pouvait être de gauche, mais depuis l'affaire Dreyfus il était quand même clairement situé à droite. Les antisémites de gauche finirent plus ou moins tous par aboutir à droite (Déat, Doriot, Laval), parfois par conviction, parfois par carriérisme. Il y en eut dans la résistance aussi, certes, mais dire que c'était monnaie courante serait exagéré. D'autant que la question même de l'antisémite en cette période est compliqué, entre ceux qui l'étaient par conviction, ceux qui l'étaient par habitude, et ceux qui l'étaient par ignorance... Bien des « antisémites » ont réalisé l'inanité de leur propre racisme après la découverte de la Shoah et l'effondrement général des idéologies racialistes en Europe, quand plus rien ne venait légitimer politiquement le racisme...
Et le nationalisme qui fut d'abord de gauche, là par contre je ne te suis pas. Que le PCF ait été longtemps un parti clairement nationaliste, certes, mais de là à dire que le nationalisme fut d'abord de gauche...
Sauf que là tu me parles du XX°. Moi je parle (sans l'avoir précisé) du XIX° Au XIX° justement les choses étaient différentes : les mouvements nationalistes du début du 19° sont clairement de gauche et élitistes. Ce sont les intellectuels romantiques, qui crée l'idée de nation, en réaction à l'occupation française partout en Europe. Séduit par le libéralisme (au sens de l'époque) de la révolution française, ils comprennent que c'est l'idée de nation qui peut garantir ces libertés. Un mouvement qui se voulait populaire, mais qui était en fait élitiste ... et c'est bien après que tout celà fut récupéré par certains populismes.
Quand à l'anti-sémitisme ... il est très présent à gauche, mais là encore je parle du XIX° siècle. Les marxistes le sont tout simplement car le juif détient le capital.
_________________ Car l'impuissance aime refléter son néant dans la souffrance d'autrui - Georges Bernanos (Sous le Soleil de Satan)
MaximeR Mélomane du dimanche
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Sujet: Re: Lectures (3) Lun 29 Oct 2012 - 22:33
Puisque je soulignais que l'auteur était controversé, il me semblait évident que les Décombres était un livre fasciste ! Mais peut-être effectivement, que ce n'était pas clair. Je n'ai d'ailleurs pas lu le livre, d'où mon avis bref à ce sujet.
Je te trouve très sévère avec le style de Rebatet ! Je trouve le style cohérent d'un bout à l'autre ! Tu peux développer ?
En revanche, je suis assez d'accord pour dire que Rebatet n'est pas un grand dialoguiste... Mais cela ne m'a pas empêché d'apprécier le livre.
Picrotal Parano lunatique
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Sujet: Re: Lectures (3) Lun 29 Oct 2012 - 22:36
MaximeR a écrit:
Je ne me rappelle plus exactement l'année, mais de mémoire, ça doit être en 44. Tout le monde savait parfaitement que la guerre était pliée, et qu'il s'agissait d'une question de temps avant que l'Allemagne ne cède. Voilà donc un Céline qui se rends à la Kommandatur, en plein après-midi, contre l'avis de tous qui voyaient là un suicide ! Et pourquoi s'y rends-il ? Parce que le général allemand était un descendant direct d'un des Frères Grimm, auteurs des fameux Contes, et qu'il voulait en discuter avec lui.
En même temps, en 44, Céline était déjà fiché parmi les hommes à abattre, Vailland l'avait même tenu (selon ses dires) en joue avant de renoncer à le tuer eu égard à son talent, donc bon...
Et puis Céline a tout de même eu la présence d'esprit de fuir la France lorsque la Libération approchait, et il l'a fait de son plein gré le bonhomme, aucun allemand ne l'a mis de force dans un wagon pour l'Allemagne comme ce fut le cas pour Pétain. Il était suffisamment politisé pour savoir ce qui l'attendait. Suffisamment intelligent aussi, ça lui a sauvé la peau... Brasillach n'a pas été aussi vivace. Rien de surprenant, d'ailleurs.
Citation :
Et si je soulignais tout à l'heure être lassé de lire "ah quel génie ! ah quel salaud !", c'est tout simplement parce que nombre d'auteurs du XXème n'ont pas ces égards alors qu'ils sont, politiquement parlant, loin d'être net. Aragon n'a malheureusement pas uniquement écrit sur les beaux yeux d'Elsa Triolet, et Sartre ne manquait pas de serrer la main de tout dictateur pourvu que celui-ci se disait de gauche. Là encore, tout est plus compliqué !
Le même Sartre qui n'a pas trouvé choquant de faire jouer Les Mouches devant un parterre d'officiers allemands en 1943, d'ailleurs...
Pour autant, si dans le principe je te rejoins, je ne pense pas qu'il soit forcément très sain de chercher à faire une analogie ou un parallèle entre le nazisme et le totalitarisme communiste. Mais là c'est un autre débat...
Dernière édition par Picrotal le Lun 29 Oct 2012 - 22:44, édité 1 fois
MaximeR Mélomane du dimanche
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Sujet: Re: Lectures (3) Lun 29 Oct 2012 - 22:40
Son voyage à Sigmaringen lui a certainement sauvé la vie oui !
Sinon effectivement, cette analogie n'est certainement pas à faire. Je suis juste un fanatique de littérature, et j'ai du mal à admettre que la politique vienne la corrompre, voilà tout.
Picrotal Parano lunatique
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Sujet: Re: Lectures (3) Lun 29 Oct 2012 - 22:43
Cololi a écrit:
Quand à l'anti-sémitisme ... il est très présent à gauche, mais là encore je parle du XIX° siècle. Les marxistes le sont tout simplement car le juif détient le capital.
Sauf que Marx était Juif. Qu'on trouve beaucoup de Juifs dans les milieux révolutionnaires gauchistes, communistes ou anarchistes. Et qu'on observe déjà ce paradoxe dans lequel les Juifs sont déclarés coupables d'être les grands pontes de la finance internationale ET ceux de la menace communiste qui pèse sur l'humanité. Une étrange combinaison d'intérêts contradictoires que ne cesseront d'agiter les antisémites français jusque dans les années 40, héritiers de Drumont en passant par Daudet...
Pour le nationalisme de gauche tel que tu le décris, pourquoi pas. Il est plutôt positif. C'est plus du patriotisme que du nationalisme.
Picrotal Parano lunatique
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Sujet: Re: Lectures (3) Lun 29 Oct 2012 - 22:49
MaximeR a écrit:
Son voyage à Sigmaringen lui a certainement sauvé la vie oui !
Oh, et pas seulement. Tous les tristes sires de Sigmaringen, une fois l'Allemagne défaite, furent rapatriés en France, jugés, et pour certains condamnés à mort. Certes, des écrivains comme Cousteau ou Rebatet passèrent quelques années en prison avant d'être finalement graciés, et rien ne dit que cela n'aurait pas été le cas de Céline, mais justement : Céline, c'était un gros poisson. Les petites plumes de Je Chie Partout, à côté, ça ne valait pas tripette. Et même si Brasillach avait un peu satisfait le besoin de sang et de vengeance, le risque aurait tout de même été sérieux.
En se réfugiant au Danemark, qui refusa de l'extrader, Céline a très certainement sauvé sa peau avec une certaine lucidité. Certes, il y a vécu en prison, mais c'est toujours mieux qu'un bandeau sur les yeux. Et puis faut pas déconner, il méritait bien quelques années de cachot...
Picrotal Parano lunatique
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Sujet: Re: Lectures (3) Lun 29 Oct 2012 - 22:52
MaximeR a écrit:
Sinon effectivement, cette analogie n'est certainement pas à faire. Je suis juste un fanatique de littérature, et j'ai du mal à admettre que la politique vienne la corrompre, voilà tout.
Je ne trouve pas qu'elle la corrompe : elle l'alimente. Un écrivain se nourrit de tout, et aussi de politique, et c'est heureux. Sade c'est très politique, Hugo c'est très politique, et puis Rabelais c'était très politique, et que dire de Voltaire, de Rousseau, de Diderot... Et puis Zola... Et plein d'autres encore... Ça vaut autant que l'amour, la nostalgie, les martiens et les petites fleurs, sincèrement.
Bref, comme dirait l'autre : tout est bon pour l'inspiration, même le cul de ma concierge !
Golisande Mélomane chevronné
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Sujet: Re: Lectures (3) Lun 29 Oct 2012 - 23:01
Picrotal a écrit:
On ne peut pas se contenter de dire : « il détestait tout le monde » pour expliciter son antisémitisme, sincèrement. Il y a la part de misanthropie, il y a la part de délire, il y a la part d'humour, il y a la part de paranoïa, et il y a la part d'antisémitisme pur, « aryen » et hygiéniste, très proche de celui défendu par le nazisme.
Je pense malgré tout que c'est sa détestation généralisée, son "tropisme haineux" et sa paranoïa complotiste qui l'ont amené à verser (malgré son immense intelligence) dans ce type d'idéologie, qui ont rendu possible chez lui cet antisémitisme-là... (Comme chez Hitler, sans doute, mais Céline avait du génie.) Ce qui ne l'excuse en rien, évidemment.