Votre dernier film visionné

Tu ne l'avais encore jamais vu?

Benedictus a écrit:

Tu ne l'avais encore jamais vu?

Non, je n'ai vu que les trois premiers films de Tavernier - et la version pour la télévision de cette mine d'or qu'est Voyage à travers le cinéma français.

Etonnant oui, car c'est un grand classique.

Cololi a écrit:

Etonnant oui, car c'est un grand classique.

Oh bah, il y a une tonne de grands classiques que je n'ai jamais vus. 

Oui, mais celui-là, c'est vraiment un grand classique multirediffusé à la télé.

Benedictus a écrit:

Oui, mais celui-là, c'est vraiment un grand classique multirediffusé à la télé.

Je ne regarde pas la télé - enfin, très très rarement car j'ai pas mal de films en stock.

Pas encore vu non plus, même si c'est prévu.



A shot in the dark

Pas vu non plus

La Science des rêves

Claude Chabrol : Violette Nozière        1978

 /   +
Premier film de l'assez longue collaboration entre Isabelle Huppert et Claude Chabrol, ce film évoque une affaire criminelle qui avait défrayé la chronique au début des années trente et qui avait fasciné le groupe des surréaliste : l'affaire Violette Nozière. Huppert joue (avec une classe notable) le rôle de Violette, une adolescente qui mène une double vie : elle se prostitue occasionnellement (ce qu'elle cache à ses parents) et traîne pendant la journée dans le quartier latin ; une vie assez opposée à la vie terne et lisse de ses parents (interprétés par Jean Carmet et Stéphane Audran) ; cependant, ils vont un jour apprendre que Violette a contracté la syphilis mais celle-ci arrive à les convaincre que c'est eux qui la lui ont transmise et les empoisonne donc avec des médicaments. Cela permet au film d'aborder beaucoup de thèmes qui étaient des sujets assez brûlants à l'époque : la peine de mort (Violette sera condamnée à mort puis graciée) mais aussi la manière dont la justice écoute les femmes (c'est-à-dire qu'elle ne les écoute pas). Comme à son habitude, Chabrol laisse planer une ambiguïté autour du personnage de Violette qui est un cas plus compliqué que : "elle a voulu tuer ses référents d'autorité, alors c'est absolument horrible, elle mérite la mort" notamment avec les séquences de flash-back (que j'ai trouvé assez maladroites et mal insérées personnellement, mais on voit l'idée) de la jeunesse de Violette. J'ai bien aimé ce film mais j'ai peut-être été un peu déçu par le manque de ramifications du récit - et je suis aussi très déçu de ne pas avoir pu voir ce film en haute définition car il y a des plans qui semblent très beaux.

Un film voisin très intéressant à voir c'est Madeleine de David Lean, sur la meurtrière Madeleine Smith, manifestement coupable mais qui a été déclarée quelque chose comme " pas condamnée car pas assez de preuve mais pas innocente non plus" (un particularité du tribunal écossais). C'est un film qui tient très bien la corde de l'ambiguïté (sauf au niveau de l'interprétation : Ann Todd, que j'admire beaucoup habituellement et qui est à l'origine du projet, la pense et la joue comme une innocente).

Francesco a écrit:

Un film voisin très intéressant à voir c'est Madeleine de David Lean, sur la meurtrière Madeleine Smith, manifestement coupable mais qui a été déclarée quelque chose comme " pas condamnée car pas assez de preuve mais pas innocente non plus" (un particularité du tribunal écossais). C'est un film qui tient très bien la corde de l'ambiguïté (sauf au niveau de l'interprétation : Ann Todd, que j'admire beaucoup habituellement et qui est à l'origine du projet, la pense et la joue comme une innocente).

Merci, je note ; cependant, ce ne sera pas pour tout de suite car en ce moment, je parcours tous les films que j'ai en stock dans lequelle Isabelle Huppert joue - et que je n'ai pas encore vus.

Oui, surtout que fin des années 70, début des années 80, elle est quand même tête d'affiche d'un nombre assez incroyables de chefs-d'œuvre comme les deux que tu viens de voir (ou les Sœurs Brontë dont on parlait récemment.) (Alors que bon, le volume de daubes est nettement plus considérable quand on veut faire la filmographie de Serrault, hein?)

Benedictus a écrit:

Oui, surtout que fin des années 70, début des années 80, elle est quand même tête d'affiche d'un nombre assez incroyables de chefs-d'œuvre comme les deux que tu viens de voir (ou les Sœurs Brontë dont on parlait récemment.) (Alors que bon, le volume de daubes est nettement plus considérable quand on veut faire la filmographie de Serrault, hein?)

 Ça se vérifie numériquement, hélas... il m'aura fait regarder de sacrés trucs... 
Pour Huppert, il m'en manque plein...   (J'aimerais beaucoup voir le film de Mészáros dans lequel elle a joué.)
Mais je crois qu'elle a aussi joué dans des daubes - certes, moins que Serrault, mais quand même.

Emeryck a écrit:

Mais je crois qu'elle a aussi joué dans des daubes - certes, moins que Serrault, mais quand même.

Oui, le ratio daubes / chefs-d'œuvre n'est clairement pas le même!
Et puis ce n'est pas non plus le même genre de daubes: les daubes avec Isabelle Huppert, c'est plutôt des films chiants dans le style prétentieux-abscons ou académique-glacé-et-sophistiqué; les daubes avec Serrault, c'est juste de la grosse comédie franchouillarde bordélique et lourdingue.
En plus, les daubes dans la carrière d'Huppert, je crois c'est assez circonscrit chronologiquement (je n'en ai aucune qui me vienne comme ça, de mémoire, entre la fin des années 70 et le milieu des années 90: il me semble que c'est surtout plus tard qu'on commence à en trouver de façon significative.)

OSS 117: Alerte rouge en Afrique noire

Mes trois Huppert préféré sont voisins dans le temps :
8 femmes d'Ozon où elle caricature à la fois sa propre persona et les méchantes du cinéma hollywoodien avec beaucoup d'aplomb.
Saint-Cyr à propos duquel il faut lire l'assez récent et enthousiaste billet de Tavernier sur son blog (un de ses derniers messages)
Merci pour le Chocolat qui navigue entre le sublime et le ridicule, mais est un de mes films préférés tout court. La toute fin est un hommage géniale et grotesque à la personnalité cinématographique d'Huppert.

Maurice Pialat : Loulou        1980

 +
Le scénario de ce film a été co-écrit avec Arlette Langmann (la célèbre monteuse) et est inspiré de sa liaison avec Pialat. Le film raconte l'histoire de Nelly (Isabelle Huppert), une jeune femme mariée à un publicitaire plutôt bourgeois (Guy Marchand) et qui semble assez installé, qui se lasse progressivement de sa relation avec ce dernier ; elle rencontre alors Loulou (Gérard Depardieu) un jeune homme un peu loubard et deviennent de plus en plus proche si bien qu'elle décide de s'installer avec lui. La distribution des personnages est bien sûr d'ordre assez social avec le personnage de Nelly qui joue un peu le rôle d'intermédiaire mais ce que j'ai aimé dans ce film c'est vraiment cette sensation d'équilibre profondément instable, qui pourrait exploser d'un moment à l'autre - en fait, on retrouve beaucoup ce genre de scènes très particulières chez Pialat : la scène du bus à la fin de À nos amours entre Pialat et Bonnaire ou même la scène du repas final dans ce même film ; ou alors presque l'entièreté de Nous ne vieillirons pas ensemble. Ici, les personnages du publicitaire et de Loulou sont clairement opposés (presque définis comme opposés) : le publicitaire est assez bourgeois, très immobile (de tous les points de vue possibles), très solitaires alors que Loulou est très prolétaire, ancien taulard il me semble, il traîne toujours avec ses amis, bouge partout ; malgré cela, à la fin du film, leurs appartements sont un peu semblables - bien que l'espace soit organisé de manière très différente - et aussi parce que tous les amis de Loulou vivent avec lui mais il y a surtout cette scène assez lunaire où Loulou et le publicitaire viennent de se battre et ils décident d'aller boire un verre tranquillement avec Nelly ; cette scène me fait penser à celles que j'ai citées au-dessus : à la fois très équilibrée mais profondément instable. Sinon, globalement, j'ai bien aimé le film, tout semble très naturel, mais j'ai peut-être été un peu déçu, je m'attendais à ce que le film parle de plus de choses, j'attendais peut-être un choc comme Sous le soleil de Satan ou À nos amours.

Amenábar: Ouvre les yeux, 1997
Rien capté à la fin. J'en retire l'impression d'un (bon) film de De Palma qui se terminerait sur une idée à la Nolan.

Liliane de Kermadec : Aloïse        1975

 +
Un film un peu moins connu dans la filmographie de Huppert, il s'agit du troisième film de la réalisatrice franco-polonaise Liliane de Kermadec avec un casting qui fait envie (Huppert, Seyrig, Lonsdale) et dont le pitch fait également assez envie : le film se propose de raconter la vie de la peintre Aloïse Corbaz qui se destinait initialement au chant lyrique mais qui a été internée dans un asile psychiatrique et s'est rabattu sur le dessin et la peinture. Le film aborde des thèmes intéressants (l'utilisation de l'asile comme institution de contrôle - surtout quand on est une femme, cela se voit encore aujourd'hui : dès qu'une femme hausse la voix "ohlà !! c'est une hystérique, celle-là !!" -, la difficulté (!) pour une femme d'accéder à une profession intellectuelle - et bien sûr, tout le paquet de remarques qui vont avec) mais ils sont dilués dans des longues séquences assez insignifiantes, profondément ennuyeuses avec une réalisation assez molle ; quelques scènes sont tout de même amusantes notamment à la fin lorsqu'un homme commente a posteriori les peintures et dessins d'Aloïse.

Obsession

Robert Benayoun : Sérieux comme le plaisir        1975

 +
On est ici je crois dans les tréfonds de la filmographie de Huppert (elle n'a finalement qu'un tout petit rôle dans ce film) : il s'agit du second film de Robert Benayoun, je ne sais pas à quoi ressemble le premier mais celui-ci est vraiment assez étrange mais je l'ai trouvé très rafraîchissant et il m'a beaucoup plu. Ce film est en fait sous-tendu par des thématiques assez chères au surréalisme : tout d'abord, c'est le hasard qui régit le film (le choix de la destination et du nombre de kilomètres se font au hasard ; et il y a cette scène à mon avis très éloquente à propos du procédé global du film : les trois personnages du trio central jouent à un jeu de cartes en tenant les cartes avec la face de jeu visible pour les adversaires, mettent parfois des dominos ou des pions sur les cartes et parfois lancent des dés en se couvrant les yeux ; il y a ici quelque chose de l'ordre de la fabrication du hasard et d'un peu paradoxal dans la démarche de présenter du hasard) puisqu'un trouple choisit de partir dans un road movie fantasque sans but précis. Il y a beaucoup de scènes amusantes notamment celle du choix de la voiture où un personnage arrive chez un vendeur de voitures d'occasion et lui demande si cette voiture tourne bien, le vendeur lui répond que oui, alors il rétorque "bon, du coup, je ne vais pas la prendre" et finit par avouer qu'il aimerait "une voiture avec des pannes mais pas n'importe lesquelles : des grosses pannes, les plus imprévisibles possibles". C'est vraiment une découverte insoupçonnée pour moi, j'ai beaucoup ri. 

Emeryck a écrit:

il y a ici quelque chose de l'ordre de la fabrication du hasard et d'un peu paradoxal dans la démarche de présenter du hasard) puisqu'un trouple choisit de partir dans un road movie fantasque sans but précis.

J'ai appris un mot trouble couple - trouple (enfin à 3)

André Téchiné : Les soeurs Brontë        1979

 +
Ce qui frappe en premier lieu dans ce film, c'est l'aspect sublime d'absolument tous les plans : que ce soit dans la mise en scène elle-même ou dans la photographie de Bruno Nuytten qui s'accorde superbement avec le climat un peu brumeux des paysages anglais. Comme dans Souvenirs d'en France, j'ai retrouvé cet aspect extrêmement théâtral mi-sérieux mi-distancié (ce qui m'a notamment frappé, c'est qu'il y a parfois des scènes presque purement allégoriques notamment toutes ces scènes où intervient une rivière où l'on entend un bruit extrêmement fabriqué d'eau qui coule ; et il y a également des scènes assez drôles dans leur ironie qui côtoient des scènes très sérieuses). Je crois que globalement, j'ai beaucoup aimé le film et surtout son ambiance (le récit m'a un peu moins passionné) ; Pisier, Huppert et Adjani sont assez remarquables dans leur rôles des soeurs Brontë - et surtout, le clou du spectacle, c'est tout de même l'unique rôle de Roland Barthes au cinéma - qui n'est d'ailleurs pas très bon acteur. 

Emeryck a écrit:

- et surtout, le clou du spectacle, c'est tout de même l'unique rôle de Roland Barthes au cinéma - qui n'est d'ailleurs pas très bon acteur. 

J'avoue. (Mais c'était quand même un bon teaser pour t'inciter à regarder ce film toutes affaires cessantes, non?)

Benedictus a écrit:

Emeryck a écrit:

- et surtout, le clou du spectacle, c'est tout de même l'unique rôle de Roland Barthes au cinéma - qui n'est d'ailleurs pas très bon acteur. 

J'avoue. (Mais c'était quand même un bon teaser pour t'inciter à regarder ce film toutes affaires cessantes, non?)

Oui, complètement, sans oublier la présence d'Isabelle Huppert dans un rôle de tout premier plan. 

Bien sûr, mais Barthes, c'était pour lui faire gagner des places dans l'ordre de passage de ton intégrale Huppert de l'été.

L'Impératrice Yang Kwei-Fei - Kenji Mizoguchi - 1955

Yves Boisset : Dupont Lajoie        1975

 + / 
J'avais déjà vanté à de nombreuses reprises la singularité d'Yves Boisset dans le cinéma de son époque et ce film vient la confirmer sérieusement : Boisset pond ici un film porté par de très bon(ne)s acteurs/trices portant sur le racisme ordinaire. Des films réalisés à cette époque portés sur ces sujets est toujours un peu un tirage de loterie : il est parfois possible que ce soit assez cringe, que ce soit dans la manière de rapporter les choses, ou sur la "résolution" du problème (si résolution il y a) qui flirte parfois avec le white saviourism. Ce n'est ici en fait à mon avis pas le cas : si le film commence par dénoncer un racisme d'une logique très individuelle (en gros, les clients du café du commerce qui débitent toute sorte de propos racistes sur les étrangers - que ce soit dans le gratin de surnoms tous plus racistes les uns que les autres ou dans les clichés - mais (attention, spoiler) dès lors que l'on enquête sur la mort du personnage d'Isabelle Huppert au camping, tout le monde accuse bien sûr les personnes arabes et c'est là que le film bascule dans une dénonciation plus fine : à un moment, animé par quelqu'un qui décide de "faire justice soi-même parce que si la police ne fait pas son travail, il faut bien que quelqu'un le fasse", tout le groupe d'amis (que rien ne prédisposait à ça, si ce n'est le fait qu'ils étaient racistes) se décide à faire une "ratonnade" - c'est-à-dire à lyncher ce groupe de personnages arabes. La police se mêle bien sûr à l'enquête, et si l'inspecteur local semble faire son travail consciencieusement, la structure veut ordonner un non-lieu pour la disparition du personnage d'Isabelle Huppert et dire que le groupe de personnes arabes ont "réglé leurs comptes entre eux" (mais qui prétend dénoncer le racisme qui les "répugne" - ici, la dénonciation passe à quelque chose de plus intéressant et dépeint une des dynamiques de la haine et du racisme et l'aspect systémique est déjà un peu là à travers l'enquête de police. De plus, le film dénonce aussi la sexualisation des jeunes filles par les vieux gars - il y a notamment tous ces plans où le personnage de Jean Carmet essaie de mater discrètement le personnage d'Isabelle Huppert (qui est l'amie de son fils...) qui, bien sûr, le remarque directement ; cela amène (spoiler, encore) tout de même au viol du personnage de Huppert et à son meurtre. Par ailleurs, Boisset ne tire pas ça de nulle part : il s'inspire (aidé notamment par Jean-Pierre Bastid) d'une vague de meurtre racistes ayant eu lieu dans le sud de la France au début des années soixante-dix ; pour cela, il a été sévèrement menacé par le groupuscule d'extrême-droite Charles-Martel qui ont caillassé et envoyé des cocktails Molotov dessus ; les acteurs maghrébins ont également été agressés. J'ai beaucoup aimé le rôle de Jean Bouise (heureusement que Boisset est là pour lui donner des rôles d'ampleur...) qui joue le rôle de l'inspecteur local chargé de l'enquête ; il a un moment une phrase très pertinente (qui est à l'heure actuelle évidente mais dans les années soixante-dix, pas sûr) "un lynchage, c'est bon pour les américains avec les noirs mais en France, ça n'existe pas ; et pourtant, cet homme a été victime d'une chasse à l'arabe - en français, ça s'appelle une ratonnade". Il faut également mentionner les performances de Carmet en ordure, Marielle en présentateur télévisé assez drôle d'un jeu "inter-camping" (je pensais qu'il allait plus cabotiner). C'est pour moi un des plus grands films de Boisset.

Je ne l'ai pas vu depuis longtemps, mais oui, excellent film, avec des acteurs qui donnent leur meilleur (je me souviens aussi de numéros épatants de Victor Lanoux, Robert Castel et Henri Garcin.)

(En revanche, tu parles de disparition du personnage joué par Huppert...   Dans mon souvenir, on retrouve très vite le corps, que Lajoie a déplacé près des baraquement des Algériens.)

Benedictus a écrit:

(En revanche, tu parles de disparition du personnage joué par Huppert...   Dans mon souvenir, on retrouve très vite le corps, que Lajoie a déplacé près des baraquement des Algériens.)

Oui, c'est vrai, tu as raison - je corrige.

125, rue Montmartre



Brüno

Claude Chabrol : Une affaire de femmes        1988

 + / 
J'ai beaucoup aimé ce Chabrol, il se passe durant la seconde guerre mondiale mais la façon de raconter les choses est à mon avis clairement différente des films ordinaires qui se déroulent durant cette période : il y a souvent une petite part du film consacrée à la guerre et donc la mise en avant de personnages masculins actifs (les soldats) ou alors des personnages féminins qui restaient à la maison (ou alors en mode "ohlàlà, elles ont perdu leur mari") donc en résumé plutôt passifs. Ici, Chabrol inverse complètement cette tendance : le film s'inspire de l'histoire de Marie-Louise Giraud qui est une femme qui a aidé vingt-sept femmes à avorter dans des conditions un peu plus sécurisées que si elles étaient seules, cela lui a valu la guillotine en 1943 ; Isabelle Huppert endosse superbement ce rôle, mariée avec un pétainiste (plutôt bien joué par François Cluzet), qui n'hésite pas à être violent (verbalement et physiquement) avec sa femme. Le personnage de Huppert rencontre chez le coiffeur le personnage de Marie Trintignant, une prostituée avec qui elle se lie d'amitié et à qui elle prête une partie de sa maison pour exercer son métier de manière sécurisée ; là encore, Chabrol ne juge pas la prostitution et l'identité du personnage de Tritignant va bien au-delà (d'ailleurs, la première fois qu'on la découvre, c'est au salon de coiffure et même par la suite, la prostitution reste une toile de fond pour ce personnage). Ce qui semble intéresser Chabrol (aidé par Colo Tavernier au scénario), c'est avant tout raconter une histoire de femmes avec des femmes qui se s'entraident entre elles - ce qui est finalement assez rare.

• Roman Polanski: The Ghost Writer

Pas mal pour un Polanski récent (on est nettement au-dessus de ses plus invraisemblables nanards ou de l’ennui irrémédiable des grandes fresques léchées en costumes d’époque), mais pas non plus un chef-d’œuvre inoubliable

Le scénario est certes bien fait, mais finalement superficiel. D’abord, l’arrière-plan géopolitique n’est rien de plus, justement, qu’un arrière-plan: significativement, tout le côté Guantanamo-Halliburton est relégué à des inserts vidéos (images de JT, vidéo du site de l’officine de sécurité) comme pour dire «attention, ce n’est pas le sujet du film»; les références à Tony Blair semblent faites pour décourager tout effort d’interprétation politique à force d’allusions transparentes à une actualité alors récente. Ensuite, si elle semble plus sérieusement constitutive du scénario, l’intrigue «d’espionnage» est elle aussi relativement décevante par les mécanismes qu’elle met en jeu - les amateurs de John LeCarré (ou de Rendez-vous avec X) risquent d’en trouver les ficelles vraiment trop simples et largement prévisibles. (Et le double plot twist final est carrément cousu de fil blanc.) En fait, j’ai l’impression que tout cela n’est finalement que le MacGuffin de ce qui constitue le cœur réel du film: c’est-à-dire une sorte de thriller psychologique à la structure très classique (assez proche de celle de Chinatown, finalement: un couple uni par un secret, un personnage étranger A qui avait levé le secret avant d’être tué dès le début du film, un personnage étranger B qui va chercher à comprendre pourquoi A est mort et sera à son tour amené à découvrir le secret du couple.)

Le problème, c’est que la quasi-totalité des personnages de ce thriller sont eux-mêmes caractérisés de façon excessivement sommaire et schématique - jamais loin du stéréotype (le jeune écrivain fauché et son agent tapageur, le vieil éditeur coincé, la secrétaire sacrificielle, le chef de sécurité rogue, l’épouse intelligente, dure et énigmatique, l’ancien soldat obsédé par sa vengeance…) voire de la caricature (l’ex-Premier Ministre.) Le problème, c’est que, quand les acteurs sont bons (Ewan McGregor, Olivia Williams), ils arrivent à distiller un semblant d’épaisseur qui donne un peu de poids à l’histoire, mais quand ce n’est pas le cas (Pierce Brosnan), ça rend vraiment criante la superficialité de l’exercice.

Reste la question de la mise en scène. Là, on retrouve les défauts habituels de Polanski à partir des années 90 - et qu’on peut résumer sous le terme d’académisme (la photographie excessivement travaillée, les plans larges tirés au cordeau, l’efficience d’un montage hyper-classique, une certaine virtuosité démonstrative - très frappante dans le dernier plan.) Pour autant, on retrouve quand même un petit peu de ce qui faisait l’intérêt du Polanski d’avant dans les scènes qui se déroulent entre Martha’s Vineyard et les forêts du Massachusetts: une certaine façon de faire sourdre l’étrangeté. C’est le cas des scènes de longs cheminements erratiques dans ces paysages littoraux désolés et septentrionaux (ce Massachusetts imaginaire a été filmé en Allemagne du Nord et au Danemark - «pour les raisons qu’on sait»), de ces plans d’attente autour du débarquement et de l’embarquement du ferry, de ces scènes énigmatiques dans de vastes intérieurs sombres, à la fois chargés et vides (l’hôtel, la villa de l’universitaire). C’est là aussi qu’apparaissent (enfin!) des personnages étranges (le vieillard joué par un Eli Wallach nonagénaire, la réceptionniste hallucinée en costume d’époque), inquiétants (la première apparition du vieux soldat-Némésis) ou ambigus (l’universitaire.) Toutes choses qui apportent au film des atmosphères entre chien et loup, empreints de quelque sourde menace, voire de possibles glissements aux confins du fantastique

Ces scènes vraiment prenantes, et qui témoignent d’une vraie singularité d’auteur, ne représentent malheureusement qu’un tiers du film - à tel point que j’ai tout de même du mal à m’expliquer l’avalanche de distinctions qui s’est abattue sur Polanski à l’occasion de ce film (Ours d’argent, César, Prix Lumière et Étoile d’or du meilleur réalisateur.) Je veux dire: oui, d’accord, ce film laisse entrevoir que le Polanski du Locataire n’a pas totalement disparu sous le cinéaste académique - mais ce n’est pas non plus Le Locataire, quoi.

That Lady in ermine

+

Benedictus a écrit:

• Roman Polanski: The Ghost Writer

Pas mal pour un Polanski récent (on est nettement au-dessus de ses plus invraisemblables nanards ou de l’ennui irrémédiable des grandes fresques léchées en costumes d’époque), mais pas non plus un chef-d’œuvre inoubliable

Qu'est-ce que vaut La Vénus à la fourrure ? J'ai bien envie de le voir car Mathieu Amalric joue dedans.

Hal Hartley : Amateur        1994


J'ai été assez intrigué et déçu par ce film : l'aspect caricatural très apparent dans le pitch (façon film américain indépendant des années 90) est en fait assez représentatif du film ; j'ai donc essayé de chercher une marque de distance un peu comique, un peu en vain : je n'ai jamais saisi si ce film était très sérieux ou s'il avait des accents parodiques. Pour donner un petit aperçu, voilà le pitch : une femme qui écrit des petites histoires pour des magasines pornographiques (et ancienne nonne !) rencontre un homme amnésique qui s'est réveillé un peu ensanglanté au beau milieu d'une rue ; parallèlement, on rencontre la femme de ce dernier qui est en fait une ancienne actrice porno et qui essaie de faire chanter son ancien patron mais est rapidement rattrapée par des hommes de main. On sent que derrière il y a un message assez critique sur l'industrie du porno et plus généralement sur le système capitaliste mais ce jeu des contraires (l'ancienne nonne qui devient écrivaine pour une revue pornographique, etc.) est vraiment pénible et malgré des acteurs/trices (Huppert, Löwensohn, Young) et quelques belles scènes visuellement, j'ai trouvé que le film n'avait rien à dire qui soit véritablement intéressant.

Coup de torchon - Bertrand Tavernier - 1981



Mon deuxième Tavernier après L'horloger de Saint-Paul qui m'avait aussi beaucoup marqué.

Emeryck a écrit:

Qu'est-ce que vaut La Vénus à la fourrure ? J'ai bien envie de le voir car Mathieu Amalric joue dedans.

Celui-là, je n'ai même pas osé. (Disons qu'entre, d'une côté, pièce de théâtre à deux personnages filmée, adaptation de Sacher-Masoch, Polanski post-80s et Emmanuelle Seigner et, de l'autre Mathieu Amalric, la balance entre les bonnes raison de le voir et les bonnes raisons de ne pas le voir était quand même très déséquilibrée.)

J'ai trouvé La Vénus a la fourrure très réussit!
Il ne faut pas s'attendre a retrouver un chef d’œuvre comme Le Locataire, mais justement l'aspect théâtrale, le huis clos et le duel entre les deux personnages est assez fascinant a suivre, on y retrouve quelque chose de l'inquiétante étrangeté de la trilogie des appartements, c'est très bien mis en scène. Amalric est très bon, et fait troublant finit par ressembler énormément a Polanski. Mais j'aime cette veine théâtrale du Polanski post-80 j'avais bien aimé La Jeune Fille et la mort aussi (je n'ai pas vu Carnage par contre qui me fait un peu peur), non vraiment ça se regarde très bien, et c'est peut être son meilleur film récent.
Mais j'aime aussi beaucoup J'accuse, a mon avis un excellent film, qui vaut bien mieux que la réputation de fresque historique léché et un peu académique. Justement là aussi il y a quelque chose dans la mise ne scène, je ne sais pas si c'est dans le cadrage, la photo ou le décors (sans doute tout ça a la fois) qui va au delà de la simple reconstitution minutieuse (le côté héritage film) pour toucher a une forme d'étrangeté presque cauchemardesque un peu comme si l'académisme était miné de l'intérieur. Mais je préfère quand les huis clos façon Ghost Writer (que je trouve très bien aussi) ou La Vénus a la fourrure.

Après oui ce n'est pas Le Locataire, ni Rosemary's Baby, ni Répulsion, ni Cul de sac, ni Chinatown c'est certain, mais ce sont de très bons films, d'excellente facture et même un peu plus que ça.

Par contre est-ce que quelqu'un a vu D'Après une histoire vraie? c'est aussi catastrophique qu'on le dit?

Parsifal a écrit:

Amalric est très bon, et fait troublant finit par ressembler énormément a Polanski.

Mais il a toujours beaucoup ressemblé à Polanski, je trouve.

Parsifal a écrit:

Par contre est-ce que quelqu'un a vu D'Après une histoire vraie?

Ça compte, si on a juste regardé la moitié?

Parsifal a écrit:

c'est aussi catastrophique qu'on le dit?

La première moitié, oui.

Thelonious a écrit:

Coup de torchon - Bertrand Tavernier - 1981



Mon deuxième Tavernier après L'horloger de Saint-Paul qui m'avait aussi beaucoup marqué.

Je vois qu'on veut me faire concurrence dans ma rétrospective Huppert de l'été. 

Ah bon, c'est juste une rétrospective, pas une intégrale?

Benedictus a écrit:

Ah bon, c'est juste une rétrospective, pas une intégrale?

Une intégrale, ça impliquerait d'avoir tous les films dans lesquels a joué Isabelle Huppert. 

Ah bon, il t'en manque?

(Personnellement, Coup de torchon m'avait un peu déçu - ça reste bien, mais Tavernier + tous ces acteurs-là, je m'attendais à mieux; disons que le film m'avait paru un peu paresseux.)

Benedictus a écrit:

Ah bon, il t'en manque?

(Personnellement, Coup de torchon m'avait un peu déçu - ça reste bien, mais Tavernier + tous ces acteurs-là, je m'attendais à mieux; disons que le film m'avait paru un peu paresseux.)

Oui, rien que pour les années soixante-dix, il me manque L'ampélopède, Le grand délire, Je suis Pierre Rivière, Le petit Marcel, Les indiens sont encore loin et Retour à la bien aimée. Je ne me suis pas encore procuré Des enfants gâtés de Tavernier que je pensais trouvé en version restaurée (car ce n'est pas un film obscur) mais je crois que je vais me contenter de la version DVD.
Ça fera plaisir à certain(e)s, mais si tu veux tout savoir, je n'ai même pas Nue propriété de Joachim Lafosse...

Emeryck a écrit:

Je suis Pierre Rivière

J'allais te dire que je l'avais vu, mais non: je confonds avec Moi, Pierre Rivière... d'Allio.

Emeryck a écrit:

Je ne me suis pas encore procuré Des enfants gâtés de Tavernier que je pensais trouvé en version restaurée (car ce n'est pas un film obscur) mais je crois que je vais me contenter de la version DVD.

Je l'avais vu, et: 1. ce n'est vraiment pas très bon, 2. je ne me souvenais pas qu'Isabelle Huppert y jouait (et après vérification, c'est un tout petit rôle, pas crédité au générique), 3. en revanche, ce dont je me souvenais, c'est que Tavernier avait massivement embauché les acteurs du Splendid (Jugnot, Lhermitte, Blanc, Clavier, Lamotte...), alors comme je crois me souvenir que tu ne les aimes pas trop...

Emeryck a écrit:

Ça fera plaisir à certain(e)s, mais si tu veux tout savoir, je n'ai même pas Nue propriété de Joachim Lafosse...

J'ai l'impression qu'il y a une private joke que je n'ai pas captée. (Je ne connais pas du tout ce film.)

Benedictus a écrit:

Emeryck a écrit:

Je ne me suis pas encore procuré Des enfants gâtés de Tavernier que je pensais trouvé en version restaurée (car ce n'est pas un film obscur) mais je crois que je vais me contenter de la version DVD.

Je l'avais vu, et: 1. ce n'est vraiment pas très bon, 2. je ne me souvenais pas qu'Isabelle Huppert y jouait (et après vérification, c'est un tout petit rôle, pas crédité au générique), 3. en revanche, ce dont je me souvenais, c'est que Tavernier avait massivement embauché les acteurs du Splendid (Jugnot, Lhermitte, Blanc, Clavier, Lamotte...), alors comme je crois me souvenir que tu ne les aimes pas trop...

Emeryck a écrit:

Ça fera plaisir à certain(e)s, mais si tu veux tout savoir, je n'ai même pas Nue propriété de Joachim Lafosse...

J'ai l'impression qu'il y a une private joke que je n'ai pas captée. (Je ne connais pas du tout ce film.)

Je pense que je vais le regarder tout de même car je suis assez curieux à propos de la filmographie de Tavernier et ce que tu n'as pas dit, c'est que Michel Piccoli joue le rôle principal - c'est un point important pour moi.   Concernant la troupe du Splendid, je n'ai pas d'antipathie particulière envers eux/elles (à part peut-être Lhermitte que je trouve parfois mauvais).


Oui, complètement. 

En parlant de Piccoli...

1 Homme de trop - Costa-Gavras - 1967