Écoute comparée: Mahler, 2e symphonie ÉCOUTE ANNULÉE

  Ah oui là y a du niveau pour les deux premières, grâce à des cantatrices de gros calibre. La quatrième s'aventure dans des états dépressionnaires qui ne me convainquent pas. La troisième est desservie par une voix inadaptée et un ton simpliste.

A1 : voix souple et sombre (mais non opaque), éloquente, saturée, qui dit chaque phrase sans s'apesantir, voire anticipe les unissons avec un orchestre sur la réserve (Je lieber)
Choral gouleyant, où les cuivres gardent leur individualité.
Un beau violon solo, qui domine les triolets de clarinette (mesure 39) peu audibles par rapport aux versions concurrentes.
Malgré une conception léchée, le chef veille à la mobilité.
Coup de théâtre pour l'arrivée de l'ange : la chanteuse s'enflamme et affirme son fort tempérament, quitte à négliger le decrescendo sur abweisen (47). Mais la technique est maîtrisée (le flamboyant Leben conclusif).
Un orchestre délicat, comme hypnotisé, et sous la coupe de la conception très dramatique osée par la cantatrice, qui resserre ce mouvement en quatre minutes et demie.

8/10


A2 : un timbre plus clair que la précédente ; la netteté de la prise de son accentue les sifflantes. Respiration et appuis impressionnants, très affirmés : le saut d'octave sur le premier Himmel, puis le hiatus entre im-'Himmel.
Une conception lucide et fière (Ich bin von Gott), quasiment opératique. Quitte à trahir les intentions du texte (le crescendo sur abweisen mesure 47, alors qu'on attend l'inverse) et même les paroles (bis an das ewig au lieu de bis in).

Cuivres assez clairs mais bien dosés, mieux intégrés que A1, et prestement menés ; on sent qu'avec ce chef ça va pas traîner
Quel joli hautbois, très expressif !
Dommage que le violon solo oublie son glissando ; on déplore aussi un archet hésitant dans l'escalade en double croches mesure 43.

Voilà une interprétation de caractère, qui vit intensément chaque instant.
Conception similaire à celle de A1, mais encore plus entêtante, rapide, moins nuancée. Une version partiale, mais captivante -à ce titre je lui accorde un demi-point de plus que A1 même si la prestation vire parfois à la caricature.

8,5/10


A3 : un timbre presque fluet, voire aigrelet, trop extérieur, où le son s'empâte dans la bouche sans nasaliser. Dans l'exorde, le Rösschen est méconnaissable, à se demander si c'est bien ce mot qu'elle prononce.
Les cuivres lissent ensuite le choral dans le legato.
Dès la première phrase, vocalisation douteuse, trop ouverte, qui malaxe la hauteur des notes. Prononciation maniérée et laide des voyelles (Der Maensh liegt in grösster Noautt). Da komm ein Engelein couvert par l'orchestre.
Les pupitres se démarquent dès le Ach nein, désynchronisé du texte : un effet calculé pour créer une atmosphère allusive et donner une illusion de profondeur ?
Malgré un tempo cohérent et stable, plutôt lent, l'expression manque de variété, néglige le sens de chaque atmosphère et s'avère finalement assez quelconque voire prosaïque.
Rien de détestable, mais ça manque de charisme, de séduction, de hauteur.

5/10


A4 : Oh là, comme c'est maussade. Toute l'équipe sous anxiolytique. Quelle déprime !
Un exorde lentissime, avec un roooooth qui expire en bouche jusqu'au dernier souffle de lividité. Un timbre sombre mais sourd.

Cuivres trop lointains et aigres, embrumés dans le legato.
L'affliction de l'Homme qui gît dans la détresse a sombré dans l'abattement le plus spleenétique. Les débuts de phrase, les inflexions vocales sont négociées avec une extrême douceur, -la diction semble même trop labile.
Le tempo s'anime un peu pour le Da kam ich, sans que le ton change vraiment. Toujours aussi terne malgré l'arrivée de l'ange. La chanteuse résiste aux sollicitations de la partition : aucune passion pour un Ach nein prostré, aucune urgence pour le Ich bin von Gott aux airs d'imploration ; la voix plafonne aridement sur les forté de la dernière strophe.

Une version crépusculaire voire ingrate, au point qu'on se demande si c'est une volonté stylistique ou le triste résultat d'une méforme, car on sent qu'on a affaire à de très grands artistes ; à voir comment cette morne interprétation s'articule avec le Finale, et si elle s'insère dans une conception d'ensemble de la symphonie.

4,5/10