Ce soir, dépaysement avec le piano solo d'Othmar.
Othmar Schoeck: Sämtliche Klavierwerke (Jean Louis Steuerman)Je ne savais pas à quoi m'attendre, après la surprise de
Gaselen... Et je ne suis pas déçu, du coup, cela ne ressemble à rien que je connaisse de son catalogue employant du piano.
Le gros du programme est représenté par
Ritornelle und Fughetten. Ma méconnaissance de la littérature pianistique m'empêchera de donner suffisamment de références éclairées, mais j'y entends du
Bach romantisé avec des fausses notes. Les ritournelles sont surprenantes, et généralement dépouillées ou lentes. Une jolie chose consonnante comme la No. 1 subit des ralentissements et des pauses de plus en étranges vers la fin... Le carillon de la No. 2 subit des glissements... La No. 3 est en course effrenée (Bach à Vincennes), la No. 5 démarre dans un romantisme nostalgique bon teint, avant d'offrir des effets plus modernes, la No. 6 est une sorte de tintanabulement dans le silence, quelque chose de très dépouillé (je pensais à
Killmayer en sachant que ce n'est pas cela), beau déploiement véloce dans la No. 7. Et plus on avance, plus les ritournelles sont déstructurées et vaporeuses... Les fughetta, tout est dans le nom,
Bach modernisé en format de poche, avec des instabilités ou des accords
néo (la No. 4 et la No. 8 sont assez typiques de cette esthétique), le plus souvent au grand galop mais pas toujours. Mention spéciale à la No. 2 qui démarre comme
When you wish upon a star... La dernière est assez cabossée, le format fugue sonne presque comme une scorie, nonobstant les accords finaux qui rétablissent le genre et la tonalité.
Un cycle étonnant qui m'a donné envie d'y revenir pour essayer d'en mieux comprendre la structure, alors que Bach et le piano ne constituent aucunement des tropismes forts chez moi...
Les Sérénades (Op. 1 et Op. 27) sont d'un langage assez rétro, agrémenté de quelques accidents, la première dans une optique plus romantique, "dramatique" (au sens lisztien) et "cossue" (un espace sonore plus rempli que les pièces à venir). J'avoue un certaine appétence pour les 2 pièces Op. 29. La Consolation regarde définitivement dans le passé (rêverie mélancolique, pas spécialement saillante mais délicieusement apaisée, dans le goût de la No. 1 de
Liszt). La Toccata qui suit laboure tout le clavier à une vitesse stupéfiante. Ce genre d'exercice tenable grâce à une forte dose
de cocaïne d'entraînement régulier ne manque jamais de m'étonner.
La valse Woo 32 est un bonbon de salon,
Souvenirs de Brissago, avec ses trémolos, donne l'impression d'un vieux film de vacances à la plage, et
Sorrento a d'étranges échos de Yann Tiersen mêlés de rengaine mélancolique.
Je ne sais pas à qui s'adresse ce disque, ni si les amateurs de piano y trouveront leur compte (ce n'est ni brillant ni saillant, et peut-être pas très original), mais de constater l'ambitus de Schoeck qui ne cesse jamais de m'étonner a constitué le moteur, et en fin de compte même pas le prix, de mon exploration ce soir.
Bonus : Das Wandbild: The mechanical ClockThe Eye of the Storm: Ferruccio Busoni’s Zurich friends and disciples (Andrew Zolinsky)La pièce discutée plus haut basée sur un livret de
Busoni, complètement inspiré par
E.T.A Hoffmann. Il existe donc ce très court extrait (à peine une minute) de délicate horlogerie, pour piano seul. Le titre ne ment pas, la pièce est parfaitement descriptive, mais ô combien charmante.