Votre dernier film visionné

Arnaud des Pallières : Captives        2023


J'avais découvert Arnaud des Pallières avec Orpheline, il y a plusieurs années, que j'avais trouvé assez original (notamment du point de vue de la gestion des personnages et du découpage) et dont le côté sans compromission m'avait plu ; curieusement, je n'ai pas poussé plus loin — il faut dire que des Pallières n'a pas fait énormément de films et que les pitches des autres ne m'attiraient pas trop. À l'occasion de mon rattrapage d'été des films sortis en 2024, j'ai décidé d'en profiter pour tenter le coup avec son dernier.

Le film se passe à la fin du dix-neuvième siècle et raconte l'histoire d'une jeune femme qui décide de se faire interner à l'hôpital de la Salpêtrière où est enfermée une bonne centaine de femmes parce qu'elles sont considérées comme folles ; elle fait ça pour retrouver sa mère et lorsqu'elle y entre, on y prépare le bal des folles, une cérémonie aux allures d'attraction zoologique à laquelle le tout-Paris se pressera.

Le sujet est intéressant et offre beaucoup de choses intéressantes à raconter (sur les asiles en eux-mêmes ou même sur le recours misogyne à la folie pour enfermer les femmes) mais apparemment, des Pallières n'a pas eu l'information et préfère nous livrer un récit de surface qui est somme toute assez convenu. En plus de ça, si l'on retire le personnage de Mélanie Thierry (et celui de Josiane Balasko, allez), il ne reste plus rien et ça ne veut pas dire qu'il est passionnant pour autant... Un autre point qui m'a déplu (et énormément surpris), c'est le parti-pris artistique complètement nul : caméra souvent à l'épaule et surtout... zooms extrêmement voyants systématiques, c'est vraiment hideux ; j'imagine que des Pallières a voulu rendre le truc plus tendu mais c'est complètement raté et presque nanardesque — il faudrait compter le nombre de zooms avant très visibles dans le film.

Je serais d'ailleurs de voir ce qu'a fait Mélanie Laurent avec son film Le bal des folles, ça doit être sans doute plus réussi.

Emeryck a écrit:

Songeur a écrit:

Emeryck a écrit:

Les seules choses que j'ai aimées […] (et peut-être la musique de Vincent Delerm)

J'aime bien ce chanteur en général. 

Moi aussi .

The Godfather

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Qu'est-ce que je vous ai donc fait pour que vous me parliez avec aussi peu de respect ?

Quentin Dupieux
Incroyable mais vrai

Fable autour de la quête de l'éternelle jeunesse, avec ses deux versants masculin et féminin. Je me suis pas mal ennuyé, et passé l'(es) annonce(s) "incroyable(s)" trouvé que ça tournait à vide.

Elia Suleiman & Jayce Salloum : Introduction to the end of an argument        1990

 
Ce film est la première réalisation d'Elia Suleiman, il travaille ici avec l'artiste canadien Jayce Salloum, très axé sur la photographie et, d'après ce que j'ai compris, sur le rôle de l'archive pour mettre en évidence la sélection d'histoires plutôt que d'autres. Il s'agit d'un moyen-métrage d'environ quarante-cinq minutes principalement composé d'extraits de journaux télévisés, de films et de documentaires (et d'intertitres écrits par les deux réalisateurs) qui mettent en évidence les clichés orientalistes, le racisme anti-arabe et par-là même, ces images mettent en évidence l'utilisation de l'impéralisme culturel pour servir le suprémacisme occidental et la colonisation ; on pense pas mal au livre Orientalism de Saïd, sorti un peu plus de dix ans avant ce film.

Le film est à la fois assez désolant et aussi assez drôle mais je dois dire que l'extrême hétérogénéité des images employées le rend parfois un peu difficile à suivre : en fait, en terme de densité d'images, c'est comme si on avait le droit à Youtube Poop intelligent de trois quarts d'heure.

Anna Novion : Le théorème de Marguerite        2023

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Les films qui ont à voir substantiellement avec les maths sont assez rares et étant donné que c'est ma spécialité, j'étais curieux de voir celui-ci ; sans doute d'autant plus curieux qu'il se donnait un cadre institutionnel : son personnage principal est Marguerite, une doctorante en maths à l'ENS Ulm, interprétée par Ella Rumpf.

J'ai plutôt bien apprécié la manière dont le film parle de la recherche (et aussi un peu des maths), je crois que c'est sans doute un des films qui en parle le mieux (il faut dire que le niveau n'était pas bien haut — la réalisatrice a d'ailleurs assez étroitement travaillé avec l'arithméticienne Ariane Mézard) : j'ai aimé la manière dont le film montre le surgissement parfois dans des circonstances un peu improbable des idées pour attaquer un problème, j'ai aussi aimé qu'il montre le fait que même si l'on fait autre chose, les problèmes sur lesquels on travaille restent toujours un peu en tête.

Le personnage du directeur de thèse (interprété par Jean-Pierre Darroussin) est aussi sans concession : encadrent des étudiant(e)s pour leur thèse mais n'ont pas le temps d'assurer cet encadrement (ou, pire encore, dépriorisent cet(te) étudiant(e) quand ils espéraient s'en servir pour leur propre recherche et voient finalement qu'il n'est pas aussi techniquement robuste qu'ils l'espéraient), s'extirpent de tous les problèmes quitte à user de leur prestige ou de leur statut hiérarchique et à faire du gaslight en permanence (par exemple, dans le film, Marguerite avait demandé à son directeur de thèse de vérifier la preuve de quelques résultats car elle n'était pas sûre si elle était correcte ou non, le directeur lui répond que c'est bon car elle l'a relu des dizaines de fois et qu'elle devrait le faire relire par un de ses étudiants ; lorsqu'elle doit exposer son travail à l'Institut Henri Poincaré, quelqu'un lui fait remarquer qu'il y a une faute dans sa preuve — et du coup, ça invalide toute sa thèse ; là, le directeur retourne sa veste et dit qu'il lui avait dit de faire relire la preuve — alors que, bien sûr, c'est sa responsabilité) ; et bien sûr, la probabilité de tout cela augmente à mesure que l'encadrant est (re)connu.

Même s'il parle bien des maths, pour moi, ce film a un problème majeur que l'on pourrait peut-être résumer en disant qu'il oublie tous les aspects structurels et cela se manifeste à plusieurs niveaux. Tout d'abord, dès que Marguerite quitte l'ENS et envoie balader sa thèse, elle fait une formation pour devenir sondeuse et lors d'une des séances de formation, elle dénonce le biais du sondage et là, une autre participante s'insurge et quitte la salle, Marguerite est priée de quitter la salle juste après par la formatrice. Ces deux personnages se retrouvent à l'arrêt de bus et l'autre personnage est une femme racisée, qui vit à Ivry (où l'on parie clandestinement au Mahjong à l'arrière d'une boutique d'un serrurier, qui loue des logements de manière assez peu claire), qui "ne comprend rien aux maths", qui est hyper sociale et qui danse (bah oui : le corps vs. l'esprit !) ; en plus de ça, c'est un personnage extrêmement fonctionnel et tout ce qui est liée à elle ne va nulle part.

Ensuite, le film veut (notamment) parler des problèmes dans le monde de la recherche mais l'approche est superficielle : aucune mention de la destruction du milieu de la recherche, du fait que la gestion des universités ait été confiée à des administratifs qui n'y connaissent rien (et d'ailleurs, les conséquences dans d'autres disciplines (je pense à la médecine) sont bien plus sérieuses qu'en maths), de la multiplication du fonctionnement selon des appels à projets (alors que, comme le montre par contre le film, il est difficile de savoir dans combien de temps un travail va aboutir), du fait que l'on privilégie la création de postes temporaires (d'abord le statut de post-doctorant (un cache-misère) puis, plus récemment, la floraison du statut de professeur junior) alors qu'on pourrait créer davantage de postes permanents. Si le film interroge (c'est le mot : poser la question mais pas plus) la sous-représentation des filles dans le milieu de la recherche en maths, ils ne questionne absolument pas la variable de classe alors que, bien sûr, la classe bourgeoise est considérablement sur-représentée (et puis, comme le disent Bourdieu et Passeron, c'est carrément leur terrain de jeu) et cette destruction de la recherche ne fait que réduire la taille du crible à prolos (ou plutôt à personnes issues d'une famille de prolos) et renforcer les abus liés aux rapports de domination qui structurent la société.

On pourrait me dire que ce film n'est pas une étude de sociologie (c'est vrai) mais si l'écriture des personnages ne témoignait pas de cette même logique libérale (avec les préjugés qui vont avec), je pense que je ne me serai pas autant appesanti dessus : on voit bien que c'est une vision du monde. En plus de ça, si on veut prendre l'argument du dessus au pied de la lettre, ça ne marche même pas parce qu'il n'y a assez peu de cinéma dans ce film et le récit est extrêmement banal : Marguerite va utiliser son intellect supérieur pour battre tout le monde au Mahjong et gagner de l'argent puis, illumination, elle trouve un moyen de prouver ce qu'elle voulait, va revenir vers l'autre étudiant de son directeur pour travailler avec lui puis paf ! histoire d'amour (alors que Marguerite ne semble pas du tout hétéro mais admettons — cela va à mon avis encore une fois dans le sens de ce dont je parlais au-dessus) entre eux et preuve de la conjecture de Goldbach.

Pour résumer, je n'ai pas détesté ce film (notamment pour ce qu'il raconte (et il le fait mieux que les autres films que j'ai pu voir) sur certains aspects des maths et ne serait-ce que pour entendre parler de ce sujet) mais pour moi, c'est clairement trop superficiel et au final, ça n'arrive même pas à ses fins. On pourrait dire que cette approche libérale (et bourgeoise) est omniprésente dans le cinéma (en particulier dans le cinéma français) et c'est absolument vrai mais là, je trouve qu'elle tue le film dans l'œuf donc c'est pour ça que j'en ai autant parlé.

Emeryck a écrit:

avec les maths sont assez rares et étant donné que c'est ma spécialité,

Quelle branche des maths en particulier ?

Songeur a écrit:

Emeryck a écrit:

avec les maths sont assez rares et étant donné que c'est ma spécialité,

Quelle branche des maths en particulier ?

Géométrie algébrique/analytique (complexe et non archimédienne).

Pierre Clémenti : Positano        1969

 +
Il me semble que ce court-métrage de Pierre Clémenti a longtemps été indisponible mais apparaît maintenant avec d'autres inédits (?) du réalisateur sur un coffet édité par Potemkine ; il vient après La révolution n'est qu'un début, continuons le combat et même si on trouve des similitudes avec celui-ci, je le trouve moins bigarré et il utilise davantage le motif du cercle comme œilleton.

Il me semble que ce film a été tourné chez Tina Aumont sur l'île de Positano en Italie, on y trouve beaucoup de personnalités qui gravitaient autour de Philippe Garrel à cette époque (Pierre Clémenti, Nico, Tina Aumont, Viva, Jean-Pierre Kalfon, etc.). Clémenti procède également ici par superposition d'images, le résultat est assez chouette et paisible mais peut-être un peu trop pour moi, contrairement à ces courts-métrages précédents.

Jean-Pierre Mocky : Une nuit à l'Assemblée Nationale        1988

 + / 
J'ai lu que ce film était sorti entre les deux tours des élections présidentielles de 1988 et qu'à la suite d'une brouille avec le distributeur Jean Labadie (qui était à l'époque à la tête de BAC Films et maintenant à la tête de Le Pacte) qui avait organisé une projection avant la sortie avec les différents journalistes politiques parce qu'apparemment, l'Élysée craignait que le film eût un impact sur le taux d'abstention (!), Mocky dira que ce film a mis du plomb dans l'aile à sa carrière dans les grands circuits de distribution.

Mais qu'est-ce que ça raconte, au juste, ce film ? Walter Arbeit (!), membre d'un camp naturiste (interprété par Michel Blanc — sans calvitie !) est emmené par le député-maire de son village à l'Assemblée Nationale où on lui remet la légion d'honneur parce qu'il a largement contribué au tourisme dans son village ; au moment de la cérémonie de remise, il découvre que tout a été acheté par le maire et ça le rend furieux. Lorsque Arbeit apprend ça à l'employée de banque qui se présente systématiquement aux présidentielles (interprétée par Jacqueline Maillan et clairement inspirée d'Arlette Laguiller), elle s'insurge mais cela dérange le royaliste de service (interprété par Jean Poiret) qui est aux manettes de ce petit business. Pas de doute, c'est bien du Mocky !

Malgré le fait que tout le monde lui tire dessus, je crois que je ne déteste pas ce film : il se rue tellement dans le nanardesque et (surtout) le nawak que ça devient du grand art ; alors bien sûr, ce qualificatif pourrait peut-être être appliquée à beaucoup de films de Mocky (surtout à mesure qu'on avance dans sa filmographie) mais je trouve que finalement pas tant que ça (je n'ai que deux exemples en tête : Le miraculé et celui-ci) parce que pas mal de films qui pourraient convenir font finalement du sur-place dans leur nawak ou alors, comme Y'a-t-il un français dans la salle ?, ils partent trop dans tous les sens (avec un tropisme libidineux) et deviennent rapidement fatigants. Même si je lui préfère Le miraculé (c'est peut-être une question de Serrault, ça...), j'aime tout de même celui-ci.

Assaut

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C'est dur pour tout le monde

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Scott Cooper : Strictly criminal (2015)
****

David Cronenberg : Dead ringers        1988


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Quand on pense à David Cronenberg, on pense sans doute à sa veine très technico-organique qui confine parfois à l'horreur mais il a des films qui s'en distancient un peu, mettant en scène des technologies qui ont bien sûr des effets sur le corps mais ceci à distance : je pense à The fly, à Dead zone et éventuellement à Scanners. Ce film est un peu une hybridation des deux : on y parle constamment d'insides (le (ou plutôt les) personnage principal est gynécologue) mais ce n'est pas exactement ce sur quoi va reposer le film ; en fait, c'est même plus que ça : la ligne dramatique du film va toute entière reposer sur la disjonction de deux jumeaux et donc le passage de l'intérieur à l'extérieur.

Le film raconte l'histoire de jumeaux homozygotes (tous deux interprétés par Jeremy Irons) tous deux gynécologues renommés, vivant dans le même appartement et travaillant dans la même clinique. Un jour, une actrice de (elle aussi de renom) vient les voir parce qu'elle est stérile et se fait rapidement draguer par l'un des deux jumeaux, qui vont rapidement la voir alternativement sans qu'elle ne s'en rende compte.

Je pense qu'on pourrait qualifier ce film de mélodrame (à la sauce Cronenberg, bien sûr) : il repose tout entièrement sur l'irréversibilité de la déchirure — la dernière scène est assez parlante à cet égard : les deux jumeaux sont scindés puisque l'un d'eux est mort, l'autre appelle l'actrice et elle demande qui est à l'appareil, il hésite puis raccroche. Tout d'abord, les jumeaux sont remarqué pour l'invention d'un outil appelé "Mantle retractor" qui est une sorte d'outil qui regroupe une paire de forceps — un outil déjà ambivalent puisqu'il va à l'intérieur du corps pour maintenir deux parties du corps éloignées l'une de l'autre. Ensuite, comme souvent dans le mélodrame (c'est pour ça que j'ai utilisé cette expression), c'est l'amour qui va mettre le premier grain de sable dans la machine et va aboutir à la scission des deux jumeaux, jusqu'à la mort de l'un d'eux. D'ailleurs, c'est assez amusant car à un moment, l'un d'eux dit que la stérilité de l'actrice vient du fait que son col de l'utérus est trifurqué, ce qui rappelle déjà le trio et annonce qu'il ne pourra pas aboutir à quelque chose ; en plus, à un moment, l'un des jumeaux va faire usiner des outils chirurgicaux spéciaux pour opérer des "femmes mutantes".

Franchement, c'est un opus très réussi, assez atmosphérique (en ce sens que la progression dramatique est centrale et très progressive/continue) et je dois dire que j'ai été assez bluffé par l'interprétation (ou plutôt les interprétations) de Jeremy Irons qui arrive sans peine à jouer deux personnages différents.

Ce film est extraordinaire, un de mes Cronenberg préférés et une sorte d’épure de son univers : effectivement un mélodrame particulièrement cruel et sombre sous la froideur formelle sophistiquée apparente (je l’avais vu à 13 ans à sa sortie et n’avais pas aimé du tout…), qui recouvre pudiquement une espèce de romantisme noir exacerbé — ce qui le rapproche du film précédent La Mouche, sauf que celui est à mon sens beaucoup plus réussi.

Claude Chabrol : La ligne de démarcation        1966


Ce film est un peu un film de transition dans la filmographie de Claude Chabrol : il vient juste après ses films ouvertement parodiques (les deux Tigre et Marie-Chantal contre le docteur Kha) mais à la fois, pas encore dans ses films machiniques de la fin des années soixante et du début des années soixante-dix ; on y trouve aussi un goût pour le trouble, qui était déjà bien installé, notamment dans ses films du début des années soixante.

Le film se passe sous l'occupation nazie, dans un village du Jura, coupé en deux par la ligne de démarcation ; on y suit un aristocrate (interprété par Maurice Ronet) qui est également capitaine de l'armée française fraîchement relâché par les nazis qui ont d'ailleurs occupé son château où il vivait avec sa femme anglaise naturalisée française (interprétée par Jean Seberg). Il va rapidement collaborer avec les nazis et sa femme a déjà rejoint les rangs de la résistance ; parallèlement, la Gestapo est à la recherche d'un parachutiste anglais et d'un parachutiste français.

J'ai bien aimé la manière dont Chabrol met en opposition l'aspect très localisé (le géographique de l'occupant) de la ligne de démarcation et l'aspect assez diffus de la collaboration/de la résistance dans ce petit village où tout le monde se connaît ; il joue aussi pas mal avec le pont entre les deux zones sur lequel se passent plusieurs scènes assez intenses. Il y a tous les comportements (et il y a du coup pas mal de personnages, typés mais pas fonctionnels pour autant) : certains s'engagent directement dans la résistance, certains n'ont aucun de problème à collaborer, d'autres sont un peu entre deux. J'ai aussi aimé la manière dont l'aristo collaborationniste essaie de convaincre que, finalement, il n'est plus la peine de résister car les nazis vont occuper la zone de Vichy ; il y a également des passages plus amusants notamment lorsque l'un des habitants (collaborationniste) essaie d'obtenir des informations sur l'endroit où pourrait se trouver le parachutiste français et n'est absolument pas discret. Et finalement, quand j'y repense, je trouve que la fin est également assez comique, à la fois parce qu'elle tourne en dérision l'idée de twist (le film négocie un virage à 180° mais ça ne peut aboutir sur rien) mais aussi parce que ça vient à rebours de tout ce que le film nous indiquait (?) sur le personnage de Ronet.

Peut-être pas mon Chabrol préféré mais c'est une réussite (ce qui n'est pas toujours le cas des Chabrol de ces années-là) ; en plus, on a un très beau noir et blanc et, comme toujours, une musique de Pierre Jansen qui va très bien avec le film.

Golisande a écrit:

Ce film est extraordinaire, un de mes Cronenberg préférés et une sorte d’épure de son univers : effectivement un mélodrame particulièrement cruel et sombre sous la froideur formelle sophistiquée apparente (je l’avais vu à 13 ans à sa sortie et n’avais pas aimé du tout…), qui recouvre pudiquement une espèce de romantisme noir exacerbé — ce qui le rapproche du film précédent La Mouche, sauf que celui est à mon sens beaucoup plus réussi.

Je crois que je préfére les Cronenberg plus exubérants (The naked lunch en tête et Videodrome — qu'il faudrait que je revoie, ça fait longtemps) mais il me semble qu'il ne fait plus trop ça à partir de la deuxième moitié des années 90 ()— pas encore vu les films.

Emeryck a écrit:

The naked lunch en tête et Videodrome

(mais aussi Crash et eXistenZ qui datent de 1996 et 1999 ; ensuite c’est autre chose, et j’aime moins)

Golisande a écrit:

Emeryck a écrit:

The naked lunch en tête et Videodrome

(mais aussi Crash et eXistenZ qui datent de 1996 et 1999 ; ensuite c’est autre chose, et j’aime moins)

Je les aime bien aussi (peut-être un peu moins), même si les séquences virtuelles eXistenZ n'ont vraiment pas bien vieilli. 

Emmanuel Mouret : Aucun regret        2016


Comme beaucoup de réalisateurices, Emmanuel Mouret était venu au cinéma par le court-métrage avant de passer au long-métrage ; après une césure d'une quinzaine d'années (qui correspond d'ailleurs à sa période transitoire à l'issue de laquelle il ne se mettra plus en scène), il revient à ce format pour une série de quatre courts.

Ce court-métrage est le premier des quatre, il se déroule à Luminy (un pôle étudiant où l'on trouve, comme le court-métrage nous l'indique, les beaux-arts de Marseille et l'école d'architecture ainsi que le Centre International de Recherche Mathématique) et plus généralement aux alentours de Marseille. Le film met en scène deux amies étudiant aux beaux-arts de Marseille, la seconde va mettre en garde la première sur l'aspect volage d'un garçon ; qu'importe, la première va tout de même le voir, se rapprocher de lui, le confronter... pour qu'au final, il agisse conformément à sa réputation.

Le film est assez agréable, très solaire, assez mouvant (selon une logique binaire mais il y a une sorte d'intertie d'affects qui fait que ça fonctionne). Je trouve qu'il y a du \textbf{Rohmer} dans ce film, non pas dans la voix-off (que je n'aime pas trop mais qui fait, pour le coup, très Mouret : l'importance pour celui qui raconte de se placer par rapport au récit raconté), mais plutôt dans la manifestation du doute, dans l'aspect non définitif du dialogue (cf. cette scène à la fin où l'amie dit qu'en fait, elle a dit qu'il était volage mais ça ne s'est produit qu'une fois donc peut-être que ça ne se reproduira pas) et ça, j'ai aimé.

Emeryck a écrit:

même si les séquences virtuelles eXistenZ n'ont vraiment pas bien vieilli. 

C’est aussi ce qui fait son charme (bon, cela dit je ne l’ai pas revu depuis 2010…)
Mais c’est vrai Naked lunch est assez indépassable (par contre j’ai vu des allergies vraiment violentes à ce film, un peu comme pour Eraserhead).

Hélène Cattet & Bruno Forzani : Santos palace        2006


Face aux films du couple Cattet/Forzani, j'ai un peu toujours la même réaction : je suis admiratif sur l'aspect technique (qui est ma came sur le papier : un sacré boulot de montage) et ça marche toujours par la force des choses mais je trouve qu'au final, c'est toujours un peu décevant et finalement, ça ne raconte pas tellement de choses — même si je crois que j'aime leurs films. Ce court-métrage ne fait pas exception à la règle : il se passe dans un bar, rien ne s'y passe et les réalisateurs misent tout dans les regards et les silences entre les personnages pour que le spectateur se fasse un peu son petit film tout seul ; en réalité, la direction est tout de même bien indiquée, notamment à travers les cadrages et le rythme du montage. Ça passe le temps et la technique est encore une fois là mais ce n'est pas non plus passionnant.

Dangereux, les corsaires ? Oui, mais tellement beaux ! Au début du XVIIIe siècle, les pirates de Madagascar prennent un malin plaisir à piller les bateaux revenant des Indes, chargés à ras bord de marchandises toutes plus rares et précieuses les unes que les autres.
Ce film de 1952 est remarquable, des acteurs de la grande époque....Errol Flynn qui commençais déjà à grossir par l'alcool, la suprême Maureen O'Hara en femme pirate et que dire de Anthony Quinn un des meilleurs acteurs de sa génération....
Dommage qu'on tourne plus ce genre de cinéma un rien nostalgiques et romantique...
Du très grand cinéma, bravo !

Yannick Bellon : La triche        1984

 +
Il y a quelques mois, j'avais parlé du premier long-métrage de la réalisatrice Yannick Bellon, Quelque part, quelqu'un, sorte de déambulations à travers des solitudes particulières au sein de la solitude dans une région parisienne en développement et reconstruction. C'est un film assez particulier, où la voix-off (qui se fait tantôt particulière tantôt générale) joue un grand rôle et qui entrecoupe les séances où les personnages par des séquences génériques (foule ou bâtiments) ; l'aspect sans concession du film a amené Bellon a créer très tôt sa société de production, Les films de l'équinoxe. Même si elle n'a réalisé que huit films, cela lui a permis d'être assez libre dans ce qu'elle faisait, notamment dans les thématiques qu'abordaient ses films : l'homophobie, la misogynie, entre autres — d'ailleurs, pour ce film, l'avance sur recette a été demandée trois fois et trois fois refusée ; la télévision n'en a pas voulu non plus. Le film met en scène un inspecteur de police (interprété par Victor Lanoux) enquêtant sur le meurtre d'un chef (homosexuel) de cabaret et qui va s'enticher d'un des suspects potentiels, qui n'est autre qu'un des musiciens du cabaret.

Le film m'a pas mal rappelé Encore (once more) de Paul Vecchiali en ce qu'il met en scène un homme dans sa cinquantaine (?) qui découvre sa bisexualité ; les deux films partagent ce ton nocturne et sensuel. Cela dit, le film de Bellon s'intéresse plus à l'homophobie ambiante : leur relation est condamnée à rester secrète et dès qu'elle s'ébruite, tout le monde va regarder l'inspecteur de travers (il y a cette scène édifiante où l'inspecteur se rend par surprise chez son père, un gâteau d'anniversaire dans les bras, alors que son père venait de dire que s'il était juste homosexuel (en précisant "bon, je sais pas si ça se soigne ou pas" — ce qui était une croyance répandue à l'époque), passe encore mais là, il ajoute qu'"il a toujours été parfaitement normal", sa femme dit qu'il a une relation avec un homme parce qu'il "recherche des sensations fortes" avant que le père ajoute "je me souviens, dans mon réseau de résistance, nous avions refusé un inverti, ce sont des gens sur lesquels on a prise trop facilement") et son copain va être victime d'agressions homophobes. Le film va à l'encontre dont je ne sais pas si elle était très répandue à l'époque (sans doute pas parce que la question ne se posait que dans des milieux assez marginaux) : les gens qui sont racistes/homophobes sont forcément bêtes — argument assez répandu aujourd'hui, par contre ; ici, le film montre bien comment l'ethos bourgeois entretient une homophobie virulente, en dépit de comment les personnages se comportent en dehors de ça.

J'ai aussi beaucoup aimé la manière dont le point focal du film glissait de l'enquête à la relation entre l'inspecteur et le musicien, c'est comme si finalement, le coupable (structurel) était tout trouvé : l'homophobie — et d'ailleurs, les deux autres meurtres résultent aussi de l'homophobie ; ça me semble être un mouvement assez adroit puisque ça permet au film de glisser vers quelque chose de sans doute moins vu et revu au cinéma. J'ai également bien aimé l'atmosphère du film, assez nocturne, les séquences au cabaret, la délicatesse de la relation entre les deux hommes. Et puis on a tout de même une sacrée BO : Le Grand Orchestre du Splendid, Purcell et Dalida. Une très belle découverte, très sensible et assez fine !

Yannick Bellon : L'amour violé        1978


Comme plusieurs autres films de Yannick Bellon, mais c'est sans doute l'exemple le plus frappant, ce film n'a pas trouvé de producteur si bien que Bellon a dû le produire en grande partie avec sa propre société de production. Le film met en scène Nicole, une femme infirmière qui va se faire violer par quatre hommes en rentrant chez elle ; le film va ensuite montrer la vie de Nicole après ça.

Ce qui est remarquable avec ce film, c'est qu'il met vraiment en lumière beaucoup de mécanismes (structurels) à l'œuvre : tout d'abord, le fait que, n'ayant pas envie de se confronter à nouveau à son viol, Nicole décide de ne pas porter plaine, une amie l'invite à le faire ; elle décide également de le cacher à sa mère, par honte ; ensuite, elle décide d'en parler à son mari qui va dire que, oui, c'est bien malheureux mais bon, si ça se savait ça serait la double honte pour lui (!) puisqu'il serait "cocu avec une femme violée". Elle décide d'aller porter plainte tout de même, elle aura le droit à de multiples reprises au traditionnel "mais vous êtes sûr que vous les avez pas un peu aguiché ? Comment étiez-vous habillée ?" de la part de l'officier de police, de la juge et ç'a été redemandé lors de la confrontation (sans doute par l'avocat de la défense). Sinon, elle fera aussi face à des amies qui lui diront (l'argument sera repris par les quatre accusés lors de la confrontation) qu'elle en fait peut-être un peu trop parce qu'au final, elle n'est pas blessée physiquement et qu'en portant plainte, elle fait du tort aux femmes qui auraient, elles, véritablement subi un viol.

Ce que j'ai également beaucoup aimé sur le discours du film, c'est qu'il montre bien l'aspect systémique de ces discours misogynes : parfois, les amies de Nicole et les accusés utilisent les mêmes arguments contre Nicole — il y a d'autres situations similaires. Si maintenant, tout ça est bien connu grâce au travail des féministes et la diffusion de celui-ci (ces dernières années, on peut penser au compte Instagram Préparez-vous pour la bagarre tenu par Rose Lamy qui a sorti plusieurs livres d'une clarté et d'une pertinence remarquables et qui ont connu un certain succès),  j'imagine que lors de sa sortie, à la fin des années soixante-dix, ce film devait être un OVNI — je ne sais d'ailleurs de quelle distribution en salle il a bénéficié à cette époque, sans doute très réduite.

Sinon, pour parler un peu plus de cinéma, j'ai trouvé le film assez joli : le film se passe à Grenoble donc on a beaucoup de plans avec les Alpes en fond, c'est assez chouette, d'autant plus que la photo est assez soignée — et que les copies sont restaurées ! Il y a également des plans non narratifs isolés de montagne assez beaux qui sont à cheval entre Quelque part, quelqu'un pour la solitude à travers le détachement du récit immédiat et Double messieurs de Stévenin pour l'aspect rémanent de la montagne.

À nouveau une très belle découverte qui m'a vraiment donné envie de me faire une intégrale Yannick Bellon ; les restaurations sont venues, peut-être que la reconnaissance suivra.

Lucile Hadzihalilovic
Earwig

Plastiquement, c'est un film magnifique. Pour qui aime les tons sombres où sourd quelque couleur (et alors quelle splendeur), c'est une réussite absolue (je vois loué, ici ou là, la photo de Jonathan Ricquebourg).
Très fort aussi dans ses cadrages (un des films référence de Lucile Hadzihalilovic est, pas si étrangement, Jeanne Dielman de Chantal Akerman – maître en enfermement) ; plus attendue la référence à Eraserhead, dans le malaise, l'étrange (et le rapport à la nourriture – de quoi vous éloigner de toute assiette pour un certain temps).
Le leitmotiv du verre est très beau, dans ses lumières, et comme passage au monde onirique.
Belle découverte pour moi.

Une escouade tactique de la police de Los Angeles escorte un dangereux criminel qui a offert cent millions de dollars à celui qui le fera évader.
Bon c'est très pro Américain ce film, des gros bras...
Toujours près à faire le taff, etc..
Autant dire que je n'aime pas ce genre de cinéma où la fin est déjà comprises...
Vraiment pas terrible !

Nabil Ayouch : Haut et fort        2021


J'avais parlé du premier court-métrage de Nabil Ayouch il y a quelques mois, que j'avais trouvé plutôt moyen mais ça passait. Ici, j'ai choisi un long-métrage un peu au hasard, à vrai dire et ça ne semble pas être une très bonne pioche : il ne me semble ni très intéressant, ni très réussi. Le film se passe à Casablanca et met en scène un ancien rappeur qui est engagé par un centre culturel de la ville (qui existe vraiment et qui a été créé par le réalisateur...) ; on va suivre son groupe du début à la fin.

La trame est assez téléphonée : rencontre entre l'animateur et les élèves, ils ne s'aiment pas puis ils s'aiment bien et enfin, ils font un truc ensemble. En plus de ça, je n'ai pas trouvé l'approche du réalisateur très intéressante : il semble s'intéresser aux étapes de l'écriture d'un morceau de rap mais on est encore dans le discours du rap conscient postulant que le rap doit forcément dénoncer les injustices, avec un texte dense, etc., qui est une logique qui m'agace (qui est d'ailleurs dans une lignée assimilationniste) parce qu'elle met les rappeurs dans la position de ceux qui doivent prouver (et donc présuppose que, par défaut, ils sont moins bons que les autres) : ils doivent montrer qu'ils sont dignes de faire de l'Art (majuscule !), comme les portugais, italiens, polonais, algériens, marocains ont dû travailler (payés trois fois rien) pour montrer que c'étaient des personnes dignes. Après, bien sûr, on peut faire du rap comme ça et certains le font très bien ou l'ont très bien fait.

En plus de ça, les personnages ne sont pas particulièrement développés, le film lance beaucoup de sujets sans vraiment les approfondir, à l'exception de celui du processus créatif et du rap mais qui m'a un peu agacé et le fait que ce soit monolithique n'a pas trop aidé.

Claude Chabrol : Le scandale        1967


Ce film est l'un des quelques films pour lesquels Chabrol fera appel à des acteurs non francophones (ici, Anthony Perkins) ; il me semble que le film a tout de même été tourné en français (contrairement à, par exemple, La décade prodigieuse avec Orson Welles et à nouveau Anthony Perkins) mais produit par Universal. J'ai regardé la version doublée en anglais et même si le doublage n'était pas trop mauvais, c'était étrange d'avoir Maurice Ronet ou Stéphane Audran doublés !

Le film est assez curieux, on dirait une sorte de Notorious passé à la moulinette chabrolienne : l'ambiance un peu paranoïaque liée aux nazis et aux services secrets américains de Notorious est remplacée par une sorte de course bourgeoise à la succession d'une affaire de champagne (le champagne, sans doute l'acmé du film de Hitchcock) florissante ; le fait que le gérant (interprété par Maurice Ronet) ait perdu une part de ses facultés mentales à la suite d'un traumatisme crânien rend le truc encore plus paranoïaque, d'autant plus que parallèlement, des meurtres sont commis donc on bascule également dans quelque chose de plus lié au thriller. En plus de ça, la lenteur du film le rendait encore plus étrange.

Sur le papier, le film avait pas mal de choses pour me plaire mais je n'ai finalement pas accroché et j'ai trouvé que la mise-en-scène était assez banale pour du Chabrol ; je dois dire que la fin est peut-être un peu plus dynamique et intéressante que le reste mais franchement, on ne peut pas dire que ce soit une réussite — les acteurs ne sont pas terribles non plus. Je serais curieux de le voir en version originale par curiosité mais je ne suis pas certain que ça change grand-chose finalement. D'ailleurs, c'est assez curieux car les titres anglais ("The Champagne murderers") et le titre original n'ont à peu près rien à voir et mettent l'accent sur deux aspects complètement différents ; je ne sais pas si Universal a interféré dans la production du film.

Stéphane Marchetti : La tête froide        2023


Stéphane Marchetti est entré au cinéma par le documentaire, avec son comparse Alexis Monchovet ; leur premier documentaire, sorti en 2007 portait d'ailleurs sur Rafah. Il s'agit ici de la première fiction réalisée par Marchetti, elle met en scène une jeune femme qui vit seule dans un mobil home dans un camping alpin, proche de la frontière italienne et qui vit de la revente de cigarettes achetées moins chères en Italie ; pour cela, elle est aidée par un de ses amis policiers qui l'informe des points de contrôle à la frontière. Un jour, alors qu'elle découvre deux personnes sur le bord de la route, elle finit par être une passeuse.

Le film est une sorte de thriller social mais, même s'il a quelques moments un peu tendus, je l'ai trouvé assez plat dans l'ensemble et les personnages ne sont vraiment pas très développés (et quand le film essaie de développer des choses — je pense par exemple à la relation entre le personnage principal et sa fille —, ça ne mène nulle part), je trouve ça assez dingue pour quelqu'un qui est passé par le documentaire... En plus de ça, j'ai trouvé le film parfois assez mal foutu dans sa construction, notamment la fin qui me semble assez invraisemblable et plaquée : après des conditions météorologiques exécrables, des migrants qui essayaient de passer la frontière se sont retrouvés à l'hôpital et puis, cinq ou dix minutes plus tard, ça y est, le premier migrant que le personnage principal a rencontré a réussi à faire ce qu'il voulait : passer en Angleterre.

En fait, la seule chose que j'ai aimée, c'est la beauté des paysages alpins — pas non plus filmés d'une manière extraordinaire mais je trouve que la platitude du film leur donne malgré tout une omniprésence, c'est presque comme s'il ne restait plus que ça.

Alien: Romulus

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La Chambre des officiers



Awakenings

À la fin du 19e siècle, une femme engage un aventurier pour l'aider à retrouver son mari disparu en Afrique. Haletant et spectaculaire, un grand classique du film d'aventure dans lequel une Deborah Kerr échevelée rompt brillamment avec son registre habituel et forme un couple magique avec Stewart Granger.

Sébastien Lifshitz : Bambi        2013

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Dans ce documentaire d'une petite heure, Sébastien Lifshitz filme Marie-Pierre Pruvot, aussi surnommée Bambi dans le monde du spectacle, une femme algérienne trans née dans les années trente, qui a posé ses valises à Paris lorsqu'elle avait dix-huit ans et qui a été rapidement prise au cabaret Madame Arthur (puis au Carrousel) ; quelques années après, elle a fait des études de littérature et s'est tournée vers l'écriture.

Bambi raconte de manière chronologique son histoire, accompagnée par des images d'archive personnelles mais jamais coupée par le réalisateur, dont les questions sont probablement posées en off. La réalisation est très simple mais ça fonctionne. En plus de ça, Bambi a tout de même beaucoup de choses intéressantes à raconter, je pense par exemple au moment où elle évoque sa première relation avec un homme (et le fait qu'elle soit cataloguée comme homosexuel) ou alors lorsqu'elle parle de son rapport aux travestis ; il y a aussi des passages très mignons notamment lorsqu'elle parle de sa rencontre avec son copain actuel.

Claude Chabrol : Docteur Popaul        1972


Alors que c'est pour moi l'un des moins bons films de Claude Chabrol si l'on exclut les films ratés, ce film est paradoxalement le plus gros succès du réalisateur en salle avec plus de deux millions d'entrées — très probablement en raison de la présence de Jean-Paul Belmondo en tête d'affiche.

Le film commence par un plan montrant une voiture accidentée, puis un homme (Paul, interprété par Jean-Paul Belmondo) sur un lit d'hôpital puis s'ouvre un grand retour en arrière qui nous amènera jusqu'à ce moment. On dirait que Chabrol voulait presque exorciser la figure Belmondo qui existait (déjà) à cette époque-là : il joue ici le rôle d'un beau parleur misogyne et arriviste, du genre à faire avec ses amis des concours de celui qui couchera avec la femme la plus laide (photos à l'appui et délibération du jury) puis, une fois marié, à tromper sa femme avec la petite sœur de celle-ci en donnant des somnifères à la première. Bref, il finit infirme et émasculé par le nouveau compagnon de sa femme.

Franchement, à part quelques petites saillies (notamment à travers la voix-off — la fin !), on est assez déçu pour du Chabrol, surtout que le film se veut être une farce et on sait à quel point il peut exceller là-dedans ! Je trouve ça finalement assez marrant que Chabrol ait voulu faire un film un peu contre la figure de Belmondo (et donc, d'une certaine manière, contre le cinéma mainstream de l'époque — avec lequel il semble avoir un rapport essentiellement parodique) mais que, finalement, il met les deux pieds dedans en faisant un film qui est assez banal, que ce soit dans sa trame ou dans son humour. Pour moi, ce n'est pas aussi jubilatoire que les Tigre.

Philippe Labro : Le hasard et la violence        1974


Je crois que ce film compte parmi les films les plus ridicules que j'ai vus. Son personnage principal est un essayiste (interprété par Yves Montand) travaillant sur le lien entre hasard et violence et qui vient sur la Côte d'Azur pour écrire son prochain essai et, en gros, ce sur quoi il écrit va se manifester concrètement dans sa vie. Ça donne un film qui se veut abscons (mais dont la trame est assez limpide et ne raconte au final pas grand-chose), absolument inintéressant, avec de surcroît des scènes assez nanardesques mais qui se prend tellement au sérieux (on a même un passage sur les surréalistes — en même temps, vu le titre...) qu'il n'est jamais jubilatoire mais juste pénible. Philippe Labro n'a jamais été un grand réalisateur mais alors là, il s'est surpassé !

Molly Manning Walker : How to have sex        2023

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Ce film est le premier long-métrage de Molly Manning Walker, il raconte l'histoire d'un trio d'amies qui décident de partir seules dans un centre de vacances en Grèce lors du Spring break ; le film rentre de facto dans un sous-genre assez spécifique du coming of age movie : le Spring break movie.

De manière générale, ce que j'ai beaucoup aimé dans ce film, c'est son ambivalence, qui se manifeste de plusieurs manières différentes. Tout d'abord, il y a à la fois un côté très frontal (qui peut rendre le film d'ailleurs assez éprouvant à regarder) et à la fois quelque chose de très résonnant, comme si l'on frappait un coup sur un gong : il y a un son puis l'instrument continue à vibrer. On retrouve également cette ambiguïté dans le rapport des personnages par rapport à des conduites à tenir, des choses à faire (la consommation d'alcool, la perte de la virginité) : les personnages ne sont jamais d'un côté ou bien de l'autre, c'est-à-dire que, oui, ils les font (ou prétendent les avoir faites) sans doute par pression sociale mais aussi un peu par plaisir — sans non plus les romantiser : on pourrait dire qu'il prend les choses comme elles sont ; on pourrait aussi reformuler ça en disant que le film ne prend pas ses personnages de haut en disant "ah bah voilà, les débiles de la génération Z, victimes de la société du spectacle" et sans doute sur fond de sexisme.

Dit comme ça, on pourrait croire que le film fétichise un peu ce rapport à l'ambivalence mais pas du tout, puisque l'ambivalence, c'est aussi ce qui permet à un des gars rencontrés par Tara de la violer, sous couvert de rigolade. J'ai également beaucoup aimé la scène de fin, notamment les duplications de visages partiels grâce aux miroirs et puis ce dernier échange où, au moment de l'annonce du dernier appel avant fermeture de l'embarquement, les trois amies courent à toutes jambes vers la porte d'embarquement puis Tara s'arrête un peu, une de ses amies la voit, s'arrête puis lui tient la main en disant qu'elle est là pour elle, elles repartent en disant "on rentre à la maison !" ; ça peut paraître un peu cliché mais c'est sans doute une des scènes les plus fortes du film, je trouve.

C'est une belle découverte pour moi, un beau coup d'envoi au cinéma pour la réalisatrice : à la fois fort, complexe et expressif — et chapeau bas à Mia MacKenna-Bruce qui donne très bien corps à toute la complexité du personnage de Tara.

Il me semble que tu avais déjà parlé de ce film . Mais je me trompe sûrement…

Claude Chabrol : Madame Bovary        1991

 + / 
On pourrait penser que puisqu'il réunit (à nouveau) Isabelle Huppert et Claude Chabrol, j'ai déjà vu ce film depuis longtemps mais en fait, pas du tout : au début, j'attendais d'avoir lu le livre pour le regarder puis, à l'occasion de ma mini-rétrospective Claude Chabrol (qui ne dit pas son nom), j'ai décidé de le regarder — bon, du coup, je ne peux pas dire grand-chose de l'adaptation de l'œuvre en elle-même.

Malgré cela, j'ai été vraiment déçu : j'ai eu l'impression que l'adaptation était beaucoup trop premier degré, excepté, peut-être le parti-pris en faveur d'Emma Bovary, brillamment interprétée par l'actrice fétiche du réalisateur, Isabelle Huppert. J'ai vu une succession de tableaux formant une histoire insipide, alors qui a mis des moyens dans la reconstitution (elle aussi, premier degré), qui est parfois élégamment filmée (je pense aux plans d'Emma en extérieur, notamment certains avec de la végétation, des fleurs), des acteurices qui sont investi(e)s mais c'est vraiment ennuyeux, d'autant plus que ça s'étire sur deux heures vingt !

C'est curieux car on voit parfaitement comment cette œuvre s'insèrerait dans les thématiques usuelles de la filmographie de Chabrol mais il n'y a que le personnage de Huppert qui passe le pas de la porte : le reste attend bien sagement devant — ah oui et la voix-off, il faut arrêter, j'ai trouvé ça assez catastrophique.

Songeur a écrit:

Il me semble que tu avais déjà parlé de ce film . Mais je me trompe sûrement…

Non, c'est xoph qui en avait parlé. 

Emeryck a écrit:

C'est curieux car on voit parfaitement comment cette œuvre s'insèrerait dans les thématiques usuelles de la filmographie de Chabrol mais il n'y a que le personnage de Huppert qui passe le pas de la porte : le reste attend bien sagement devant — ah oui et la voix-off, il faut arrêter, j'ai trouvé ça assez catastrophique.[/font]

Tout de même ! Balmer dans le rôle de cet imbécile de Charles c'est quelque chose ! Et Jean Yanne dans le rôle de l'imbécile fini du pharmacien ... rien que ça ... ça vaut le détour
Bon évidemment Huppert ... c'est Bovary.

Cololi a écrit:

Emeryck a écrit:

C'est curieux car on voit parfaitement comment cette œuvre s'insèrerait dans les thématiques usuelles de la filmographie de Chabrol mais il n'y a que le personnage de Huppert qui passe le pas de la porte : le reste attend bien sagement devant — ah oui et la voix-off, il faut arrêter, j'ai trouvé ça assez catastrophique.[/font]

Tout de même ! Balmer dans le rôle de cet imbécile de Charles c'est quelque chose ! Et Jean Yanne dans le rôle de l'imbécile fini du pharmacien ... rien que ça ... ça vaut le détour
Bon évidemment Huppert ... c'est Bovary.

Oui oui, les acteurs sont bons en général mais pour moi, Chabrol a raté son coup.

Emeryck a écrit:

Songeur a écrit:

Il me semble que tu avais déjà parlé de ce film . Mais je me trompe sûrement…

Non, c'est xoph qui en avait parlé. 

Tout s’explique .

The Shawshank Redemption

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Très bon film, mais un mot sur la musique: Thomas Newman est le fils du grand Alfred Newman, mais malheureusement je crois qu'il est celui qui a initié la très mauvaise mode dans la BO de films et de séries qui sévit depuis les années 90 et dont je parlais il y a quelque temps, vous savez ce tic qui consiste à faire des accords de piano de 2 ou 3 sons hyper lents suspendus avec un max de réverb, genre moment nostalgique...  (je déteste ça)
Il a notamment fait la même chose dans American beauty, et surement beaucoup d'autres.

La Fiancée du poète

Blood simple

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Mimic

Dans les années 1860, l'industriel Hugh Crain a construit le manoir de Hill House, une sublime résidence reculée où le docteur Crain espérait fonder une famille. Cependant, Crain fut victime d'une mort inexpliquée et depuis lors la demeure détient la réputation d'être hantée.
J'aime assez bien cette nouvelle version, les moyens sont bons !
De bons acteurs, c'est très sympa ce film !

Claude Chabrol : La décade prodigieuse        1971


Claude Chabrol considérera ce film comme "complètement raté" par "excès d'ambition" et effectivement, il y a de ça ; tout d'abord, la distribution est assez invraisemblable : Orson Welles, Marlène Jobert, Michel Piccoli, Anthony Perkins dans les rôles principaux. Enfin bon, ce n'est pas ça le problème du film mais son histoire qui, si sur le papier, elle semble merveilleusement retorse, est assez mal conduite si bien qu'elle semble totalement absconse.

Pour préciser un peu, le film met en scène un quatuor : Charles (interprété par Anthony Perkins) est un sculpteur qui se réveille drogué et ne se souvient plus ce qu'il a fait les jours précédents, il appelle donc Paul, son professeur de philo (interprété par Michel Piccoli) ; ce dernier lui suggère de se rendre chez son père Théo (interprété par Orson Welles), un riche patriarche marié avec une femme prénommée Hélène (interprétée par Marlène Jobert). On découvre rapidement qu'en fait, Charles est l'amant de Hélène et à cause de ça, un corbeau leur demandera une rançon de douze millions de francs, qui seront récupérés par Charles qui simulera un cambriolage chez son père mais le corbeau ne sera finalement pas satisfait. Le film va passer à faire des liens entre les personnages puis à défaire ces mêmes liens et le problème c'est que, même si ça crée forcément une atmosphère un peu mystérieuse et confuse, ça ne va pas plus loin : ça n'a pas de prise sur l'histoire qui semble être une sorte de jeu de cubes avec lequel le réalisateur fait mumuse. D'ailleurs, il essaie parfois d'y mettre des cubes d'un autre jeu : il y a tout un truc sur les dix commandements (le film se passe en dix jours (chacun étant une partie distincte, annoncée par un intertitre) et à un moment, le prof de philo dit au père (qui, spoiler, n'est en fait pas le père...) qu'il a poussé son fils (qui... bon, vous avez suivi...) à enfreindre chacun des dix commandements (on sait pas pourquoi...), qui ont d'ailleurs été énoncés (très naturellement, bien sûr...) lors d'une scène antérieure de voyage en train.

Bref, Chabrol n'a pas réalisé qu'un récit aussi emberlificoté allait le mener à écrire beaucoup de scènes supplémentaires pour que le tout semble cohérent et naturel (je ne sais pas ce qu'en aurait dit Génovès et les coproducteurs) ; d'ailleurs, si vous vous demandez, la fin est tout aussi plaquée : en fait, c'est le père qui a tout commandité, ça permet de clore tout à moindres frais. Pour moi, c'est évidemment un film raté mais c'est dommage car, contrairement aux ratés donc j'ai parlé il y a quelques jours (Madame Bovary, Le scandale, Docteur Popaul), il y a des idées de mise-en-scène et narratives ; il y a par exemple beaucoup de séquences (et notamment dans la dernière partie) complètement silencieuses bariolées de travellings où l'on observe les personnages et les bâtiments (et les personnages dans les bâtiments) ; il y a aussi ce jeu (qu'on a un peu du mal à comprendre au début) avec l'abat jour de la lampe dans le plan.

Frederick Wiseman : Un couple        2022

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On connaît bien sûr avant tout Frederick Wiseman pour ses documentaires, il faut dire que sur quasiment soixante ans de carrière, il a eu du temps d'en filmer, des institutions et autres lieux : des asiles, des écoles, des commissariats, des bases militaires, des monastères, des bibliothèques, des jardins, des régions, des quartiers, la Comédie Française, des clubs de boxe, des cabarets, etc. Ce film est la deuxième exception de sa filmographie puisqu'il s'agit d'une fiction et d'ailleurs, chose assez amusante, les deux fictions qu'il a réalisées sont des monologues adaptés de textes préexistants.

Il s'agit ici d'extraits du journal de Sophia Tolstoï et de lettres échangées avec son mari ; il y est question de leur couple (de leur mariage, de leur divorce) mais aussi du statut d'artiste reconnu du mari. J'ai parlé d'exception mais il y a tout de même avec celui-ci une continuité thématique (l'autre, je ne sais pas, je ne l'ai pas encore vu) puisque le mariage, c'est une institution et d'ailleurs, le considérer comme une institution (et pas simplement quelque chose de purement subjectif, d'une éventualité pour deux personnes qui s'aiment — qui serait d'ailleurs négliger la question des mariages arrangés/forcés), c'est faire un pas de côté (qu'ont d'abord fait les féministes) et ce pas de côté est ici redoublé par le fait de mettre au premier plan Sophia Tolstoï et pas son mari.

Le film est assez court (un peu plus d'une heure) et le texte est assez dense donc le monologue n'est pas ennuyeux (même si la densité fait parfois un peu décrocher) et j'ai aimé l'approche extrêmement straubhuilletienne (j'ai beaucoup pensé à Dialogue d'ombres) avec l'importance du texte récité, le fait que le texte soit coupé par des passages où l'on entend seulement des bruissements d'herbes, le bruit du vent ou de l'eau et où l'on voit des plantes ; cela dit, il y a beaucoup plus de mouvements de caméra que chez Straub-Huillet et ici, la récitation est moins typée.