Votre dernier film visionné

Nicolas Pariser : Le parfum vert        2022


On ouvre l'année avec un film dont Vincent Lacoste occupe l'un des rôles principaux — et avec un réalisateur dont je n'avais vu jusque-là aucun film : Nicolas Pariser. Le début du film est assez réjouissant : ouverture avec citation de plusieurs films de Hitchcock, on comprend assez rapidement qu'il va s'agir d'un film d'espionnage archétypal mais dont la mécanique parfaitement huilée ravit dans un premier temps. Au fil du film, je ne dirais tout de même pas que le procédé s'essouffle puisqu'il reprend même un peu de souffle à mi-parcours avec cette histoire de collectionneur de bandes dessinées — la bande dessinée dont l'esprit est va très bien avec celui de la réalisation —, mais je sais pas, je trouve que malgré sa réussite technique, le film n'a pas su aller plus loin que le plaisir de la réincarnation et des belles couleurs ; c'est du coup assez plaisant mais sans être non plus ébouriffant ni passionnant.

Mon résumé cinématographique pour 2023 :

Bananas

+

Rocky le premier.On ne présente plus Rocky.
Je ne sais si l'on ne peut pas dire quelque part que ce premier Rocky est un chef-d'oeuvre du film populaire de l'époque. Plusieurs fois que je le revois et toujours ému , par cette belle histoire  d'amour ,mélangée à un combat de boxe de folie.Stallone a fait fort ,tout en restant dans la simplicité.La scène de séduction de ce film est sûrement l'une des plus touchantes du cinéma.
Les scènes de boxe sont totalement crédibles, même s'il y a une petite part de mélo dans ce film, avec le vieil entraîneur larmoyant sur le retour.Qu'un boxeur champion poids lourd  veuille combattre avec un boxeur de troisième zone semble aussi un peu gros, mais l'amérique  est bien le pays des contradictions les plus dingues ,ou le rêve est toujours permis . Bref,quand quelque chose nous plaît à ce point , c'est qu'il y a quelque chose de beau et d'humain, dans ce film,qui nous touche et donne envie aussi, de le revoir à chaque fois.

Audrey Diwan : L'événement        2021


Ce film est une adaptation du livre homonyme d'Annie Ernaux dans lequel elle raconte son avortement lorsqu'elle était étudiante (donc avant la dépénalisation — ce qui dissuade en partie les personnes de l'aider car elles risqueraient elles aussi le prison), son passage par des médecins qui ont refusé, les risques, le fait que ça ne marche pas toujours, que ça soit douloureux et parfois dangereux. L'adaptation est assez fidèle en terme de contenu — même s'il me semble qu'à la fin du livre, Ernaux revient du côté du pont Cardinet (où elle a avorté) et que ça la perturbe beaucoup. L'adaptation est assez simple mais efficace et je trouve que cela repose en grande partie sur l'interprétation d'Anamaria Vartolomei qui arrive à faire passer d'une part l'inquiétude et l'urgence et d'autre part, l'aplomb du personnage de l'étudiante.

Felipe Gálvez : Les colons        2023

 +
Ce film est le premier long-métrage du réalisateur chilien Felipe Gálvez et comme son nom le laisse entendre, il met en scène les processus coloniaux à l'œuvre en terre de feu au début du vingtième siècle — qui en laissent d'ailleurs apparaître d'autres. J'ai au départ été un peu dérouté par l'aspect au prime abord un peu éparpillé du film, j'ai trouvé que finalement, ça allait assez bien avec la trajectoire du film (notamment dans sa première partie, qui a davantage trait à l'exploration — en plus, avec cette photographie (par moment très vaporeuse) et ces paysages superbes...) et ça donnait peut-être une existence cinématographique plus tangible à ces multiples rapports coloniaux, parfois se cognant l'un contre l'autre ou multivoque. J'ai aussi bien aimé (et été assez impressionné) la manière dont le film arrive à créer des histoires périphériques crédibles sans pour autant les développer : je pense par exemple à la scène où l'américain arrive et que les deux autochtones créent spontanément un lien et une petite histoire — d'ailleurs, cela reviendra à la fin ; à cet égard, j'ai également beaucoup aimé le plan final, assez fort où elle refuse de poser pour le colon Vicuña.

Max et les ferrailleurs

+

Film de Tarek Boudali : 3 Jours Max

Laurent Lafitte : L'origine du monde        2020

 +
Ce film est à ma connaissance la première réalisation de l'acteur Laurent Lafitte, il s'agit d'une comédie dont le titre vient tout droit du célèbre tableau de Courbet qui donne également le fil rouge du récit du film : un homme bourgeois (interprété par Laurent Lafitte) se rend subitement compte que son cœur ne bat plus mais qu'il vit encore ; inquiet, il en parle à son ami vétérinaire (interprété par Vincent Macaigne) qui dit qu'il ne peut rien faire pour lui mais que ça l'inquiète ; il en parle alors à sa femme (interprétée par Karin Viard) qui l'emmène voir sa coach de vie holistique (interprétée par Nicole Garcia) qui lui dit qu'il est possédé par un mal dont j'ai oublié le nom et que le seul moyen de s'en défaire, c'est de prendre une photo du sexe de sa mère ; bon, voilà, du coup, le reste du film, ça tourne presque au film à sketches où chacun des sketches est une agression afin d'essayer d'obtenir une photo du sexe de la mère, chaque fois avec un prétexte différent ; bon, du coup, en terme de drôlerie, c'est tout de même pas ça et c'est assez chaud que ce soit le point central du film. Bon, sinon, quasiment tou(te)s les acteurices sont très bien — Vincent Macaigne dans un nouveau look assez improbable ! — et la mise-en-scène n'est pas mal, tout comme les dialogues qui sont parfois assez drôles mais ça fait un peu empilement de différentes choses.

Cédric Klapisch : En corps        2022

 +
Je connais assez mal le cinéma de Klapisch, je n'ai vu que ses deux premiers films ; je n'avais pas trop d'idées à propos de ce à quoi ça pouvait ressembler maintenant mais celui-ci me semblait sortir un peu du lot sur le papier. Dans ce film, on suit une danseuse classique qui se blesse assez gravement lors d'une représentation ; cela signifie donc : plus de danse pendant un petit bout de temps. Le film ne va pas exactement nous jouer la litanie de la souffrance de la danseuse liée à l'impossibilité de danser : celle-ci va se reposer un peu en Bretagne et rencontrer une troupe de danse contemporaine, ça va être une sorte de réapprentissage. Dans ce film, j'ai aimé quelques-unes des scènes de danse (notamment la scène initiale et quelques autres, de manière un peu éparse) mais j'ai trouvé qu'elles n'étaient pas toujours très bien intégrées et qu'à la fin, ça passait de moins en moins ; dans ce registre, il y a une scène où sont mis en parallèle de la musique (ou de la danse ?) et de la cuisine, ça fonctionne étonnamment bien. Bon, par contre, les dialogues, ce n'est vraiment pas formidable : certains passages sont assez plats et d'autres font sourire par leur aspect plaqué ; même si le scénario n'est pas merveilleux, ça se suit tout de même sans trop de douleur.

Théo Nourdin : Inédit en Europe        2023


Dans ce court-métrage d'une quinzaine de minutes, on suit une femme coach d'obédience New Age qui mène un stage de lâcher prise au beau milieu de nulle part dans les Vosges, la règle d'or est d'être le plus aléatoire possible ; à partir de là, le film s'amorce et l'on suit le délire de chacun(e) : cocktails molotov, chaussures en gratin ou ingestion de baies toxiques, il y en a pour tout les goûts. Ce que j'ai bien aimé dans ce court, c'est qu'il reste toujours sur sa ligne expressive et ne fléchit jamais ; en plus de ça, même s'il y a une seule et même ligne de force, les personnages sont assez différents (et les acteurices qui les jouent les jouent particulièrement bien dans leur diversité — en tête, Sacha Béhar (l'un des membres du duo humoristique DAVA) mais aussi Laurent Bateau), ça permet d'éviter la lassitude.

Jean-Christophe Meurisse : Oranges sanguines        2021


Ce film est le deuxième long-métrage de Jean-Christophe Meurisse — qui semble plutôt porté sur le théâtre — ; j'avoue que l'affiche était plutôt repoussante pour moi sur laquelle on peut lire "Attention : comédie méchante" en haut. Je crois que je n'aime finalement pas trop ce genre d'humour et je n'ai personnellement pas trouvé le film drôle (ou alors vraiment très épisodiquement) : non pas qu'il ne faille absolument pas rire des situations des personnages (qui sont parfois horribles — notamment le couple de petits vieux qui se lance dans un concours de danse pour espérer éponger (une partie) de ses dettes) mais je n'ai juste pas trouvé ça drôle ; en plus de ça, je trouve qu'en voulant tirer de tous les côtés (parce qu'il faut en général montrer qu'on est subversif), on met tout sur un même plan d'égalité — et puis bon, en plus, c'est finalement assez prévisible. En plus de ça, il y a un côté ouvertement subversif (et fier de l'être) — alors que bon... — qui est assez pénible et qui pousse à la surenchère (quelques exemples : une jeune femme qui viole son violeur dont un chien mangera d'ailleurs les testicules, si je me souviens bien). Bref, ça ne fonctionne pas pour moi mais j'imagine que si on aime un peu ça, alors c'est très bien.

Jean-Marc Moutout : Tout doit disparaître        1996

 +
Je suis tombé au hasard sur ce court-métrage et franchement, c'est une belle surprise : il y a une belle ambiance et une écriture  solide. On y suit deux hommes qui habitent en banlieue parisienne et qui sont en recherche d'emploi ; dans leur domaine, il n'y a pas d'emploi et ils se retrouvent tous deux à travailler une demi-journée pour une société de déménagement ; à leur arrivée sur place, ils voient des voitures de police et découvrent qu'ils ont été embauchés pour expulser des gens de leur appartement dans un HLM. Le film montre que les agences d'interim sont des structures (et d'ailleurs, à la fin, on voit bien que ce n'est pas un cas isolée car elle agit de pair avec la police qui est déjà sur place pour procéder à l'expulsion) qui sont là pour assurer l'ordre hégémonique et notamment le respect de la propriété ici ; en plus, ici, elles le font en utilisant des gens précaires (et précarisés), en les mettant au pied du mur pour qu'ils aident à maintenir cet ordre contre leurs semblables ; le film montre bien aussi qu'il s'agit vraiment d'utiliser ces personnes car on ne les embauche qu'une demi-journée, pour une seule expulsion, car il faudrait surtout pas les payer une demi-journée de plus ! Sinon, à part ça, j'ai beaucoup aimé l'atmosphère nocturne du début, naturaliste mais un peu chagrinée/chagrinante et puis le reste est d'aussi bonne tenue.

Emeryck a écrit:

Jean-Christophe Meurisse : Oranges sanguines        2021


Ce film est le deuxième long-métrage de Jean-Christophe Meurisse — qui semble plutôt porté sur le théâtre — ; j'avoue que l'affiche était plutôt repoussante pour moi sur laquelle on peut lire "Attention : comédie méchante" en haut. Je crois que je n'aime finalement pas trop ce genre d'humour et je n'ai personnellement pas trouvé le film drôle (ou alors vraiment très épisodiquement) : non pas qu'il ne faille absolument pas rire des situations des personnages (qui sont parfois horribles — notamment le couple de petits vieux qui se lance dans un concours de danse pour espérer éponger (une partie) de ses dettes) mais je n'ai juste pas trouvé ça drôle ; en plus de ça, je trouve qu'en voulant tirer de tous les côtés (parce qu'il faut en général montrer qu'on est subversif), on met tout sur un même plan d'égalité — et puis bon, en plus, c'est finalement assez prévisible. En plus de ça, il y a un côté ouvertement subversif (et fier de l'être) — alors que bon... — qui est assez pénible et qui pousse à la surenchère (quelques exemples : une jeune femme qui viole son violeur dont un chien mangera d'ailleurs les testicules, si je me souviens bien). Bref, ça ne fonctionne pas pour moi mais j'imagine que si on aime un peu ça, alors c'est très bien.

Pour moi ça n'est pas une comédie, c'est un film qui passe d'un genre à l'autre sans arrêt (dont la comédie, furtivement en effet), mais c'est un des films français les plus forts de ces dernières années à mon goût.

Maestro



Le Grand partage

+

Thomas Salvador : Vincent n'a pas d'écailles        2014

 + / 
J'avais découvert Thomas Salvador au hasard et en salle avec La montagne que j'avais trouvé visuellement très chouette mais qui m'avait tout de même pas mal ennuyé par son minimalisme en dépit de son décrochage progressif vers une sorte de réalisme magique visuellement attirant. Beaucoup des choses qui le composent étaient déjà présentes dans Vincent n'a pas d'écailles, en fait : le réalisateur qui se met en scène comme personnage principal qui va d'un monde vers un autre (avec des éléments de nature fantastique), son rapport étroit avec un lieu naturel (ici, c'est même carrément un élément puisqu'il s'agit de l'eau alors que dans La montagne, il s'agissait de bah... la montagne) qui fait office d'interface entre ces deux mondes. J'ai toutefois trouvé que ce film était plus réussi que son successeur parce qu'il était plus ouvert et flottant : le fait que l'eau puisse surgir un peu partout et sous différentes formes rend le film plus divertissant et je trouve que sa trajectoire est assez proche de celle de l'écoulement. Il y a également tout un truc assez comique mais également assez beau autour du rapport au film de super-héros, auquel duquel le film tourne, en y faisant parfois quelques pas (la scène de l'essayage de la combinaison de plongée comme un costume de super-héros) mais n'y mettant jamais totalement les pieds et jouant du décalage — et c'est sans doute aussi ça qui fait qu'il est plus réussi que son successeur. Pour moi, c'est un film assez atypique, réussi et surtout vraiment beau.

Michel Deville : Nuit d'été en ville        1990


Ce film montre à nouveau à quel point la filmographie de Deville est variée : en lançant un Deville, je m'attends en général à quelque chose de très fabriqué, d'assez ludique, de musical ; le scénario est parfois un peu léger mais ça marche quasiment toujours et c'est agréable à suivre. Ici, il m'a pris de court car ça ne ressemble pas vraiment à ça : dans ce film, on suit un homme et une femme (respectivement interprétés par Jean-Hugues Anglade et Marie Trintignant) allongés seuls et nus dans un lit dans un appartement aux multiples pièces ; le film va alors être une longue discussion sur leurs vies respectives (ils semblent ne pas trop se connaître) qui passe par des thèmes assez variés. Honnêtement, la discussion ne m'a pas trop intéressé en tant que telle mais j'ai plutôt aimé la manière dont, parallèlement à cette discussion et pas toujours dans une logique de correspondance, Deville fait sa petite mise-en-scène de son côté et que comme s'il essayait de travailler à la fois pour et contre le huis-clos : d'un côté, il accumule les images disjointes (ce qui donne une impression d'accumulation) et de l'autre côté, il fait aussi pas mal de plans plus continus qui déploient l'espace de l'appartement — qui est quand même chouette. Sinon, j'ai bien aimé la fin où ils finissent tous les deux habillés dans le lit — c'est typique des films de nuit étirée mais en général, on nous montre le petit matin donc là, c'est un peu original et tout aussi pertinent. Tout ce que j'ai dit peut peut-être laisser penser que j'ai beaucoup aimé le film mais bon, je dois dire que le fait qu'il y ait aussi une discussion monolithique qui ne m'intéresse pas vraiment m'a tout de même un peu ennuyé ; ce film ne rejoint donc pas ceux que je préfère chez ce réalisateur.

Kirill Serebrennikov
Leto

Je vois que l'usage du noir et blanc, alterné avec la couleur, a l'air d'être commun à plusieurs de ses films. J'ai trouvé que c'était réussi dans ce film : le noir et blanc, qui pourrait apparaître comme un patine à l'ancienne années 80 (et hommage cinéphile un peu cliché au cinéma de cette époque rock, les premiers Jarmusch, Wenders), mis en tension par le format panoramique (qui en contredit la nostalgie), les dérapages fanzine punk, les fausses archives paradoxalement colorées, ou la trouée vers la couleur au travers de la "toile". Plus intranquille qu'il n'y paraissait.

Oui, il est vraiment chouette, ce film !

Oui, très bon (même quand on ne connait absolument rien au rock).

Oui, beaucoup de choses attachantes, le triangle amoureux, le désir de liberté, et souvent drôles (les gages de sociabilité donnés aux institutions socialistes…)

La Femme d'à côté

Anne-Marie Miéville : Lou n'a pas dit non        1994

 +
Comme beaucoup, je ne connaissais jusque-là que les réalisations de Miéville avec la compagnie de son compagnon Jean-Luc Godard ; ce film est son deuxième long-métrage seule, on y suit un couple qui se délite mais qui est à la fois cerné par les couples : le couple de la danse, le couple de statues, Lou Salomé et Rilke dont la correspondance irrigue le film, Lou et Théo. Le film est très composite : il est composé de pas mal de choses préexistantes (la fin était un court-métrage que Miéville avait déjà tourné, la belle scène de danse avait déjà été tournée) et fait pas mal appel à la citation — et à cet égard est vraiment godardien. En fait, ma réaction est également assez proche de celle que j'a(urai)i(s) face à pas mal de films de Godard : il y a des moments sublimes mais globalement, ça me passionne déjà moins.

Nicholas Ray : A woman's secret        1949


Ce film est le troisième film de Ray et c'est le plus oubliable de sa filmographie que j'ai vu jusqu'alors — d'ailleurs, il me semble que Nicholas Ray a plus ou moins désavoué ce film qu'on lui a mis sur les bras. Le résultat est un film noir assez banal qui tourne autour d'une chanteuse tuée après qu'elle quitte la profession pour une extinction de voix ; le film déploie l'enquête à travers une série de flashbacks et de personnages, le tout gravitant autour de la jeune chanteuse que la défunte et son pianiste promouvaient — pour terminer sur une fin assez ridicule, en plus... Le film n'est pas ridicule mais assez/vraiment anecdotique à tout point de vue — y compris celui des prises de vues et de la mise-en-scène.

Elia Kazan : The visitors        1972


Il y avait assez longtemps que je n'avais pas vu un film de Kazan et je dois dire qu'en lançant celui-ci, je ne m'attendais pas du tout à voir un film comme celui-ci : les trois Kazan que j'avais vus étaient tous très hollywoodiens — même si The arrangement (qui était je crois mon premier Kazan, à la Cinémathèque) était plus moderne que les deux autres qui sentaient davantage le studio — alors qu'ici, on a quelques acteurices (en général pas très connu(e)s à l'époque), un décor assez restreint (la maison du réalisateur) et un scénario écrit par le fils du réalisateur ; en terme de caméra, c'est également très simple : on est sur de la caméra à l'épaule (il y a vraiment une vibe cinéma indépendant américain des années soixante-dix à la Wanda ou des choses comme Panic in Needle Park) et sur un seize millimètres avec beaucoup de grain. L'histoire du film est assez simple : un ancien soldat qui a fait la guerre du Vietnam vit à présent avec sa femme et son bébé dans une maison (qu'il a récupérée du père de sa femme) en rase campagne ; tout à coup, deux hommes qui se disent amis de l'ancien soldat demandent à le voir et l'on comprend progressivement qu'ils sont venus pour régler leur compte avec lui car il avait témoigner contre eux dans une histoire de viol. Malgré sa simplicité, il raconte des choses intéressantes et qui vont au-delà de ça : il déconnecte cette affaire de viol de la guerre et montre des comportements structurels bien plus larges comme le montre par exemple la scène de fin (ou même, de manière plus régulière, le fait que la femme ne sorte jamais et s'occupe de toutes les tâches ménagères) ; on pourrait dire que les personnages sont un peu trop grossiers et que ce sont des sortes de personnages-conjurateurs (et peut-être que la construction du film accentue ça : tout est tendu vers cette scène finale) mais ça ne me semble pas délirant. Sinon, j'ai beaucoup aimé la manière dont le film utilisait tantôt une logique alternée du parallélisme : tout au long du film, le parallélisme (un lien d'opposition ou de disjonction étant sous-jacent) entre la froideur des extérieurs enneigés et vides (accentuée par le grain de la photographie — il y a vraiment une intensité texturale) et l'aspect chaleureux de l'intérieur de la maison ; la fin repasse sur un véritable parallélisme qui est terrible — l'un des amis qui remonte sa braguette et qui repart comme si son travail avait été fait et qu'il fallait rentrer chez lui alors que le couple est traumatisé — puis le générique apparaît sans aucun bruit. En tout cas, pour moi, c'était une assez chouette surprise.

Barbara Albert : Sonnenflecken        1998

 + / 
Je ne connaissais pas du tout cette réalisatrice, ce court-métrage de vingt-cinq minutes est sa troisième réalisation mais la première dont elle écrit le scénario : le film raconte l'histoire de deux femmes qui travaillent comme serveuses dans une station service au bord de l'autoroute ; comme pour échapper un peu à leur quotidien morose, elles sortent ensemble et le film joue avec l'exposition ainsi que la couleur pour configurer différents espaces qui ne sont pas présentés comme disjoints (le titre — littéralement "taches de soleil" — exprime d'ailleurs cette coexistence assez diffuse/vague) les uns des autres et puis il y a également plusieurs ouvertures (qui semblent un peu lointaines) notamment cette histoire d'ami au Canada. C'est pas mal, assez inventif mais ça ne m'a pas totalement passionné.

L'Adorable Voisine (1958) Richard Quine



Ça fait un bout de temps que je n'ai pas visionné un film aussi chouette.  

Meow ! :

Lyes Salem : Mascarades        2008

 /   +
Ce film est le premier long-métrage de Lyes Salem (mais également le film par lequel je le découvre comme réalisateur) et je dois dire que c'est une bonne pioche : il s'agit d'une comédie romantique qui m'a fait beaucoup rire. Ce film se déroule dans un petit village algérien, on y suit notamment un homme (interprété par le réalisateur) qui est un peu fantasque et frimeur (mais profondément drôle : il se présente lui-même comme "ingénieur en horticulture", c'est-à-dire jardinier) ; sa sœur est sujette aux moqueries du village car elle est atteinte de narcolepsie. Un soir, saoul, il déclare au village que sa sœur a été demandée en mariage par un riche homme d'affaire néerlandais (?) — ce qui n'est pas vrai ; s'ensuivront, comme à l'accoutumée, toute une série de quiproquos pour sauver les meubles tant bien que mal face au mensonge. J'ai trouvé le film vraiment bien écrit d'un point de vue comique car il instille une série de petits détails (parfois filés — comme celui, loufoque, du micro-ondes au début — parfois non — la séquence de répétition d'appel face au supposé homme d'affaire) qui rendent le film très drôle — et puis le personnage de Mounir est extraordinaire de drôlerie. J'ai aussi beaucoup aimé la séquence d'ouverture avec les trois hommes muets et statiques qui reçoivent la poussière d'un convoi de mariage qui passe, ça m'a pas mal fait penser à Elia Suleiman par son aspect en dehors.

Alan Clarke
Rita, Sue and Bob too!

Marion Hänsel : La tendresse        2013

 +
J'avais découvert Hänsel par le garrelo-akermanien Le lit qui m'avait pas mal plu car il retenait le meilleur de Garrel : un film intimiste dont la délicatesse est très belle ; il y avait aussi une atmosphère très bien installée notamment grâce à l'alternance de scènes dans un espace assez réduit et d'autres dans de grands paysages ouverts. Dans La tendresse, on retrouve cet aspect minimaliste (mais on perd ces paysages) notamment sur le plan du récit : un homme et une femme qui étaient en couple mais qui se sont séparés se retrouvent ensemble autour de leur fils victime d'un accident de ski. Le pitch semble usé jusqu'à la corde mais je trouve que Hänsel raconte ça très simplement et la logique adoptée semble être plutôt celle de la contingence que celle du surgissement (à des fins dramatiques) et j'ai trouvé que ça contournait l'aspect potentiellement usé de ce pitch ; la fin me semble assez éloquente à cet égard : une fois le fils rétabli, sa mère reste avec lui, les deux parents discutent entre eux (la mère le remercie puis il lui répond que c'est normal car c'est son fils) puis il repart normalement. En fait, le film ne met l'accent sur rien de spécial : par exemple, il est assez clair que les deux parents n'ont plus grand-chose en commun à part leur fils mais c'est comme ça et le film ne fait jouer quasiment aucun rôle au fait qu'ils ont été en couple ; j'ai trouvé ce minimalisme assez bien vu — et aussi, j'ai bien aimé le jeu d'Olivier Gourmet.

Pour la 36e fois : Da vinci code. Le duo Hanks / Tautou fonctionne très bien et dans les seconds rôles Reno en flic borné est excellent. Je ne me lasse pas de regarder ce film.

Wahou. J'ai déjà eu du mal à le regarder une fois.

Xavier a écrit:

Wahou. J'ai déjà eu du mal à le regarder une fois.

Je suppose que tu as lu le livre avant de voir le film ?

Certains l'aiment chaud (1959) Billy Wilder

Irène Jouannet : L'intrus        1984


Je ne sais même pas comment je me suis procuré ce film parce que je ne connaissais ni le film ni la réalisatrice. Ça me rappelle un autre film que j'avais choisi aléatoirement (enfin, dans ce cas, je connaissais le réalisateur) : Le viol de Jacques Doniol-Valcroze ; ici, un brocanteur accusé de vol se réfugie dans l'appartement d'une femme dans le treizième arrondissement de Paris. Le film met l'accent sur l'opposition entre ces deux personnages : le gars est plutôt toujours dehors, assez dynamique ; la femme est une sorte de transcriptrice de documents audio de toutes sortes qui reste cloîtrée chez elle. Je trouve ce genre de situations plutôt risquées parce qu'elles requièrent vraiment une écriture (qu'elle soit de nature cinématographique ou même dans les dialogues ; bref, de quoi mettre en place une atmosphère) solide et ça peut vite devenir extrêmement ennuyeux ; manque de bol, ici, c'était le cas — mais au moins, ça ne m'a pas énervé comme le Doniol-Valcroze.

Max Ophüls : Sans lendemain        1940

 +
Ce film est le plus ancien que j'ai vu réalisé par Ophüls, c'est l'un des derniers qu'il réalise en France avant de s'exiler aux États-Unis. C'est d'ailleurs assez marrant car il s'agit vraiment d'une hybridation entre le cinéma qui se faisait en France dans les années trente (réalisme poétique, comme on dit) et ce qu'il fera en revenant en France dans les années cinquante : on trouve déjà la thématique du spectacle (Lola Montès, Le plaisir et La ronde), le goût pour le mélodrame (même si c'est tout de même plus léger que dans d'autre de ses mélodrames) et ce mélodrame est aussi forgé sur une dissimulation, une histoire que l'on veut à tout prix faire survivre ; et puis, même si ce n'est pas aussi virtuose et emporté que ses films des années cinquante, on trouve déjà un sacré sens du mouvement de la caméra. J'ai également beaucoup aimé les lumières qui sont très variées : je pense par exemple à cette scène en voiture où le personnage (principal) de Feuillère parle avec un gars dans une voiture et à mesure de la tonalité de ce qu'il dit, la lumière sur le visage de Feuillère varie en intensité. Par contre, je ne sais pas trop si tout a été tourné en studio mais ça fait beaucoup moins fabriqué et beaucoup moins studio. Le scénario est peut-être un peu court sur pattes (après la mort de son compagnon qui était dans le milieu, une femme prend un poste de danseuse dans un cabaret parisien pour subvenir à ses besoins et à ceux de son fils ; un jour, elle rencontre un homme qu'elle avait rencontré (et aimé) au Canada, un médecin de renommée et loue un appartement de prestige pour lui masquer sa condition sociale — réalisme poétique, je disais : on y est) mais le film reste agréable à suivre avec même plusieurs moments assez intenses et une fin qui marche très bien avec cette conversation téléphonique qui aboutit une silence (plan de cabine téléphonique vide) et le film qui se termine sur un personnage qui s'en va puis une ruelle nocturne vide, c'est assez chouette.

Miloš Forman : Taking off        1971

 + / 
Ce film est le premier film de la période américaine de Forman que je vois — enfin, j'avais vu Amadeus il y a très longtemps mais je n'en ai quasiment plus de souvenirs donc ça compte pas — et c'est d'ailleurs le premier film qu'il a tourné depuis son arrivée aux États-Unis. Le film aborde principalement la rupture générationnelle entre celleux qui avaient une vingtaine d'années à ce moment-là et leurs parents ; le film m'a donné une impression assez bizarre car il est très structuré mais ça ne l'empêche pas de finir un peu au milieu de nulle part. Dans une première partie, le film montre d'une part un couple qui est à la recherche de sa fille et d'autre part, les extraits d'une émission musicale du type Le petit conservatoire où l'on voit la fille en question ; le film scinde vraiment ses personnages en deux groupes : d'une part, les parents qui cherchent leurs enfants qui ont fugué et d'autre part, les enfants qui vivent leur vie dans la ville ou dans cette émission musicale dont des extraits sont parsemés dans le film ; dans la seconde partie, on dirait que les parents modèlent leur conduite sur celle de leurs enfants : après s'être rendu à une sorte de congrès d'une association de parents abandonnés, l'organisateur de la soirée fait passer des joints qui tournent parmi les parents puis on suit les parents du début qui ramènent un autre couple chez eux pour jouer au strip poker et que tout ça se finisse avec le père qui chante le tube de La traviata en caleçon sur la table jusqu'à être aperçu par sa fille qui est entre temps rentrée à la maison. En fait, le film est un peu construit de manière dialectique puisqu'à la fin, la fille ramène son copain à la maison, le présente à son père et dînent ensemble. Honnêtement, je ne comprends pas trop pourquoi le film s'arrête là et je trouve que Forman ne parvient pas très bien à articuler les deux groupes formés (son approche dialectique ne fonctionne pas trop — en tout cas, pas particulièrement mieux qu'une autre approche) mais bon, je trouve que le fait d'aborder ce sujet assez comique est assez originale et dans chaque partie, il y a quand même quelque chose d'assez marrant : cette espèce de fil en formation des parents abandonnés dans la première puis ensuite, les parents qui lâchent les chiens dans la deuxième ; en fait, il y a juste la fin qui est un peu décevante.

Mati Diop : In my room        2020


Ce court-métrage d'une vingtaine de minutes a été tourné par Mati Diop pendant le confinement et sur le papier, ça met en place pas mal de choses qui me séduiraient : il y a une véritable logique d'assemblage puisqu'il semble s'agir de former un réseau de solitudes. En effet, Diop filme la vue depuis sa fenêtre puis des séries de fenêtres, globalement puis plus spécifiquement une fenêtre ouverte et surtout, la bande-son est quasiment exclusivement composée d'une conversation qu'elle a eue et enregistrée avec sa grand-mère lorsqu'elle était en fin de vie et victime de troubles de la mémoire — et restait pas mal chez elle, la question de la mettre en maison de retraite se posait. J'ai trouvé que malgré le fait que sur le papier, l'assemblage ait du sens, il ne fonctionne finalement pas aussi bien qu'on aurait pu l'espérer et on dirait qu'elle ne savait parfois pas trop quoi filmer pour mettre sur la voix de sa grand-mère.

luisa miller a écrit:

Xavier a écrit:

Wahou. J'ai déjà eu du mal à le regarder une fois.

Je suppose que tu as lu le livre avant de voir le film ?

Non, du tout.

La Grande Course autour du monde (1965) Blake Edwards



Baroque et délirant.

Sidney Lumet : The deadly affair        1967

 + / 
J'aime en général beaucoup les films de Sidney Lumet et ici, j'étais assez curieux à propos de la distribution puisqu'elle est notamment composée de James Mason, Simone Signoret et Harriet Andersson ! Le film est l'adaptation du premier roman de John le Carré, c'est un film d'espionnage où dans un contexte de guerre froide, un homme travaillant au Secret Intelligence Service est chargé d'enquêter sur un gars accusé d'accointances communistes dans les années trente (ce dont il se défend) et qui a été retrouvé mort, tout semble suggérer un suicide mais l'agent secret n'est pas convaincu. J'ai été assez déçu par ce film parce que même si l'histoire n'est pas si mal (il y a de la matière), j'ai trouvé que la mise-en-scène n'était pas vraiment inspirée et n'a pas aidé à pallier aux quelques longueurs du récit ; en plus de ça, j'ai trouvé qu'il n'y avait pas beaucoup de rythme ni trop de tension donc personnellement, ça m'a tout de même pas mal ennuyé. Il aurait sans doute été préférable de faire quelques coupes (tout le truc autour de l'histoire entre la femme de l'espion et Dieter, ça ne sert vraiment pas à grand-chose) et de rythmer la mise-en-scène (même si elle reste essentiellement fonctionnelle, ça serait déjà mieux) pour avoir un film dynamique d'environ une petite heure et demi ; pour moi, c'est le Lumet le plus anecdotique que j'ai pu voir.

Xavier a écrit:

luisa miller a écrit:

Xavier a écrit:

Wahou. J'ai déjà eu du mal à le regarder une fois.

Je suppose que tu as lu le livre avant de voir le film ?

Non, du tout.

Le best-seller de Dan Brown, c'est ça ?
Hum.

Анастасия231 a écrit:

La Grande Course autour du monde (1965) Blake Edwards



Baroque et délirant.  

Ah tiens il est passé sur ARTE pour Noël ou pour le jour de l'An, c'était assez sympa. C'est un peu "Satanas et Diabolo" en version live.

arnaud bellemontagne a écrit:

Hum.

Je n’osais le dire.

Prestissimo a écrit:

Анастасия231 a écrit:

La Grande Course autour du monde (1965) Blake Edwards



Baroque et délirant.  

Ah tiens il est passé sur ARTE pour Noël ou pour le jour de l'An, c'était assez sympa. C'est un peu "Satanas et Diabolo" en version live.

On peut imaginer que ce film ait inspiré les séries animées ultérieures dont "Les Fous du Volant" (1968) et "Satanas et Diabolo" (1969), bien que l'on trouve une autre source sur la page wikipédia en question. Peu importe.

Il y a une décennie, j'ai découvert ce film sur la chaîne Arte (décidément) ; je l'ai revu en DVD. Intéressante coïncidence.

xoph a écrit:

Alan Clarke
Rita, Sue and Bob too!

/watch?v=mShoL4DEWto

Pas le meilleur film de Clarke mais c'est quand même à voir!

J'y ai été un peu au hasard, j'ai aussi dans ma pioche The Firm et Éléphant.
C'était le premier film de lui que je voyais, qui me donne envie d'aller plus avant.
Tu conseilles lesquels ?

Dans ce que j'ai vu de Clarke tout est bon, bien aimé Road & Made In Britain.