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| Écoute comparée : Beethoven, Große Fuge (terminé) | |
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+19oBlazeo Dave Siegmund Jorge athos Gesualdo calbo adriaticoboy mszczuj Ben. Cololi fcaton Resigned Lambert Wredo Utnapištim Horatio Mariefran Anaxagore 23 participants | |
Auteur | Message |
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Invité Invité
| Sujet: Re: Écoute comparée : Beethoven, Große Fuge (terminé) Lun 23 Avr 2012 - 19:56 | |
| Groupe B : RésultatsVotants : Utnapištim ; mszczuj (GMG) ; Jorge ; jurianbai ; Mariefran Avec 5 votants, ce groupe montre des résultats affirmés, la plupart des préférences réunissant au moins 4 avis concordants ! - Spoiler:
Le classement est donc très clair : 1. B4 ---> qualifié2. B3 3. B1 4. B2La verson B4 est donc qualifiée à l'aise ! 4e : B2 - Quatuor Pascal (Guilde, 1952)Jacques Dumont ; Maurice Crut ; Léon Pascal ; Robert Salles Vous n'y avez pas été sensibles. Certes, ce n'est pas techniquement parfait, mais enfin cette intégrale pionnière fut en son temps et pendant des années la plus diffusée, la première internationalement connue. Et j'ai découvert cet enregistrement à l'occasion de mes préécoutes. Il a balayé beaucoup de ce que je connaissais jusque là, même si je garde d'autres références cette version s'est imposée parmi mes favorites : passionnée, déchirante, elle prend aux tripes. Il souffle dans cette version un vent de volie que le découpage en extrait a peut-être un peu éteint. Ça ne se trouve pas facilement, pas de réédition officielle. Ceci dit j'ai vu que Forgotten Records (dont le boulot est vraiment admirable) a ressorti une partie de l'intégrale. 3e : B1 - Quatuor Amadeus (DG, 196?)Norbert Brainin ; Siegmund Nissel ; Peter Schidlof ; Martin Lovett Éliminé, et même pas de justesse ! Bon, écouté isolément c'est assez superbe : ce son propre, lisse, magnifique et doublé d'une technique infaillible pose un modèle sonore. Les choix interprétatifs visent à une fluidité classiciste, presque mozartienne. La maîtrise collective est confondante. Un grand enregistrement mais, pour la Fugue prise isolément, quelque chose vous a visiblement manqué, un engagement supplémentaire. L'intégrale est évidemment aisément disponible. 2e : B3 - Quatuor Hagen (DG, 2008)Lukas Hagen ; Rainer Schmidt ; Veronika Hagen ; Clemens Hagen Les Hagen avaient déjà enregistré la Grande Fugue en 1994. Mais l'enregistrement le plus récent dépasse de loin la première version, beaucoup plus d'idées et de prises de risques ici. Il y a une rage, un bouillonnement tempétueux qui vous a généralement plu. Il faut dire que la deuxième moitié de la Fugue voit le nivau s'élever un peu encore, alors que le début montre certaines approximations, un alto que je n'aime franchement pas, un violoncelle un peu dilettante. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Écoute comparée : Beethoven, Große Fuge (terminé) Lun 23 Avr 2012 - 20:20 | |
| Groupe E : RésultatsVotants : Resigned ; fcaton ; Gesualdo ; Kopachris (TC) ; Scherzian ; Mariefran 6 votants, et cette fois certains choix un peu plus problématiques, en particulier 3 égalités. Il faut donc recourir au classement moyen pour départager les versions à égalité, ce qui lève tout paradoxe. - Spoiler:
Le classement est donc le suivant : 1. E3 ---> qualifié2. E1 3. E4 4. E2La version E3 est qualifiée d'une façon assez surprenante puisque la plupart des votants en ont souligné assez sévèrement des faiblesses qu'ils ont cru déceler. Toujours est-il qu'en arrivant deux fois en tête grâce à fcaton et Kopachris, E3 est propulsée en finale... Une catastrophe pour les trois autres versions, dans un groupe parmi les plus relevés (sinon le plus relevé...) 4e : E2 - Quartetto Italiano (DG, 4/1969)Paolo Borciani ; Elisa Pegreffi ; Piero Farulli ; Franco Rossi Après les Amadeus, encore une référence internationale qui passe à la trappe dès le début et sur une gifle magistrale. Arrivée en tête chez Resigned, cette version a subi l'acharnement de trois autres participants qui l'ont placée dernier. Et pourtant même si je n'adore pas quand j'écoute ça je reste bluffé, par la qualité sonore certes, mais aussi la « charpente » qui porte cette fugue ainsi jouée, et par ailleurs le détail absolu (bien que ça manque du coup un peu de hiérarchie. Aussi, bien que lente, cette interprétation sonne toujours ainmée, et objectivement je ne peux pas la décrire autrement que superbe. Ça se trouve partout mais c'est trop cher pour des choses maintes fois amorties 3e : E4 - Yale Quartet (Vanguard, 1971)Broadus Erle ; Syoko Aki ; Walter Trampler ; Aldo Parisot Depuis que je les ai découvert par un mélange de curiosité et de passion pour les petits prix, les enregistrements du quatuor de Yale dans les derniers quatuors sont devenus pour moi des références à peu près absolues, en tout cas je ne place rien au-dessus, et peu de choses à côté. Pour le coup je pensais que l'écoute par extrait aurait tendance à favoriser, d'une part une magnifique prise de son, d'autre part une folie furieuse immédiatement communicative : violence de l'attaque (ces accords comme plaqués sur un clavier !), cette avancée inexorable, haletante de la fugue. Quelle tristesse que cette élimination Interdit de ne pas posséder le coffret 3 CD, moins de 10€ port compris sur Marketplace ! 2e : E1 - Quatuor Smetana (Supraphon, 1965)Jiri Novak ; Lubomir Kostecky ; Milan Skampa ; Milan Kohout On a parfois, un peu bêtement, tendance à mieux connaître la seconde intégrale des Smetana, chez Denon, bien moins riche en atmosphères, en urgence, en subtilité. Or, dans les premières gravures, les Smetana offrent un son magnifique, capté d'une façon un peu crue mais qui offre une proximité, une présence sonore hallucinantes (ce qui les rapproche d'ailleurs des Yale). L'engagement, la direction affirmée, cette façon de tendre le discours, de monter encore et plus, reflète un Beethoven endiablé. Tant pis, vous n'aurez pas la gigantesque explosion à 10 minutes |
| | | Invité Invité
| | | | calbo Pertusienne
Nombre de messages : 28126 Age : 53 Localisation : Pictavia Date d'inscription : 29/08/2006
| Sujet: Re: Écoute comparée : Beethoven, Große Fuge (terminé) Lun 23 Avr 2012 - 20:30 | |
| Je ne peux pas faire mieux que mercredi. Je vais d'ailleurs me remettre au boulot |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Écoute comparée : Beethoven, Große Fuge (terminé) Lun 23 Avr 2012 - 21:33 | |
| Le coup est dur et rude pour le groupe E, de loin le plus fort à mon avis (mais pas le plus homogène, là ce serait plutôt le C, je trouve), mais tu avais prévenu... Smetana I, Yale. - discobole a écrit:
- Tant pis, vous n'aurez pas la gigantesque explosion à 10 minutes
La plus prodigieuse compréhension et projection de l'invraisemblable transformation thématique au cœur de la seconde fugue (elle commence à 9'30'' en fait), monument éternel du génie de Jiri Novak à 10'10''. Le trait de violon le plus pur et le plus droit que j'aie jamais entendu en musique de chambre, à écouter à genoux. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Écoute comparée : Beethoven, Große Fuge (terminé) Lun 23 Avr 2012 - 22:22 | |
| Groupe A (version A1). - Spoiler:
A1. Je n'aime pas du tout cette version et, par plusieurs aspects, je trouve même son écoute plus que pénible. Une levée molle et empesée : les deux doubles croches au premier violon ont la vigueur d'un macaroni cuit et le violoncelle entre de façon progressive, avec son gros son toujours plus appuyé... La seconde variante dansée, mezzo forte, semble ne pas savoir où elle va et s'arrêter. Les quatre premières mesures Meno mosso e moderato exposent au premier violon plusieurs notes bien appuyées, nuances non écrites qui « chargent la barque » (le sol bémol, le mi bécarre grave, le mi bécarre aigu). Cette manière de surcharge « expressive », pour une phrase qui ne leur a rien fait ni demandé, ça me fait frémir. Le violoncelle est plus sobre, dans la seconde moitié. Tenues ainsi, les notes du contre-sujet de la fugue en si bémol majeur pourraient sonner mystérieuses, angoissées, mais le problème c'est qu'il n'y en a pas deux qui soient jouées de manière semblable dans la tenue. Dans le rythme non plus, d'ailleurs : il suffit d'écouter les deux « couples » de la mesure M26. Pour moi, cette surcharge pare le contre-sujet d'un sens étranger. Miracle à la fin : au casque, on entend le gazouillis d'un petit oiseau, dans le point d'orgue juste avant le début de la fugue (M30, vers 0'51'').
À mon avis, chaque section de la fugue en si bémol majeur est pire que la précédente. Dans la section S1, les deux premières entrées du contre-sujet (alto puis violoncelle et premier violon) donnent encore bien le change, mais la troisième fléchit déjà, en quinconce entre le violoncelle et le second violon. La quatrième, distribuée aux deux violons, chavire tout à fait : trop d'hétérogénéités d'attaque, de dynamique, de tenue, et le discours en devient déjà confus. Je crois qu'il y a aussi un énorme couac au dernier temps de la mesure M15 de cette section. Ça bave aussi beaucoup : voir, à 1'35,3'', le gigantesque sforzando non écrit sur mi bécarre au premier violon (début de la mesure M4 avant la section S2 à la lettre A). Arrive la section S2 et la confusion monte d'un cran ; je n'entends plus beaucoup de différenciation des strates contrapuntiques et de la couche polyrythmique, par exemple lors de la première entrée du sujet au violoncelle (M4 de S2 après la lettre A). Les instrumentistes essayent de miser sur la raucité des sonorités et la rugosité des textures, sans doute pas décidées, mais je trouve que ça ne fonctionne pas, à cause d'un grand déficit de tenue, d'homogénéité et de dialogue entre les différents pupitres, et de cohérence dans le jeu de chacun. Dans la plupart des entrées du contre-sujet, par exemple, il n'est pas rare que certaines notes soient éteintes ou en retrait et que d'autres, juste après ou avant, soient quasi éructées. Difficile de trouver de la tenue, de l'homogénéité et de la cohérence là dedans. De ce point de vue, la seconde partie de la section S2, après la lettre B, est assez difficile à supporter, en particulier l'entrée en strette. Encore de profonds fléchissements de l'intensité après la modulation en ré mineur. Au début de la section S3 (lettre C), bien futé qui pourrait retrouver la couche polyrythmique supplémentaire au second violon (elle y est quasi inaudible) : on a juste une suite d'accents poussifs et lourdauds sur une sonorité bien acide et criarde. L'éclatement du contre-sujet entre les pupitres, vers la fin de la section, est assez proche du capharnaüm. Dans la dernière section, à la lettre D, si les triolets ont encore un semblant de tenue, je trouve que les entrées du contre-sujet complété sont le plus souvent incompréhensibles et assourdissantes (pun not intended). Les deux premières, à l'alto puis au violoncelle, ont encore un peu de tenue, même si elles restent bien en retrait, mais la troisième, confiée au second violon, c'est n'importe quoi (notes éructées, sans aucun liant d'aucune sorte de l'une à l'autre, accents quasi aléatoires : on dirait des aboiements). La dernière entrée du sujet principal est aussi frappée d'une confusion qui ne fait que s'accroître durant les trois dernières mesures. La fin de la fugue en si bémol majeur, je l'ai accueillie avec soulagement.
Le bref extrait du Meno mosso e moderato montre des phrasés d'un prosaïsme atterrant, à cause d'un appui systématique et insistant sur la dernière double croche de chaque petit groupe, avant la croche et le demi-soupir, aux deux violons (M1 et M2 du fugato en sol bémol majeur). En fait, c'est une négation du phrasé porté sur la partition. Je remercie Discobole de leur avoir coupé le kiki plus tôt que d'habitude et n'importe comment.
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| | | adriaticoboy Mélomane chevronné
Nombre de messages : 7173 Date d'inscription : 17/08/2005
| Sujet: Re: Écoute comparée : Beethoven, Große Fuge (terminé) Lun 23 Avr 2012 - 23:58 | |
| Groupe D - Spoiler:
D1. Les premières mesures offrent tout de suite un avant goût du potentiel énorme de cette version. C’est à la fois violent sans être strident, puissant sans être lourd. Quand la fugue s’engage, c’est l’évidence, la barbarie est là, mais jamais au détriment de la polyphonie. Le cerveau entend tout, c’est encore plus effrayant !
D2. Version plus flottante, qui semble se chercher. Mais il y a une ambiance bien particulière, assez trouble, qui n’est cependant peut-être pas celle que réclame la partition. Techniquement, on sent aussi quand même parfois l’ensemble mis à rude épreuve.
D3. Comme chez D1, l’ouverture est robuste, la sonorité d’ensemble est soignée sans pour autant chercher le beau son. Dans la fugue, c’est peut-être légèrement moins tranchant que D1, mais ça reste quand même très lisible et engagé.
D4. Version plus ancienne qui, un peu comme D2, cherche davantage le climat que l’analyse radicale. Je sens une formation (viennoise ?) qui joue ça presque comme le dernier Schubert.
Classement:
Premier : D1 Second : D3 Troisième : D4 Quatrième : D2
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| | | Gesualdo Mélomane averti
Nombre de messages : 424 Date d'inscription : 11/10/2007
| Sujet: Re: Écoute comparée : Beethoven, Große Fuge (terminé) Mar 24 Avr 2012 - 0:04 | |
| - Scherzian a écrit:
- Le coup est dur et rude pour le groupe E, de loin le plus fort à mon avis (mais pas le plus homogène, là ce serait plutôt le C, je trouve), mais tu avais prévenu... Smetana I, Yale.
- discobole a écrit:
- Tant pis, vous n'aurez pas la gigantesque explosion à 10 minutes
La plus prodigieuse compréhension et projection de l'invraisemblable transformation thématique au cœur de la seconde fugue (elle commence à 9'30'' en fait), monument éternel du génie de Jiri Novak à 10'10''. Le trait de violon le plus pur et le plus droit que j'aie jamais entendu en musique de chambre, à écouter à genoux. Oui,c'est incompréhensible de voir la E1 et E4 aussi rapidement écartées... Maintenant,j'ai une question de néophyte,débarquant depuis peu dans les écoutes comparées:pourquoi séparer les différentes versions en plusieurs groupes?Pour des raisons de timing,je suppose.Mais finalement,pourquoi vouloir aller aussi vite?Si le fil dure six mois,quelle importance?Il est fort probable que si tout le monde avait accès à toutes les versions,avec le droit de vote attaché,le classement serait complètement différent.Et cela éviterait de passer à la trappe,aussi rapidement, des versions essentielles. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Écoute comparée : Beethoven, Große Fuge (terminé) Mar 24 Avr 2012 - 0:31 | |
| - Gesualdo a écrit:
- Maintenant,j'ai une question de néophyte,débarquant depuis peu dans les écoutes comparées:pourquoi séparer les différentes versions en plusieurs groupes?Pour des raisons de timing,je suppose.Mais finalement,pourquoi vouloir aller aussi vite?Si le fil dure six mois,quelle importance?Il est fort probable que si tout le monde avait accès à toutes les versions,avec le droit de vote attaché,le classement serait complètement différent.Et cela éviterait de passer à la trappe,aussi rapidement, des versions essentielles.
En fait, le souci, c'est que classer des versions est impossible au-delà de 5, maximum 6. Après on peut dire celles qu'on adore, celles qu'on déteste, mais au milieu c'est flou. C'est de la que naît la nécessité des groupes : si l'on veut écouter 10, 15, 20 versions d'une œuvre il faut plusieurs groupes. Après, chacun peut écouter autant de votes qu'il veut. L'autre solution c'est de faire écouter chaque groupe à tout le monde, et je ne dis pas que je ne le referai pas (comme dans les écoutes Tchaïkovski, Ravel), mais c'est fastidieux car cela nécessite à chaque fois de compter 1 ou 2 semaines par groupe et, quoi que tu dises, on perd des participants en route. L'écoute sur la Pathétique avait été problématique à ce niveau et je ne referai plus de marathon de plusieurs mois comme ça. Une méthode peut toujours être améliorée, mais c'est toujours difficile de trouver vraiment mieux, c'est à dire une formule maximisant la participation tout en maintenant un suspense, en laissant le temps pour écouter les versions, etc. De fait, dans ce premier tour, jusqu'ici, on voit de grandes versions éliminées mais elles sont très différentes. Scherzian pensait que les Italiano ou les Amadeus passeraient au détriment des Yale ou des Smetana, résultat elles sont toutes éliminées et maintenant, en finale, ce sont encore d'autres choix, d'autres noms connus ou non qui vont vous être soumis. Et l'important, finalement, il est aussi dans cette possibilité de vous réserver des surprises. Comme dans l'écoute sur la 4e de Schumann : l'élimination de la plupart des favoris dès le premier tour a permis à des versions quasi-inconnues de s'imposer en finale, mais aussi inversement de renforcer la position dominante d'un véritable modèle esthétique (Sawallisch). Comme pour Kempe dans Richard Strauss. Qui sait si ce ne sera pas la même chose dans cette Fugue, si ce n'est pas une référence internationale depuis des décennies qui va être couronnée ? Tout ce que montre l'élimination au premier tour, c'est que les éliminés ont des défauts qui les rendent suffisamment désagréable à une partie des auditeurs pour ne pas leur permettre de finir en tête en finale. Cela ne veut pas dire que les Smetana ou les Yale n'ont pas laissé des versions géniales ! D'ailleurs elles sont toutes deux parmi mes favorites ! |
| | | Gesualdo Mélomane averti
Nombre de messages : 424 Date d'inscription : 11/10/2007
| Sujet: Re: Écoute comparée : Beethoven, Große Fuge (terminé) Mar 24 Avr 2012 - 0:50 | |
| Merci pour ton explication.Je comprends mieux maintenant.Effectivement,si cela permet de faire connaître des versions peu connues,et qui méritent de l'être,la méthode me semble très adaptée. Maintenant,et je pense que tu vas me dire que je suis un "dingue"... ,je reste sur mon idée qu'une comparaison devrait se faire sur une écoute intégrale! enfin,je veux dire pour des oeuvres assez courtes.Comme pour la Toccata de Bach.Bon,je donne demain mes résultats pour le groupe A. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Écoute comparée : Beethoven, Große Fuge (terminé) Mar 24 Avr 2012 - 10:22 | |
| - discobole a écrit:
- De fait, dans ce premier tour, jusqu'ici, on voit de grandes versions éliminées mais elles sont très différentes. Scherzian pensait que les Italiano ou les Amadeus passeraient au détriment des Yale ou des Smetana, résultat elles sont toutes éliminées et maintenant, en finale, ce sont encore d'autres choix, d'autres noms connus ou non qui vont vous être soumis.
Les Amadeus étaient dans le groupe que je n'ai pas écouté. Sinon, j'ai rien calculé ni pensé. Classer E3 > Italiano, comme j'ai fait, ça ne tient que si on place l'émotion au-dessus de l'aisance technique. C'est pas la première fois que je fais ça. Or, un seul renversement Italiano > E3 (par exemple sur base technique), au lieu de E3 > Italiano, aurait suffit à amener Smetana I = E3 au classement moyen (sans relever beaucoup Italiano). À mon avis, Smetana I et Yale sont aussi au-dessus de Italiano du point de vue technique. Ce qu'on peut retenir dans le groupe E, c'est que Smetana I a été première trois fois, ce qu'aucune autre n'a pu surpasser ni même égaler. Pour ceux qui la connaissaient déjà, rien de surprenant, ni dans un sens ni dans l'autre. Pour ceux qui l'ont découverte et aimée, le boîtier montré par Discobole est un trésor. À mon avis, l'extrait est représentatif : aucune faiblesse nulle part. C'est même bien mieux que ça : d'autant plus fabuleuse que la page est exigeante. Trois fois première, aucune fois seconde, trois fois près du fond du classement voire pire. Une moyenne en retrait, mais un écart type important. De là à conclure que Condorcet est le triomphe de l'eau tiède (ce qui déplaît le moins), il y a un pas que seule une vipère oserait franchir et je m'en garderai bien. D'autant que Yale, presque toujours au milieu, est l'interprétation la plus jusqu'au-boutiste, extrémiste dans le sens laudatif, que j'aie écoutée jusqu'ici. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Écoute comparée : Beethoven, Große Fuge (terminé) Mar 24 Avr 2012 - 12:21 | |
| Finalement, deux votants ont jeté l'éponge dans le groupe C, voici donc les résultats... Groupe C : RésultatsVotants : Anaxagore ; Ben ; athos ; Mariefran ; Scherzian 5 votants qui suffisent à aboutir à un classement assez clair, surtout que la tendance plaçant C3 en tête n'a cessé de se confirmer. - Spoiler:
Le classement est donc le suivant : 1. C3 ---> qualifié2. C1 -. C2 4. C4Je suis un peu étonné de ce résultat, je ne voyais pas C3 si haut. Mais je dois avouer que quadn je l'ai entendue, même si je préfère d'autres interprétations, je me suis trouvé si bluffé que je n'ai pas pu ne pas la sélectionner. Dommage pour les autres mais il y a sans doute chez C3 une maîtrise qui leur échappe un peu. 4e : C4 - Quatuor Prazak (Praga, 2004)Vaclav Remes ; Vlastimil Holek ; Josef Kluson ; Michal Kanka C'est pourtant très beau et je crois que personne n'a vraiment dénié à cette version de grandes qualités de maîtrise, d'entente, de respiration, de tension. Mais c'est vrai que par comparaison c'est un peu rêche. Une des grandes intégrales enregistrées ces dernières années. 2e ex aequo : C1 - LaSalle Quartet (DG/Brilliant, 12/1976)Walter Levine ; Henry Meyer ; Peter Kamnitzer ; Jack Kirstein Aïe aïe aïe ! Encore une de mes versions favorites qui passe à la trappe ! Mais que me restera-t-il ? Plus sérieusement, vous avez tous aimé mais C3 a tout balayé sur son passage. Ici ce qui est hallucinant ce sont ces moyens techniques incroyables au service d'une interprétation qui évoque le travail du même quatuor sur l'école de Vienne, et ce n'est pas un simple argument publicitaire : cette façon de tourner le dos au dialogue pour faire sciemment s'entrechoquer les lignes (et qui aboutit à une montée inexorable dans la suite) est unique et prenante. Après les Yale c'est le coffret le plus économique pour les derniers quatuors. 2e ex aequo : C2 - Juilliard String Quartet (Columbia, 1964-1970?)Robert Mann ; Earl Carlyss ; Samuel Rhodes ; Claus Adam Et bim ! Bien des fans en auraient fait le favori du groupe, mais encore une fois une référence historique se fait sortir par plus fort qu'elle. Cette version est la première de la Grande Fugue par les Juilliard, dans le cadre de l'intégrale en studio, avant l'intégrale en concert des années 1980, et une version en concert enregistrée à Princeton en 1996, toutes deux très bonnes mais moins abouties, moins folles sans doute du fait des risques qu'on évite parfois en concert (intéressant d'ailleurs de se dire que l'idée de la tension en live n'est pas toujours si simple). Le truc avec les Juilliard, c'est qu'il n'ont jamais peur de froisser le son pour mieux avancer, tendre le discours. Du coup il faut accepter une certaine rudesse sonore. Et je conçois que tout le monde ne puisse pas en faire abstraction, en tout cas C3 dans la comparaison s'impose de façon compréhensible. |
| | | Ben. Mélomane chevronné
Nombre de messages : 2075 Age : 36 Localisation : Paris Date d'inscription : 02/10/2010
| | | | Utnapištim Mélomane chevronné
Nombre de messages : 3330 Age : 60 Localisation : Le vendredi soir à Pleyel. Date d'inscription : 13/09/2009
| Sujet: Re: Écoute comparée : Beethoven, Große Fuge (terminé) Mar 24 Avr 2012 - 13:52 | |
| Pas le temps de développer, je absente bientôt, et ce soir je vais essayer d’avoir une place pour la vache qui rit au TCE. Après 4 écoutes du groupe A : - Spoiler:
Contrairement au groupe B, j’aime bien ces 4 versions.
A1 : version limpide et lumineuse, mais également engagée. J’aime vraiment bien.
A2 : là je marche à fond ! Faire vivre la musique de cette manière, c’est prodigieux.
A3 : c’est emporté, mais je trouve cette version trop laborieuse. M’enfin c’est pas mal tout de même.
A4 : encore une chouette version, mais qui s’épanche un peu trop : sortez les mouchoirs ; ça tient la route et on ne s’ennuie pas.
Donc : A2 > A1 > A4 > A3
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Écoute comparée : Beethoven, Große Fuge (terminé) Mar 24 Avr 2012 - 18:51 | |
| Groupe A (version A2). - Spoiler:
A2. Une magnifique interprétation ; sans doute peut-on la qualifier de plus classique, moins orientée vers la modernité et moins radicale et intraitable que d'autres, mais je trouve que la qualité instrumentale, aussi bien individuelle que collective, est d'un niveau si élevé qu'elle permet au quatuor de projeter cet éclairage avec force et de manière convaincante, sans aucun compromis, aucune complaisance. Et puis, si tracer avec patience une courbe croissante aussi puissante que celle-ci est être un « ancien » (je le pense), alors vive les anciens ! Un autre aspect que je trouve frappant, c'est que dans le dialogue des parties instrumentales, celles qui doivent prendre la parole ne le font qu'au travers de la qualité de leurs timbres, pas en haussant la voix. Ce n'est possible que par un faisceau de qualités individuelles homogènes mises au service d'une même pensée. Dans l'Overtura, c'est ça qui me frappe : la patience. La levée est ample, modérée même dans sa nuance forte. La première note du sujet de la fugue en la bémol majeur n'est pas plus abrupte que cette prise de possession... sauf à la fin de la tenue en mesure M4 : un bref et discret crescendo, une manière d'interrompre le son de façon très abrupte, un accent agogique saturé de tension, et les quatre blanches pointées sont plantées avec sévérité, sforzando abrupt en tête. Les deux brèves variations sur une scansion de danse sont intégrées à cet énoncé : on ne cherche pas à dresser un inventaire presque hétéroclite de lambeaux thématiques avant la première fugue, mais à souligner la profonde parenté thématique qui les unit. Meno mosso e moderato : avec une telle qualité de phrasé (longueur d'archet, au premier violon puis au violoncelle) et de timbre (presque sans vibrato, pour une sonorité très intérieure), c'est pour moi une grande réussite. Le contre-sujet de la fugue en si bémol majeur reste dans la même lumière tamisée, avec des tenues très longues qui mordent un peu sur les silences. Une Overtura qui montre l'unité de cet exposé en apparence anarchique de fragments thématiques.
Comme dans l'Overtura, je trouve que la fugue est animée d'une patiente mais déterminée croissance formelle qui, si elle n'est pas spectaculaire au premier abord, est bien menée tout du long. Une attention particulière me semble accordée au contre-sujet : son exposé fragmentaire, tout troué de silences, ses premières altérations thématiques, son utilisation à des fins rythmiques au travers de l'accentuation et des syncopes, puis son comblement thématique qui résonne comme un accomplissement, une libération, en même temps que le sujet se délivre des mâchoires de l'étau qui écrasait sa tessiture. La section S1 (0'55''-1'44'') assemble ses forces : le sujet est bien scandé et défini, le contre-sujet est son égal strict ; les deux timbres sont splendides (violon et alto). La deuxième entrée encadre le sujet par le contre-sujet aux deux voix extrêmes ; les timbres sont toujours superbes, ce qui donne une grande lisibilité. Dès la troisième entrée, le contre-sujet commence à se parer de variantes motrices : distribué au violoncelle et au second violon, il commence à distiller son venin rythmique. Les musiciens commencent donc à tendre légèrement le temps musical, même si c'est encore de manière discrète. À la quatrième entrée, en revanche, toujours distribué en quinconce, aux deux voix supérieures, le contre-sujet virevolte, dans un temps musical devenu cette fois plus urgent de façon très sensible. La descente partiellement chromatique rayonne au premier violon, mais par le seul timbre. La dernière entrée, au violoncelle, a beaucoup plus de puissance (fortissimo, puis sforzando sur chaque tenue, enfin forte) ; surtout, le sujet a envahi les trois voix supérieures en une texture très homogène à laquelle se marient idéalement, je trouve, les qualités instrumentales, homogènes elles aussi. Cette première section est assez unique, en raison de l'impact agogique de la forme sur la structure métrique et l'écoulement du temps.
Une cadence en mi bémol (sous-dominante) amène à la section S2 (lettres A puis B, 1'45''-3'15''). Grâce à la qualité du timbre, aucun risque de perdre la couche polyrythmique des triolets parmi le sujet et le contre-sujet. Grâce à l'homogénéité des parties, aucun risque de voir l'intérêt ou le sel de ces triolets s'étioler au fil du temps. La première moitié, de A à B, est excellente ; la superposition des couches contrapuntiques et de la couche motrice me donne le tournis, et puis le premier violon trouve des sonorités d'alto insolentes lors de son entrée sur le contre-sujet (la deuxième). La seconde moitié, après B, l'est tout autant, du moins pendant l'entrée qui double le sujet à la tierce et la strette. Dommage que le violoncelle fléchisse pendant la sienne (M11-M15 après la lettre B), d'autant que c'est le passage clé du point de vue harmonique dans la première fugue ; je trouve que la ligne de violoncelle n'y est pas très lisible ni assurée. En revanche, après l'annihilation du contre-sujet et durant la grande cadence de la fin de la section, tout le quatuor retrouve sa superbe.
Durant la section S3 (lettre C, 3'15''-4'09''), la vivacité rythmique est excellente : le sujet sonne de façon très tranchée (le violoncelle !), les syncopes du contre-sujet sont accentuées sans pitié et les groupes de deux doubles croches sont scintillants. Important d'avoir une grande homogénéité entre les parties, parce que le sujet est ici scindé entre deux instruments. À mon avis, la dernière section (S4, lettre D, 4'09''-4'49'') est le sommet, et un des sommets de l'écoute. Le contre-sujet toujours syncopé est presque un être humain, joué ainsi, tout à la jubilation d'être complété et comblé du point de vue thématique, et cette jubilation ne connaît aucune ombre dans ses quatre entrées (alto, violoncelle, second violon, premier violon). Ensuite (ben marcato), il n'y aura plus que quelques bribes, les quatre instrumentistes amenant une montée irrésistible vers la dernière entrée du sujet. Les timbres ont une beauté insolente et une homogénéité... Il n'y a aucun fléchissement avant le dernier temps de la dernière mesure de la fugue.
Si on veut me faire pleurer en musique de chambre, il suffit de faire un magnifique portamento bien justifié par les phrasés. Il y en a un splendide dans le petit extrait du Meno mosso e moderato : à la mesure M3, au deuxième temps, au premier violon, entre le sol bémol et le ré bémol (à 4'57''). Pourquoi ne fait-on plus ça aujourd'hui ? Les phrasés sont magnifiques.
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| | | Gesualdo Mélomane averti
Nombre de messages : 424 Date d'inscription : 11/10/2007
| Sujet: Re: Écoute comparée : Beethoven, Große Fuge (terminé) Mar 24 Avr 2012 - 19:15 | |
| Groupe A,commentaires assez restreints,mais je n'ai pas eu le temps. - Spoiler:
Dans l'ensemble,ces versions du groupe A se tiennent,c'est assez équilibré.
A1:celle que je préfère.Le tempo est parfaitement juste,et laisse la place aux convulsions de s'animer dans une belle progression. A2:belle version,mais j'ai l'impression,parfois,que des choses sont un peu en arrière-plan.Est-ce la prise de son? A3:Impréssionnant.Mais là,c'est peut-être un peu rapide,et du coup la scansion perd un peu de son impact. A4:La fugue commence un peu de façon académique,mais peu à peu cela évolue dans le bon sens.
A1>A3>A2>A4
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| | | Resigned Mélomaniaque
Nombre de messages : 1401 Age : 41 Localisation : Chemin des Errancis Date d'inscription : 27/08/2008
| Sujet: Re: Écoute comparée : Beethoven, Große Fuge (terminé) Mar 24 Avr 2012 - 19:53 | |
| Groupe D: - Spoiler:
D1: Entame véhémente. le début de la fugue étonne par sa relative lenteur, qui dénote avec l'agressivité dans le jeu. Il y a des effets un peu baveux que je n'aime pas trop au violon (je m'exprime mal, mais des notes un peu doublées, vers 1'21 c'est flagrant). Ce qui vient après j'aime bien, c'est grisant, c'est éprouvant, ça grimace (ça doit plaire à Mariefran ), on se demande parfois comment ça retombe sur ses pattes! Il y a un côté spontané, presque "live" qui me plait. Ce que j'aime moins, ce sont les ralentissements entre les différents "couplets" de la fugue, c'est comme si l'abandon n'était pas total, comme si on assurait un peu... mais je demande vraiment à voir la suite... D2: Dans cette version, j'ai un peu l'impression de souffrir avec les musiciens. Est-ce qu'ils sont talentueux au point de retranscrire la souffrance du compositeur ou est-ce qu'ils souffrent vraiment...? Par moment on croit vraiment entendre des gémissements. Une version très humaine qui a ses bons moments. D3: après une entame décidée, le passage lent rappelle la version E3, sortez les mouchoirs! Derrière c'est nettement plus prosaïque, assez droit dans ses bottes. Ce qui est étonnant dans cette version, c'est comme les instruments sont mis en avant chacun leur tour. Cela donne une plus grande lisibilité, mais on perd peut-être le côté "joyeux bordel" avec les éclairs qui jaillissent de tout côté. C'est d'une précision redoutable, ça manquera d'émotion d'un certain point de vue, je suis bluffé mais je crains que cette version ne me surprenne pas par la suite. D4: La prise de son n'aide pas (on croirait écouter derrière une porte entrouverte). Cette version m'ennuie globalement. (J'ai longuement hésité entre D3 et D2 pour la 2e place) D1 > D3 > D2 > D4
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| | | Anaxagore Mélomane chevronné
Nombre de messages : 3094 Age : 59 Date d'inscription : 06/01/2012
| Sujet: Re: Écoute comparée : Beethoven, Große Fuge (terminé) Mar 24 Avr 2012 - 20:43 | |
| C1 les LaSalle ... Je n'ai pas un seul moment pensé à eux ... J'ai adoré et je vais me procurer ce coffret de toute urgence .... |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Écoute comparée : Beethoven, Große Fuge (terminé) Mer 25 Avr 2012 - 0:38 | |
| Groupe A (version A3). - Spoiler:
A3. Une version mieux tenue que la version A1, avec un tempo très vif dans la fugue en si bémol majeur, des accents mordants dès que l'occasion s'en présente, sorte d'approche extrémiste et quelque peu premier degré que je ne goûte en fin de compte pas beaucoup, une fois passé le choc de la première écoute. Une levée carnassière, comme pour crocher le roc ou plonger ses crocs dans la matière. Rien à redire sur l'exposition et variation du sujet de la fugue en la bémol majeur. En revanche, celle du fugato en sol bémol majeur (Meno mosso e moderato) est ornée de quelques nuances appuyées non écrites, d'une surexposition du second violon par rapport à l'alto et de quelques sonorités vacillantes en fin de phrase. L'intonation durant l'exposé du contre-sujet de la fugue en si bémol majeur n'est pas très stable non plus (le second si bécarre et le do qui suit).
Une première fugue jouée à un tempo enlevé, de façon très univoque, sans beaucoup de respiration, en faisant bien souvent fi de la qualité des sonorités. Un choc qui, dans mon cas, s'est émoussé au fil des écoutes. Je suis perplexe : une interprétation furibonde, sans aucun relâchement, mais aussi sans croissance énergétique ou motrice ni formelle -- est-ce la barbarie qu'on joue ou la barbarie qui joue ? On peut se poser la question quand on écoute certaines entrées du contre-sujet, où il n'y a souvent aucun rapport de nuances et d'attaques, tout étant joué entre fortissimo- et fortissimo+, avec une attaque sforzando systématique. La première entrée du contre-sujet dans le registre grave du premier violon dans la section S2, aux mesures M5-M10 après la lettre A, en est un exemple caricatural, grevé en outre d'une sonorité assez outrée, sorte de rictus nerveux. Ceci dit, au travers de toute la fugue, je trouve que les aspects rythmiques sont bien mis en exergue -- brièveté et sécheresse de l'élan du sujet, accentuation du contre-sujet, répartition de celui-ci entre deux instruments (section S1), furie des triolets (section S2), superposition très réussie et scintillante des groupes d'une croche et de deux doubles croches, syncopes du contre-sujet par déplacement d'un demi-soupir (section S3), retour des triolets et complètement du contre-sujet toujours syncopé et accentué (section S4). Mais, comme dans certaines œuvres ou pages de Schumann, c'est parfois au comble du mouvement tournoyant et de la trépidation incoercible que s'expriment paradoxalement la fixité et le néant du mouvement. À mon avis, même si je reste perplexe au niveau de la fugue en si bémol majeur, il y manque quand même la courbe croissante qui faisait le prix de la version A2.
Étant perplexe, autant se tourner vers les pages ou les lignes du fugato en sol bémol majeur. Je n'aime pas son évocation dans l'Overtura, j'aime encore moins les quelques mesures de l'extrait au début du Meno mosso e moderato : ce rythme qui ne finit de s'apaiser qu'à l'entrée du second violon (dernière double croche de la mesure M1), et surtout cette même sonorité vacillante du premier violon, qui semble même grelotter sur certaines notes.
EDIT : A4 demain, désolé Discobole ; A3 m'a mis sur les rotules. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Écoute comparée : Beethoven, Große Fuge (terminé) Mer 25 Avr 2012 - 0:43 | |
| Merci Scherzian pour ces commentaires à chaque fois. Je me pose une question : tu reconnais combien d'interprétations à chaque fois ? Genre sur un groupe, pas le E où tu connaissais presque tout par cœur, mais le groupe A, tu en identifies (nommément) combien ? Une, deux ? Plus encore ? |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Écoute comparée : Beethoven, Große Fuge (terminé) Mer 25 Avr 2012 - 1:00 | |
| Dans le groupe D, par lequel j'ai commencé, je n'ai reconnu aucune interprétation. Dans le groupe E, ensuite, j'ai reconnu Smetana I, Italiano et Yale. Vraiment aucun mérite, dans aucun des trois cas. Dans le groupe C, j'ai reconnu LaSalle et j'avais une forte suspicion pour Juilliard (bizarre, ce n'est pas une des versions que je connais, ou alors je dois revoir mes classiques, et elle n'est pas en direct...). Dans le groupe B, je n'ai rien reconnu, avec peut-être un léger doute pour Hagen. Enfin, dans le groupe A, j'ai reconnu à coup sûr A1 et A2, et j'ai une assez forte suspicion pour A3. - Spoiler:
En clair, j'ai été, jusqu'à présent, pathétiquement incapable de reconnaître les différents finalistes... Tous mes espoirs reposent sur le groupe A.
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Écoute comparée : Beethoven, Große Fuge (terminé) Mer 25 Avr 2012 - 1:02 | |
| Mais bravo, c'est impressionnant, je trouve que le quatuor est l'un des trucs le plus difficiles où reconnaître les musiciens (le pire étant évidemment un ensemble de chambre, quel qu'il soit, non permanent). |
| | | Invité Invité
| | | | Invité Invité
| Sujet: Re: Écoute comparée : Beethoven, Große Fuge (terminé) Mer 25 Avr 2012 - 16:16 | |
| Groupe A (version A4 et classement). - Spoiler:
A4. Une version qui paraîtra beaucoup plus sage après l'écoute de la version A3, plus patiente dans son déploiement, et à mon avis, à terme, plus riche et gratifiante. Les différents visages (rythme, phrasés, accents) du thème du sujet de la fugue en la bémol majeur dans l'Overtura sont profondément unifiés, grâce à cette patience dans le déploiement des nuances et à des points d'orgues moins amples que d'habitude. Les neuf mesures Meno mosso e moderato, encadrées de points d'orgue plus spacieux, présentent deux visages distincts : le recueillement des mesures polyphoniques (très peu de vibrato, un phrasé long et qui ne pèse pas, une lumière intérieure qui irradie paisiblement), puis la plainte sans complaisance des ondulations qui passent sans couture dans le bas médium des trois voix aiguës. L'exposé du contre-sujet de la fugue en si bémol majeur ne cherche pas à se présenter comme un nouvel univers sonore puisé à la même racine thématique, mais demeure dans cette secrète unité thématique. Une belle Overtura, très cohérente sans être didactique.
Un intérêt d'une Overtura unifiée, c'est que, propulsée dans un bon tempo comme ici, la première fugue est d'emblée irrésistible sans qu'il soit nécessaire pour autant de la barder de piquants. Cette interprétation semble placée sous le signe de la continuité du mouvement. Les timbres sont très beaux. Le sujet, très allant, a beaucoup d'énergie sans être agressif. La première section (S1, 0'51''-1'37''), très rigoureuse, maîtrisée et implacable, est l'ouverture ou l'exposition de la fugue, la deuxième (S2, lettres A [1'37''] et B [2'13''], 1'37''-3'04'') la catastrophe harmonique ou le lieu d'affrontement des logiques de la fugue et de la sonate, la troisième (S3, lettre C, 3'04''-3'55'') une forme de récapitulation des prérogatives contrapuntiques, la dernière (S4, lettre D, 3'55''-4'35'') le dépassement des antagonismes sonate/fugue pour une acmé très brève. Les tempos et leurs rapports ne sont pas très différents de ceux adoptés par la version A3 (on est à trois ou quatre pour cent seulement de la célérité de A3), mais je trouve que les enjeux formels sont beaucoup plus perceptibles ici. Je trouve que cet aspect n'est jamais plus évident que dans la seconde moitié de S2 (lettre B, 2'13''-3'04''), qui comporte les trois dernières entrées du contre-sujet dans S2, de plus en plus liquidées, la modulation principale, la pulvérisation du contre-sujet et une immense cadence pour ramener de l'ordre et en finir avec ces ambiguïtés harmoniques. Sous le coup de butoir harmonique, la structure contrapuntique fléchit face au « nouveau contenu poétique » que Beethoven veut y insuffler. Mais ce n'est pas pour ça que les interprètes doivent fléchir dans leur jeu. C'est le moment le plus dramatique, avec ses septièmes diminuées : il faut indiquer comment Beethoven s'en sort. À mon avis, cette interprétation est ici très réussie, jusque dans la cadence où, pour la première fois, tout leur arsenal est sollicité. Du coup, la section S3 sonne avec le sérieux requis. On ne cherche pas à faire étalage de force, d'énergie ou de brutalité ; on sait qu'on a une idée à exprimer et on le fait, point. Rien de frustrant là dedans : la section S4 est une jubilation permanente (celle des triolets dans un registre limpide, du contre-sujet dans son accomplissement longtemps refusé, du sujet dans une tessiture enfin compatible avec son énergie irrépressible).
Le petit extrait du Meno mosso e moderato renoue avec les qualités de son évocation dans l'Overtura : des textures très différentes et des phrasés qui, s'ils ne sont pas très hiératiques ou distanciés et évoquent un peu l'élégie, le font sans complaisance et avec une grande écoute mutuelle.
En fin de compte, après avoir hésité, je préfère placer A2 et A4 à égalité en tête. Mon classement pour le groupe A : {A2, A4} >> A3 >> A1.
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Écoute comparée : Beethoven, Große Fuge (terminé) Mer 25 Avr 2012 - 21:42 | |
| Je prépare les résultats du groupe A, et pour le groupe D, j'attends la contribution de Calbo qui l'a promise pour aujourd'hui |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Écoute comparée : Beethoven, Große Fuge (terminé) Mer 25 Avr 2012 - 22:08 | |
| Groupe A : RésultatsVotants : Lambert, adriaticoboy, Mariefran, Scherzian, Utnapištim, Gesualdo 6 votants donc, qui ne permettent pas de dégager des préférences si claires, en tout cas il faut recourir au classement moyen pour lever toute ambiguïté - Spoiler:
Le classement est donc le suivant : 1. A2 ---> qualifié2. A3 3. A4 4. A1Cela se joue à peu de choses entre A2 et A3, mais garder les deux aurait été injuste pour les autres groupes tant, ici, les participants ont-ils exprimé leur insatisfaction même vis-à-vis des versions les mieux classées. A2 est donc un qualifié fragile pour la finale, mais rien ne dit qu'il ne se révèlera pas dans la suite de la compétition. Le nom des éliminés devrait créer de petites surprises... 4e : A1 - Alban Berg Quartett (EMI, 1983)Günther Pichler, Gerhard Schulz, Thomas Kakuska, Valentin Erben Hormis Gesualdo, personne n'a placé les Berg en tête. Un lourd revers pour la référence la plus courue depuis vingt ans au moins, et 3 dernières places sur six semblent un véritable camouflet. Je partage cependant cette sévérité, lors des préécoutes j'ai mis 3 étoiles sur 5, c'est dire ! En fait, c'est élégant, mais vraiment scolaire et, sauf quelques petites fulgurances passagères, ça ne respire pas, cela manque d'un certain soin à ménager des atmosphères, des contrastes. Il manque une vraie profondeur à ce Beethoven-là. Aisément disponible chez EMI (et à pas cher sur Amazon.co.uk). 3e : A4 - Raphael Quartet (Globe, 1992)Ronald Hoogeven, Rami Koch, Zoltan Benyacs, Henk Lambooij C'était un vrai pari que de sélectionné la version de ce quatuor à peu près inconnu, qui existe dans une édition confidentielle et introuvable en CD. Je ne savais pas dans quel groupe ils tomberaient, mais déjà, qu'ils ne soient pas arrivés derniers, qu'ils aient coiffé les Berg, et, mieux encore, qu'Adriaticoboy et Scherzian les aient tous deux placés en tête, est déjà une belle victoire. En fait, j'ai été très surpris en écoutant cette version par une sorte de conscience de préécouteur, au lieu de passer dessus. Et je l'ai réécoutée deux ou trois fois avant d'être sûr, au cas où je me serais fait abuser par mes oreilles ou un certain dépaysement. Mais non, c'est vraiment une version fort charmante, très étonnante de classe, de cohésion de l'ensemble. Les cordes sont un peu acides mais c'est compensé par un vrai contrôle très poussé sur le son, et la lecture elle-même est à la fois claire, lisible, et cependant tendue quand il le faut. Le dernier tiers ne se pose pas de question, il est direct et court vers la fin d'une façon haletante : je recommande donc chaudement cette version originale. À côté des Berg il n'y a pour moi pas photo : quel esprit ici ! Le CD contient la fugue de façon isolée, avec deux quatuors plus anciens. 2e : A3 - Takács Quartet (Decca, 2003)Edward Dusinberre, Karoly Schranz, Roger Tapping, Andras Fejér Je comprends que certains aient vraiment apprécié cette version, qui ne finit toutefois qu'une fois en tête (chez Lambert). Il est vrai que l'intensité et la plénitude technique des Takács a de quoi saisir l'auditeur, par contre il y a peut-être certains excès qui conduisent la lecture à parfois presser. Mais c'est sûr que c'est extrême, enfin ça dépote quoi... Très largement diffusé depuis sa sortie. |
| | | Gesualdo Mélomane averti
Nombre de messages : 424 Date d'inscription : 11/10/2007
| Sujet: Re: Écoute comparée : Beethoven, Große Fuge (terminé) Mer 25 Avr 2012 - 22:54 | |
| Sniff,toutes mes versions préférées sont écartées depuis le début! Mais bon,allez,on poursuit...Finalement,je suis très content d'avoir choisi les Berg,sans les reconnaître, en pole position! |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Écoute comparée : Beethoven, Große Fuge (terminé) Jeu 26 Avr 2012 - 0:31 | |
| Je remercie calbo d'avoir demandé trois jours de délai pour finalement ne donner aucune nouvelle Voici donc avec un peu de retard les derniers résultats attendus... Groupe D : RésultatsVotants : Mariefran, Scherzian, premont (GMG), mmsbls (TC), Adriaticoboy, Resigned 6 votants donc, et des préférences affichées parmi les plus claires qui soient ! Seule l'égalité entre D3 et D4 ne peut être réglée (classement moyen identique), mais ça ne change rien pour l'essentiel, c'est à dire la qualification. - Spoiler:
Le classement est donc le suivant : 1. D1 ---> qualifié2. D3 3. D4 4. D2Et les éliminés... 4e : D2 - Guarneri String Quartet (RCA, 196?)Arnold Steinhardt, John Dalley, Michael Tree, David Soyer Si la seconde intégrale des Guarneri est vraiment molle et évitable (Philips, rééd. Brilliant), la première est plus intéressante. Il y a plus d'engagement et de maîtrise dans cette version-ci, même si cela n'arrive pas à la hauteur des meilleurs. L'une des dernières versions sélectionnées lors des arbitrages finaux. Pas facile à trouver, mais ça devrait faire l'objet d'un coffret Masters un de ces jours... 3e : D4 - Budapest Quartet (Columbia, 1951)Joseph Roisman, Jac Gorodetzki, Boris Kroyt, Mischa Schneider Oui, c'est un peu vieilli, daté, comme style. Mais c'est tellement beau, ressenti, chanté, dramatisé, chaque page est caractérisée, et tout paraît si simple ! Bref c'est admirable et incontournable. Bande de malotrus Si ce n'est déjà fait, réédition UA à se procurer d'urgence ! 2e : D3 - Alexander String Quartet (Foghorn, 2009)Zakarias Grafilo, Frederick Lifsitz, Paul Yarbrough, Sandy Wilson Encore un outsider dans ce groupe ! Le quatuor californien, qui avait déjà commis une première intégrale pour Arte Nova (tout à fait acceptable d'ailleurs) est plus marquant dans ce coffret récent, qui a séduit certains critiques et est même parfois qualifié de nouvelle référence (quoique sa disponibilité soit un peu aléatoire pour cela). J'aime bien une certaine prise de risque mais, et la cohésion sonore vraiment travaillée fait finalement penser à un quatuor Berg qui ferait preuve d'un peu plus d'imagination. Il y a quand même encore un côté un peu laborieux. La conception intéressante culmine de belle façon dans le climax de 10-11 minutes, et finalement c'est l'architecture plus que la réalisation qui convainc. Tant pis... Bizarrement cher et rare pour une nouveauté...
Dernière édition par discobole le Ven 27 Avr 2012 - 0:54, édité 1 fois |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Écoute comparée : Beethoven, Große Fuge (terminé) Jeu 26 Avr 2012 - 8:35 | |
| Oui, très très belle découverte que la version du quatuor Raphael ! Merci Discobole ! |
| | | Utnapištim Mélomane chevronné
Nombre de messages : 3330 Age : 60 Localisation : Le vendredi soir à Pleyel. Date d'inscription : 13/09/2009
| Sujet: Re: Écoute comparée : Beethoven, Große Fuge (terminé) Jeu 26 Avr 2012 - 8:55 | |
| Même les Budapest passent à la trappe ! Mais que nous reste-t-il en finale ? |
| | | Lambert Mélomane averti
Nombre de messages : 141 Date d'inscription : 27/08/2009
| Sujet: Re: Écoute comparée : Beethoven, Große Fuge (terminé) Jeu 26 Avr 2012 - 12:05 | |
| @Scherzian Un belle leçon que de lire vos commentaires |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Écoute comparée : Beethoven, Große Fuge (terminé) Jeu 26 Avr 2012 - 12:09 | |
| Ben merci, ça fait plaisir (mais en les lisant à la suite, on voit quand même pas mal d'incohérences...). -- EDIT : Vivement qu'on entre en la bémol. |
| | | Mariefran Mélomane nécrophile
Nombre de messages : 14259 Age : 63 Localisation : Lille Date d'inscription : 25/02/2008
| Sujet: Re: Écoute comparée : Beethoven, Große Fuge (terminé) Jeu 26 Avr 2012 - 15:38 | |
| Deux versions chéries seulement en finale et les LaSalle éliminés |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Écoute comparée : Beethoven, Große Fuge (terminé) Jeu 26 Avr 2012 - 20:53 | |
| Vous devriez tous recevoir les informations d'écoute pour la finale dans la soirée |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Écoute comparée : Beethoven, Große Fuge (terminé) Ven 27 Avr 2012 - 0:55 | |
| Un participant avait mélangé ses versions du groupe D. Ce n'est pas un souci et D1 gagne sur une marge encore plus importante, avec deux scores de tennis |
| | | adriaticoboy Mélomane chevronné
Nombre de messages : 7173 Date d'inscription : 17/08/2005
| Sujet: Re: Écoute comparée : Beethoven, Große Fuge (terminé) Sam 28 Avr 2012 - 15:58 | |
| Quelle hécatombe quand même ! Je ne suis qu'à moitié surpris en ce qui concerne certaines formations dont on sait que la modernité, voire la radicalité, ne sont pas forcément leur spécialité (Amadeus, Budapest, Guarneri, Italiano) mais voir les Berg, LaSalle ou Smetana ne pas atteindre la finale, c'est presque étonnant. Pareil pour les Takács, derrière lesquels j'avais d'ailleurs cru deviner le quatuor E., autre grand favori potentiel. Quant au Quatuor Raphael, c'est en effet une bien belle découverte
Sinon, quelle concentration d'excellence dans le groupe C ! Quand on voit le nom des éliminés, on se dit que le quatuor sélectionné en finale a intérêt à ne pas décevoir ! |
| | | athos Mélomane averti
Nombre de messages : 222 Age : 61 Localisation : lyon Date d'inscription : 04/10/2009
| Sujet: Re: Écoute comparée : Beethoven, Große Fuge (terminé) Dim 29 Avr 2012 - 17:16 | |
| Je n'ai pas vu dans la présentation quel tempo est préconisé par Bethooven. C'est peut-être bon à savoir, même si pas déterminant. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Écoute comparée : Beethoven, Große Fuge (terminé) Dim 29 Avr 2012 - 17:27 | |
| Beethoven ne préconise aucun tempo métronomique, du moins pas sur les sources connues (en particulier l'autographe de la transcription pour quatre mains). Certaines partitions portent des indications de temps total (j'en ai vu au moins une à 18 minutes ) mais elles ne sont évidemment pas de Beethoven. Ceci étant, les indications (l'Allegro initial qui se poursuit dans la première fugue, etc., puis le Meno mosso e moderato) rapprochées de ce que nous connaissons de Beethoven et de son goût pour des tempi très rapides, peuvent permettre de déduire certaines fourchettes métronomiques. Que, comme d'habitude, aucun interprète n'atteint vraiment. Essaie de lire la première fugue à 160 à la noire et dis-moi ce que tu en penses |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Écoute comparée : Beethoven, Große Fuge (terminé) Dim 29 Avr 2012 - 21:19 | |
| Sinon normalement vous devez tous avoir reçu les infos d'écoute sur les finalistes, n'hésitez pas si ce n'est pas le cas à me le signaler pour que je répare tout oubli éventuel. |
| | | whiffle Néophyte
Nombre de messages : 5 Date d'inscription : 12/04/2012
| Sujet: Re: Écoute comparée : Beethoven, Große Fuge (terminé) Jeu 3 Mai 2012 - 11:49 | |
| C'est ca pour moi... Quelle finale etrange. On a la permission de poster ses "resultats"?
Dernière édition par whiffle le Lun 7 Mai 2012 - 16:24, édité 2 fois |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Écoute comparée : Beethoven, Große Fuge (terminé) Jeu 3 Mai 2012 - 12:01 | |
| Oui bien sûr qu'il est temps de poster vos impressions (sans oublier les balises [spoiler] et [/spoiler] !). Je suis d'ailleurs surpris de ne pas vous voir déjà vous étriper sur la valeur de ces interprétations |
| | | whiffle Néophyte
Nombre de messages : 5 Date d'inscription : 12/04/2012
| Sujet: Re: Écoute comparée : Beethoven, Große Fuge (terminé) Jeu 3 Mai 2012 - 17:49 | |
| Mes rankings... tels qu'ils sont. - Spoiler:
Je n'aime pas les rankings, alors C3 > [ D1, E3, B4, A2 ] Mais s'il faut: C3 > [ B4, D1, E3 ] > A2. Ces rankings ne sont vraiment pas tres objectifs -- j'ai connu 4 sur 5, et seulement une de ces GFs (C3) est dans mon top 10. Aussi, j'ai "elimine" A2 pour les raisons completement subjectifs. (J'aime les GFs d'une autre sorte.) Je devrais peut-etre donner la deuxieme place a B4 (ca ira bien avec mes autres tactiques de risk-avoidance ici), mais je n'ai pas beaucoup de rapport avec cette version. ---------------------------------------------- (Ma terminologie suit Discobole, mais je ne me soucie pas de l'ouverture. F1 = la fugue si bemol, MM1 = le segment meno mosso suivant, AM1 = *tout* le segment allegro molto, "la culmination" (un terme shorthand) = la fin du AM1 et le segment meno mosso suivant.) ---------------------------------------------- C3: Une version connue... Une GF bien organisee, assez dramatique. Les voix claires, assez bien en equilibre (ca presque partout). Quelques details interessants et importants -- par exemple, les combinaisons "geometriques" des voix (comme 129--138, 82--91) -- sont plus marques ailleurs, mais ca va ici. Pour moi, c'est une version "all-around okay". Alors, c'est ca. (Ou c'est ca, sans les Smetanas, les Juilliards, Lasalle, et aussi quelques GFs recentes que je favorise.) (Hm, il y a de petits effets de compression dans cet exemple... (!!) ) Le reste: A2: Apres une fugue F1 interessante, cette conception n'est pas du tout la mienne. Je peux peut-etre comprendre des autres avis, mais cette GF est trop lente et molle pour moi. Aussi un peu trop operatique dans le meno mosso 1. J'aime les MM1s robotiques. (Smetana, Juilliard...) D1: Une GF energetique, excitante, assez bien construite, surtout post-F1, avec l'intonation parfois acerbique. L'allegro molto 1 (AM 1) et la culmination sont bien juges, a mon avis. Mais pour moi cette GF n'atteint pas le niveau d'imagination des Juilliards ou le controle et le bon gout (hmm) des Smetanas. Ni la solidite de C3. B4: Une GF bien jouee, mais ce quatuor (avec quelques instrumentalistes excellents) n'est pas tres souvent a mon gout dans les mouvements non-lyriques. La fugue F1 est une version legere, un peu automatique. Il y a du momentum et des moments - mais un passage pivot (95--109) et presque tout le segment suivant sont, a mon avis, superficiels. Avec les phrases trop plates (sans hierarchie), et il y a des instruments un peu disparus... Ca, ce fait un tiers significant de cette premiere fugue. Dans la deuxieme part de F1 (mm. 139--fin de la fugue F1), les textures des autres versions de la finale sont plus interessantes. (Ici, certes, les choses remontent pour les cadences, et c'est bien.) AM 1, la culmination: ils font beaucoup de choses comme il faut, mais je m'ennuie quand meme.... (!) Le meno mosso 1 est plus reussi. E3: S'il y a des nuances, on ne les entend pas bien (cet enregistrement est mouille). La democratie comparative des instruments (sans compter violon 1) marche bien, mais quelques textures sont un peu floues (tous ces triolets) -- peut-etre aussi grace a l'enregistrement/compression? L'ensemble n'est pas toujours tres soigne, et parfois, leur intonation se libere des conventions -- et ca dans quelques passages de consequence (m. 138 et environs, ~4:30). Mais dans la GF, tout ca, c'est normal? (D1 et les Juilliards, par exemple, en font autant.) Le reste est positif -- il y a de bonnes idees verticales, les voix sans triolets ne sont pas mal marquees, les dissonances aussi (aussi expres...). Comme dans D1, "l'arc dramatique" me plait, surtout post-F1. La fugue F1 n'est pas mal construite non plus, mais... (D'abord, il n'y a pas d'instant de repose.) Generalement, leur maniere uniforme m'agace un peu. Mais ca donne de l'intensite, aussi. (Les changements du texte -- je ne suis pas pour ca. Mais en perspective -- les recompositions de Casals ne l'ont pas empeche de donner une version de Bach assez significante... (Pas la meme chose ici, mais quand meme.)) (Mais Hollywood Poltergeist Orchestra n'est pas dans la finale?!!) (And sorry about the horrors of my French.)
C'etait interessant -- merci! whiffle
Dernière édition par whiffle le Lun 7 Mai 2012 - 13:45, édité 11 fois |
| | | athos Mélomane averti
Nombre de messages : 222 Age : 61 Localisation : lyon Date d'inscription : 04/10/2009
| Sujet: Re: Écoute comparée : Beethoven, Große Fuge (terminé) Ven 4 Mai 2012 - 10:39 | |
| Ca commence tout juste à se décanter pour moi, sur une écoute partielle des extraits. Trois versions se détachent un peu du lot; j'espère trouver un podium d'ici l'armistice. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Écoute comparée : Beethoven, Große Fuge (terminé) Ven 4 Mai 2012 - 14:55 | |
| Des commentaires pour le finaliste A2. - Spoiler:
A2. Un second extrait de même qualité que le premier : une approche classique, moins moderne et radicale que d'autres, emportée par une qualité instrumentale individuelle et collective impressionnante. C'est une interprétation dont j'ai le disque et que j'ai reconnue : j'ai donc pu la réécouter en entier. Les rapports de tempos sont bons, bien qu'ils oscillent de concert vers une certaine modération. La section en sol bémol majeur est ainsi un peu plus ample que moderato et il n'est pas simple, dans ces conditions, de donner aux longues lignes, sur le sujet de la fugue en la bémol majeur, les phrasés à perte de vue et la sonorité sereine et étale, quelque peu hiératique, que demande l'incroyable sujet de fugue de Beethoven, tiré du motif de cantus firmus d'une esquisse pour le I de l'opus 132. Un tempo plus ample et des appuis un peu plus marqués donnent un visage plus humain et grave à ces lignes de sphinx à la beauté quasi surnaturelle. Une grande attention est portée à la qualité des sonorités : très travaillées et individualisées tant qu'on se trouve dans l'immense section d'exposition (une homophonie sur le nouveau sujet du fugato en sol bémol majeur, puis un embryon de contrepoint avec celui de la seconde fugue, en la bémol majeur, mais qui affiche sans vergogne une modulation [sic], ensuite une seconde homophonie à la dominante, enfin deux entrées de fugue supplémentaires et une strette), beaucoup plus unies et même fusionnelles quand on arrive dans la seule sous-section de fugue authentique, enfin solennelles et quasi symphoniques dans le bref déploiement sonore sur le seul sujet du fugato, peu avant l'Allegro molto e con brio. Ce qui me gêne le plus, dans le fugato, c'est que les nuances soient si peu respectées. Dans toute l'exposition et même au-delà, tout doit rester sempre dans la nuance pianissimo (en fait, il n'y a qu'une seule indication dynamique qui n'aille pas dans le sens de la modération permanente : un crescendo jusqu'au forte, puis un diminuendo progressif, enfin une chute par paliers discrets jusqu'au quasi-silence d'une crampe, à l'extrême fin). Je n'aime pas beaucoup qu'on insiste ainsi sur le potentiel harmonique du fugato. Par exemple, juste après la transition avec inversions qui précède la lettre E, lorsque Beethoven écrit une bouleversante extension descendante sur quatre mesures du sujet principal en longues valeurs égales de la fugue en la bémol majeur, on ne me fera pas croire qu'on reste ici sempre pianissimo... Je ne vois pas pourquoi il faudrait élever la voix pour ces mesures cadentielles. De même, à la fin, quand le déploiement quasi symphonique sur l'homophonie hégémonique du nouveau sujet du fugato s'évanouit sur la crampe toute raidie d'une seconde mineure inlassable sur la batterie des trois voix graves, je ne trouve pas non plus que les paliers soient bien rendus : après un diminuendo progressif, tout devrait procéder par paliers abrupts dès la crampe (d'abord piano, puis più piano, enfin pianissimo). D'un autre côté, parmi les versions que je connais, seule celle du quatuor Smetana I joue ce fugato comme je pense qu'on devrait le jouer ; une petite déception était prévisible.
Les pages de classicisme réinventé sont en revanche parfaites, comme par exemple la danse Allegro molto e con brio, d'écriture très dialogique ; je ne me fais aucun souci pour la réussite de toute la section de conclusion par ces interprètes. L'incongruité du rythme et caractère festif de cette page et de son matériau fugué issu de la même racine que le reste est assez forte, et du coup l'entrée en tremblement de terre de la seconde fugue, en la bémol majeur, une mesure après la lettre F, est assez saisissant. Pourtant, sur la durée de cette fugue, sommet de l'œuvre sur le plan contrapuntique et thématique, je reste sur ma faim. Interprétation trop gentille, trop policée et aimable, qui occulte de manière presque complète, à mon avis, le caractère exceptionnel de cette page. Je ne ressens pas la fixation quasi hypnotique sur le sujet principal et ses richesses, qui implique l'évacuation quasi totale des contre-sujets, ni surtout les modulations harmoniques induites par le chromatisme ambiant du sujet et le foudroiement des transformations thématiques qu'il finit par y subir. Accentuation trop timorée (ben marcato, où es-tu ?), individuation trop faible des parties dont le dialogue, pour une fois, reste assez diffus voire confus. Bon, je reconnais que je suis un peu gâché pour les interprétations « sages » de cette page, étant donné certains éliminés du premier extrait (Smetana I, Yale, Juilliard), mais quand même : difficile d'entendre et de ressentir la grande transformation thématique du sujet principal de part et d'autre de la lettre I (difficile d'entendre la note d'agrément qui fut une note du thème comme les autres, les poussées en trois croches ascendantes au second violon et les accents mordants aux deux voix graves ; même le trille n'est pas très présent). Le clash cinglant entre le sujet principal de la fugue en si bémol majeur (deux mesures piano M11-M12 après la lettre I) et le sujet transformé de celle en la bémol majeur (cinq mesures fortissimo M13-M17 après la lettre I) est assez réussi : du point de vue thématique, on entend bien que le sujet de la première fugue est absorbé comme contre-sujet de cette avant-dernière section de la seconde fugue principale (ici une série d'entrées en mi bémol majeur). La qualité instrumentale (pureté de l'intonation et des timbres, tenue) joue à plein. Je suis tout aussi enthousiaste à propos de la dernière section, retour en strettes à la bémol majeur, sorte d'acmé ou de catastrophe de la seconde fugue, avec son flétrissement harmonique quasi insoutenable. C'est très intéressant d'écouter un quatuor comme celui-ci, dont la qualité instrumentale est si élevée, jouer un tel passage, dont la tension harmonique est si écrasante. Après avoir phagocyté le sujet principal de la fugue en si bémol majeur (devenu, avec ses brefs motifs, le contre-sujet de sa dernière strette), la seconde fugue s'approprie enfin une amplification gigantesque puis une inversion du double sujet du fugato en sol bémol majeur. Dans cette interprétation, en fin de compte, c'est le même classicisme qui permet de ne jamais perdre de vue la grande courbe formelle de l'œuvre et qui empêche, me semble-t-il, d'en souligner sans pitié les rouages radicaux et la modernité intraitable. Peut-être aussi est-ce une quadrature du cercle dont les Smetana I avaient trouvé la clef...
C'est ironique que le finale de l'opus 133 en tant que Grande Fugue soit aussi problématique, en tant que finale, que celui de l'opus 130 lorsque c'est la Grande Fugue qui assume ce rôle de finale : on dirait que le problème ou la question du finale, qui obsède Beethoven et conduit son œuvre au bord de la désintégration, résiste d'autant mieux, à l'échelle du fractal, et s'enfonce d'autant plus dans la matière qu'on s'efforce de l'y traquer. Le retour palimpseste au classique n'est jamais très loin chez Beethoven, que ce soit dans des couples d'œuvres contemporaines (opus 95 et 74) ou dans une même œuvre (opus 135). L'Overtura était placée sous le signe du conflit, malgré ou plutôt en raison des racines thématiques communes. Les diverses étapes, contrapuntiques ou non, étaient maintenues par la grâce de heurts surtout harmoniques, infiltration d'une dramaturgie étrangère à la forme fugue. Le classicisme apparent du finale (deuxième longue danse Allegro molto e con brio, brèves allusions au sujet de la fugue en si bémol majeur et aux motifs du fugato en sol bémol majeur -- que de chemin parcouru depuis les expositions soi-disant « homologues » de l'Overtura ! --, troisième Allegro molto e con brio euphorique) permet d'apaiser ces conflits et heurts, un peu à la manière allusive et distanciée des dernières pages du finale de l'opus 127 et de celui de l'opus 132, par une sorte d'évitement qui élude la question. Beethoven surmonte l'antagonisme par l'harmonie et le lyrisme. Ça peut être très émouvant et même euphorisant : je trouve que c'est le cas de cette version, toujours en raison de ses qualités instrumentales très homogènes et de sa maîtrise classique de la forme. Un exemple : la toute dernière entrée du sujet principal de la fugue en si bémol majeur, beaucoup moins anguleuse (ses quarts de soupirs ont disparu) et beaucoup plus apaisée (sa tessiture est déployée sans tension), affirmative, solaire, euphorique, enveloppante.
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| | | athos Mélomane averti
Nombre de messages : 222 Age : 61 Localisation : lyon Date d'inscription : 04/10/2009
| Sujet: Re: Écoute comparée : Beethoven, Große Fuge (terminé) Dim 6 Mai 2012 - 13:52 | |
| - Spoiler:
Une fois de plus, le choix va être difficile ! Il y a une version avec un style vraiment à part, amha...mais est-ce la bonne ?
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| | | Mariefran Mélomane nécrophile
Nombre de messages : 14259 Age : 63 Localisation : Lille Date d'inscription : 25/02/2008
| Sujet: Re: Écoute comparée : Beethoven, Große Fuge (terminé) Lun 7 Mai 2012 - 17:16 | |
| - Spoiler:
A2. Vieille version, certes, mais quel son pour l'époque ! C'est hyper classique, pas de dissonances ici, de modernité, l'engagement de la première fugue se dilue, mais pour l'époque je continue à penser que c'est pas mal du tout… De toutes mes vieilles versions, elle demeure ma préférée. Mais j'avoue une prédilection pour les versions plus modernes, une fois n'est pas coutume B4. Version bien jouée mais sans relief, je n'accroche que fort modérément. C'est un peu lisse, cela manque de profondeur sur la durée. C'est marrant, j'avais beaucoup plus accroché lors de l'extrait n°1. Dans ce deuxième extrait, je ne retrouve pas mes premières impressions. C3. Une grande version décidément. Mes premières impressions sont confirmées. Beaucoup de spiritualité ici, c'est très triste, une version qui remue les tripes. J'aime vraiment beaucoup… D1. J'aime toujours autant cette version agressive aux discordances entretenues, qui bouscule un peu l'auditeur. La dernière survivante des interprétations radicales… E3. Finalement, je ne pense pas que ce soit la version à laquelle je pensais. Je trouve ce qu'ils font dans ce dernier extrait meilleur, je ne m'ennuie pas vraiment - ça reste du Beethoven, hein… - mais ce n'est pas le grand frisson. C3 - D1 - A2 - B4 - E3
Dernière édition par Mariefran le Lun 7 Mai 2012 - 19:25, édité 1 fois |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Écoute comparée : Beethoven, Große Fuge (terminé) Lun 7 Mai 2012 - 18:36 | |
| - Mariefran a écrit:
- Spoiler:
La dernière survivante des bonnes interprétations…
- Spoiler:
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Écoute comparée : Beethoven, Große Fuge (terminé) Lun 7 Mai 2012 - 18:49 | |
| Des commentaires pour la version D1... - Spoiler:
D1. Une interprétation remarquable, passionnante. J'ai toujours quelques menues réserves à propos de certains rapports dynamiques durant l'extrait de la fugue en si bémol majeur, que j'ai réécouté (des rapports qui, me semble-t-il, brisent parfois la croissance motrice inexorable de la première fugue), mais celui de la fugue en la bémol majeur est très intéressant. Le fugato en sol bémol majeur, bien moderato mais toujours allant, sans aucune complaisance, aucune insistance, avec un respect vertigineux des indications de phrasés et de nuances (le fugato, joué sempre pianissimo presque tout du long, avec un seul déploiement sonore final assez abrupt, suivi d'un retour par paliers discrets successifs au pianissimo de départ durant les quatre dernières mesures de l'extrait, sur une crampe de seconde diminuée au premier violon et une batterie presque sotto voce aux trois voix graves, ne me semble pas très loin de l'idéal du quatuor Smetana I dans cette page), sonne comme un œil au cœur du cyclone ou une oasis de sérénité distanciée entre deux ouragans. L'homogénéité des quatre voix instrumentales, la fraternité des quatre parties de l'écriture, qui concourent toutes au déploiement harmonieux d'une même vision éthérée, sorte d'Eden entr'aperçu, qui chante à pleins poumons, mais toujours de manière retenue (on n'y dépasse pas forte, d'où l'importance cruciale des demi-nuances), avant de se replier sur lui-même dans une grande simplicité, toutes ces qualités me bouleversent. Par exemple, au sommet émotionnel de cette grande courbe convexe, durant les douze mesures qui suivent la lettre E, quand Beethoven rend plus chaleureux encore et plus enveloppant le thème de base de son fugato, au moyen d'une extension de celui-ci et d'une descente gracieuse par tierces, enchâssée au cœur de l'extension, écoutez donc comme le premier violon refuse toute mise en avant de sa ligne de chant, voix parmi d'autres, portée par elles comme simple accomplissement mélodique de leur tissu polyphonique ! La ligne de chant n'y transparaît que par la qualité du timbre, qui invite à un surcroît de concentration. C'est bouleversant. Un très heureux contraste aussi avec le bref épisode de danse, noté Allegro molto e con brio en si bémol majeur, coincé entre le fugato si intérieur et le cataclysme de la seconde fugue, épisode qui aura beaucoup d'importance dans le finale.
Ce qui me frappe, dans la fugue en la bémol majeur, c'est la qualité et l'homogénéité de l'intonation et de la sonorité, et plus encore la vigueur de l'accentuation, le tout dans un tempo très vif, placé sur orbite dès l'épisode Allegro molto e con brio qui l'introduit de façon assez inattendue. Aucun pupitre ne le cède aux autres, aucun n'en éclipse d'autres. Cela donne une seconde fugue tendue comme un arc et pourtant très maîtrisée, irrésistible dans sa progression formelle, limpide du point de vue thématique. Je trouve que c'est vital ici, parce que la rigueur du contrepoint, « tantôt libre, tantôt recherché », l'audace des modulations, induites par le chromatisme du thème, et le traitement thématique du sujet de base, couronné quand on prépare le basculement à la lettre I, sont, à mon avis, encore supérieurs dans la fugue en la bémol majeur que dans celle en si bémol majeur ; c'est le sommet de l'œuvre. Le contre-sujet n'est plus là pour faire diversion. Le bourgeonnement polyrythmique n'est plus là pour poivrer ou épicer des épisodes certes marquants mais en fin de compte furtifs, qui autorisaient la subdivision de la première fugue en sections assez distinctes. Il faut la mener avec une main en acier. Tout est axé sur le traitement thématique du sujet principal ou plutôt de ses fragments disloqués ; la subdivision en sections, parce qu'il n'y a plus que ça, partout, en permanence, y est bien plus malaisée. À part un incompréhensible ralentissement du tempo aux mesures M9-M11 après la lettre I (qui me fait enrager, comme si l'acier était remplacé par un matériau plus meuble), je trouve que c'est comme ça qu'elle est conduite ici, avec une jubilation formelle forcenée qui entraîne tout sur son passage. Dans l'exposition (première section, quatre entrées), les deux contre-sujets (« spasmodiques », selon Joseph Kerman, en raison de leur vigueur et du fait qu'on les obtient par diminution et par double diminution) ne sont pas libres et indépendants, mais déduits du sujet principal. Les musiciens jouent ces quatre entrées de manière aussi limpide que tranchante : l'accentuation impérieuse -- mais jamais contre le flux du temps : au contraire, à la manière des ressacs dans une cataracte --, la ponctuation de la fin du sujet sur un bref trille, puis une noire et le silence, les rythmes ïambiques qui corsètent le sujet, tout est agressif et jouissif. Quatre mesures après le début de la deuxième section, l'instrument en charge des premières modulations en coups de butoir, le violoncelle (un do bécarre, fortissimo dans le grave), est parfaitement lisible, sonorité tellurique et pleine, puissante et menaçante. À partir de la lettre G, du point de vue thématique, ça devient radical et, semble-t-il, hors de tout contrôle possible : ce n'est plus que le segment final du sujet, à partir des deux notes qui précèdent le trille, qui est retenu, et, à force de le poncer et de le réduire, le contre-sujet n'est plus que la vibration d'un trille qui contamine tous les pupitres. Je trouve les instrumentistes tout aussi excellents ici : cette illusion de barbarie débridée dans une qualité instrumentale insolente. La troisième section, qui commence vingt-six mesures après la lettre G (huit avant H), voit l'entrée d'un motif thématique écartelé dans une tessiture assez large et sur un rythme constant et forcené : deux groupes de trois croches par mesure, un peu à la manière des sections n°2 et n°4 de la fugue en si bémol majeur ; le temps musical se fait de plus en plus dense et serré. Chacun des musiciens y est à nouveau formidable. Je suis tout aussi enthousiaste pour ce qu'on peut considérer comme le noyau harmonique de toute l'œuvre, à partir du rugissement fortissimo du sol bémol au violoncelle. Il y en a une sorte de démonstration dans le livre de Joseph Kerman (p. 352-353) : la tonalité stabilisée ici est si bémol mineur, dont le sol bémol en question est traité comme la dominante haussée ; mais si bémol est aussi la tonalité principale de l'œuvre et de la première fugue, et sol bémol celle de l'aérien fugato. C'est assez incroyable que ce sol bémol jadis si serein soit ici clamé avec autant de force, durant sept mesures entières, sous le seul énoncé intégral du sujet principal de la fugue en la bémol majeur (en dehors de sa section d'exposition), au premier violon. Le violoncelle passe de sol bémol à fa bécarre et ouvre à la fois le contrepoint le plus inventif de l'œuvre tout entière et sa transformation thématique la plus violente. Les quatre instrumentistes font mieux que tenir le coup : leur jeu est aussi limpide du point de vue formel que jouissif sur le plan sensible et poétique. La note du sujet qui est pulvérisée en double croche reste toujours parfaitement audible et les fragments écartelés du motif en croches ont une agressivité aussi saine que nécessaire. Je comprends d'autant moins le bref mais sensible ralentissement du tempo, neuf à onze mesures après la lettre I : il souligne certes une charnière importante de l'œuvre, mais la transformation thématique n'a été que mise en place en amont de la lettre I, et il reste à parachever, d'abord au premier violon, l'inversion mélodique du sujet qui en est la conséquence, dans une nouvelle section de fugue, en mi bémol majeur, qui commence par quatre entrées de l'inversion du sujet sur un contre-sujet déduit de motifs du sujet de la fugue en si bémol majeur. C'est le sommet de la fusion thématique. Le premier violon le fait très bien, dans un temps musical qui reste sans doute encore un peu épais. Paroxysme sur paroxysme, la section suivante, en la bémol majeur à nouveau et en strettes, renoue avec le succès et l'aplomb des précédentes, jusqu'à la catastrophe chromatique de l'harmonie, à la lettre K, et jusqu'à l'une des imbrications les plus réussies du second Meno mosso e moderato, dans la trame même de la seconde fugue, que j'aie écoutées jusqu'ici. Dommage qu'on n'y entende pas le portamento tendu de Jiri Novak au premier violon, un portamento pur, intense et insolent comme on en entend peu.
Puisque l'équilibre de modernité (les deux fugues en si bémol majeur et en la bémol majeur, le fugato en sol bémol majeur) et de classicisme apparent (l'Allegro molto e con brio, la longue section de conclusion) me semble ici idéal, presque sans aucune scorie dans le premier cas et sans aucune sollicitation abusive dans le second, je pense qu'on tient une version idéale. D'autant que le classicisme de la soi-disant « réexposition » ne l'est qu'en apparence, ou alors que faire des allusions à certaines possibilités du sujet qui n'ont pas été exploitées et ne le seront pas en dehors de leur énoncé, que faire des cheminements harmoniques qui se referment à peine sont-ils aperçus ? Ce n'est pas facile d'assurer la cohésion de cette section sans en solliciter le texte ou sans sonner de façon douceâtre. Par exemple, la fin de l'extrait, Allegro molto e con brio, irradie une euphorie assez intense, sorte d'antagonisme classique/moderne surmonté. En dépit de quelques réserves dynamiques (première fugue) et métriques (seconde fugue), cette interprétation entre sans aucun problème dans mon quatuor de versions préférées de cette œuvre. (Encore une interprétation aux tempos en général très vifs ; ça deviendrait difficile de soutenir que c'est une coïncidence.)
... et une supplique pour Discobole : est-ce qu'on pourrait avoir un jour ou deux de rab, siouplé ? C'est de ma faute : je me suis laissé distraire par autre chose, ces dix derniers jours. J'ai du retard, mais d'un autre côté il y a aussi deux versions qui ne me disent pas grand-chose. Je peux abréger leurs souffrances et terminer demain soir, mais un jour de plus ne serait pas de refus. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Écoute comparée : Beethoven, Große Fuge (terminé) Lun 7 Mai 2012 - 19:17 | |
| - Mariefran a écrit:
- Spoiler:
A4. Vieille version, certes, mais quel son pour l'époque ! C'est hyper classique, pas de dissonances ici, de modernité, l'engagement de la première fugue se dilue, mais pour l'époque je continue à penser que c'est pas mal du tout… De toutes mes vieilles versions, elle demeure ma préférée. Mais j'avoue une prédilection pour les versions plus modernes, une fois n'est pas coutume B4. Version bien jouée mais sans relief, je n'accroche que fort modérément. C'est un peu lisse, cela manque de profondeur sur la durée. C'est marrant, j'avais beaucoup plus accroché lors de l'extrait n°1. Dans ce deuxième extrait, je ne retrouve pas mes premières impressions. C3. Une grande version décidément. Mes premières impressions sont confirmées. Beaucoup de spiritualité ici, c'est très triste, une version qui remue les tripes. J'aime vraiment beaucoup… D1. J'aime toujours autant cette version agressive aux discordances entretenues, qui bouscule un peu l'auditeur. La dernière survivante des interprétations radicales… E3. Finalement, je ne pense pas que ce soit la version à laquelle je pensais. Je trouve ce qu'ils font dans ce dernier extrait meilleur, je ne m'ennuie pas vraiment - ça reste du Beethoven, hein… - mais ce n'est pas le grand frisson. C3 - D1 - A4 - B4 - E3
OK, enfin on est bien d'accord qu'il s'agit d'A2 et non A4 ? Bon je ne vois pas comment il en serait autrement... |
| | | Invité Invité
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