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Golisande a écrit:

J'ai beaucoup de mal à supporter Honoré...

Je ne l'aime pas énormément non plus mais ça va.

Agnès Varda : Daguerréotypes        1976

 +
Il s'agit d'un documentaire sur les commerçants jouxtant la maison d'Agnès Varda, 88 rue Daguerre à Paris ; c'est très touchant et d'une grande sincérité : Varda n'intervient pas beaucoup, quelques fois à la voix-off mais aussi par le montage, que j'ai trouvé particulièrement vif. Le film nous présente d'abord les commerçant(e)s sur le vif, dans l'exercice de leur activité puis le film se penche plus sur ceux/celles-ci : ils/elles parlent de l'endroit d'où elles/ils viennent, comment elles/ils ont raconté leur femme/mari et une des grandes idées du film, c'est l'introduction du spectacle de prestidigitation qui rassemblent tous les personnages du film, comme sorte de point névralgique de ce pan de rue. Une des autres grandes idées du film, c'est le fait que si on ne sait pas où se trouve la rue Daguerre, il est à peu près impossible de deviner que le film est tourné à Paris : le film entre dans un espace tellement intimiste, tellement rapproché qu'il s'émancipe presque de toute géographie précise.

Bertrand Mandico : Boro in the box        2011


Je ne suis pas un fan absolu de Walerian Borowczyk ni un grand connaisseur de sa vie mais ce film, dont on pourrait penser qu'il est un biopic sur ce réalisateur mais c'est ne pas bien connaître Mandico qui fait de ce moyen métrage d'une quarantaine de minutes un véritable objet organique, une sorte de point médian entre le cinéma des deux réalisateurs. Sous la forme d'un abécédaire (procédé déjà employé par Borowczyk lui-même dans L'abécédaire de grand-maman), Mandico nous livre un portrait très continu (malgré la fragmentation inhérente à l'abécédaire) de Borowczyk, avec des thématiques récurrentes, notamment les obsessions de ce dernier, le traumatisme que la seconde guerre mondiale a exercé sur son père - et donc sur lui. Mandico met aussi en avant l'aspect très corporel et organique du cinéma de Borowczyk (cf. la caméra toute cernée de mousse) ; la voix-off dite par Elina Löwensohn est très belle, avec notamment des fulgurances comme cette phrase : "je n'ai pas pu sortir alors j'ai décidé de filmer les choses de l'intérieur" qui me semble correspondre à la démarche de Borowczyk ; la représentation de Borowczyk avec cette boîte sur la tête est aussi intelligente puisque c'est un cinéaste qu'on ne veut pas ou plus voir (je ne dis pas qu'on devrait forcément plus le voir, bien sûr) et la voix-off dit cette très belle phrase, très sincère et simple : "mon cinéma est malade, personne ne veut le voir". Enfin, et surtout , les images sont superbes.

Benoît Forgeard : Réussir sa vie        2012


J'avais découvert Forgeard complètement par hasard, plutôt intrigué par l'étrange objet de l'intrigue de son dernier film en date (Yves) : un rappeur en devenir qui teste un nouveau modèle de frigo parlant ; j'avais été assez déçu car même si j'avais aimé certaines scènes et les performances des acteurs/trices, j'ai trouvé que le film ne racontait pas tellement de choses et qu'il était parfois un peu agaçant. Ici, il s'agit du premier long-métrage du réalisateur qui est plus exactement un assemblage de trois courts-métrages joints par des intermèdes mettant en scène le réalisateur - donc en fait, il s'agit de quatre courts-métrages d'une certaine manière. J'ai encore été assez déçu sur le contenu du film qui a du mal à s'agglomérer (c'est peut-être un peu voulu) et qui finit peut-être par lasser un peu ; par contre, j'ai beaucoup aimé la manière dont étaient écrits les dialogues, très railleuse à propos de la novlangue technocrate et le côté assez absurde est en général plutôt séduisant (je pense notamment à l'épisode central avec le chanteur, et le personnage qu'on appelle Alain Souchon).

Un rapport avec ce chef-d'œuvre de la chanson française?

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Benedictus a écrit:

Un rapport avec ce chef-d'œuvre de la chanson française?

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Je ne crois pas mais... j'ignorais complètement que Tapie avait chanté...

C'est assez marrant... et il ne chante pas plus mal que tellement d'autres chanteurs de variété...

Bertrand Mandico : Living still life        2012

 +
Dans ce court-métrage d'une quinzaine de minutes, Mandico nous confie son affection pour le cinéma d'animation : une femme trouve des animaux morts et leur redonne vie à travers le cinéma d'animation ; elle rencontre aussi un homme dont la femme est morte, il la contacte pour la ramener à la vie. Le film est très simple et son propos est peut-être un peu banal mais la mise en images de Mandico est saisissante, il arrive à mettre rapidement en place une ambiance très crédible et immersive - je pense notamment à la scène où le cheval s'élève, avec toutes ces lumières différentes qui cohabitent. J'ai également beaucoup aimé la reprise de la séquence parlée au début, qui lui donne un éclairage assez différent à la fin.

Angela Schanelec : Marseille        2004


Je ne connaissais absolument pas cette réalisatrice, le début du film m'a plutôt séduit : deux femmes, l'une française l'autre allemande, qui s'échangent leur appartements ; la française commence à chanter une chanson en allemand et l'autre femme répond avec La mer de Charles Trenet ; s'ensuit une découverte de la ville de Marseille pour cette jeune photographe allemande, cela m'intéressait beaucoup car Marseille est une ville particulière, iconique et la façon de la découvrir/capter pour une photographe aurait pu amener plein de choses intéressantes mais ce n'est pas du tout ce que j'ai pu voir à l'écran. Au bout d'une quarantaine de minutes, le film change brutalement de lieu et on se retrouve sur une scène de théâtre, en pleine répétition, pour une partie centrale complètement inintéressante et puis, la photographe revient à Marseille pour la fin - avec un très beau plan de fin. Ce que je trouve particulièrement irritant dans ce film, c'est son aspect auteurisant caricatural : naturalisme exacerbé, ruptures brutales et brouillantes mais qui n'ont aucun intérêt, aucune histoire, plans très longs, sous-texte complètement plat et pénible sur l'impossibilité de saisir le réel, etc. ces éléments ne sont pas problématiques pris individuellement mais là, c'est une sorte de combo pénible.

Reha Erdem : On est bien peu de chose...        2004


Un film assez étonnant au scénario qui pourrait pourtant sembler extrêmement banal : un homme perd la mémoire et arrive à peu près à se rappeler de quelques personnes mais absolument pas de son père ; s'ensuit alors un long ré-apprentissage pour ce dernier. On va ainsi découvrir avec le personnage toute cette galerie de personnages très différents les uns des autres (y compris lui-même) à travers des scènes assez amusantes en général notamment cette scène où le médecin fait un inventaire de ce qui se trouve dans le corps du personnage principal, comme si se retrouver passait par là. Le film est assez dynamique (si bien qu'avec l'usage constant et la musique et la longueur du film (environ 2h10), il est assez usant) et les éléments sur lesquels il repose sont assez étonnants : il y a notamment cette bague qui passe à travers toutes les mains des protagonistes et qui constitue finalement un véritable nœud dramatique. Il y a également quelques passages très ironique sur la masculinité - notamment avec ce propos constant qui tourne en dérision la circoncision ou la séquence où un personnage apprend au personnage principal à "être un vrai homme". J'ai donc plutôt aimé ce film (sans pour autant le trouver absolument incroyable), son principal défaut étant à mon avis sa longueur et peut-être aussi son aspect foutraque.

Bertrand Mandico : Prehistoric cabaret        2013


J'ai été assez déçu par ce court-métrage, j'ai trouvé qu'il ne racontait pas grand-chose d'intéressant : dans un cabaret islandais, une femme se munit d'une caméra dont le développement a été interrompu parce que cela coûtait trop cher, et son spectacle consiste à offrir ses entrailles aux spectateurs. Le propos en mode "retour aux origines, examen de l'intérieur comme vérité biologique ; en plus, on est en Islande alors c'est plus cool" ne me semble pas intéressant et à part quelques belles images, il n'y a pas grand-chose à retenir de ce court-métrage --- sans parler de la scène de fin...

Patricio Guzmán : Nostalgia de la luz        2010

 +
Je ne connaissais ce réalisateur que par son nom et n'avais pas vraiment d'idée du genre de films qu'il réalisait. Il a réalisé beaucoup de films/documentaires sur l'histoire du Chili, notamment sur la dictature de Pinochet, le massacre des populations amérindiennes de Patagonie ou sur Allende. Dans ce documentaire, il met en parallèle deux études du passé assez différentes : d'une part, l'astronomie et d'autre part, l'archéologie ; ces deux disciplines trouvent en la Patagonie une terre d'accueil : la première parce que le ciel y est extrêmement peu pollué, la seconde parce que l'aridité de la terre permet des recherches plus aisées et parce qu'il y a beaucoup de choses à découvrir. Le film va davantage se préoccuper de l'étude de la terre (tout en gardant l'astronomie en toile de fond car elle a été particulièrement importante pour les habitants et les prisonniers de ce territoire - cf. le prisonnier qui raconte qu'il regardait assidûment le ciel avec ses amis lorsqu'il était captif, ou la fille de prisonniers à la fin qui a trouvé en l'astronomie une manière de se libérer de son deuil) et il va notamment mettre l'accent sur la disparition des corps des prisonniers de la dictature de Pinochet, dont on retrouve parfois quelques fragments mais dont les corps de la plupart ont été jetés à la mer ou enfoui dans des endroits inconnus. Le réalisateur montre que le gouvernement est toujours très silencieux sur tout cela, il interview des femmes veuves qui recherchent elles-mêmes le corps de leur mari. J'ai trouvé ce documentaire très original dans la manière de présenter les choses : c'est vraiment quelqu'un qui nous raconte une histoire ; malgré plusieurs images d'archives, le réalisateur s'émancipe d'une profonde factualité du documentaire, c'est assez agréable ; l'ajout de l'astronomie comme toile de fond est également surprenant et assez pertinent - bon, par contre, les poussières cosmiques et les étoiles ajoutées numériquement, c'est pas incroyable... C'est en tout cas une belle découverte qui me pousse à découvrir ce réalisateur et par-là même découvrir l'histoire du Chili plus en profondeur.

Cuisine et dépendances

Raoul Ruiz : L'île au trésor        1985

 +
J'avais découvert Ruiz au cinéma complètement au hasard avec Trois vies et une seule mort que j'avais immédiatement trouvé formidable : l'utilisation très subtile de la voix de Bellemarre et ce monde de personnalités multiples, visuellement très beau et saupoudré d'humour m'avait énormément séduits. Ici, j'ai trouvé que Ruiz allait un cran plus loin dans l'expérimentation en touchant à des questions plus théoriques (qui ne se posaient pas dans Trois vies et une seule mort) notamment celle de l'adaptation d'une œuvre au cinéma. Je n'ai pas lu le livre éponyme de Stevenson (il faut dire que ça ne m'attire pas des masses mais peut-être un jour...) mais Ruiz me semble penser l'adaptation d'un livre non pas comme un absolu (c'est-à-dire à penser l'adaptation comme un mouvement du livre vers le film) mais plutôt presque comme une sorte de devenir, comme si l'un essayait de prendre la place de l'autre : le livre inspire le film mais le film rend aussi compte du processus de lecture notamment à travers le changement de point de vue de la voix-off à la fin ; c'est comme si la carte avait gagné une dimension qui est la dimension subjective. Il y a également tout un passage sur la carte au trésor en elle-même, inexacte dans le livre, mais qui pourtant finit par exister de manière exactement ; ce mouvement inhabituel de la fiction vers le réel est semblable à celui du film vers le livre. On trouve déjà l'allusion à différentes sciences comme la théorie des jeux, la "polémologie". En tout cas, ce film m'a beaucoup stimulé, autant par les glissements de personnages, par ce qu'il raconte et aussi par ses belles images.

Krzysztof Kieślowski : Sans fin        1985

 +
J'ai été assez impressionné par le fait que Sans fin préfigure dans une certaine mesure Bleu : le personnage principal est une femme endeuillée, à ceci près que dans Bleu, la femme parachève le travail de son défunt mari alors qu'ici, elle poursuit sa traduction d'Orwell ; la scène presque à la fin avec le fils qui compose au piano est d'ailleurs assez étonnante quand on a Bleu en tête. J'ai beaucoup aimé tout ce qui concernait le personnage de la traductrice, en fait : cela donnait lieu à de très belles scènes (la scène initiale, la scène vers la fin avec toutes les bougies, la scène finale) et Grażyna Szapołowska est impressionnante dans le rôle ; j'ai bien aimé les petits "décalages de compréhension" aussi notamment lorsque le vieil avocat fait tomber sa montre ou lorsque la traductrice parle polonais avec le jeune homme à qui elle fait l'amour alors qu'il ne parle qu'anglais. Cependant, j'ai trouvé la partie avec le procès où un homme (Darek) est accusé pour avoir mené une grève nettement moins intéressante même si la trajectoire de Darek est en quelque sorte parallèle à celle de la traductrice, mais elle me semble moins saisissante - même si cela permet de parler de l'état politique de la Pologne avec notamment la création du Solidarność quelques années auparavant. Pour moi, le résultat est donc en demi-teinte, parsemés de moments d'une grande beauté, mais toujours très bien mis en scène - mais quelle noirceur, même pour du Kieślowski !

Emeryck a écrit:

Raoul Ruiz : L'île au trésor        1985
 +
J'avais découvert Ruiz au cinéma complètement au hasard avec Trois vies et une seule mort que j'avais immédiatement trouvé formidable

Tu as vu d'autres films de Ruiz? Je garde un souvenir assez ébloui (quoique très lointain: je les ai vus à la Cinémathèque il y a plus de 20 ans!) de ses films de la fin des années 70 et du début des années 80 (les deux Klossowski - L'Hypothèse du tableau volé et La Vocation suspendue -, Les Trois Couronnes du matelot, La Ville des pirates et L'Île au trésor, justement.)

Benedictus a écrit:

Emeryck a écrit:

Raoul Ruiz : L'île au trésor        1985
 +
J'avais découvert Ruiz au cinéma complètement au hasard avec Trois vies et une seule mort que j'avais immédiatement trouvé formidable

Tu as vu d'autres films de Ruiz? Je garde un souvenir assez ébloui (quoique très lointain: je les ai vus à la Cinémathèque il y a plus de 20 ans!) de ses films de la fin des années 70 et du début des années 80 (les deux Klossowski - L'Hypothèse du tableau volé et La Vocation suspendue -, Les Trois Couronnes du matelot, La Ville des pirates et L'Île au trésor, justement.)

Ça va... 'frime pas avec ta Cinémathèque ; moi aussi, j'en ai vu un au cinéma. 
Je n'ai malheureusement pas vu d'autre film de Ruiz, j'en ai quelques-uns en stock que je vais sans doute découvrir prochainement. J'aimerais beaucoup découvrir L'hypothèse du tableau volé ; j'ai vraiment l'impression que c'est un cinéma taillé sur mesure pour moi, en fait. 

Antonin Peretjatko : La fille du 14 juillet        2013

 + / 
Il s'agit du premier long-métrage de Peretjatko et c'est déjà une réussite : on a l'impression de voir à la fois un film de Oury et de Godard avec un arrière-goût de Dupontel et de Rohmer - mais lointain, celui-ci. L'histoire est assez simple : une bande de jeunes gens décide de partir en vacances après que le gouvernement les a mis à la porte. Ce que j'ai tant aimé dans ce film, c'est qu'il ne fait pas les choses à moitié : certain(e)s diront qu'il est hystérique, bien sûr... mais c'est en fait comme si ce mouvement de rejet qu'a exercé le gouvernement sur eux avait engendré la folle embardée qui dirige le reste du film. Il y a tellement de trouvailles dans ce film, c'est assez fou : tout d'abord, la trouvaille majeure du film, c'est tout de même Serge Trinquecoste qui joue un Dr. Placenta complètement fantasque, sorte de vieux soixante-huitard ayant toujours exercé illégalement la médecine qui se refait une jeunesse ; il y a aussi le coup des pièces à zéro euro dans l'introduction du film, le dîner improvisé chez Placenta ; et tous les acteurs sont très bons : Macaigne, Pons, Tachnakian, Vaconsin et le petit caméo de Bruno Podalydès sur les violences policières est excellent. Le film ne raconte pas tellement de choses (encore que, il témoigne d'un certain état de fait de la jeunesse par rapport au gouvernement) mais son dynamisme met en joie, que ce soit les séquences ironiquement accélérées, les confidences des personnages au spectateur ou les citations diverses et variées ; ce film est d'une grande inventivité et offre quelque chose d'assez nouveau dans les comédies françaises récentes.

Bertrand Mandico : Féminisme, rafale et politique        2013

 + / 
Ce court-métrage d'une petite dizaine de minutes est composé de seulement trois séquences : la première est un plan fixe sur Elina Löwensohn avec une voix-off, la deuxième est une séquence un peu plus animée toujours sur Löwensohn puis enfin, une sorte de conclusion qui répond à la première partie. Ce court-métrage évoque les relations toxiques : la première partie met en exergue l'un des points importants de ce problème, la seconde partie est une étape transitoire et la dernière partie est une émancipation. Ce n'est pas complètement mauvais mais c'est à mon avis trop schématique, même si l'atmosphère est intéressante et Löwensohn est crédible.

Isidore Isou : Traité de bave et d'éternité        1951

 
Film-manifeste du mouvement lettriste qui donne une illustration concrète aux concepts de montage discrépant (non synchronisation du son et de l'image) et au ciselant (travail d'élimination sur la pellicule même - en la grattant par exemple). Le montage discrépant est utilisé durant tout le film puisque le nouveau cinéma que propose Daniel (alter-ego de Isou) lors du débat au ciné-club est un cinéma où le son prend nettement le pas sur l'image et qui finit même par l'écraser ; c'est d'ailleurs ce qu'il se passe dans ce film : les images sont simplement des séquences où Isou se promène dans le quartier de Saint-Germain-des-Près ou rencontre parfois des personnalités célèbres comme Cocteau ou Cendrars ; il y a aussi des images d'un bateau et des images diverses et variées. On pourrait penser que le film est assez ennuyeux mais ce n'est pas tellement le cas car il raconte quelque chose d'intéressant (tout se passe dans la bande-son, bien sûr) : entre deux poèmes lettristes, on trouve un morceau de manifeste pour le cinéma lettriste ou alors un peu de musique lettriste - i.e. un mix un peu aléatoire de voix. Ce film aura bien sûr une certaine influence sur le cinéma français (Godard, Resnais, Marker) avec une toute autre façon d'aborder le son ; mais ce film a aussi eu des échos plus internationaux chez des cinéastes plus ouvertement expérimentaux. Par contre, ce film a aussi ses petits élans de racisme, mais ce n'est pas très étonnant malheureusement, je trouve.

Subway

+

J'ai regardé ça parce qu'il y avait Bacri, bon il y a de petits bons moments avec Bacri et Galabru, en dehors de ça...

D'ailleurs: c'est un film français, en langue française, ça se passe dans le métro parisien... pourquoi avoir appelé ça "Subway" et pas "Métro"?
Ah ouais, ça fait plus classe en anglais...

Ah oui, je n'ai pas du tout aimé ce film (et pourtant j'étais - et suis toujours en partie - assez fan du Grand bleu...).

Ah tiens, j'ai un plutôt bon souvenir du film mais je l'ai vu la première année où je commençais à m'intéresser au cinéma --- c'est-à-dire il n'y a pas si longtemps finalement, mais bon...
Pour le titre en anglais, bah, c'est les années 80, quoi... et puis Besson avait dû se dire que ça avait plus de gueule en anglais, effectivement. 

Et puis la musique...
Bon, là aussi, on va dire que "c'est les années 80", mais voilà quoi.

C'est vrai que niveau mise en scène, il y a de vraies bonnes choses dans l'utilisation de la caméra.
Mais il faudrait être un minimum intéressé par l'histoire et les personnages...

João Pedro Rodrigues : O fantasma        2000

 +
Il s'agit du premier long-métrage du réalisateur portugais João Pedro Rodrigues, on y trouve déjà quelques-unes de ses obsessions notamment le désir pour le corps de l'homme, pour la restriction, la relecture mais aussi pour les personnages peu loquaces. Ce film est à mon avis un peu caricatural sur les bords, et se complait peut-être un peu trop dans la représentation subversive du sexe et dans la définition du personnage principal, ce qui fait que le film ne se renouvelle pas énormément. Cependant, j'ai plutôt aimé ce film et cette approche obstinée le sert, d'une certaine manière. Le titre est méticuleusement choisi puisque qu'il désigne à la fois le fantôme et le fantasme ; c'est à mon avis un excellent résumé du statut du personnage principal et de l'homme qu'il désire. Mais cette dualité se retrouve à la fois dans la manière de se définir sexuellement du personnage principal : tantôt il imite le chien (figure qui cerne le film de toutes parts), tantôt il revêt sa combinaison de latex (connotée comme un attribut de dominant(e) dans l'imaginaire collectif) mais la fin montre bien que ces deux aspects coexistent - binarisme supposé qui est peut-être à rapprocher à la première personne (hors scène pré-générique) qu'il rencontre intimement puisqu'il s'agit d'un policier. Ce qui est particulièrement impressionnant dans le film, c'est la façon dont il arrive à rendre compte de l'animalité du personnage principal non pas à travers les références (un peu lourdes et premier degré) très littérales au chien mais par notamment la traque qui est vraiment au centre du film - et qui atteint son apogée à la fin du film. En plus, cette traque n'est ni romantisée, ni héroïsée : c'est livré de manière très crue, physique et surtout sans jugement particulier.

Xavier a écrit:

Et puis la musique...
Bon, là aussi, on va dire que "c'est les années 80", mais voilà quoi.

C'est vrai que niveau mise en scène, il y a de vraies bonnes choses dans l'utilisation de la caméra.
Mais il faudrait être un minimum intéressé par l'histoire et les personnages...

Je ne sais pas si je l'aimerais encore si je le revoyais actuellement.

Pelin Esmer : La pièce        2005

 +
Dans ce documentaire, on suit neuf femmes issues de la campagne turque qui décident d'écrire et monter une pièce de théâtre fondée sur leurs vies ; on suit à la fois les scènes où elles discutent avec le metteur en scène et les scènes évoquant les fragments de leur vie. C'est assez intéressant car le film montre bien ce que permet la représentation, à la fois comme révélation puisque les femmes vont redécouvrir des petits détails de leur vie que d'autres vont leur parler mais aussi comme subversion, notamment lorsque les femmes prennent des rôles d'homme --- ces derniers se rendront alors en partie compte d'une partie de leurs comportements problématiques puisque ces femmes ont quasiment toutes été bridées dans leurs aspirations : empêchées dans la poursuite de leurs études, mariées de forces, moquées lorsqu'elles font un "travail d'homme", etc. Ce documentaire est assez touchant car il montre une véritable harmonie entre ces neuf femmes et la façon de filmer, plutôt discrète d'Esmer permet à cette complicité de se déployer sans gêne. Cependant, j'ai trouvé le documentaire un peu long alors qu'il ne dure qu'une heure dix à peine.

Rome, ville ouverte de Rossellini.
Très grand film, dont j'ignorais la dimension spirituelle. De fait, la figure du prêtre en particulier est remarquable : drôle et attachante dans un premier temps, puis impressionnante de force et d'humanité. Bouleversants, aussi, les sursauts de conscience morale chez les personnages de "méchants" : la dénonciatrice, le soldat allemand ... C'est une œuvre noire où, malgré le désespoir, demeure une espérance (plutôt qu'un espoir). La pardon final est également très marquant.

Ah oui c'est grand.

Et Allemagne, année zéro aussi !

Je note, je note ! Je n'avais jamais vu un seul Rossellini !

Charlie Chaplin : The kid        1921

 +
Ce qui m'a le plus fasciné dans ce film, c'est le fait que Chaplin arrive à ne jamais sombrer dans la scène excessivement larmoyante alors qu'il y a pourtant de nombreuses zones glissantes ; le duo qu'il forme avec l'enfant est vraiment bouleversant, il y a une complicité immédiate - cf. la scène d'étreinte dans la benne du camion - et une sorte de complémentarité - cf. la scène où l'enfant brise des vitres en jetant des pierres dedans, Chaplin est vitrier. Autour de cette composante, on trouve également une composante comique et même une composante sociale et tout cela tient très bien en équilibre en une cinquantaine de minutes ; c'est d'une grande beauté.

Sidney Salkcow, Ubaldo Ragona - The Last Man On Earth, sorti en 1964



Je me suis laissé prendre par ce film, non exempt de tout reproche mais plutôt bien ficelé.

Ognjen Glavonić : Teret        2018

 +
Dans ce film, le réalisateur nous plonge au cœur de la Serbie en 1999 pendant la guerre de Yougoslavie, on suit un chauffeur qui conduit une cargaison inconnue depuis le Kosovo jusque Belgrade. Le parti-pris est assez fort puisque le réalisateur décide de refuser tout recours au spectaculaire pour parler de la guerre : tout est relayé au second plan (des gens font du marché noir, les ponts sont bloqués par des voitures en feu en travers de la route) et l'on suit une sorte de personnage presque allégorique, transportant cette cargaison qu'il ignore à moitié mais qu'il accepte malgré tout de conduire à bon port ; un très mince arrière-fond social est dressé : il a perdu son ancien travail. Ce que j'ai le plus aimé dans ce film, c'est l'utilisation de la topographie : les deux personnages principaux ne semblent pas savoir du tout où aller, l'un pense le savoir mais en fait, non ; on cherche sur des cartes des chemins de traverse ; c'est aussi l'occasion pour le réalisateur de montrer l'ampleur des dégâts en filmant le paysage ; malgré l'aspect assez terne et presque bourru du film, il y a quelques lueurs, que ce soit à travers la transmission de l'enregistrement du groupe du jeune homme qui monte dans le camion du personnage principal (et la phrase de fin !), à travers le dialogue sur le grand-père qui avait connu la seconde guerre mondiale et plus généralement sur l'idée de transmission qui semble être un peu la seule issue proposée par le film. Ce côté extrêmement peu loquace est également ce qui dessert un peu le film car on est parfois pas très loin de l'ennui (ce n'est pas extrêmement fréquent dans le film, cela dit) et le réalisateur ne nous dit pas grand-chose sur le contexte à part quelques lignes lâchées en introduction et il est donc parfois difficile de se raccrocher à quelque chose ; mais bon, il s'agit du premier film de fiction du réalisateur - qui vient du documentaire - alors peut-être a-t-il eu du mal à jauger le don d'information.

Guy Maddin : Archangel        1990

 +
C'est le premier film de Maddin que je vois et ça m'a beaucoup surpris car je ne m'attendais pas à quelque chose de drôle, en réalité. Tout est en fait volontairement improbable dans ce film : l'action se passe dans un coin de l'Union Soviétique où il y a visiblement beaucoup de soldats amnésiques : l'un a perdu sa femme et confond une femme - résidant dans la maison où lui-même vit - avec sa défunte femme ; un autre croit que tous les soirs, c'est sa nuit de noce ; il y a également quelque chose autour d'une guerre qui est déjà passée mais les soldats ne s'en rendent pas compte. Il y a partout une sorte de décalage temporel à la fois interne au film, c'est-à-dire dans les personnages, les actions mais également dans le film lui-même, la manière dont il est fait : à la manière d'un film muet, il y a beaucoup d'intertitres, le générique fait penser à un film américain des années trente, il y a beaucoup de fermetures à l'iris ; mais ce qui fait aussi l'originalité du film, c'est l'ironie de Maddin : il multiplie par dix la diabolisation de chacun des nations en guerre et surtout, il insère parfois des répliques extrêmement bateau ou un peu étranges. C'est un film assez intéressant, qui a attiré ma curiosité mais sans vraiment me passionner complètement, l'histoire (pas seulement le scénario mais la manière de raconter les choses) n'est pas extrêmement saisissante, en étant cependant originale.

João Pedro Rodrigues : Odete        2005


J'ai été vraiment déçu par ce Rodrigues, j'ai trouvé que le film ne racontait rien d'intéressant : il commence sur la fin de soirée d'un couple d'amoureux (Rui et Pedro) dont l'un d'entre-eux (Pedro) rentre chez lui, il a un accident de voiture et meurt ; ensuite, une femme qui travaille dans un supermarché (Odete) va prétendre être enceinte du défunt - je n'ai pas vraiment compris le lien entre cette femme et les autres personnages et du coup, je n'avais à peu près aucun intérêt pour les personnages, à part peut-être le copain du défunt. On assiste alors à deux trajectoires opposées (l'un a perdu son copain alors qu'il ne le voulait pas et l'autre a mis à la porte son copain) qui vont converger vers Pedro (le défunt) comme l'atteste la mise en exergue du contact dans la scène finale - assez grotesque par ailleurs. Ce qui est un peu intéressant dans ce film, c'est la place que garde Pedro après sa mort, il agit comme une corde entre Odete et Rui et le cimetière fonctionne comme un centre attracteur dans le film (presque comme la déchetterie dans O fantasma) mais je trouve que le réalisateur n'en fait pas tellement grand-chose et c'est dommage car ça aurait pu être un peu plus subtil que la symbolisation de la présence non physique de Pedro à travers le vent... Je dois par contre admettre que quelques scènes comportent des trouvailles, notamment la scène où Rui propose à un autre homme de le voir et qu'ils sont côte à côté, chacun dans leur voiture, l'un étant filmé frontalement et l'autre apparaît seulement par son reflet dans le rétroviseur de sa voiture. La scène d'introduction est également assez jolie, tout comme quelques scènes au cimetière mais ça ne va pas vraiment au-delà de ça.

The Earth dies screaming

Agnès Varda : Lions love (... and lies)        1969

 + 
Je trouve qu'on trouve dans ce film, le même aspect assez mobile de Model shop de Demy, une sorte de fascination pour la rue, le mouvement et la voiture ; mais le parallèle entre les deux films s'arrête là car ils sont tout de même bien différents : Lions love est beaucoup moins narratif, on suit plusieurs personnages hippies (qui ne sont pas n'importe qui : il y a notamment la réalisatrice Shirley Clarke, l'actrice Viva qui avait tourné avec Warhol) dans leur vie de tous les jours au fil des évènements nationaux (assassinat de Kennedy, par exemple) ; il y a également quelques moments à propos du cinéma (rencontre avec un producteur américain qui refuse de donner à Shirley Clarke le final cut) qui sont généralement une remise en question du star-system mais bon, ça ne dit finalement pas grand-chose. En fait, j'ai été déçu par le film car je l'ai trouvé beaucoup trop dépareillé, brouillon et surtout vraiment long (plus d'une heure cinquante, tout de même !) ; il y a cependant quelques plans assez amusants assez caractéristiques de Varda mais ça ne nous sauve pas de l'ennui.

Le Goût des autres

Bertrand Mandico : Notre-Dame des hormones        2014


J'ai trouvé ce long court-métrage de Mandico assez envoûtant, même si je n'y ai pas compris grand-chose. Deux actrices trouvent au beau milieu d'une forêt une créature amorphe, presque une allégorie de l'organicité : une espèce d'antenne, des poils, une surface à l'aspect assez visqueux ; cette créature va être l'objet de la discorde entre les deux actrices. La voix de Michel Piccoli accompagne le film, comme une voix issue des limbes pour ces actrices qui "ne veulent pas finir au pays des actrices oubliées", qui assassinent la réalisatrice dès qu'elle se présente. J'ai trouvé que ce film avait, malgré l'aspect visuel très différent, pas mal de parenté avec certains films de Rivette comme Duelle ou dans une moindre mesure, Céline et Julie vont en bateau : on y trouve aussi un duo de femmes un peu surnaturelles, dans une ambiance mystérieuse, plutôt chargée mais un peu cheap ; j'ai aussi beaucoup pensé à Anger pour toutes ces lumières, cette lenteur ; le film se permet même quelques instants humoristiques.

Rollerball de Norman Jewison, sorti en 1975



Un film d'anticipation (dystopique) où la violence sert parfaitement bien le propos. Un James Caan royal.

Armel Hostiou : Une histoire américaine        2015


À l'origine de ce film se trouve un moyen-métrage d'une quarantaine de minutes intitulé Kingston avenue tourné en 2013. Dans ce moyen-métrage, Vincent (interprété par Vincent Macaigne) part à New-York pour rejoindre la femme qu'il aime (Barbara), elle décide de le quitter et lui conseille de rentrer en France, mais lui ne semble pas comprendre et la harcèle. Pour moi, la réussite principale de ce film, c'est la manière de gérer ses personnages : Vincent semble d'abord très sympathique et attachant, puis il devient de plus en plus agaçant, on le voit dériver, utiliser les gens autour de lui pour arriver à ses fins (cf. la scène de l'achat de la bague) mais il reste parfois attachant à certains moments ; la façon de filmer rend compte de ce décrochage (peut-être un peu en décalé) : les plans initiaux semblent très proches du personnage, comme s'ils bougeaient ensemble alors qu'après la scène de la demande en mariage, la caméra est nettement plus distante de Vincent (qui a une séquence mutique), on ne sait quasiment plus qui il est, on le voit au fond d'un couloir de métro vide ou écailler machinalement les poissons, c'est presque comme s'il s'agissait d'un autre personnage. Ce film parle donc des relations sentimentales toxiques, en mettant en exergue cette "sympathie" de fond où se noue le problème ; mais ce sur quoi insiste plutôt le film, c'est sur le harcèlement que Barbara subit de la part de Vincent qui n'est jamais un harcèlement violent dans les actes mais qui l'est par d'autres aspects. J'ai beaucoup aimé la façon dont le film arrivait à transcrire une atmosphère de nuit éternelle, très lente ; c'est une belle découverte, trouvée complètement au hasard.

Maya Deren & Alexander Hammid : Meshes of the afternoon        1943


Avec ce court-métrage, Deren et Hammid prolongent vraiment l'un des mots d'ordre du courant surréaliste qui laisse place à une sorte de hasard objectif comme une sorte d'objectivité première concernant l'exploration de soi-même ; on retrouve bien sûr le style elliptique du courant mais ce film s'en affranchit aussi un peu, en restant très simple. J'ai été stupéfait de voir à quel point ce film à inspiré Lynch pour des films comme Lost highway et Mulholland drive. J'ai en tout cas vraiment beaucoup aimé ce film, notamment pour sa structure en boucle qui lui donne vraiment un aspect lancinant et donne une réalité à cet aspect obstiné et clos du rêve ; j'ai également beaucoup aimé la façon dont c'était filmé comme si la caméra devenait tour à tour subjective puis objective : par exemple, lorsqu'elle monte les escaliers, la caméra semble parfaitement épouser ses mouvements et en "déborde" un peu, comme pour rendre compte d'une certaine physicalité ; mais il y a des mouvements beaucoup plus objectifs, notamment le début du film. J'ai beaucoup aimé la symbolique du personnage au visage composé d'un miroir, insaisissable. En plus, le film a un véritable sens dramatique (en cela, il s'éloigne aussi de la mouvance surréaliste) qui est finalement assez subtile, avec plusieurs pics, notamment la séquence où Maya se rend compte que le rêve a une prise sur la réalité ou même la séquence du miroir brisé au bord de la mer, très forte elle aussi. Je suis par contre un peu sceptique sur la musique qui n'accompagne pas très bien le film.

Jon Jost : All the Vermeers in New York        1990


J'ai vraiment été extrêmement déçu par ce film : MUBI me l'avait vendu comme une hybridation de de Palma et de Rivette mais je n'ai retrouvé rien de tout ça dans cette soupe insipide - à part éventuellement la séquence du musée qui ressemble visuellement à la fameuse scène de Dressed to kill mais l'ambiance n'y est pas. En fait, j'ai trouvé ce film complètement inintéressant : il ne dit rien d'intéressant sur la peinture de Vermeer, on a juste le droit à une espèce de comédie sociale doucereuse sur l'impossibilité de communiquer entre deux personnes de milieux très différents - pour être subtil, le réalisateur a bien sûr choisi l'un travaillant à la bourse et l'autre actrice. En plus, j'ai trouvé que c'était vraiment mal filmé, avec des plans inutilement longs, qui sont comme retardés, parfois mais qui ne traduisent rien ; sans parler du long plan sur le sol au début, saccadé et qui ne rime à rien. Vraiment, il n'y a pas grand-chose à sauver de ce film à part peut-être la musique.

Alantė Kavaitė : The summer of Sangailė        2015

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En voilà une belle découverte, d'autant plus que le cinéma lituanien n'est pas celui dont on a le plus d'écho en France, c'est vraiment un film qui respire l'été - mais pas tellement l'été languissant, très statique que l'on peut voir dans Ce sentiment de l'été de Mikaël Hers, ni l'été qui tape dont la puissance coïncide avec une certaine violence (Plein soleil, La piscine, L'été meurtrier) : c'est ici un été éclatant mais sans lourdeur dans lequel on se meut normalement. En fait, ce film fait la part belle à la sensorialité, que ce soit d'un point de vue sonore, mais aussi visuellement notamment lorsque Sangailė et Austė font l'amour, la caméra parvient vraiment à saisir une dynamique de l'échange ; la manière de filmer semble essayer de retranscrire certains mouvement de pensée, notamment lorsque Sangailė se remémore la fois où elle a rêvé d'Austė dans sa baignoire, l'utilisation d'une miniature en carton du personnage d'Austė est bien vue ; de manière générale, la mise en scène est plutôt inventive et esthétiquement soignée même si la symbolique est parfois un peu convenue (le coquillage, le manche d'avion). J'ai aussi un peu trouvé dommage que l'histoire soit aussi simple (dans ce qu'elle propose et dans la manière dont elle se déroule) : Austė est une adolescente (qui doit avoir quelque comme comme dix-sept ou dix-huit ans) qui rêve de voler à bord d'un avion mais elle a le vertige ; elle fait ensuite la rencontre d'Austė aspirante styliste qui travaille dans un restaurant comme serveuse, elle va l'aider à régler ses problèmes tout en nouant une relation amoureuse avec ; c'est une relation vraiment sous l'angle de la complémentarité : Sangailė se scarifie et Austė est celle qui (re)coud - les vêtements et la relation ; il y a également une complémentarité au début avec la plage et les hauteurs dont rêve Sangailė. Le vertige de cet dernière matérialise quelque chose de bien connu du teen movie, l'importance et la difficulté des choix, l'angoisse qui en découle. J'ai également beaucoup aimé la bande originale qui colle très bien à l'ambiance du film. Les deux actrices principales (Julija Steponaityte dans le rôle de Sangailė et Aistė Diržiūtė dans le rôle de Austė) sont convaincantes.

Don't drink the water (Nuits de Chine)





Irrésistible.

Sophie Letourneur : Gaby baby doll        2014


C'est le premier film de Letourneur que je vois, et le troisième de sa filmographie. Il m'a un peu rappelé Antoinette dans les Cévennes de Vignal puisque ce sont deux films au caractère un peu comique qui parlent de la solitude et dans ces deux films, le personnage principal est une femme dont l'un des traits principaux de caractère est d'être un peu décalée - "fofolle" comme on dit - ; et c'est certainement une des limites du film, dans les deux cas. Je n'ai pas trouvé ce film complètement mauvais, cependant car il propose des idées qui sont sinon pas toujours extrêmement originale, au moins fonctionnelles. Le film semble reprendre un peu la trame du conte, certainement pour mieux ironiser là-dessus puisqu'il s'agit toujours d'une structure très hétéronormée à dominance masculine qui a beaucoup de prise malgré tout sur l'imaginaire collectif : prince charmant, princesse, etc. La première déconstruction qu'opère le film est celle du glamour : vieille maison dans une campagne profonde et boueuse, intérieur un peu sale, personnage principal qui urine dans la nature ; dans le village qui borde la maison, il n'y a qu'une sorte d'épicerie/bar/restaurant comme on en trouve dans les campagnes où l'on trouve un groupe d'hommes côté bar (tous assez différents) et une femme derrière la caisse de l'épicerie. Gaby et son copain Vincent arrivent dans cette maison et ce dernier va la laisser seule à la maison pour "tester son amour pour lui" ; Gaby va alors discuter avec les hommes du bar, ils ne lui conviennent pas vraiment mais elle va ensuite tomber sur Nicolas, le gardien d'un château qui vit dans une maison d'une pièce minuscule, sans électricité, style négligé. L'un des traits d'identités stylistiques les plus marqués du film, c'est l'idée d'établir comme une correspondance entre les personnages et les lieux qu'ils habitent (à la manière où la princesse est comme attelée au château - qui n'est même pas le sien) et ces lieux sont comme des contenants de solitude : Gaby se sent très seule et a une grande maison vide alors que Nicolas vit très bien avec sa solitude et a une toute petite maison ; il y a également ce château vide dont on ne sait pas où est le propriétaire, comme une espèce de présence fantomatique - et qui n'est pas sans lien avec cette déconstruction du conte ; la fin va également dans ce sens, avec cette phrase : "on aura plein d'enfants" ; j'ai beaucoup aimé la scène où Vincent revient et elle dit "ah bah en fait, tu avais raison, je t'aime plus" puis part. Le film a quelques moments assez drôles comme ça mais j'ai regretté que la mise en scène ne soit pas plus étoffé et l'histoire un peu plus dense parce qu'il y a quand même pas mal de répétitions de scènes qui ne sont pas forcément passionnantes même si ça créé malgré tout quelque chose qui est de l'ordre du gimmick.

Kamen Kalev : Eastern plays        2009

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Il s'agit du premier film du réalisateur bulgare Kamen Kalev, il a bénéficié d'emblée d'une reconnaissance critique - sélectionné à la quinzaine des réalisateurs et au festival premiers plans d'Angers où il a gagné un prix. Ce film m'a laissé un goût de frustration : il apporte des choses intéressantes sur la table (l'émergence des groupuscules fascistes - ici néo-nazis - sur fond de violence légitimée du gouvernement envers les étrangers) mais le réalisateur ne semble pas complètement intéressé par ce sujet mais plutôt pour dépeindre la trajectoire d'un jeune homme qui va comme trouver son salut ; l'idée de non-violence est importante. Le personnage principal est un jeune homme un peu perdu, en froid avec ses parents, assez peu agréable qui tombe un jour nez-à-nez avec une bande de néo-nazis qui agressent une famille turque venue en voyage à Sofia, il décide de venir en aide à la famille, se fait frapper et reconnaît son propre frère dans les agresseurs ; s'ensuit ensuite un bref flirt avec la fille de la famille, Isil qui devient compliqué car le père ne veut plus que sa fille voie des gens de Sofia. En fait, dans le film, il y a un point de basculement à partir duquel le rythme est extrêmement lent, la caméra plus contemplative, c'est assez étrange, et parfois assez beau mais le film ne propose plus grand-chose. J'ai aussi trouvé certaines choses caricaturales, tous les personnages bulgares du film semblent se donner des airs de gens qui sont systématiquement antipathiques, c'est assez impressionnant ; je suis cependant assez intrigué par la filmographie de ce réalisateur.

Dracula (1958)

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The Lady vanishes

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Carl Olsson : Meanwhile on earth        2020

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Ce documentaire présenté l'an passé au festival de Rotterdam est assez atypique et pour cause, il a pour sujet principal la mort ou plus exactement (et c'est en cela qu'il est atypique) tout ce qui a lieu entre le décès et l'inhumation/crémation ou autre. On sait bien sûr que la mort est quelque chose d'important au cinéma, il s'agit souvent d'un levier dramatique (qu'il s'agisse de la mort accomplie ou du fait de jouxter la mort, autrement dit la maladie) et il n'est pas rare d'être confronté(e) à ce rituel qu'est la cérémonie d'inhumation. Ici, cet aspect dramatique est désamorcé, l'aspect rituel a comme changé de bord : il n'est plus devant la caméra mais derrière, avant la caméra, dans ces cadres symétriques, dans ces plans fixes et filmés de loin. On suit alors les conducteurs de corbillards, les gens de la morgue, les légistes qui sont des gens comme tout le monde et qui parlent de leur vie - l'accent est en partie mis sur cet aspect, comme s'il s'agissait de chasser l'aura symbolique qu'a la mort par une conversation complètement banale comme le dîner de la veille au soir ou la qualité du supermarché du coin ; et c'est d'ailleurs fait avec un certain humour, parfois. Cependant, j'ai trouvé qu'on faisait assez vite le tour de l'idée, d'autant plus que l'aspect apathique de la manière de filmer n'aide pas ; en cela, c'est également assez particulier vis-à-vis du genre du documentaire puisque la matière ajoutée est différente : personne ne va expliquer quoi que ce soit, la caméra est complètement inerte.

The Apartment (La Garçonnière)