PP - OP Harding/Capuçon - Elgar-Brahms - 23/12/2021

Programme
Edward Elgar : Concerto pour violon
Richard Wagner : Siegfried-Idyll
Johannes Brahms : Schicksalslied, Geistliches Lied (Chant spirituel).

Distribution
Orchestre de Paris
Chœurs de l'Orchestre de Paris
Daniel Harding, direction
Renaud Capuçon, violon

Concert réservé un peu à contre-cœur, à l'occasion d'une promotion qui mettait le prix de la première catégorie au niveau de la 4ème, principalement pour remplir un peu la période des Fêtes, particulièrement pauvre en concerts cette année.
Les différentes modifications de programme n'ont pas été pour me satisfaire : supprimé le Schumann, supprimé le Schubert... remplacés par le morceau de Wagner que j'aime le moins.

Elgar : à part le thème du premier mouvement, je n'ai pas bien compris où va ce concerto. Comme la symphonie entendue à Radio France en début de saison, c'est de la belle musique à pâte épaisse, très souvent, voire tout le temps, dense, mais que je ne comprends pas vraiment. Pas de développement apparent, pas de climax particulier, ça ne me fait pas voyager. Plutôt bien interprété par Renaud Capuçon, belle complicité avec le chef, avec des saluts chaleureux.
Pas de rappel.

Wagner : particulièrement bien interprété ce soir-là, Harding en a sûrement tiré ce qu'il pouvait en tirer de mieux. Certains passages en devenaient presque intéressants !

Brahms : belle musique avec chœurs. C'était chaud et douillet. Paroles surtitrées franchement désuètes. J'ai bien aimé la dualité majeur / mineur du premier morceau, les passages en mineur étant les plus réussis à mon goût, exprimant la difficulté de la condition humaine.

Grosses émotions pour le dernier soir de Lionel Sow, l'occasion de constater à quel point il était apprécié des chœurs ! Quelques mots par Harding au micro, avec même un peu d'humour sur le programme du soir, modifié plusieurs fois ("il est trop tard pour modifier encore le programme, rassurez-vous").

Rocktambule a écrit:

Paroles surtitrées franchement désuètes.

Pas compris. Tu parles des thèmes et du langage des poèmes mis en musique par Brahms?

Benedictus a écrit:

Rocktambule a écrit:

Paroles surtitrées franchement désuètes.

Pas compris. Tu parles des thèmes et du langage des poèmes mis en musique par Brahms?

Oui, des phrases assez niaises :
Vous déambulez là-haut dans la lumière
Sur un doux terrain, ô esprits bénis !
De radieux souffles divins
Vous effleurent,
Comme les doigts de l’artiste
Effleurent une céleste lyre.

Ça devient plus intéressant lorsque ça traite des humains :
Mais à nous il n’est donné
Aucun endroit où reposer ;
Ils déclinent, ils titubent
Les humains affligés,
Aveuglément d’une heure
À la suivante,
Comme l’eau d’écueil
En écueil projetée,
À longueur d’année plongés dans l’incertitude.

Oui, forcément, c'est de la poésie allemande d'une autre époque, hein, c'est un peu normal que ça ne parle plus très directement à notre sensibilité ou à nos préoccupations: on ne peut pas non plus exiger de Hölderlin ou d'un poète saxon de la guerre de Trente Ans qu'ils parlent de véganisme ou d'intersectionnalité dans le langage d'Orelsan ou de Houellebecq...

J'ai employé le mot "désuet", donc sous la plume, ça correspond à ton commentaire : daté mais mignon, dans son jus.

Ah, non, je n'ai pas dit «mignon» (je pense que Hölderlin mérite quand même une autre lecture.) Mais ce qui m'étonne, c'est que ça t'ait tellement frappé ici: oui, ça nous est devenu étranger et les naïvetés très «idéalisme allemand» de ce texte peuvent même nous tirer un sourire; mais ni plus ni moins que Schiller dans la 9ᵉ de Beethoven, Klopstock dans la 2ᵉ de Mahler et Goethe dans la 8ᵉ, si? (Je ne parle même pas des neuf dixièmes des poèmes mis en musique par Schubert!)

Rocktambule a écrit:

Elgar : à part le thème du premier mouvement, je n'ai pas bien compris où va ce concerto. Comme la symphonie entendue à Radio France en début de saison, c'est de la belle musique à pâte épaisse, très souvent, voire tout le temps, dense, mais que je ne comprends pas vraiment. Pas de développement apparent, pas de climax particulier, ça ne me fait pas voyager. Plutôt bien interprété par Renaud Capuçon, belle complicité avec le chef, avec des saluts chaleureux.
Pas de rappel.

Quand même le 2è mouvement est assez beau.
Le truc c'est que c'est long, surtout le final, ça aide à se perdre.

Programme assez homogène dans son atmosphère sereine, peu tendue, pas désagréable.
Pas hyper passionnant non plus, mais j'ai apprécié malgré tout.
J'y étais mercredi.

Benedictus a écrit:

Oui, forcément, c'est de la poésie allemande d'une autre époque, hein, c'est un peu normal que ça ne parle plus très directement à notre sensibilité ou à nos préoccupations: on ne peut pas non plus exiger de Hölderlin ou d'un poète saxon de la guerre de Trente Ans qu'ils parlent de véganisme ou d'intersectionnalité dans le langage d'Orelsan ou de Houellebecq...

Sans aller jusque là, il faut convenir que les poèmes allemands mis en lied au XIXe sont souvent assez premier degré,si on les compare aux Verlaine choisis par Fauré ou aux Eluard de Poulenc (mais bon, Albert Samain ou Sully Prud'homme, ce n'est pas non plus toujours très profond)

Le poème d'Hölderlin est très beau, mais très difficile à traduire. J'ai quand même été surpris par la nullité de la traduction. Rendre "auf weichem Boden" par "sur de doux terrains" est très littéral, atrocement plat et à peine convenable en français d'ailleurs, ça ne veut pas dire grand chose. Je pense qu'il faudrait prendre plus de liberté avec le texte et avoir plus d'imagination. Ca sent la traduction d'un étudiant en L3 d'allemand...

Sinon, beau concert, mais je me perds pas mal dans le concerto d'Elgar, même si c'est bien mieux que le soporifique Gerontius (mais moins bien que le concerto pour violoncelle). Dommage que le programme choral ait été raboté à ce point.

J'y étais mercredi... et jeudi, tellement le concerto d'Elgar m'a plu !
C'est un concerto à la forme très rhapsodique, qui fait plutôt penser à une symphonique concertante, tellement l'orchestre est dense et a une place très importante, un peu dans l'esprit du 1er concerto pour piano de Brahms.
Les enchaînements entre violon et orchestre sont souvent étonnants et le violon revient parfois comme par surprise. Il y a beaucoup de thèmes très chantants.
Et la cadence est surprenante avec un accompagnement des cordes pour lequel on cherche à savoir comment est obtenue cette sonorité inhabituelle. On parle dans le programme de "pizzicato tremolo fait avec les gras de 3 ou 4 doigts".
La première fois que j'ai entendu ce concerto, il y a bien longtemps, il m'a paru très ennuyeux. Il faut dire que j'ai rarement entendu un violoniste qui jouait aussi faux !
La deuxième fois, très bien joué, il m'a beaucoup plu. Et la troisième fois, j'en viens à penser qu'il devrait rentrer dans le répertoire courant.
Je suis d'accord avec Stolzing qu'on s'y perd parfois. Cette oeuvre a besoin d'être réécoutée.
J'ai beaucoup apprécié l'accompagnement de Daniel Harding, flamboyant, n'hésitant pas à faire sonner l'orchestre avec beaucoup de puissance.
J'ai toujours beaucoup aimé Harding, car avec lui, l'orchestre sonne toujours merveilleusement, mais je le trouvais parfois un peu froid, et il me semble que depuis qu'il vient comme chef invité, il paraît davantage se laisser aller, être plus
à l'aise. Renaud Capuçon était très bon, surtout dans tout ce qui est lyrique, avec un son et un legato magnifiques. Il y a toujours une chose qui m'ennuie chez lui, c'est sa tendance à savonner les passages rapides et virtuoses.
Mais je ne vois jamais cela mentionné dans les critiques, alors peut-être est-ce mon oreille qui me trahit ! Quelqu'un a t'il constaté cela ?
Très bel orchestre encore dans Siegfried-Idyll. Et cela faisait très plaisir d'entendre le Schicksalslied, oeuvre hélas fort peu jouée, qui fait très nettement penser au Requiem, et dont le caractère de la musique me semble très fidèle
au texte ; du moins au début, car ensuite j'ai négligé de le lire. Beaucoup de regret de n'avoir pas pu entendre Nachtlied de Schumann, oeuvre encore plus rare.
Je n'ai pas trouvé quelqu'un à qui j'aurais pu demander la raison de cette absence.

Fritelli a écrit:

[...]Il y a beaucoup de thèmes très chantants.
Et la cadence est surprenante avec un accompagnement des cordes pour lequel on cherche à savoir comment est obtenue cette sonorité inhabituelle. On parle dans le programme de "pizzicato tremolo fait avec les gras de 3 ou 4 doigts".

Concernant les thèmes, ils m'ont manqué justement, à part celui du premier mouvement, je n'ai rien identifié de facilement palpable. Dommage ! Comme tu l'indiques, je devrais peut-être le réécouter à l'occasion.

Concernant le pizzicato, j'aurais aimé l'entendre plus distinctement et plus longuement. C'est effectivement assez original. Malheureusement, c'était quasiment tout le temps couvert par Capuçon, j'aurais aimé le goûter "pur" !

Stolzing a écrit:

Le poème d'Hölderlin est très beau, mais très difficile à traduire. J'ai quand même été surpris par la nullité de la traduction. Rendre "auf weichem Boden" par "sur de doux terrains" est très littéral, atrocement plat et à peine convenable en français d'ailleurs, ça ne veut pas dire grand chose. Je pense qu'il faudrait prendre plus de liberté avec le texte et avoir plus d'imagination. Ca sent la traduction d'un étudiant en L3 d'allemand...

Je n'ai jamais trouvé de traductions de Hölderlin qui parvenaient à ne pas dénaturer au moins partiellement l'original. C'est horriblement difficile à traduire.

(Ce qui n'empêche pas qu'on puisse mal le traduire en plus de ça – les traductions des notices de concert et des surtitres sont rarement des merveilles.)