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D'abord à vouloir suivre de plus ou moins près les évènements réels, il y a une avait une sorte de défi difficile à tenir. Faire un film sur une histoire circulaire, répétitive: traqué, échappé, traqué, arrêté, échappé, traqué, échappé. Avec entre: les braquages et la tentative de retrouver Billie comme éléments de motivation empêchant la fuite pour de bon. Maintenant une fois que la décision est prise de faire quelque chose d'une histoire plate (par sa circularité) et d'assumer la circularité comme élément narratif, il y a moyen de faire quelque chose de vraiment intéressant. Personnellement sortir du schéma conflit/résolution du conflit avec des histoires bien linéaires, ça me va assez bien, donc finalement plutôt un bon point. Dommage peut-être d'avoir ajouté cette scène un peu dure à avaler (et historiquement fausse) où Dillinger se pointe dans les bureaux de l'équipe de recherche. Mais bon ça ouvre des possibilités et des interprétations possibles sur ce qui va se passer (et se passe effectivement) dans la scène finale. Donc pourquoi pas. Au final ça reste intéressant cette manière de ne pas essayer de trop tricher avec le matériel biographique. Forcément si on compare à Ali ou The Insider (pour d'autres Micheal Mann biographiques) il se passe "moins de choses", mais le film y gagne une pureté scénaristique intéressante.

Clairement vu ce que je viens dire de mon point de vue l'enjeu est essentiellement un enjeu de réalisation et d'interprétation.

Sur la réalisation (au sens large) j'avoue avoir été bien séduit: caméra à l'épaule avec une photo (assez) grise, (assez) décolorée, prise de vue quasi reportage (c'est pas non plus la CAM-Blair Witch project) de certaines fusillades. Directeur photo de L.A. Confidential, qui n'était pas forcément une référence de ce point de vue, mais qui là fait quelque chose de plutôt abouti. Mais surtout l'équipe caméra, les choix d'angle, les cadres et les mouvements de caméras sont vraiment brillants, c'est vraiment bon d'avoir le réalisateur lui-même derrière la caméra. Les scènes intimistes sont vraiment brillantes aussi: la scène à 4 du matin au bord de la route est purement exemplaire, avec son côté graphique complètement déglingué.

Et puis des mise en abîmes bien vues (cinéma, reporters filmant les arrestations, transferts et la mort de Dillinger) avec des leitmotivs qui ajoutent encore à la simplicité des moyens expressifs: flashs au magnésium, les entrées/débuts de braquage dans les banques, le processus d'encerclement des bâtiments, les scènes de relation publique du FBI, les poursuites/fusillades en voiture...

Un son pas tellement normalisé avec des fusillades désagréables auditivement (un très bon point).

Tout ça sur avec un support artistique assez fouillé: acteurs plus vieux que les personnages avec un maquillage light qui nous donne ces personnages gris et fatigués, une coordination artistique globale (notamment sur Chicago) qui varie entre plutôt et vraiment convaincante (le même coordinateur que pour la partie Chicago sur Batman Begins) et notamment Atwood pour les costumes qui fait quasiment tous les Burton.

Bon sur la musique, ça fonctionne, c'est clair, c'est fait pour. Une petite déception sur la scène de l'arrestation de Billie. Goldenthal n'arrive pas à se retenir. Ca part vraiment bien au piano avec juste quelques résonances de vents, mais ça s'épaissit assez vite aux cordes (ce qui va encore) et quand la couche de violons débarquent on frôle l'overkill (surtout vu les choix de réalisation et d'interprétation de Depp). (Thème revisité à la fin du film quand Dillinger meurt? Si je me souviens bien ils cèdent à la tentation de maintenir ça pour la scène de fin, qui n'en avait pas besoin. Si je me souviens mal alors c'est un bon point de ne pas y avoir cédé.)

Interprétation. Et puis une distribution vraiment bonne. Aucune faiblesse ne me vient, en particulier des seconds rôles ultra bien servis (Jason Clarke, Ribisi, Leelee Sobieski, Branka Katic, Crudup). Et des premiers brillants (Depp, Bale, Cotillard). Certains faisaient remarquer un Depp en retrait -- plutôt comme un point positif -- mais c'est encore très marqué, comme d'habitude, avec un sur-investissement qui donne une couche assez mystérieuse à un personnage a priori beaucoup plus plat que ça -- créant un contraste vraiment curieux et presque moteur pour l'intérêt du film, avec le choix de donner une dimension un peu tarée à Dillinger. Au début du film j'étais assez dubitatif sur le fonctionnement Cotillard-Depp mais dès la scène de la danse, ça se met à fonctionner. Là encore je prends pour exemple la scène du bord de route à 4h du matin, une immense scène. L'autre scène bien sûr c'est celle de l'arrestation de Billie. Là aussi ça fonctionne vraiment bien -- il faudrait vraiment faire la même avec une musique qui calme un peu son drame.