Écoute comparée : Images [pour orchestre] de Debussy

D’une part, d’un point de vue objectif, les tempi, cette fois-ci, sont très précisément notés, à la différence de «Gigues» (d’où sans doute l’écart considérable de durée entre les versions). Pour autant, on s’en doute, les chefs n’en font qu’à leur tête et c’est sans doute très bien ainsi.
D’autre part, d’un point de vue plus subjectif, il y a sans doute une moins grande versatilité, moins d’ironie et d’ambiguïté dans ces «Rondes», plus strictement construites: une introduction relativement plus lente (jusqu’à la troisième de 3) et une coda relativement plus rapide (à partir de la neuvième de 24) encadrant une structure de type ABA’, où B (de 11 à la cinquième de 13) est une partie centrale d’allure très modérée – peut-être la plus sélective, avec une indication «Doux et flottant» pas moins redoutable que les «Pénétrant» ou même «Mélancolique» du hautbois d’amour dans «Gigues».


D’où peut-être l’une des explications de ce que j’ai eu plus de mal, pour le moins, à départager les versions que dans «Gigues», sachant en outre que le niveau global de ces quatre versions, où j’ai eu l’impression d’aller de la plus récente à la plus ancienne (et peut-être aussi d’avril à juin), m’a paru très élevé: leurs mérites très différents mais assez considérables ont failli me faire opter – de façon un tantinet provocatrice, j’en conviens – pour une note unique, comme à «L’Ecole des fans».


Mais venons-en plutôt aux faits.


Meymac
On commence très fort, avec un orchestre sublime, magnifié par une prise de son très naturelle, qui fait ressortir la finesse des sonorités et des textures et un très grand nombre de détails de cette superbe orchestration. C’est la fête dans les bois – je parle des instruments – particulièrement chez les flûtes. Volupté, hédonisme, et, par-dessus le marché, exactitude, merveilleux équilibre et souplesse: un confort idéal qui en tourne presque à la démonstration. L’exactitude se retrouve dans une grande fidélité aux tempi inscrits dans la partition, sauf dans l’introduction (à 80 au lieu de 96, mais c’est ce que font trois des quatre enregistrements de ce groupe).
Cela dit, ce genre de versions court toujours un risque, que celle-ci n’évite pas tout à fait: sans être froide ou manquer de vie, elle est plutôt économe en contrastes dynamiques et, surtout, gagnerait à suivre une ligne sinon plus narrative du moins plus ferme. Bref, on en frôlerait un certain ennui, notamment si l’on considère les trois autres versions: on se situe donc peut-être encore en avril et pas tout à fait en mai. Et puis la fameuse partie centrale est sans doute «douce» mais pas très «flottante».
Note 7,5/10


Salmiech
Cette version n’est pas très éloignée de Meymac à bien des égards: sans doute assez récente également, instrumentalement très aboutie elle aussi, avec un vrai plaisir à l’écoute et une partie centrale «douce» mais pas très «flottante». Plus vive (au-dessus du tempo indiqué sauf dans l’introduction), plus radieuse, plus mordante, elle chante aussi davantage, comme pour rendre justice aux vers placés en exergue («Vive le Mai, bienvenu soit le Mai/Avec son gonfalon sauvage»). Un résultat moins bluffant que la précédente, mais un enregistrement plus habité et peut-être avant tout mieux conduit.
Note 8/10


Talcy
Voici la version la plus lente, en raison non seulement de l’introduction, sensiblement en dessous (76-80) du tempo indiqué (96), mais aussi de la partie centrale, un peu en dessous (58 au lieu de 63). Si la prise de son est plus sourde, plus terne, et les sonorités de l’orchestre apparaissent plus typées, il n’en est pas moins performant. Plus encore que Salmiech, l’aspect solaire et lyrique est mis en valeur dans cet enregistrement: j’y perçois davantage de personnalité, d’incarnation et de chaleur que dans les deux précédents. Dans la partie centrale, j’ai le sentiment qu’on se rapproche du «flottant», avec suffisamment de «douceur». Le dernier tiers est particulièrement réussi (à partir de 20): il y a bien cette inexorable montée de la sève. A noter, autour de 19, quelques notes de percussion (cymbales, triangle) qui ne figurent pas dans l’édition imprimée – mais où diable est le manuscrit?
Note 8,5/10


Tourtouse
Peut-on encore parler ici d’introduction tant on entre rapidement dans le vif du sujet? Cela dit, c’est le tempo exact (96)... Voici en tout cas l’antithèse de Meymac: que de contrastes et de caractère! Un tempo principal extrêmement rapide (156), un tempo central extrêmement lent (46), et le reste à l’avenant: une présence très forte, une urgence folle, presque brutale ou hâtive – ce n’est plus mai mais la Saint-Jean, avec une ambiance parfois même ludique. On a parfois envie de se laisser porter par cet enthousiasme un peu brouillon qui trouve cependant en lui-même ses limites: le chef donne trop au début, de telle sorte qu’on perd cet élan, cette accélération qui mènent la pièce vers toujours plus d’énergie et de lumière.
L’orchestre, capté de manière un peu sourde, semble moins satisfaisant que les précédents (ou alors moins bien mis en valeur) mais aussi plus typé. Le point d’achoppement réside plus encore que dans les autres versions dans la fameuse partie centrale, pas «douce» et guère «flottante», dans un tempo, je l’ai dit, très ralenti. Dans les dernières pages, le tambourin ressemble plutôt à une caisse claire, ce qui est fâcheux, car le timbre souhaité par Debussy est vraiment caractéristique et apporte quelque chose de très important à ce passage.
Note 7/10


Pour ce groupe, je propose donc:
Talcy 8,5/10
Salmiech 8/10
Meymac 7,5/10
Tourtouse 7/10

4 versions difficiles à départager pour moi : Confort d'écoute , bonnes sonorités des orchestres .
Donc , impossible de mettre des écarts forts entre les versions .

Meymac :  7'30
Superbe , tempo adequat . C'est la version de l'honnete homme , juste milieu entre Tourtouse (ronde ile-de-france) et  Talcy (ronde florentine),
Je prefere ces dernieres plus affirmée .
Certes ,ici  on plonge dans une joie de vivre , un bonheur enfantin ... Pas d'ombres au tableau  (peut etre du à un léger manque de dynamique ?).
7,5

Salmiech : 6'58

intro réussie ,
pas de gras , c'est léger. très propre . Contre-parti  : peu de dynamique ,contraste peu creusé , bref c'est froid . je trouve que cette version ne respire pas .
7

Talcy : 7'41  la plus lente
C'est une version hédoniste .
Fêtes des instruments : beaux Cors , violoncelle , juste un tambourin faiblard . Conclusion : une version colorée ... et de l'ampleur .
La combinaison  des magnifiques timbres et le tempo lent  provoque  l'apparition une charge presque erotique  ... par moment on dirait du Strauss (richard).
J'imagine que le chef réve  à une ronde florentine : les trois Grâces du tableau Le Printemps de Botticelli , pas la ronde des scouts Idf ...
Un brin de nostalgie aussi  . Une version assez vivante malgré un tempo lent  .
8,5

Tourtouse : durée moyenne , avec passages rapides ou lents   7'11
Intro assez rapide : c'est le point faible cette version .
Tourtouse est dans l'optique "léger et svelte" comme Salmiech .
Comparé avec Salmiech : Tourtouse propose une gestion des contrastes dynamiques en plus ,une agogique assumée .
Coté instruments : moins beau chez Talcy , mais  un Tambourin clair qui m'évoque les tambourins du choeur des pastourelles de l'enfant et les sortileges de Ravel .
En dépit un tempo vif , le chef sait marquer  ici  une certaine nostalgie de l'enfance , là  un attendrissement , une certaine volupté , une langueur réveuse .
9

Salmiech  7 < Meymac 7,5 < Talcy 8,5 < Tourtouse 9

APCHON (8 :18)
Malgré un début neutre et relativement effacé, ces Rondes sont, dans l’ensemble, assez bien et très finement données.  On ressent, pourtant, une uniformité excessive, une certaine retenue et un ton général plutôt triste et gris.
5/10

AUBIGNAC (7 :58)
Interprétation vive, allante et animée dans un tempo juste.
8/10

BARGEME (7 ;43)
Interprétation vive et nuancée dans un tempo légèrement trop rapide. On a parfois l’impression que certains passages, magnifiquement donnés, s’estompent un peu trop rapidement.
7/10


BAZOCHE (7 :51)
La merveille ? Une interprétation parfaitement pertinente, vive mais sans excès et très nuancée, colorée et même décorative dans un tempo plus que juste. On ressent un grand bien-être à son écoute.
10/10

Dans ce groupe C, quatre versions qui tournent, à quelques secondes près, autour de 8 minutes, donc d’une durée sensiblement plus longue que celles du groupe D par lequel j’ai commencé. Mais que cela recouvre-t-il?


Lavardens
C’est splendide et minutieux, mais lent, pas tout de suite «léger et fantasque», pas très printanier, en somme: on est encore en mars, en quelque sorte. Dommage que cela ait tendance à manquer d’implication, à se laisser aller à une certaine indolence (pourquoi par exemple «céder» de façon aussi appuyée deux avant l’indication «Cédez» juste avant 6, et de même à 22 et non pas deux après 22?), car l’introduction (relativement rapide, même si, comme ailleurs, en dessous du tempo) est très réussie (les toutes premières mesures investies comme rarement, de même que le hautbois «gracieux» deux avant 1), et la fameuse partie centrale aussi, assez «douce» et plutôt «flottante». A noter que vers 19, on retrouve, comme dans Tourtouse, ces notes de cymbale que je ne vois pas dans la partition.
Note 7/10


Locronan
C’est, semble-t-il, une version un peu plus ancienne et un peu moins soignée que Lavardens. Si l’on quitte une sorte de standard international pour quelque chose de plus typé, c’est avec une approche assez comparable, quoique plus incarnée et plus savoureuse. L’introduction (à 66 au lieu de 96) est quasi wagnérienne, et la partie centrale n’est pas très «douce» ni vraiment «flottante». Le tout est fort bien conduit, la durée globale s’expliquant en partie par la lenteur de l’introduction.
Note 7,5/10


Malestroit
L’introduction est raisonnablement engageante mais le tempo paraît ensuite trop problématique, de fait très sensiblement inférieur pour le mouvement principal (112 au lieu de 126). Dans la partie centrale, on a bien le «doux», mais pas le «flottant». Et après le tambourin façon caisse claire de Tourtouse, voici maintenant le tambour de Basque! Non et non, ce n’est pas possible.
Note 6/10


Marchastel
Voilà apparemment la plus ancienne des quatre versions de ce groupe, avec des cordes plus en avant mais aussi une finition et une mise en place un peu en retrait. Cela dit, il y a un sens dramatique comme dans aucune des trois précédentes, avec une péroraison fantastique. Partie centrale très ralentie, mais assez «douce» et «flottante». C’est exactement le même tempo principal que Lavardens (116) mais, pour autant, cela sait rester «léger et fantasque».
Note 8/10


En conclusion, la durée s’est effectivement révélée un problème en ce que pour deux versions au moins, elle s’est avérée synonyme de lenteur et, plus encore, de manque d’élan et de dynamisme. Mais la durée n’est pas un critère suffisant, puisqu’à quelques secondes près, Marchastel, voire Locronan, parviennent à éviter la plupart de ces écueils. Je demeure confronté à d’assez sérieuses difficultés d’étalonnage: globalement, les écarts restent très resserrés, mais de fait, ces versions me semblent, bien sûr à des degrés divers, posséder toutes d’importants mérites.


Pour ce groupe, je propose donc:
Marchastel 8/10
Locronan 7,5/10
Lavardens 7/10
Malestroit 6/10

Difficile de faire un choix : toutes les versions sont très écoutable ...

Apchon    8'18 ***  Ca part mal !  Un  début mou (vers 1' , c'est lisse ,sans l'amplitude sonore ) .
Je m'ennuie  dans les 5 premieres minutes .... Sièste avant une petite ronde    . tout est lissé , pas d'attaque franche .
J'accroche pas .
5

Aubignas  7'58
Ouf ! là , une vision ,de l'ampleur , des détails dans la partie lente entre 3' et 4') c'est un jardin féerique , splendide                    
La prise de son est inférieure à celle de Bazoche  , c'est clair . Mais , je trouve qu'Aubignas creuse davantage les contrastes  dynamiques , un exemple ,
entre 40'' et 55' on sent une pression , presque une urgence ou là Bazoche est plus "plat" .
9,5

Bargème   7'43      
Intro un poil pressé  , rien à dire sur l'orchestre  . Dans l'optique vif et analytique c'est pas mal , Mais dans cette catégorie Bazoche est imbattable !
7                     é

Bazoche   7'51 bien précis,tempo juste , on entend tout (6'17 par exemple les cordes ,c'est coul, des détails non écoutés )  . C'est parfait .
9

Conclusion :  une bagarre entre 2 versions : Bazoche la version analytique et Aubignas la version globale . J'aime les deux .

Apchon 5 < Bargème 7 < Bazoche 9 < Aubignas 9,5  

Quelle pièce géniale    …

Apchon

C’est enregistré d’assez loin avec beaucoup de réverbération. Le chef adopte un tempo assez lent pour des Rondes raffinées, langoureuses, voire un peu maniérées. Même si Debussy le demande explicitement comme à 8, il n’est pas avare de rubato. Malheureusement sa lecture est fort peu détaillée (on n’entend pas le célesta à 11). Est-ce dû à une prise de son très globale qui noierait les détails ? Je ne saurais dire ; mais tout cela manque de transparence, d’impact et de présence. En dépit de la poésie et d’une réelle subtilité dans l’approche, je tiens ici ma victime pour ce groupe    3/10.


Aubignas

Prise de son plus ancienne mais nettement meilleure, avec une présence très palpable de l’orchestre de grande qualité. Le tempo est sensiblement plus rapide, et même s’il demeure souple, il abuse moins du rubato. Alors qu’Apchon faisait dans la demi-teinte et la suggestion, on a ici une lecture gorgée de vie, aux couleurs plus franches et parfaitement mise en place. C’est un Debussy solide, articulé, mais non dénuée de poésie et admirable de lyrisme (les clarinettes qui chantent en valeurs augmentées Nous n’irons plus au bois, à 20). Toute la partie finale est véritablement orgiaque. J’adore cette version que j’ai par ailleurs reconnue    10/10.


Bargème

Encore une très belle lecture dans une magnifique prise de son, réverbérée mais très charnelle; et avec un orchestre somptueux. Les timbres sont ici vraiment splendides. Version très lisible et détaillée, aux tempi souples, non dénuée de poésie, mais sans l’incroyable vitalité d’Aubignas. J’ai également identifié cette version remarquable    9/10.


Bazoche

Bazoche est pour moi l’heureuse découverte de ce groupe. L’enregistrement, moins réverbéré, est une grande réussite. La vision du chef est moins ample que celle de Bargème, plus intimiste et en demi-teintes, mais encore beaucoup plus détaillée et précise. La transparence est idéale et on entend tout; en particulier tous les contre-chants des bois qui sont d’ailleurs magnifiques. La souplesse des tempi est idéale. Seule la partie finale (à partir de 20) manque peut-être un peu d’ampleur. Mais c’est néanmoins très, très remarquable    9,5/10.

Meymac 8

Des cordes bien discrètes. Les flutes sont en verves à 1mn07. Beau dialogue avec les bassons à 1mn17.Des cuivres en forme à 2mn. 2mn48, les flutes mènent décidément la dance. Par contre, que la harpe est discrète. A 4mn08, les clarinettes vont au bois ! A 4mn39, des cordes en folie. Le carillon apporte une note de fraicheur. 5mn16, des cors un peu mous. Une musique assez dynamique, loin des contes d’enfants même si on reconnait ça et là des marches. Un final avec les timbales puissantes. Fin à 7mn27.

Salmiech 7
Un début mystérieux comme un petit matin dans la campagne. Superbe pâte orchestrale à 0mn45. Le soleil se lève. L’orchestre nous éclabousse de sa lumière. Superbes flutes à 1mn09. C’est léger, primesautier. Des cordes inquiétantes à 1mn52, que se passe-t-il ? Le brouillard ne se lève pas. Heureusement, à 2mn03, tout l’orchestre nous rassure. A 2mn39, des timbales distillent une once d’angoisse. Décidément, un matin où le soleil a du mal à percer. A 3mn24, des flutes toujours aussi belles. A 3mn57, un orchestre en verve, une cavalcade des nuages dans le ciel. Beaux cuivres à 4mn28. Et le célesta est chou ! Belle envolée des cordes à 4mn50. Le galop reprend à 5mn50 ! Des timbales en verve à 6m34. Fin à 6m55.

Talcy 9
Un démarrage tout en frémissements. A 0mn27, les cordes distillent une tension impalpable et néanmoins implacable. A 1mn09, une harpe fantomatique, évanescente apporte sa contribution à l’atmosphère spectrale. Des pas de danse hésitants à 2mn48.  A 3mn04, le rire cristallin du célesta ou du xylophone (je n’ai pas la partition et mes oreilles sont en grève !) Un très beau mariage avec les flutes en tout cas. L’orchestration est vraiment perceptible et brillante. A 4m12, quelle magnifique ensemble. Une version où chaque partie est mise en valeur tout en s’intégrant dans un tout supérieur à la somme de toutes les parties. A 5mn05, retour du rire cristallin. Des cors fiers à 5mn35. La nostalgie debussyste à l’œuvre à 6mn. A 6mn35, retour du thème, fier et dansant. Une fin sur les « chapeaux de roue à 7m10 » à grand coup d’archets. Fin à 7m37

Tourtouse 10
Un début que je ressens rapide, empressé. Les cordes marquent un rythme vif même si des détentes sont perceptibles (harpe à 0mn59). A 1mn16, nouvelle accélération des cordes. Une belle dynamique, tant temporelle que spatiale. A 2mn21, beau dialogue entre la harpe et le basson (clarinette ?). Des flutes quelques peu joueuses à 2mn44. La harpe distille une musique cristalline comme des gouttes d’eau qui tomberaient d’une cascade. A 4mn01, l’orchestre accélère de nouveau. Un beau contraste entre des cordes très vives, et l’ensemble flûte plus harpe plus « zen » !  Le célesta se marie avec la harpe à 4mn51. A 5m17, les cuivres se font entendre leur majesté. Superbe danse à 5m56, tous virevoltent. Un final pressé, endiablé. Fin à 7mn10.

Ce groupe est vraiment de très haut niveau …


Beauvezer

La prise de son est belle, détaillée et très aérée. L’orchestre est d’une splendeur rare. Le chef observe un tempo modéré, mais qui ne donne jamais le sentiment de la lenteur, tant la souplesse est grande et les contrastes vifs. Il assure aux textures orchestrales une transparence vraiment exceptionnelle : on entend ici des détails rarement entendus ailleurs. Par ailleurs son interprétation est admirable de poésie et de magie; et elle est gorgée de vie. Le final est ébouriffant … J’adore cette version que j’ai par ailleurs bien identifiée. Une candidate pour la finale, selon moi. 10/10  


Charroux

Dur, dur de passer après Beauvezer ! D’abord la prise de son est ici nettement moins réussie: très réverbérée et lointaine. L’orchestre, pourtant bon, manque de présence. Il s’ensuit une interprétation qui fait davantage dans la demi-teinte. Malheureusement, beaucoup de détails sont inaudibles. Le chef donne à l’ensemble une grande fluidité et la poésie est au rendez-vous, mais c’est un peu au détriment de la vie et des contrastes. On pourrait s’endormir   . Cette version, très bonne dans l’absolu, pâtit fort de la comparaison avec les autres du groupe. 3/10  


Excideuil

On retrouve ici une belle prise de son aérée, mieux détaillée que celle de Charroux. L’orchestre de haut niveau est très présent. Je trouve ici à peu près tout ce que j’attends dans les Rondes: la souplesse, les contrastes, la poésie, la joie et la vitalité, mais sans la splendeur, le pétillement et la transparence qui font pour moi toute la valeur de Beauvezer. C’est excellent néanmoins 8/10.    


Gouarec

Retour d’une prise de son plus lointaine et globale qui manque de détail. L’ensemble est parfois un peu confus. Au demeurant, la lecture est très vive et contrastée et elle ne manque pas de la poésie nécessaire. L’orchestre, un peu frustre, bénéficie de bois plus aigres qu’ailleurs, mais ne montre sans doute pas la virtuosité des plus grands. Un orchestre français ? Cette version, à la vitalité assez communicative, a beaucoup de qualités, mais elle peine face à une concurrence très rude 7/10.  

Je ne sais pas si c'est le mouvement ou le groupe qui fait ça, mais ça m'a semble assez homogène, avec quatre beaux orchestres bien captés dans l'ensemble (des versions récentes pour la plupart probablement) et, à part pour Tourtouse, peu de choix interprétatifs marquants. Bref, pas de très mauvaise note pour moi dans ce groupe :

Meymac : une version très propre sur elle, tout est très bien en place, soigné, il y a un bon équilibre, l'orchestre est beau (très beau hautbois notamment) et la prise de son impeccable. Bref, rien à redire, mais le problème c'est que c'est un peu lisse, ça manque d'engagement et de contrastes marqués par moments. Le tempo me semble juste, c'est quand même très bien. 7.5/10

Salmiech : un peu dans la même optique que la précédente, mais plus affirmée, ça avance plus (c'est la version la plus rapide des quatre du groupe), il y a des ruptures de tempo ou de dynamique plus nets, le tout avec un orchestre tout aussi beau que dans la version précédente. Une version un peu plus espiègle et très maitrisée. 8.5/10

Talcy : on a déjà ici une personnalité nettement plus affirmée, accentuée par une prise de son que je trouve vraiment excellente. On est au coeur de l'orchestre, ça bruisse et frémit de partout, les interventions solistes ont du piquant et les tuttis sont très nets, je suis vraiment emporté par cette version. Tout petit bémol, les percussions discrètes et pas très typées. 9.5/10

Tourtouse : les versions ont été classées de la plus consensuelle à la plus personnalisée ? En tout cas, on a ici pour la première fois une version vraiment très personnelle, qui n'hésite pas à bousculer la partition. Départ très (et même trop à mon goût, même si ça colle à l'indication métronomique de la partition) rapide, tutti violents qui à mon sens ne passent pas bien du tout (il faut dire qu'ici la prise de son est moins bonne). Les passages lents sont du coup extrêmement ralentis, bref on force pas mal sur les contrastes, dynamiques ou de tempo. Ca me fait l'effet d'une version trop démonstrative, avec des effets qui ne me convainquent pas. Et pourtant, c'est indiscutablement très maitrisé, et l'orchestre (malgré le son moins bon) est très intéressant et typé (les bois nasillards !). Je ne veux pas être trop sévère avec une version qui a des qualités et le mérite de déménager plus que les trois autres, mais personnellement c'est celle que j'aime le moins. 5.5/10

Un groupe, une nouvelle fois, de très haut niveau.

Meymac

Prise de son lointaine mais précise. L’orchestre est excellent même s’il manque un peu d’impact … Le tempo est plutôt allant mais par ailleurs assez uniforme. Cela manque de contrastes … Tout est très bien mis en place et la lecture, qui n’est pas des plus « magiques », s’avère plutôt objective. Il n’y a en réalité pas grand chose à dire. Le contrat est rempli, mais tout cela reste assez neutre : c’est de l’eau tiède. Cette version est pour moi la moins bonne du groupe et, même si dans l’absolu elle mérite mieux, je vais, comme demandé, lui mettre une note discriminante 3/10   .

Salmiech

La prise de son, bonne, est assez réverbérée. Le tempo est quant à lui délibérément très rapide. Bénéficiant des ressources d’un orchestre superbe, le chef, tout en imposant une fuite en avant, ne hausse jamais le ton et pratique un art subtil de la demi-teinte. On trouve assurément ici beaucoup plus de magie et de poésie que dans Meymac. Toute la partie finale, à partir de 20 dépote littéralement … On pourra trouver tout cela trop rapide, mais le chef assume parfaitement son choix et l’orchestre virtuose le suit sans problème. C’est pour moi bien mieux que la neutralité de Meymac 8/10   .

Talcy

Voilà un enregistrement que je pense pense avoir reconnu. La prise de son, très détaillée, est excellente ; meilleure que les deux précédentes. L’orchestre, de niveau supérieur, y est très palpable. Le chef adopte un tempo plus modéré que Salmiech, mais sans lenteur, et il observe la souplesse agogique exigée par le compositeur. D’une manière générale, la lecture, plutôt objective, est scrupuleuse et très détaillée, avec une mise en place parfaite. Ici, on entend tout, tant l’équilibre entre les groupes instrumentaux est parfait. C’est assurément remarquable 9/10   .


Tourtouse

Encore une version que j’ai sans doute reconnue. La prise de son, claire, avec un orchestre virtuose très présent, semble néanmoins parfois artificielle et déséquilibrée. Comme avec Salmiech, le tempo est très rapide, mais avec beaucoup de souplesse et de violents contrastes. La lecture, gorgée de couleurs, est ici d’une vitalité et d’une chaleur communicatives. Par ailleurs, les textures, transparentes, laissent entendre des timbres de toute beauté. Par contre, le chef s’embarrasse moins de détails et de précision. Sa lecture est moins parfaite techniquement, moins scrupuleuse qu’avec Talcy, mais elle montre un engagement, une prise de risques et une vitalité supérieurs. C’est tout le contraire de l’eau tiède de Meymac. Certainement une version qui ne fera pas consensus mais qui est enthousiasmante 8,5/10   .

Meymac (7'30)
Beau début, on entend les notes comme en staccato, suffisamment pour se demander si c'est un pépin technique qui en est la cause ou si c'est noté ainsi sur la partition. Le passage à la harpe est superbe, l'allure générale se révèle assez énergique, on ne lésine pas mais c'est sans hâte. prise sonore moyenne, la moins bonne du groupe, version assez standard avec un Finale tonitruant.
6/10

Salmiech  (6'58)
Tout se joue dans les premières secondes.
La prise sonore me semble supérieure à la version précédente et on y gagne en clarté. La dynamique est grande, ce qui donne des contrastes prononcés et nous garde l'esprit éveillé, les sens aux aguets. Un peu rapide.
8/10

Talcy (7'41)
Ici encore une qualité sonore irréprochable, l'interprétation (moins précipitée que la précédente) laisse place à la rêverie sans tomber dans la somnolence. Les violons un peu saccadés à 7'13.
9/10

Tourtouse (7'13)
Début rapide, sans hésitation, belle amorce originale. La qualité sonore encore au rendez-vous, ce qui complique ma tâche, d'autant plus que les tempi de ce groupe sont tous à peu près semblables, tous dans les sept minutes à l'exception de Salmiech.
8,5/10

Lavarde (8'05)
Limpidité.
Version de type standard avec mention 'haut de gamme'.
8.5/10

Locronan (8'04)
Même durée que la précédente, l'impression de lenteur est toutefois plus prononcée ici, la qualité sonore laisse à désirer (si on compare avec Lavarde), pas mauvaise pour autant, mais plus floue et beaucoup moins convaincante.
5/10

Malestroit (8'12)
Prise sonore très riche dans la basses, belle définition claire et limpide, de qualité irréprochable. Peut-être un peu trop égale, trop neutre, trop asseptisée avec un léger manque d'originalité, dirait-on 'aucun sceau personnel' dans le négatif à l'extrême, ça serait une grave erreur. On pourrait déplorer le manque de caractère, une version lente mais sans lourdeur, une version qui porte à la rêverie. Dans ce mouvement ça me semble le tempo idéal.
9,5/10

Marchastel (7'56)
Version plus nerveuse ici, la plus rapide du groupe, tempo empressé, un peu brusque. La flûte et les hautbois sont trop loin.
Résultat: beaucoup de tension, on est sur le qui-vive, haletant. On aimerait plus de détente.
Bruits suspects à 1'04.
3/10

Beauvezer (7'22)
La définition sonore se fait un peu aigrelette.
Pourrait être plus riche dans les basses. Bel équilibre entre les différents instruments, grande qualité d'interprétation.
Bonne vitesse d'exécution, avec de l'allant, rien de léthargique.
Il manque cependant un brin de somptuosité sonore, peut-être dû à la technique d'enregistrement moins récente que Charroux.
7,5/10

Charroux (7'52)
Ici, tout est comme plus flou, plus brumeux malgré une prise sonore chatoyante, meilleure que la précédente.
Excellente définition sonore, tout me semble concorder avec le caractère de l'oeuvre. Le tempo est judicieusement réglé, on capte bien les détails comme les pizzicati à 7'14.
10/10

Excideuil (8'06)
Excellente perspective sonore.
Une dynamique du tonnerre. pas d'empressement durant l'exécution.
Superbe ligne de hautbois à 6'04, bel effet stéréo à 6'27.
Il manque un soupçon de magie, c'est joué un peu trop lent.
6/10

Gouarec (7'28)
Qualité sonore très moyenne, très ordinaire, trop globale.
L'interprétation - pas mauvaise pour autant - ne recèle rien de particulier, à part un certain empressement dans le tempo et un Finale du tonnerre.
Superbe ligne mélodique des flûtes à 3'35.
5/10

Apchon (8'18)
Aucun souffle au tout début. L'image sonore pourrait être plus précise, plus rapprochée.
Les détours sont pris assez large, c'est dirigé avec une circonspection extrême, c'est du fin travail d'orfèvre.
Le discours musical tient bien la route par sa cohérence, par son rythme lent qui progresse sans heurt.
Une interprétation très personnelle et originale.
9.5/10

Aubignas (7'58)
Excellente qualité sonore nettement au-dessus d'Apchon.
La dynamique est contrastée, nette et précise.
8/10

Bargeme (7'43)
Prise sonore un peu éloignée.
Version de type standard.
Belle présence des percussions à la fin.
5/10

Bazoche (7'51)
La prise sonore pourrait être plus précise.
Bonne interprétation, léger manque d'originalité, rien qui se démarque de façon significative.
6/10

BEAUVEZER - C'est sobre et fin, sans dérapage ni extrémités. Une belle stéréo, une définition sonore qui permet de bien discerner chez instrument. La progression du discours conserve l'attention de l'auditeur. Sans grain de folie mais réalisé avec maîtrise et réussite. Pour moi c'est tout bon.
8/10

CHARROUX - Un très bel enregistrement, avec une sonorité précise et ouverte, très agréable à l'oreille. Mais en terme d'interprétation, il y a des pertes de tension qui m'ont par moment fait sortir de ma rèverie musicale.
5/10

EXCIDEUIL - C'est assez voluptueux, mais de belles envolées lyriques, presque percutantes parfois ; on est plus dans un stimulant innatendu que dans la douce rèverie.
7/10

GOUAREC - Il y a un peu tout dans cette version : la vigueur, la folie, la qualité sonore et un bel orchestre, on ne s'ennuie vraiment pas dans ce très beau voyage musical !
9/10

Apchon: les vents sont un peu couverts par les cordes et cela manque par trop de netteté au début. Même si ç a s'améliore par la suite, en particulier les flûtes, je trouve ces pupitres trop lointains et effacés. C'est plus convaincant ensuite, avec un rythme qui s'anime et de beaux effets de crescendo. On peut à coup sûr faire beaucoup mieux. 5/10

Aubignas: Voilà un orchestre avec une belle profondeur, qui permet d'entendre des détails très subtils. Il y a de l'allant dans ces rondes. Quel enchantement de timbres! 7,5/10

Bargème: de très beau timbres et beaucoup d'aération, ainsi qu'une belle ampleur, le tout rythmé par des percussions, un célesta et une harpe très nets. Je me demande si je ne reconnais pas une version familière. Quoi qu'il en soit, ça correspond parfaitement à ce que j'apprécie dans un tel répertoire. 9,5/ 10

Bazoche: ici ce sont les bois qui sont les rois (flûte et hautbois), dans une lecture chambriste, souple et chantante, qui me séduit beaucoup, un poil moins que Bagème, mais c'est question d'humeur du moment peut-être. Les deux, à vrai dire, me paraissent indispensables. 9/10

Assurément le moins bon des quatre groupes selon moi … Rien ne m’y enthousiasme   .


Lavardens

Belle prise de son assez réverbérée, mais avec une bonne présence de l’orchestre. Le tempo adopté est modéré, voire lent, mais avec de gros contrastes. La souplesse agogique exigée par Debussy est bien observée. Le chef donne aux lignes mélodiques le temps de s’épanouir et donne une lecture plutôt ample et lyrique de cette pièce, et non dénuée de magie : l’orchestre chante comme rarement. Ce n’est par contre pas la version la plus colorée ni la plus détaillée, mais c’est dans l’ensemble convainquant. J’aime assez 8/10   .

Locronan

Bonne prise de son. Le tempo est une nouvelle fois assez lent, mais avec beaucoup moins de contrastes que chez Lavardens. L’écoute laisse une certaine impression d’uniformité. L’orchestre est bon, avec des hautbois plus nasillards, mais la mise en place est moins soignée. Et les textures instrumentales ne sont pas vraiment des plus transparentes. La conception d’ensemble est assez proche de celle de Lavardens, mais en moins abouti. Au total, c’est assez banal 7/10   .

Malestroit

Bonne prise de son dans une grande salle avec beaucoup de réverbération. Une nouvelle fois, le tempo est très lent. Il y a certes des contrastes et une réelle souplesse agogique, mais beaucoup de phrasés sont assez empâtés (comme 2 mesures avant 8 ); et çà et là, on s’enlise un peu ! La transparence des textures laisse à nouveau fort à désirer et beaucoup de détails précieux passent à la trappe. L’orchestre, bon, sonne de manière très neutre. On notera à partir de 20, la présence d’un tambour de basque pour la partie de tambourin : c’est la seule des 16 versions écoutées à faire ce choix   ! Cela passerait mieux si le percussionniste était parfaitement en rythme. Mais ce qui est le plus fâcheux ici, c’est le manque total de vie. Voilà des rondes pour retraités ventripotents. C’est le printemps, que diable ! Réveillez-vous …   ! C’est peu dire que je n’aime pas cette version 1/10   .

Marchastel

Voilà une prise de son beaucoup plus ancienne et d’une qualité assez médiocre. L’orchestre est très lointain et manque cruellement de présence. Le chef adopte un tempo lent mais ménage à la fois de gros contrastes dynamiques et des ruptures agogiques violentes. C’est beaucoup plus vivant que Malestroit. Malheureusement, cela manque furieusement de transparence, et parfois de manière rédhibitoire. Bien des détails sont quasiment inaudibles et les équilibres instrumentaux sont souvent bizarres (où est passée la grande flûte à 8 ?). J’aime beaucoup le timbre du célesta mais çà et là il domine tout l’orchestre ! À partir de 20, le chef accélère d’une manière folle, au point de devenir assez brouillon. Tout cela me laisse perplexe 4/10   .

Lavardens : Belle version qui permet de bien entrer dans l'extrait. Pas grand chose ne me semble significatif cependant : orchestre un peu lointain (ou prise de son plutôt). Malgré l'écriture, ça reste assez statique surtout quand les motifs rythmiques bougent l'ensemble, ça manque de pêche dans l'ensemble (les motifs répétés sont assez plats). Pas très marquant. 6/10

Locronan : On est beaucoup plus dans l'énigme que chez le précédent. Les couleurs ressortent plus. Ca bouge, c'est actif, ça avance, le grain des violons est très convaincant. On décèlerait presque une pointe d'humour par moment. Les contrastes entre chaque partie sont très développés, l'orchestre est aussi plutôt beau. 9/10

Malestroit : Ces vents dans le début de l'extrait ! Ils ont un son que je trouve très identifiables mais je ne sais pas si c'est en bien ou en mal Parti pris plutôt lent à nouveau et on tombe assez vite dans le mou je trouve (et ça s’alourdit encore après d'ailleurs...). C'est vite assez ennuyeux c'est dommage. Parce qu'il y a une envie manifeste d'essayer de faire de belles choses. Peut être au détriment de l'avancée, on s'écoute trop jouer ? Du coup les diverses ruptures n'ont plus trop de sens bien que ça reparte pas trop mal dans le dernier thème. Version paradoxale, je ne sais pas trop quoi en penser. 5/10

Marchastel : Contraste d'énergie (flagrant sur le tout début !) avec la version Malestroit (peut être aidé par une prise de son plus "agressive" ?). On est dans une vision contrastée mais malheureusement un peu systématique : le piano est lent, le forte rapide (j'ai trouvé le passage du milieu assez interminable (en gros entre 3' et 4'30"). Après on retombe dans un moment intense mais un peu bazar. Le thème final est pris un peu brusquement (tempo, contrastes, effets sonores). Version qui fait un peu tout "trop" (cette fin...) 4/10

Beauvezer

C'est une version proprement exécutée, très claire du point de vue de la prise de son et du détail
(les premières notes de harpe, le célesta du début à la fin), mais ça sonne relativement terne,
et surtout c'est sec, raide, parfois précipité. (de 5'12 à 5'16 par exemple,
la transition est vraiment bâclée, forcée)
Quand Debussy demande rubato, ou "cédez", c'est fait, mais vraiment a minima.
Pour moi ça ne le fait pas tout à fait, il manque de la poésie et un peu d'abandon.
A 3'00, les cordes sont quand même grinçantes... c'est pas très beau et pas très maîtrisé.
Pour le reste, je ne suis pas tout à fait convaincu, mais c'est quand même une version qui se tient,
dans son genre.
C'est bien fait, il y a un bel élan d'ensemble, et un parti-pris assumé jusqu'au bout.
Personnellement j'irais vers d'autres versions avec plus d'enthousiasme, mais ça se défend.

7/10

Charroux

Plus de souplesse, des sonorités plus ouatées, bref quelque chose que je trouve plus debussyste.
Par contre je monte le son pour tout bien entendre (et finalement on entend à peu près tout),
et malgré tout ça sonne un peu lointain et presque opaque.
Je me laisse prendre par la magie et les transitions toutes en douceur... mais on peut certainement
trouver mieux, plus précis, moins flou, sans aller jusqu'à l'excès inverse de Beauvezer.
La pâte sonore est très fine mais cela confine parfois à la timidité dans certaines interventions.

7,5/10

Excideuil

Bel enregistrement, on est plus proche de Charroux que de Beauvezer en termes de sonorité et de tempi,
mais c'est fait avec davantage de contrastes et de tranchant.
Ici on entend tout, les diverses percussions notamment, malgré tout dans une sonorité assez fondue.
Les équilibres sont excellents, on entend bien toutes les interventions importantes de façon
parfaitement adéquate.

9/10

Gouarec

Des tempi tout de suite plus alertes, des sonorités plus vertes aussi (hautbois notamment),
c'est une version plus typée que les deux précédentes.
Il y a quelque chose de plus imparfait, c'est moins précis d'intonation, et les hautbois
ont une sonorité qui les fait ressortir de façon parfois excessive.
Je retrouve un peu le côté précipité de la première version, notamment dans certaines transitions.
La prise de son est très claire mais on n'entend pas toujours aussi bien le célesta que dans
les autres versions.
Version moins hédoniste, plus surprenante; beaucoup d'énergie.
Je ne suis pas complètement convaincu, mais ça s'écoute avec beaucoup d'intérêt.

6,5/10

Car avec ce troisième groupe, je trouve ça se corse sérieusement. L’éventail des notes est très resserré et ici encore, j’ai failli renoncer, c’est-à-dire que j’ai envisagé de mettre la même note à toutes les versions. On verra qu’à la fin, malgré ces bonnes résolutions, je n’ai pas beaucoup avancé dans ma différenciation...

L’impression se confirme en effet qu’il n’y a plus de canards boiteux et que celles qui seront éliminées sont loin de démériter. Probablement, c’est la préférence personnelle, plus que des considérations objectives, qui va faire la différence. Est-ce qu’on veut un printemps façon Botticelli ou «Carmina burana»? Je schématise grossièrement, mais même si on peut avoir une petite idée de ce que Debussy pouvait en penser, cela peut plus ou moins séduire l’auditeur.


Apchon
Comme Perth, c’est assez ancien.
Comme Perth, le chef sait installer l’atmosphère dès la première note.
Comme Perth, c’est assez lent sur le papier mais il n’y paraît quasiment rien: c’est simplement parfois langoureux comme le «Prélude à l’après-midi d’un faune».
Comme Perth, que de vie, de couleur, d’originalité (quitte à aller un peu loin, comme cet aspect monumental deux avant 3), en un mot, de poésie!
Comme Perth, pas de temps faibles: introduction parfaitement réussie, je l’ai dit; partie centrale très aboutie aussi (le «doux et flottant» y est, et pour une fois, ce n’est pas un mini-concerto pour timbales); fantastique élan final.
Vous l’avez compris: je ne suis pas du tout persuadé qu’Apchon des «Rondes» soit Perth des «Gigues», car les apparences sont parfois trompeuses, mais je lui accorde aussi une grande valeur.
Note 8/10


Aubignas
A peine plus récente qu’Apchon, marquée par une assez forte réverbération et moins instrumentalement aboutie mais avec des timbres typés, cette version alterne de nombreux moments robustes et prenants (à commencer par la coda) avec quelques baisses de régime. La partie centrale, une fois n’est pas coutume, me paraît plus «flottante» que «douce».
Note 6,5/10


Bargème
Voilà le type même de la version qui n’encourt aucun reproche mais n’emporte pas mon adhésion. Il me semble qu’on en revient à quelque chose de plus ordinaire – encore une fois, à un haut niveau: dépourvue d’aspérités, elle a le mérite d’être plus régulière qu’Aubignas. Et là, la section centrale est plus «douce» que «flottante».
Note 6,5/10


Bazoches
Il y a une approche assez originale dans cette version (captée en concert?) plutôt lente, d’une grande délicatesse, parfois presque timide, disons chambriste, fondée sur de superbes bois: c’est donc généralement intéressant, coloré, souvent vivant et bien mené, avec quelques moment moins saillants. La partie centrale est plus «flottante» que «douce», la coda est bien empoignée, mais pourquoi encore, comme dans Tourtouse, une caisse claire au lieu du tambourin: zut à la fin!
Note 6,5/10


Pour ce groupe, je propose donc:
Apchon 8/10
Bargème 6,5/10
Aubignas 6,5/10
Bazoches 6,5/10

Encore du très haut niveau, et peut-être davantage encore que dans le groupe A: c’est un tour décidément très relevé, mais j’ai un peu mieux réussi à établir un classement (qui serait sans doute différent si je réécoutais encore tout cela demain).


Beauvezer
Les cordes ne sont pas les meilleures, l’enregistrement n’est pas récent non plus, mais c’est une version agréable, pleine de vitalité, avec beaucoup de présence et très bien conduite, ménageant une belle progression, sans confondre élan et précipitation. La partie centrale est assez réussie, plus «flottante» que «douce».
Note 7,5/10


Charroux
Mais dans cette version-ci, la partie centrale respecte vraiment l’indication «Doux et flottant», ce qui est rare: enfin! Au demeurant, toutes les indications expressives sont réalisées à l’avenant, c’est-à-dire à la perfection. Le travail ne s’arrête pas là: la subtilité des équilibres instrumentaux, l’agilité des vents contribuent à une réalisation qui n’appelle que des éloges. Si l’on veut trouver un semblant de défaut à cette version, c’est qu’elle est un peu moins incarnée que Beauvezer ou Gouarec. Mais c’est vraiment pour trouver quelque chose à charge.
Note 8,5/10


Excideuil
La lenteur ne se révèle pas trop problématique, car cette version est d’une belle vigueur et très bien conduite. La partie centrale se tient à peu près dans le «doux et flottant». C’est encore une bonne interprétation, peut-être desservie par la prise de son et dont le côté romantique et expressif, le trait plus épais, le manque de fluidité pourront gêner.
Note 7/10


Gouarec
L’enregistrement n’est pas récent, les timbres sont très typés et il y a une assez forte réverbération. On entre tout de suite dans le vif du sujet, et la suite sera du même ordre: très estival, charnu, puissant, musclé, punchy, sympathique, aux antipodes de Bazoches du groupe A, mais tout en réussissant une partie centrale plus «flottante» que «douce».
Note 8/10



Pour ce groupe, je propose donc:
Charroux 8,5/10
Gouarec 8/10
Beauvezer 7,5/10
Excideuil 7/10


Puisque j’ai eu le temps et la chance de tout écouter, voici le tableau global, qui montre une très forte concentration (et encore, c’est aussi parce que trois versions m’ont agacé en remplaçant le tambourin si caractéristique par un autre instrument à percussion) et l’absence de versions négligeables, à la différence du premier tour.

Charroux 8,5/10
Talcy 8,5/10
Gouarec 8/10
Apchon 8/10
Marchastel 8/10
Salmiech 8/10
Meymac 7,5/10
Locronan 7,5/10
Beauvezer 7,5/10
Excideuil 7/10
Lavardens 7/10
Tourtouse 7/10
Bargème 6,5/10
Aubignas 6,5/10
Bazoches 6,5/10
Malestroit 6/10

Ce ne fut pas de la tarte ; j’ai écouté plusieurs fois à plusieurs reprises chaque version, car elles sont toutes d’une immense qualité et il est très difficile de les départager.

Lavardens : Très nettement, pour moi, la moins enthousiasmante. Tout est très bien fait, c’est joli, mais ça reste un peu gentil, quoi. C’est une version un peu neutre, peu personnelle, lisse, vernissée. Mais c’est de la belle ouvrage, cependant !
6,5/10

Malestroit : Magnifique. Les timbres des instruments, en particulier ceux de la petite harmonie, sont un enchantement.  Il faut dire aussi que la prise de son est somptueuse. Mais n’est-ce pas un peu trop hédoniste ? Ça ne manque pas de nerf et je l’aurais trouvée idéalement animée s’il n’y avait pas eu ses deux suivantes consœurs. Rétrospectivement, je trouve que c’est une version qui est d’abord superbe du point de vue sonore (autant les couleurs de l’orchestre que la prise de son), mais qui manque peut-être un peu de caractère.
8/10

Locronal : Version qui offre quelque chose de vraiment idéal. Bon, la prise de son est moins luxueuse que dans Malestroit et l’orchestre sonne moins capiteux, mais c’est une version particulièrement vive, même incisive par endroits, piquante. On a là un chef qui a vraiment travaillé les choses en profondeur, parvenant à composer un tableau varié et dense, quelque chose de dramatique, où l’on passe de touches d’humour en pointes de grâce, mais non sans un certain recul ironique (quelque chose que j’associe à une ironie autrichienne, mais qui peut tout à fait convenir à un certain esprit français — je pense à La Valse de Ravel). Il y a même certains passages qui en deviennent inquiétant de grinçant.
9/10

Marchastel : Je l’a trouve vraiment très proche de Locronal dans l’esprit. Mais rétrospectivement, on se rend compte que Locronal garde quelque chose d’un peu contenu. Cela peut évidemment être vu comme une grande qualité, puisque le chef tient son orchestre de la première à la dernière note, en composant quelque chose de contrasté mais très structuré. Paradoxalement, si les contrastes sont ici encore plus tranchés, que le chef doit certainement vouloir excessivement accentuer les dynamiques et les reliefs et donc tenir son orchestre très autoritairement, ça procure l’impression d’un joyeux bazar, tourbillonnant, mutin, plein d’energie, tout fou, peut-être aussi parce que ce n’est pas toujours impeccablement en place . En fait, je trouve que c’est tout à fait quelque chose alla Currentzis. Et personnellement, j’adore, c’est exaltant.
9,5/10