Votre dernier film visionné

Oui, grand film, je l'ai revu très récemment.

Emeryck a écrit:

Michael Powell : Peeping Tom        1960

 +
C'est vraiment un beau film, qui fut pourtant un échec total à sa sortie. Le début me semble très important puisqu'en quelques plans, il donne déjà le ton du film : le personnage principal filme tout ce qu'il voie et Powell nous montre cela en caméra subjective avec un viseur en plein milieu de l'écran. Le thème du voyeurisme au cinéma est assez commun mais le réalisateur pousse ici cette thématique beaucoup plus loin, il ne s'agit plus simplement d'observer l'acte de voyeurisme mais d'y introduire une dimension profondément réflexive (je crois que Powell s'amuse un peu des films qui montrent classiquement le voyeurisme lors de la scène où un homme vient acheter des journaux puis finit par acheter des photos érotiques, oubliant ainsi les journaux pour lesquels il était pourtant venu) : c'est la peur exprimée qui choisit les victimes de ce dernier. La composante projective du spectateur est donc très fortement malmenée - et c'est sans doute ce qui a été mal reçu à l'époque - puisque le spectateur est placé à la fois dans la position du voyeur mais aussi de la victime. Au-delà de ça, le film est parsemé de superbes lumières, mettant en avant l'aspect fabriqué du cinéma - sans doute le seul moyen de distanciation dans le film mais qui n'est pas si effectif que ça puisque dans le film est tourné un film et Mark film en dehors du film dans le film. Les scènes dans la chambre noire sont vraiment superbes. C'est une très belle découverte.

Quentin Lawrence : Cash on demand        1961


Un petit film de gangsters sans grande prétention, de bonne facture. La mise en scène est principalement fonctionnelle, sans véritable audace mais sert bien le huis-clos ; le réalisateur ajoute même quelques petites notes d'humour - notamment lorsque le faux inspecteur remet le certificat de contrôle sur lequel on peut lire "dog certificate".

Olivier Assayas : Fin août, début septembre        1999

 /  +
Je n'ai pas énormément aimé ce film, on dirait une pâle copie de Comment je me suis disputé... (ma vie sexuelle). Tout d'abord, il y a deux acteurs communs (Jeanne Balibar et Mathieu Amalric), la photographie n'est pas si éloignée (même si la mise en scène est beaucoup moins précise), tout comme les thématiques (le film d'Assayas étant cependant plus axé sur la mort là où Desplechin célèbre davantage la vie et tous ses méandres). Le seul point où Assayas s'écarte du film de Desplechin étant la fin - qui est tout de même sans véritable surprise, au passage. C'est donc à nouveau une décéption dans ma découverte de la filmographie d'Assayas (moins forte que pour Désordre, cela dit).

Joseph Losey : Accident        1967

 + / 
Il s'agit du deuxième film que je vois de Losey, et ce film est assez proche du premier que j'avais vu (Secret ceremony) par son rythme très lent, son aspect très tacite et psychologique ; la mise en scène est un peu moins baroque que dans le premier (moins d'exubérance) mais sans doute plus incisive. Ce film semble également plus ouvert sur l'extérieur, possédant plus de dialogue ; il y a également des scènes tout à fait étonnantes notamment celle où figure Delphine Seyrig pour une scène tout droit sortie d'un film de Resnais ! En bref, c'est un film assez étrange, et même taciturne mais très envoûtant une fois qu'on y est entré !

A propos d'Accident, on peut mentionner le scenario d'Harold Pinter...
Ses autres collaborations avec Losey auront également été très fructueuses (The Servant et The Go-Between)

Jean Rollin : Les raisins de la mort        1978


Il s'agit d'un film un peu à part dans la filmographie de Jean Rollin puisqu'il s'agit de son premier film à budget presque normal avec des acteurs un peu moins novices que d'habitude. De plus, il s'agit d'un film de zombies (sans doute l'un des premiers en France) et non plus de vampires ; et l'érotisme n'est plus tellement présent. C'est également les débuts de Brigitte Lahaie chez Rollin (qui tournera à de multiples reprises notamment dans Fascination dont elle tient le rôle principal) qui signe pour son premier rôle non-pornographique. Cependant, je n'ai pas tant aimé que ça ce Rollin, le propos un peu politique sur la collaboration et sur l'écologie s'intègrent assez mal au récit et sont clairement superficiels et il y a moins de fourmillement esthétique qu'à l’accoutumée - il est en fait surtout focalisé sur le maquillage et les effets spéciaux, enfin... on se comprend, quoi'.

Jacques Audiard : Un héros très discret        1996


Il me manquait ce film dans la filmographie de Jacques Audiard, je ne m'attendais pas à grand-chose et ce fut en fait une très bonne surprise. Ce film interroge avec une grande pertinence le mythe résistancialiste, un peu à la façon d'un Guitry dans Le roman d'un tricheur : il n'est pas ici question de faire parler la zone d'indiscernabilité entre le résistant et le collabo' comme a pu le faire Louis Malle dans Lacombe Lucien mais bien de faire parler celle entre la réalité et la fiction ; il s'agit également d'un enjeu beaucoup plus cinématographique que celui de Malle qui est plus d'ordre moral - c'est à la fois tout à fait logique compte tenu des dates de sortie de chacun des deux films - il s'agit de cerner l'espace fictionnel. Ce qui est encore plus intéressant, c'est aussi qu'Audiard incorpore des images d'archive et des témoignages, mettant en place des jalons de vérité ; mais il fait cela avec beaucoup d'humour, conférant notamment au spectateur une place de choix car lui seul peut relever les mensonges divers du personnage de Kassovitz et c'est fait de manière très consciente puisque ce dernier parasite également (dans un sens contraire) l'espace de la fiction : il prétend écrire (créer de la fiction) mais il ne fait que recopier un livre préexistant (retour à l'espace du réel). C'est également l'occasion d'entre la voix sublime de Jean-Louis Trintignant en tant que narrateur.

Costa-Gavras : Clair de femme        1979

 + /
J'ai beaucoup aimé ce film qui est très différent des films précédents du réalisateur : ses films étaient solides, puissants mais jamais ils n'étaient beaux ; ici, c'est beau. Il y a une sorte d'ambiance spectrale qui s'installe progressivement à travers les personnages évoqués hors-champ : le spectre de la femme malade de Montand presque allégorique et le mari déphasé de Schneider ; il y a une symétrie, une complémentarité qui sont très belles, couplées à l'errance des deux personnages (le leitmotiv du sac de voyage de Montand) et avec la nuit, la mélancolie et parfois, à l'image des quelques lumières qui parsèment la scène nocturne sur la fin, quelques notes espérantes (Montand y fait d'ailleurs allusion dans le taxi). Et puis ce qui fait que le film fonctionne autant, c'est l'évidence qu'il convoque : une mise en scène assez dépouillée, les mots de Gary, superbes et les personnages vont en ce sens de l'évidence : comme le spectateur, ils se laissent porter. J'ai toutefois trouvé dommage que la scène du repas s'éternise un peu. C'est vraiment à voir - surtout au sein de la filmographie de Costa-Gavras.

Oui, très réussi. Et effectivement … aucun rapport avec le reste de la filmo.

Monsieur Klein

+

Koya Kamura : Homesick        2019


Un court-métrage d'une trentaine de minutes ; deux ans après la catastrophe de Fukushima, un homme ramène des souvenirs condamnés aux gens depuis la zone contaminée ; il essaie également d'y retrouver son fils. C'est assez intéressant sur le papier car le parallèle avec la zone de Stalker est évident et il y a quelques belles scènes (la fin, notamment, avec toutes ces lanternes) mais j'ai trouvé que ça manquait tout de même de matière.

Brian de Palma : Snake eyes        1998


J'avais un peu d'appréhension avant de regarder ce film mais je l'ai aimé, finalement. C'est toujours un peu hitchcockien (beaucoup moins, cela dit), on dirait une sorte de variation autour de Rope puisque le long plan-séquence ouvrant le film est en fait factice, un peu comme dans les raccords dissimulés de Rope. La mise en question de la vérité dans l'image est cependant un thème omniprésent chez de Palma : de manière assez pessimiste dans les jeux de double de Body double et dans les recherches infructueuses de Blow out ; ici, l'approche est un peu plus optimiste car cela mène à quelque chose ; même si la facticité de l'image est revendiquée (le reportage devant la salle de spectacle, le survol des chambres d'hôtel). J'ai également aimé le jeu très marqué de Nicolas Cage et le récit se tient plutôt bien même s'il y a quelques légers passages à vide.

Soheil Beiraghi
La permission

L'héroïne, Afrooz, qui a mené l'équipe féminine iranienne de Futsal en finale d'une compétition internationale ne peut y participer, recluse au pays suite à l'interdiction de sortie du territoire édictée par son mari. Le film montre de façon très fine les tensions qui se nouent autour de cette intrigue : le soutien absent ou-bien vacillant de ses coéquipières, la condamnation par son entraineuse de son aspiration à passer outre cet enfermement, le peu de poids de ses rares appuis face à ce qui fait force de loi (fussent-ils amenés habilement en jouant la fibre nationaliste, ou l'aspiration à la modernité, comme dérivatifs à la toute puissance de l'époux).
Pas tout à fait réussi à mon sens : autant le portrait de l'Iran est nuancé, autant le personnage du mari semble bien univoque, et la progression générale me semble un peu statique.

Céline Sciamma : Bande de filles        2014

 +
J'avoue avoir été un peu déçu même si ce n'est pas non plus un mauvais film. Il y a de bonnes choses : les lumières, les intermèdes musicaux qui permettent au film de respirer et la performance de certain(e)s acteurs/trices. La réalisatrice a choisi de faire jouer une majorité d'actrices noires - ce qui est rare dans le cinéma français (enfin, dans le cinéma tout court, en fait) et c'est pertinent, notamment lorsque Vic doit livrer de la drogue dans une soirée un peu mondaine où la majorité des participants est blanche. Il s'agit en fait ici de rendre compte du quotidien des femmes noires dans les banlieues en suivant, le parcours initiatique de Vic qui quitte sa famille pour intégrer une bande d'amies qui l'acceptent avec quelques difficultés (il y a quelque chose de l'ordre de la preuve, un peu comme le petit garçon dans 90s de Jonah Hills) puis elle choisit de changer à nouveau de vie et de travailler pour un proxénète. Ça pourrait être très bien mais le propos est tout de même un peu trop caricatural - et ceci passe notamment par une très grande lisibilité dans la trame du film, jusque dans le dernier mouvement de caméra : c'est soit tu restes à la cité ou soit tu dérives totalement. Cela dit, on n'en ressort pas avec une impression aussi douteuse que les films des Dardenne ou Entre les murs de Cantet, ici tout est malgré tout sincère et plus conscient/informé - même si ça ne l'est pas totalement.

2 docus d'actrices à la beauté infinie :





Edit : je viens de m'apercevoir qu'il y en avait 2 autres … et non des moindres :

Paul Thomas Anderson
Punch-Drunk Love

Premier film que je vois de cet auteur.
Vraiment foutraque et barré mais dessine un portrait franchement attachant de ces deux PunchDrunkés.
Me donne envie de voir d'autres choses de lui.

Ulli Lommel : La tendresse des loups        1973

 +
C'est un film produit par Fassbinder qui se déroule dans la période de l'entre-deux guerres et racontant l'histoire d'un tueur en série cannibale à l'allure totalement vampirique. Le film est plutôt agréable, avec quelques beaux mouvements de caméra, un bon acteur principal ; mais son plus gros point fort, c'est l'ambiance absolument lugubre qu'il propose ; c'est dommage que le film n'ait pas été plus développé.

xoph a écrit:

Paul Thomas Anderson
Punch-Drunk Love

Premier film que je vois de cet auteur.
Vraiment foutraque et barré mais dessine un portrait franchement attachant de ces deux PunchDrunkés.
Me donne envie de voir d'autres choses de lui.

Oui, c'est un beau film ; effectivement étrange - y compris lorsqu'on le compare aux autres films du réalisateur. J'en avais parlé quelques pages auparavant.

et en plus c'était il y a à peine deux pages, je suis impardonnable ... C'est sûrement pour ça que je l'ai inconsciemment emprunté à la médiathèque !

Il est temps de faire un bilan cinématographique sur 2019.
D'abord, les films sortis cette année (en France) que j'ai préférés :

• Joon-ho Bong : Parasite. 
  
• Céline Sciamma : Portrait de la jeune fille en feu.
  
• Pedro Almodovar : Dolor y gloria.
  
• Gan Bi : Un grand voyage vers la nuit.
  
• Bertrand Bonello : Zombi child.
  
• Sébastien Marnier : L'heure de la sortie.
  
• Elia Suleiman : It must be heaven.
  
• Oliver Laxe : O que arde.
  
• Erwan le Duc : Perdrix.
  
• Kantemir Balagov : Une grande fille.
  

Les vingt films que j'ai préférés, sorties de 2019 exclues :

• Raoul Ruiz : Trois vies et une seule mort. (1995)
  
• Michelangelo Antonioni : Blow-up. (1966)
  
• Ingmar Bergman : L'heure du loup. (1968)
  
• Andreï Tarkovski : Le sacrifice. (1986)
  
• Robert Bresson : Procès de Jeanne d'Arc. (1961)
  
• Henri-Georges Clouzot : La vérité. (1960)
  
• Billy Wilder : Some like it hot. (1959)
  
• Bernard Queysanne : Un homme qui dort. (1974)
  
• Roman Polanski : Repulsion. (1965)
  
• Ernst Lubitsch : Trouble in paradise. (1932)
  
• Stanley Donen & Gene Kelly : Singin' in the rain. (1952)
  
• Chloé Zhao : The rider. (2018)
  
• Werner Herzog : Aguirre, la colère de dieu. (1972)
  
• Alain Tanner : La salamandre. (1980)
  
• Joel & Ethan Coen : No country for old men. (2007)
  
• Brian de Palma : Blow out. (1981)
  
• Bertrand Bonello : Saint Laurent. (2014)
  
• Otto Preminger : Anatomy of a murder. (1959)
  
• Terrence Malick : The tree of life. (2011)
  

Et enfin, le top 10 daubesque :

• Frédéric Petitjean : Cold blood legacy. (2019)
  
• Roschdy Zem : Persona non grata. (2019)
  
• Jean Rollin : Jeunes filles impudiques. (1973)
  
• Gore Verbinski : The weather man. (2014)
  
• Alain Raoust : Rêves de jeunesse. (2019)
  
• Rebecca Zlotowski : Une fille facile. (2019)
  
• Agnès Jaoui : Place publique. (2016)
  
• Jean-Pierre Mocky : Y a-t-il un français dans la salle ? (1982)
  
• Guillaume Nicloux : Thalasso. (2019)
  
• Gaspar Noé : Enter the void. (2013)
  

William Wyler : Jezebel        1938

 +
J'ai assez aimé sans toutefois être passionné de bout en bout. Bette Davis est cependant remarquable dans son jeu, superbement éclairée ; la mise en scène est agréable avec quelques moments qui se distinguent particulièrement (la scène durant laquelle Julie entre au bal avec sa robe rouge, la scène finale mais aussi la scène du dîner aux échos politiques) ; de plus, dans deux de ces scènes, le propos est assez rafraîchissant même s'il est parfois un peu tordu par des nécessités mélodramatiques (?) ; j'ai cependant l'impression que le scénario est parfois un peu long/bancal.

Benoît Jacquot : La fille seule        1995

 + / 
Je n'avais jamais vu aucun film de Jacquot auparavant, j'ai trouvé ce film assez étrange et très jusquauboutiste. Dans ce film, on suit une femme (très bien) interprétée par Virginie Ledoyen en temps réel. Cela fait donc de ce film un film à double tranchant, pour ma part, j'ai adhéré et j'ai même trouvé que la façon de filmer de Jacquot qui met en valeur les mouvements de caméras (pourtant très sobres) en surlignant brièvement quelques objets dans les plans colle très bien à l'état d'esprit du personnage principal : sans cesse en mouvement, un mouvement très désordonné ; l'antagonisme des mouvements est d'ailleurs parfois souligné notamment lorsqu'elle sort du café et que son copain la rattrape in extremis. Ce qui me semble important dans ce flux de mouvement, c'est vraiment la confrontation de ses aspects centrifuges et centripète qui est omniprésente à travers les entrées/sorties de l'ascenseur, de la salle du room service et des chambres d'hôtel mais aussi dans les échanges : le couple qui s'est défait, qui se refait (pour une heure) et qui se défait à nouveau ; la claque donnée au pervers de service ; la fuite face au couple faisant l'amour ; les allers-retours entre l'hôtel et le bar ; et tout cela aboutit sur l'unique rupture temporelle du film - dont on ne connaît d'ailleurs pas la durée. C'est en somme un film assez particulier mais tout à fait charmant, même s'il est d'une assez grande froideur - la fin !

Terrence Malick : A hidden life        2019


Bon, vous avez déjà vu The thin red line du même réalisateur ? Alors c'est bon, vous pouvez vous dispenser de voir ce film ; plus précisément Malick réutilise exactement le même principe de la voix-off qui lit des lettres ou qui est plus méta ; on retrouve également le dualisme paix/guerre, grosso modo ; certains plans sont évidemment réussis mais c'est le néant total qui prédomine - là où The tree of life était plus silencieux et donc poétique. Ici, on a le droit à "un jour on comprendra le mystère de la vie" (il y a vraiment une phrase très proche dans le film) et des banalités en tous genres : faut-il entièrement s'opposer aux nazis pour être bon ; qu'est-ce que le bien, qu'est-ce que le mal ? etc. Le seul aspect un peu intéressant est dans le titre du film et se trouve dans la citation de fin de film : ces vies cachées qui sont très importantes - mais évidemment, rien n'en est fait dans le film à part nous dire "les vies cachées sont très importantes pour l'avancée de l'histoire". On parlait du retour de Malick et le film est absolument partout encensé ; moi, ça m'a énormément déçu, j'ai trouvé ça vraiment mauvais.

d’accord mais a-t-il la carte ?

lulu a écrit:

d’accord mais a-t-il la carte ?

Ah bah d'après la référence dans le domaine, il ne l'avait plus ; mais je pense qu'il a à nouveau souscrit, moi : ce n'est pas possible autrement !

Hirokazu Kore-eda : La vérité        2019

 +
J'ai été un peu déçu, il faut dire que Une affaire de famille avait placé la barre assez haute. Le réalisateur semble ici encore changer un peu de registre : il s'agit de son premier film tourné en Europe avec une équipe d'acteurs/trices non-japonais(es) ; le résultat est assez curieux : on dirait quelque chose d'assez français avec cette famille essayant d'émerger au-delà des non-dits mais le style de Kore-eda est toujours là notamment dans la façon qu'il a de filmer les repas, la nourriture ou les enfants ; et il y a aussi une référence très nette à After life (son deuxième film) qui ceint le film, c'est celle de la question du message aux portes du paradis. Le titre semble sonner très ironiquement tant le personnage joué par Deneuve se dissimule sous les omissions ou les mensonges, cela permet d'ailleurs d'apporter au film un ton parfois léger qui est agréable et le rôle convient très bien à Deneuve ; tout le film semble tourner autour d'une cartographie de la vérité, qui n'est honnêtement pas véritablement poussée mais on passe un agréable moment ; c'est dommage que le personnage de Deneuve soit si meilleur que les autres.

Georg Wilhelm Pabst : Le journal d'une fille perdue        1929

 +
Wow, c'est très beau, ça ; c'est fou à quel point les films de la première moitié des années soixante de Godard contiennent des citations de ce film - Vivre sa vie en est quand même le plus inspiré ! Un film n'a sans doute jamais autant été un film en noir et blanc que celui-ci, Pabst joue énormément sur ces deux couleurs (il y a notamment cette scène absolument frappante où on voit un plan sur les fleurs très blanches et le plan suivant est celui sur Louise Brooks totalement vêtue de noir et la tombe). Il y a beaucoup de scènes très belles : celle que j'évoque juste au-dessus, ou même celle de la rencontre entre le personnage de Louise Brooks et son père au bordel avec ce superbe échange de regard, très simple ; il y a aussi la scène de danse ou alors, dans un tout autre registre, il y a la scène du repas au centre de redressement ; sans oublier la scène finale ou la scène d'évasion assez amusante. Et puis, évidemment, il y a aussi Louise Brooks qui est d'une superbe simplicité.

John Cassavetes : The killing of a Chinese bookie        1976

 + / 
Ce film est un peu une sorte de film pivot dans la filmographie de Cassavetes, on retrouve à la fois les groupes du New-York nocturne qui parsèment Shadows, Too late blues ou Minnie and Moskowitz (enfin, il n'y a pas tant de groupes mais beaucoup de plans de nuit en ville) mais aussi les grandes fresques psychologiques qui constituent l'intégralité de Opening night, A woman under the influence ou même Love streams qui saisissent les personnages et ne les lâchent jamais, avec cette façon de film qu'a Cassavetes de filmer de manière passionnée, très près du corps. En fait, le film est composé de deux trois parties en symétrie par rapport à la partie centrale : la première nous présente le personnage de Cosmo Vitelli puis son club, sur la sellette ; on retrouve là aussi l'attrait du réalisateur pour les pratiques scéniques (qui culminera dans Opening night). Il va ensuite devoir tuer un bookmaker chinois afin d'éponger ses dettes, cette séquence est à mon sens la plus importante du film, pas seulement parce qu'elle comporte le noeud de l'action (dont Cassavetes n'a pas grand-chose à faire) mais surtout parce que l'ambiance rompt totalement avec l'effervescence du club, ses couleurs, ses éclairages et amène un moment de flottement totalement lunaire dans le récit (le mouvement est toujours empêché et/ou hésitant : les allers-retours depuis la voiture en panne, les scènes statiques lors de la traque de Cosmo, les arrêts multiples du taxi) ; s'ensuit alors la plus belle scène du film : le retour au club, comme un adieu avec Cosmo qui daigne même monter sur scène (alors qu'il ne le faisait pas auparavant) malgré son état ; une sorte de symétrie de la première partie mais beaucoup plus sincère et chaleureuse malgré la fin terrible.

Et puis quelle extraordinaire composition de Ben Gazzara!

Benedictus a écrit:

Et puis quelle extraordinaire composition de Ben Gazzara!

Ah bah c'est clair ! 

Joel & Ethan Coen : The Hudsucker proxy        1994

 +
J'ai trouvé ce film bien inégal, l'introduction me mettait en appétit, me rappelant le mordant de celle de The apartment de Wilder mais malgré quelques scènes drôles - celle du hula-hoop !, et quelques bribes de dialogue - j'ai trouvé que le film s'enlisait dans quelque chose d'assez verbeux et par conséquent bien long (la fin est un parfait exemple avec cet arrêt sur image interminable) ; c'est dommage, il y avait du potentiel.

Plus que Billy Wilder et The Appartment, c'est surtout un film qu'il faut voir a l'aune des films de Capra (particulièrement Meet John Doe et Mr Deeds) auxquels il est un hommage avoué. Ça n'est pas forcément toujours a la hauteur du modèle mais c'est un exercice de style qui n'est pas sans charme je trouve, malgré les longueurs.

Parsifal a écrit:

Plus que Billy Wilder et The Appartment, c'est surtout un film qu'il faut voir a l'aune des films de Capra (particulièrement Meet John Doe et Mr Deeds) auxquels il est un hommage avoué. Ça n'est pas forcément toujours a la hauteur du modèle mais c'est un exercice de style qui n'est pas sans charme je trouve, malgré les longueurs.

D'accord, merci pour la précision ; je le regarderai alors peut-être lorsque j'aurai vu ces films de Capra.

Catherine Breillat : À ma soeur !        2001

 + /
C'est un film assez curieux, ça commence paisiblement et ça ferait même penser à un film de Rohmer en terme de décors et de prises de vue et même thématiquement - on pense bien sûr à Pauline de Pauline à la plage pour le personnage d'Éléna ; mais le film va vite s'éloigner de ce cadre et prendre un cadre beaucoup plus à bras le corps. Il va être question de la découverte (horrible) de la sexualité par Éléna avec un homme qui n'aura rarement autant représenté l'archétype du connard (fabule à tout bout de champ pour arriver à ses fins (sexuelles), procède par chantage affectif, ne semble avoir qu'une notion floue de consentement, et puis, tout de même, a une relation sans aucun problème avec une fille de quinze ans alors qu'il doit en avoir environ trente) ; c'est ce sur quoi va se focaliser le film et notamment avec la confrontation au regard de sa sœur, complexée et en surpoids, qui aimerait elle aussi séduire - mais du coup, cela en vaut-il vraiment le coup quand on voit ce qui arrive à sa sœur? D'ailleurs, sur cette projection restreinte, on voit que sur l'affiche du film, la soeur fait le même geste que le personnage principal de Taxi driver lorsqu'il est au cinéma. J'ai bien aimé ce film, la mise en scène est très simple mais il réussit à faire ressentir beaucoup de choses (la scène soudaine de retour est extrêmement tendue alors qu'il ne se passe pas grand-chose), la fin est assez étrange et sans doute trop bousculée (même si c'est sans doute volontaire et pas absurde).

Emeryck a écrit:

Parsifal a écrit:

Plus que Billy Wilder et The Appartment, c'est surtout un film qu'il faut voir a l'aune des films de Capra (particulièrement Meet John Doe et Mr Deeds) auxquels il est un hommage avoué. Ça n'est pas forcément toujours a la hauteur du modèle mais c'est un exercice de style qui n'est pas sans charme je trouve, malgré les longueurs.

D'accord, merci pour la précision ; je le regarderai alors peut-être lorsque j'aurai vu ces films de Capra.

Une chose est certaine les Capras sont formidable (et si tu ne connais pas encore ce cinéaste, il ne me semble pas que tu en es parlé ici) Meet John Doe et Deeds sont excellent, mais les chef d’œuvres ce sont Mr Smith au Sénat, New York Miami et surtout La Vie est belle ( ) mais c'est sans doute mon cinéaste préféré du Hollywood des années 30-40!

Parsifal a écrit:

Une chose est certaine les Capras sont formidable (et si tu ne connais pas encore ce cinéaste, il ne me semble pas que tu en es parlé ici) Meet John Doe et Deeds sont excellent, mais les chef d’œuvres ce sont Mr Smith au Sénat, New York Miami et surtout La Vie est belle ( ) mais c'est sans doute mon cinéaste préféré du Hollywood des années 30-40!

J'adore Capra, mais au fil des revisionnages, j'ai fini par me lasser (un peu, un tout petit peu) des films les plus ouvertement «politiques» (Deeds, Doe, Smith) et pour réévaluer (mais considérablement) ses mélos «asiatiques» à l'espèce de kitsch hyper-stylisé vraiment étonnant (The Bitter Tea of General Yen, Lost Horizons) et surtout ces deux films qui sont pour moi d'absolus chefs-d'œuvre: Arsenic and Old Lace et l'incroyablement méconnu A Hole in the Head.

Parsifal a écrit:

Une chose est certaine les Capras sont formidable (et si tu ne connais pas encore ce cinéaste, il ne me semble pas que tu en es parlé ici)

En fait, je n'ai pas encore vu un seul film de Capra, je crois. 
Mais j'en ai quatre ou cinq en stock.

Oui The Bitter Tea of General Yen, c'est formidable mais très différent du Capra type! Lost Horizon est déjà plus typique (même si tout aussi bizarre, j'aime beaucoup aussi mais je pense que c'est plus difficile de rentrer dedans du premier coup, surtout que c'est un film en partie perdu).
Je n'ai pas vu A Hole in the Head je ne connais aucun de ses films post State of the Union (un film politique très réussit d'ailleurs, un peu trop bavard peut être sans la fraicheur des prédécesseur des années mais une belle réflexion sur la honnêteté en politique ou la critique ne porte pas sur une faille morale de l'individu mais plutôt sur un système lui même miner par des compromis et des conflits d'intérêts particulier qui rendent impossible ou du moins très difficile toute action politique réelle. Et Tracy et Hepburn sont formidable!) Par contre a l'exception de Forbidden et Broadway Bill que je n'ai pas vu je conseille tout ses films des années 30 et 40 a partir de The Miracle Woman (là aussi un film méconnu et pourtant une trés grande réussite, avec une formidable Barbara Stanwick), il n'y a que la Blonde Platine qui au revisionage est un peu ennuyeux (sans être inintéressant), mais tous les autres sans forcément atteindre les sommets Deeds, John Doe, New York Miami, Smith et Arsenic et vieille dentelles (injustement oublié de ma part) sont quand même formidable!  Mais vraiment je pense que mes préféré sont La Vie et Belle (au risque de paraitre très sentimental et conventionnel) et New York Miami.

J'aime aussi énormément The Miracle Woman et It Happened One Night (New York-Miami.) Dans ce dernier, il y a une liberté de ton dans les rapports homme-femme qui me semble assez unique dans la filmographie de Capra, en grande partie, je pense, grâce à Clark Gable et Claudette Colbert (ce film aurait été impossible avec Cooper, trop gentleman, ou Stewart, trop nunuche, et Jean Arthur, archétype de l'oie blanche américaine.)

Cela dit, je pensais que tu aurais encore mieux aimé Cukor que Capra.

J'aime beaucoup Cukor en effet mais je ne connais pas aussi bien sa filmographie, et je trouve vraiment le sens du rythme de Capra incomparable, et je me sens assez proche de sa sensibilité "d'utopiste pessimiste", je n'ai pas de meilleure résumé/définition pour le moment du discours propre a Capra! Et il y a une générosité, une attirance pour l'excentricité qui me touche beaucoup!

Notre Dame (Valérie Donzelli). Un film gentil qui ne casse pas trois pattes à un canard mais qui permet de se vider la tête

Yann Gonzalez : Un couteau dans le coeur        2018

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Je suis un peu embêté par ce film : d'un côté, les dialogues et le scénario sont assez  creux, les références sont parfois entreposées mais d'un autre côté, il y a une esthétique si foisonnante, sincère et organique ; j'ai donc choisi de me laisser porter par le trip de Gonzalez en faisant abstraction des dialogues et de l'aspect "effectif" du scénario. Ce film se place (évidemment) d'abord sous l'angle du fantasme (très présent chez Gonzalez) aussi bien au sens premier, c'est-à-dire dans le film qu'autour du film : ce film raconte et augmente en effet la vie d'une productrice de films pornographiques gay (Anne-Marie Tensi) dont on connait plus beaucoup de choses si ce n'est le fait qu'elle ait produit Maléfices pornos, un film particulièrement étrange. Le film nous plonge alors dans le milieu du cinéma pornographique gay des années soixante-dix et on sent que l'hommage est d'une grande sincérité (c'est également un sujet dont on ne parle pas beaucoup) et l'esthétique foisonnante se trouve ici justifiée par la diversité de ce milieu. Je suis déçu que les dialogues et le scénario ne soient pas moins pensés en dépit de l'esthétique - qui, elle, est superbe.

Emeryck a écrit:

Le film nous plonge alors dans le milieu du cinéma pornographique gay des années soixante-dix et on sent que l'hommage est d'une grande sincérité (c'est également un sujet dont on ne parle pas beaucoup)

En même temps, il faut bien reconnaître que ce n'est pas forcément un sujet aussi facile à amener dans une conversation que la réforme des retraites ou le changement climatique voire la musique post-sérielle polonaise des années 60.

Benedictus a écrit:

Emeryck a écrit:

Le film nous plonge alors dans le milieu du cinéma pornographique gay des années soixante-dix et on sent que l'hommage est d'une grande sincérité (c'est également un sujet dont on ne parle pas beaucoup)

En même temps, il faut bien reconnaître que ce n'est pas forcément un sujet aussi facile à amener dans une conversation que la réforme des retraites ou le changement climatique voire la musique post-sérielle polonaise des années 60.

Je voulais dire qu'on en parle pas beaucoup au cinéma, pardon. 

Benedictus a écrit:

Emeryck a écrit:

Le film nous plonge alors dans le milieu du cinéma pornographique gay des années soixante-dix et on sent que l'hommage est d'une grande sincérité (c'est également un sujet dont on ne parle pas beaucoup)

En même temps, il faut bien reconnaître que ce n'est pas forcément un sujet aussi facile à amener dans une conversation que la réforme des retraites ou le changement climatique voire la musique post-sérielle polonaise des années 60.

Moins facile a amener mais a terme peut être moins clivant que la réforme des retraites (ou la musique post-sérielle polonaise des années 60)

Max Ophüls : Lola Montès        1955


Il s'agit de l'ultime film de Max Ophüls et ça se sent assez, il y a un souffle, une exaltation qui est à mon sens sans pareil dans le reste de sa filmographie. C'est d'abord son premier film en couleur, il s'en donne à cœur joie avec ce nouvel outil notamment lorsqu'il s'agit de montrer les mouvements antagonistes (dominantes rouges et bleues) entre Lola et les différents hommes qu'elle rencontre - il y a notamment une scène hilarante où l'un de ses compagnons fait venir toute une flopée de peintres pour réaliser le portrait de Lola en leur demandant le temps qu'ils prendraient pour faire ça - et cette utilisation est corroborée par les nombreux objets qui obstruent le plans (grilles, voiles, rideau, puis corde se balançant). Ainsi est annoncée la dimension tragique que prend cette histoire (et la scène finale, superbe) qui résonne d'autant plus fortement qu'Ophüls n'a cessé par travellings successifs de mettre en lumière la hiérarchie. Les costumes sont également très beau, comme toujours chez le réalisateur ; l'utilisation du spectacle comme point nodal du récit est très pertinent puisqu'il permet de mettre l'accent sur la déchéance de Lola Montès et donne lieu à quelques scènes amusantes ; cela permet également d'accomagner voire d'illustrer la vie de Lola par des figures acrobatiques - notamment lorsqu'elle monte par envolées successives ("maintenant, elle est en haut, elle a le pouvoir") et il y a évidemment un écho cinématographique. Il y a quand même parfois quelques longueurs - dans les flash-back - et les fondus/surimpressions en couleur sont parfois trop persistantes et peu heureuses. Mais c'est une très belle découverte !

La forme de l'eau - Guillermo del Toro





La rose et la flèche - Richard Lester



Je suis passé par toutes les émotions avec ce film.

The Four Feathers, Zoltan Korda 1939

Un jeune officier britannique accusé d'être un lâche par ses amis et sa fiancée parce qu'il a démissionné de l'armée juste avant sa première mission, se fait passer pour un arabe muet pour accomplir des actes de bravoure au service de l'empire anonymement et prouver ainsi sa valeur.
Une fois que l'on accepte de prendre le film pour ce qu'il est idéologiquement (l'intrigue située durant les guerre madhiste au Soudan au moment de la reconquête de Khartoum par les anglais est une défense de impérialisme britannique, avec une représentation particulièrement raciste des arabes quasi-systématiquement filmé comme une meute hystérique et violente) avec tout ce que cela peut avoir d'intensément déplaisant c'est un excellent film d'aventure très agréable a suivre, je retiens deux scènes au début du film ou le héros enfant se confronte la nuit aux intimidants portraits de ses ancêtres tous militaire qui semble tous le regarder a travers les ages le défiant d'être a la hauteur de leur légende. L'éclairage clair-obscur, l'accumulation des peintures et le jeune garçon inquiet tout ça constitue une belle évocation des peurs enfantine et de la pression familiale.  L’autre scène se déroule dans un désert semés de cadavre ou Ralph Richardson devenu aveugle ère au bord de la folie entre les corps et les vautours là aussi visuellement c'est formidable et Richardson dégage une sorte de grandeur shakespearienne.
Malgré tout ces histoires de vieux militaires qui imposent a de jeunes hommes leur visions guerrière de l'héroïsme et de la virilité c'est quand même assez éloigné de ma sensibilité, surtout quand le fond politique est lui-même pour le moins "daté". J'avoue nettement préférer les films d'empire post-Lawrence d'Arabie comme Zulu ou Khartoum et L'Homme qui voulut être roi (ou l'adaptation de My Early Life de Churchill par Attenborough qui traite en partie de la même période), ou alors a la même époque que The Four Feathers leurs équivalent américain, j'aime énormément Les Trois Lanciers du Bengale d'Hathaway ou La Charge de la Brigade Légère de Michael Curtiz, même s'ils n'ont pas de séquences aussi brillante que celles que j'ai décris précédemment.