Votre dernier film visionné

Nicholas Ray : On dangerous ground        1951

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J'avais entamé la filmographie de Nicholas Ray il y a quelques mois seulement avec Johnny Guitar que j'avais beaucoup aimé. Entre temps, je m'en suis procuré pas mal mais c'est seulement maintenant que j'y retourne ; ce film est une adaptation du roman Mad with much heart de Gerald Butler mettant en scène un policier aux méthodes brutales qui est muté à la campagne à cause de ça où il est chargé d'enquêter sur un meurtre. J'ai beaucoup aimé à quel point tout accompagne la mutation du personnage principal : d'abord la ville, le film noir et le régime du tout-visible puis la campagne, le mélodrame et le régime de la trace (que ce soit le personnage aveugle de Lupino ou même toutes ces séquences où l'on montre des traces de pas dans la neige, parfois utilisées pour la traque) alors que la première partie est à dominantes sombres et la seconde dominée nettement plus lumineuse ; la brutalité de la rupture est assez étonnante mais j'ai bien aimé. En plus de jouer dans le film, Lupino a également réalisé quelques séquences du film (notamment la fin du film) car Nicholas Ray était (déjà) malade.

Ah, ça c'est un chef d’œuvre dans ma liste des chefs d’œuvre. Avec Johnny Guitar et Bigger than Life, le troisième de Ray, ça fait beaucoup pour un seul réalisateur quand même ... C'est fou d'être aussi bon avec les sentiments les plus lyriques et les plus étranges et de jamais être ridicule.
Et Lupino ... mon Dieu, elle est sublime.

Martin McDonagh : The banshees of Inisherin        2022


C'est le premier film de McDonagh que je vois et c'est vraiment une belle découverte, on m'avait déjà un peu parlé de ce que racontait le film mais je ne pensais pas autant accrocher. Tout d'abord, j'ai trouvé le film vraiment très bien écrit, très effectif dans son aspect tragi-comique ; je crois que ce qui m'a le plus plu, c'est la manière axiomatique dont se déploie le film (sans doute de manière encore plus radicale que l'axiomatique du couteau de Buffet froid de Blier) : c'est vraiment un gars qui a décidé sans raison apparente et du jour au lendemain de dire "toi, non" et un autre gars qui lui répond "bah eh ! pourquoi ?" et voilà, ça fait un film. Ce que j'ai également trouvé intéressant, c'est que ces points de départ purement arbitraires aient finalement des retombées dramatiques concrètes à travers des enchaînements d'événements fortuits (au sens de non provoqués) : je pense par exemple à la séquence vers la fin où l'âne tombe malade et meurt à cause des doigts de Colm - un des grands moment tragi-comique du film. On dirait presque que cet aspect axiomatique de l'intrigue vient en rupture avec la régularité de la vie du village (les mêmes (quelques) lieux, les mêmes places, les noms), comme si Colm s'ennuyait tellement qu'il avait décidé de lancer ce drama ; je trouve que ç'a d'autant plus de sens que Colm écrit une mélodie durant le film et que c'est un peu comme ça que le film se construit : il y a quelques motifs (l'âne, la brouille entre Pádaric et Colm, les places au pub) dont les multiples combinaisons engendrent le film et d'ailleurs, la trajectoire de la mélodie écrite par Colm (qui donne son nom au film) est intimement liée à celle du film : puisque Colm a décidé de se couper des doigts à chaque fois que Pádaric essayait de venir lui parler, plus le film avance et moins Colm peut faire de la musique (en jouer et en écrire - à la fin, il est reconverti en sorte de chef de son groupe parce qu'il n'a plus les doigts d'une main) et cela condamne un peu le film à se terminer - bien sûr, on pourrait toujours partir sur complètement autre chose mais ce n'est pas l'esprit du film qui est des plus obstinés. De cet aspect axiomatique découle aussi parfois un aspect gamin un peu drôle : je pense par exemple à cette scène où Pádaric dit en gros "jusque-là, tu étais gentil avec moi, tu sais comment tu es maintenant ?" et après un silence, il poursuit "pas gentil !", ça m'a pas mal fait rire. Sinon, au-delà de tout ça, j'ai également beaucoup apprécié les acteurices du film (en tête, Colin Farrell dans le rôle de Pádaric et Brendan Gleeson dans le rôle de Colm mais j'ai bien aimé Kerry Condon dans le rôle de Siobhán, la sœur de Pádaric) et puis l'accent irlandais ! Enfin, et pas des moindres, la photographie de Ben Davis est vraiment très belle - et quels paysages !

Hélène Cattet & Bruno Forzani : L'étrange couleur des larmes de ton corps        2013


J'avais découvert la filmographie du couple Cattet/Forzani au début de l'année par leur premier long-métrage Amer. Ce film vient juste après et est dans la droite lignée du précédent : il est complètement onirique, encore plus giallesque et est quasiment multifonctions puisqu'on a également le droit à un blind-test spécial générique de gialli ; plus sérieusement, on retrouve à peu près les mêmes figures, le même geste cinématographique (même si j'ai trouvé le son beaucoup plus travaillé, notamment avec des bruits extrêmement texturés) mais malgré la beauté du film, j'ai tout de même trouvé ça un peu lassant à la longue : on a l'impression que ça tourne en boucle ; en plus, vu que le film n'est pas scindé en plusieurs parties distinctes comme Amer, ça n'aide pas. J'espère que le film qui suivra (une adaptation de Laissez bronzer les cadavres !) changera un peu de cap.

Un peu pareil que toi. (alors que j'avais adoré Amer)

Benoît Delépine & Gustave Kervern : Near death experience        2014


Ce film est assez différent de tous les films réalisés par Kervern et Delépine jusque-là : même si c'est à nouveau la dynamique du départ qui prévaut, le film est complètement centré sur un seul personnage. Le film serait apparemment adapté d'un fait divers : on y suit un employé d'Orange qui décide soudainement de prendre son vélo et de tout plaquer : il erre alors à droite à gauche dans la nature pendant plusieurs mois puis finit par se donner la mort, ce personnage est interprété par Michel Houellebecq. Le film est principalement composé de séquences filmées de Houellebecq avec son maillot de cycliste sponsorisé par Bic, ces séquences étant accompagnées de réflexions de l'écrivain en voix-off ; en fait, ce film ne m'a pas vraiment intéressé parce qu'il est vraiment très prévisible (et devient de plus en plus prévisible à mesure qu'il vieillit) : Houellebecq fait du Houellebecq (dans son versant nihiliste désabusé) et vu qu'il n'y a quasiment aucun autre personnage, ça devient assez lassant ; il y a peut-être quelques passages un peu amusants mais franchement, ça s'arrête là - et puis, bon, comme toujours chez Kervern et Delépine, ce n'est pas la technique qui va rattraper tout ça.

Je ne connaissais pas l'existence de ce film. Au début j'ai cru qu'il s'agissait de son dernier - et polémique - film en date à savoir son film porno... J'avoue n'avoir envie de ne regarder ni l'un ni l'autre.
Par contre j'aimerais beaucoup revoir L'enlèvement de Michel Houellebecq que j'avais trouvé très drôle, vraiment un excellent film comique, dans le genre décalé.

WoO a écrit:

Je ne connaissais pas l'existence de ce film. Au début j'ai cru qu'il s'agissait de son dernier - et polémique - film en date à savoir son film porno... J'avoue n'avoir envie de ne regarder ni l'un ni l'autre.
Par contre j'aimerais beaucoup revoir L'enlèvement de Michel Houellebecq que j'avais trouvé très drôle, vraiment un excellent film comique, dans le genre décalé.

:ptdr:Non non - d'ailleurs, j'ai lu que Houellebecq avait fait un procès aux gens qui avaient réalisés le porno (et veut en empêcher la sortie) mais je comprends pas parce que d'après ce que j'avais pu lire, il pouvait difficilement y avoir méprise.

Sinon, oui, je suis tout-à-fait d'accord sur L'enlèvement de Michel Houellebecq qui est à mon sens nettement plus intéressant que celui-ci !

Claude Chabrol : La fleur du mal        2003

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Dans la filmographie de Chabrol, ce film vient juste après Merci pour le chocolat sans toutefois en conserver le niveau ; ici, on est presque sur une caricature du film chabrolien : une famille bourgeoise (recomposée) de province se dissolvant dans les non dits. Plus précisément, le film s'ouvre sur un jeune homme rentrant des États-Unis (interprété par Benoît Magimel) et revenant voir sa famille qui habite en province, c'est une famille étendue et tous semblent quasiment vivre sous le même toit (qui semble presque être une vitrine d'exposition de la famille bourgeoise), sa belle-mère (interprétée par Nathalie Baye) fait sa campagne pour les élections municipales et reçoit une lettre anonyme injurieuse. Ce film ne m'a finalement pas tellement déçu (comme avait pu me décevoir Au cœur du mensonge, par exemple), j'ai notamment beaucoup aimé la manière dont Chabrol gère les différentes strates de la famille : au début, tout est présenté de manière très ordonnée puis tout devient trouble avec la réception de la lettre (il y a également cette histoire de remariage et puis cette tante Line (interprétée par Suzanne Flon, sans doute la plus convaincante dans le film avec Baye) dont on ne sait pas trop ce qu'elle fait là) puis viennent ensuite ces histoires incestueuses ; j'ai également beaucoup aimé l'impression de coïncidence étrange que cela créé à la fin : je crois que la tante dit quelque chose comme "il n'y a de temps que le présent" et c'est exactement ce que le film arrive à produire. En plus, j'ai trouvé qu'il y avait des moments vraiment drôles, tout de même : le plus drôle sans doute, c'est la visite complètement intéressée de Charpin-Vasseur dans les cités HLM où elle fait mine (avec son adjoint) de s'intéresser aux habitant(e)s et elle leur rappelle bien sûr (très explicitement) qu'il faut voter pour sa liste aux élections municipales qui ont lieu le week-end qui vient. Je dirais malgré tout que le film est tout de même un peu long et tout n'y est pas uniformément intéressant.

Billy Wilder : The front page        1974


Ce film est une adaptation de la pièce de théâtre homonyme de Hecht et MacArthur (qui avait déjà été adaptée, entre autres, par Hawks avec His girl friday). Le film raconte donc l'histoire d'un journaliste qui est chargé de couvrir la pendaison d'un homme ayant tué un policier sauf qu'il y a deux problèmes : d'une part, le journaliste en question veut quitter la profession et d'autre part, on dit que l'homme en question s'est échappé de prison ; s'ensuit toute une série de quiproquos assez divertissants (et ça tire à balles réelles) mais j'ai tout de même trouvé ça moins enthousiasmant que le film de Hawks (et même que les autres films de Wilder en général) : même s'il y a des scènes très réussies et sans doute mémorables (je pense par exemple à toutes ces scènes ubuesques de poursuite en voiture où tout semble être accéléré et j'ai beaucoup aimé le revirement final), j'ai trouvé ça d'ambition beaucoup plus modeste que d'autres films de Wilder.

Tar

Robert Guédiguian
À la vie, à la mort ! 1995
Touchant dans ce qu'il sait le mieux raconter : sa famille de cœur.

Robert Guédiguian
L'argent fait le bonheur 1993
Pas franchement réussi, j'ai trouvé. Entre fable et documenter la "cité", mais rien ne marche vraiment, il faut vraiment se pincer pour y croire.

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Samuel Theis
petite nature

Pas grand chose à rajouter à ce qu'en avait dit Emeryck, d'autant plus que je n'ai pas retrouvé son post (qui m'avait donné envie de voir le film)

'Faudrait vraiment que je voie les films de Guédiguian, j'en ai récupéré pas mal mais je crois que je n'en ai pas encore regardé un seul...

Je suis pas toujours emballé, celui que j'aime le mieux, je crois, c'est Les Neiges du Kilimandjaro, mais je suis très loin d'avoir tout exploré.

Un peu de pub pour Rabah Ameur-Zaïmeche que je découvre avec ce film.

Comment faire un péplum avec quelques bouts de ficelles ? Ameur-Zaïmeche a la recette. Et c'est beau ! Tourné en Algérie avec finalement très peu d'acteurs/figurants, des décors très réduits, c'est tout de même stupéfiant la beauté qu'il arrive à en tirer (l'aridité du lieu n'y est pas pour rien certainement). Ce n'est pas pourtant pas un film qui esthétise à outrance ... pas du tout.
Ameur-Zaïmeche revisite la vie de Jésus. Celle-ci est historiquement difficile à établir, car les seules sources ... ce sont les 4 évangiles dont l'objectif n'est évidemment pas l'objectivité historique (les sources non-chrétiennes attestent surtout de l'existence de Jésus ... et les autres sources chrétiennes racontant sa vie sont postérieures ... donc ... n'ont pas du tout la valeur des 4 évangiles canoniques). Le réalisateur a un objectif clair dans ce film : réhabiliter Judas (ici Juda, joué par le réalisateur) et à travers lui tordre le cou à la thèse chrétienne qui s'installa à la fin du I° siècle, celle des Juifs responsables de sa mort. Ce sont les Romains, dominateurs de la région à cette époque qui sont remis devant leur responsabilité.
Quelle bonne idée d'avoir évacué à ce point le spectaculaire : cela donne de la force aux rares paroles de Jésus et des personnages et aussi à la beauté de ce qui est filmé. Pas de foule, pas de sang, pas de cris, pas de musique ...
Film à voir ... et ce n'est pas du sous-Pasolini, car le réalisateur, malgré certains plans (je pense au visage de la vieille femme au début) qui peuvent éventuellement y faire penser car le film est très original. Il ne ressemble à aucun autre sur le sujet.

Ettore Scola : Una giornata particolare        1977

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Il y avait longtemps que je n'avais pas vu un film de Scola et j'avais été un peu déçu (relativement) par rapport aux deux derniers que j'avais vus (Splendor et Brutti, sporchi e cattivi) qui n'avaient soit pas très bien vieilli (le second) soit qui étaient un peu dépareillés (le premier) et je n'avais pas retrouvé ne serait-ce que le quart de l'émotion que m'avait procuré C'eravamo tanto amati ; Una giornata particolare m'en rapproche, c'est vraiment beau. Après une introduction en images d'archives documentant la rencontre entre Hitler et Mussolini, le film s'ouvre sur une femme italienne qui réveille toute la famille puis enchaîne sur une assez longue séquence en images d'archives sur la première rencontre entre Mussolini et Hitler à la fin des années trente ; cette cérémonie constituera le fond sonore de tout le film et l'on va suivre deux personnages très différents qui semblent être les deux seuls qui ne soient pas allés à cette cérémonie : une femme assignée au foyer qui n'a pas pu y aller parce qu'il faut qu'elle veille sur la maison et un homme homosexuel (renvoyé de la radio nationale à cause de son homosexualité) qui n'a pas voulu y aller. J'ai trouvé que le fait de laisser la cérémonie en fond sonore était vraiment bien pensé : avec cette situation de départ (deux personnages esseulés que tout oppose), on pourrait facilement arrivé à un truc un peu niais du genre une transcendance de leur condition de leurs conditions respectives par l'amour du style "ça y est, on s'aime alors les fascistes, là, ils peuvent se brosser : pas nous !" et qui pourrait les éclipser, ne serait-ce qu'un instant du fascisme (la fin...) ; Scola au contraire nous dit que non, ce n'est pas possible mais à la fois, il arrive tout de même à raconter ce rapprochement et à en faire quelque chose de très beau - grâce à des mouvements de caméra extrêmement signifiants (cette simplicité de la mise-en-scène et de la manière de filmer m'a un peu laissé sur le carreau au début, le temps que l'histoire se mette en place) et surtout, deux acteurs qui sont vraiment merveilleux : Marcello Mastroianni et Sophia Loren, c'est vraiment saisissant. J'ai également beaucoup aimé la décomposition en espaces qu'arrive à mettre en place Scola : l'importance du toit comme espèce de lieu interlope - qui est pourtant un lieu extérieur en général peu encombré -, la cage d'escalier comme lieu commun ; encore une fois, les cadres utilisés font ici des miracles - et quelle photo de de Santis (qui a également travaillé sur les films en couleur de Bresson !). Une très belle découverte !

Cololi a écrit:

Un peu de pub pour Rabah Ameur-Zaïmeche que je découvre avec ce film.

J'avais vu son nom passer plusieurs fois parmi les films que je m'étais procurés, ce que tu en écris le fait remonter, du coup. 

James Whale : The old dark house        1932

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J'aime en général assez les films de Whale (surtout pour leur(s) atmosphère(s)) et celui-ci ne déroge pas à la règle : j'ai trouvé la scène d'ouverture vraiment réussie, un couple et leur ami se retrouvent à affronter un véritable déluge et leur voiture progresse avec une difficulté croissante dans les chemins absolument boueux (presque des gués par moment) du pays de Galles, ils trouvent alors refuge dans une vieille maison dont les occupants semblent assez curieux - par exemple, une femme qui accuse l'invitée d'être une pêcheresse et qui dit que son père de 102 ans vit reclus dans une pièce de la maison. J'ai trouvé l'histoire finalement assez inutilement tortueuse et à la conclusion assez décevante mais sur la route, il y a tout de mêmes des moments de bravoure visuels : le début, bien sûr mais aussi les scènes de feu ou les multiples jeux d'ombres - si je voulais être méchant, je dirais qu'il s'agit de La chute de la maison Usher d'Epstein mais en moins bien et emporté ; cela dit, si c'est moins inventif et exalté que le Epstein, je trouve que c'est peut-être plus sensible au sens où il y a vraiment quelque chose d'assez plein notamment grâce à la pluie et la boue.

François Ozon : Mon crime        2023

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Ce film est une adaptation de la pièce homonyme écrite par Georges Berr ainsi que Louis Verneuil et il ne s'en cache pas : c'est sans doute l'un des Ozon les plus ouvertement théâtraux et sans doute l'un des plus ludiques, quelque part entre 8 femmes et Dans la maison. Le film s'ouvre sur le tandem Tereszkiewicz (jouant une jeune actrice) et Marder (jouant une jeune avocate), la première ayant rendez-vous avec un producteur qui lui avait promis un rôle dans une pièce, elle s'aperçut par la suite qu'il s'agit d'un tout petit rôle ; le lendemain, elle apprend par la visite d'un inspecteur de police que ce producteur a été assassiné ; elle est alors convoquée et interrogée par le juge qui est d'emblée convaincu de sa culpabilité et celle-ci, en connaissance des retombées pénales et de son excellente avocate, décide de se constituer coupable du crime ; le juge, ça l'arrange bien parce qu'aux yeux de l'administration, il aura bouclé le dossier en quelques jours. Sauf qu'après l'acquittement, les hommes qui prennent tous peur que leur femmes les tue mais surtout, voyant que la jeune actrice a finalement été acquittée et que les médias font tout un tapage de son crime, la véritable auteure du crime se manifeste et réclame sa part du gâteau. J'ai beaucoup aimé ce film, je l'ai trouvé très divertissant et il m'a pas mal fait rire (Dany Boon avec un accent marseillais qui ramène le pastis à Paris dans les années trente, le personnage d'Evelyne Buyle qui, sous l'impulsion du personnage de Tereszkiewicz, tue son mari, les réactions du tandem principal aux articles de journaux). Il y a aussi des éléments, peut-être pas extrêmement profonds mais qui fonctionnent, par exemple Huppert qui joue le rôle d'une actrice désuète du muet - doublement déchue car elle se fait voler son rôle d'assassine par la jeune actrice) ; j'ai également trouvé assez amusants les petits épisodes muets en noir et blanc pour les reconstitutions de scènes - avec quelques recoupements avec la voix des personnages assez amusants. J'ai beaucoup aimé la distribution (très cabotinante pour les plus identifiables) : Marder, Tereszkiewicz, Huppert, Luchini dans le rôle du juge, j'ai beaucoup aimé son adjoint Trappu interprété par Olivier Broche ; Dany Boon là où on ne l'attendait pas ; on trouve aussi Dussolier, Bouvet, Fau ; je crois que le seul que je n'ai pas vraiment aimé est Félix Lefebvre. Il va sans dire que si le cabotinage et/ou le burlesque théâtralisé vous insupporte, alors il faut passer votre chemin.

Claire Simon : Récréations        1993

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J'avais découvert Claire Simon en salle avec son film Premières solitudes que j'avais trouvé un peu gênant et aussi assez ennuyeux ; je retente ici l'expérience un peu au hasard avec ce documentaire qui est son deuxième et c'est un peu plus concluant. Dans ce documentaire, la réalisatrice filme exclusivement une cour de récréation d'une école maternelle ; c'est assez amusant et parfois mignon quand il s'inventent des jeux, peut-être un peu moins quand ils se tapent dessus. De manière générale, je suis tout de même resté assez en dehors du documentaire : je suppose qu'il est censé convoquer l'aspect réflexif mais ça n'a pas trop fonctionné chez moi et l'absence de totale de commentaire n'a pas aidé ; bien sûr, on pourrait dire "ah bah voilà, la cour de récréation comme macrocosme, tout est déjà là" mais ça ne me semble pas hyper passionnant.

Édouard Luntz : Bon pour le service        1963


Ce court-métrage d'une quinzaine de minutes interviewe des adolescents à propos du service militaire, ils sont en grande partie contre notamment parce qu'ils trouvent ça absurde. On a aussi le droit à une brève séquence assez déshumanisante au conseil de révision où l'on entend simplement des ordres et s'ils sont "bons pour le service" ou pas ; quelques séquences de twist (!) et quelques rencontres parsèment également le film. Globalement, j'ai trouvé ça assez décousu : que raconte de plus la séquence du conseil de révision que l'inhumanité de celui-ci ? Pareil pour les séquences de twist, c'est vraiment documentaire au premier degré ; la partie la plus intéressante étant tout de même celle où les adolescents s'expriment car elle est plus vaste ; la partie sur les rencontres est également beaucoup trop sommaire.

Yves Robert : Bébert et l'omnibus        1963


Là, on est vraiment dans les tréfonds de la filmographie d'Yves Robert ; avec ce film, il a sans doute voulu surfer sur le succès de La guerre des boutons en reprenant Martin Lartigue (c'est-à-dire celui qui dit "si j'aurais su, j'aurais pas venu") dans le rôle (principal) de Bébert : un garçon un peu rêveur qui veut absolument un feu de Bengale. Le film serait apparemment une adaptation d'un roman de François Boyer (l'auteur ayant lui-même participé à l'adaptation) mais je me demande où le problème est survenu car le film est vraiment pas bien écrit et ne va absolument nulle part : en gros, les parents de Bébert sont sur le point de partir en vacances et le frère de Bébert ruse auprès de celui-ci pour rejoindre une fille (et lui promet un feu de Bengale en échange) sauf que rien ne va vraiment se passer comme prévu : Bébert se sauve et au moment d'arriver sur le quai de la gare pour rentrer à la maison, le frère change de voiture pour aller discuter avec son copain et ses copines sauf qu'à un moment, le train se scinde en deux et, bien sûr, les deux frères ne sont pas dans les mêmes parties du train ; s'ensuivent ensuite des tas d'évènements absolument sans importance tous plus ou moins lointainement motivé par la recherche de Bébert et finalement, au bout d'une heure trente de film (et donc une heure de meublage-patchwork), on nous dit que finalement, tout était un rêve de Bébert, qui s'était endormi dans le train ! Comme c'est original ! Pour moi, c'est vraiment le moins bon film de Robert et il se place vraiment six pieds sous terre dessous les autres : la réalisation est vraiment quelconque (et parfois même pas très élégante) ; heureusement, on a un petit segment avec Serrault mais ça ne sauve pas le truc ; pas étonnant que ce film soit passé à la trappe.

Chantal Akerman : Les trois dernières sonates de Franz Schubert        1989

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Ce documentaire d'une cinquantaine de minutes filme le pianiste Alfred Brendel jouant des extraits (et donnant des bribes d'analyse personnelle) des trois dernières sonates pour piano de Franz Schubert, composées simultanément au milieu de l'année 1828 durant laquelle il est mort à trente-et-un ans. Le documentaire est assez chouette (tout comme les trois sonates) mais j'avoue que je n'ai pas tellement compris le choix de ce qui est présenté : on a l'impression de quelques impressions éparses et que le documentaire est quasiment tronqué - pourquoi commencer le documentaire sur un mouvement de sonate complet dont on ne parle finalement pas trop et pourquoi ne poursuivre ensuite que sur des bribes de mouvement ayant la valeur d'illustration des propos de Brendel ; je crois que j'aurais préféré n'avoir que des bribes et peut-être un mouvement (ou une sonate) complet(e) à la fin. Du côté des éléments d'analyse personnelle de Brendel, c'est pas mal mais rien d'extrêmement ébouriffant : lien entre Schubert et Beethoven, lien(s) entre ces trois dernières sonates, la figure romantique du Wanderer, la réception de la musique de Schubert de son temps, etc. La réalisation est bien (notamment le montage) mais j'avoue qu'on se demande où est Akerman là-dedans ! Dans tous les cas, ça m'a donné envie d'écouter ces sonates par Brendel, une version que je connais assez mal.

C'est tentant néanmoins, tu as visionné cela comment ?

Immense chef d'œuvre.
Je n'ai pas vu un aussi bon film (de cinéma, du vrai) depuis...des années.
Il y a tellement de choses à dire qu'il en faudrait des pages, alors je préfère en rester sur cette brève remarque !

Plutôt un bon film, oui, quand même, mais j'ai eu du mal à m'enthousiasmer autant.

J'avoue que j'aimerais savoir ce que tu y as trouvé de si génial.

Oui, excellent film, avec une actrice principale particulièrement convaincante (et agaçante dans son personnage), très documenté sur la musique et le milieu musical, mais quand même un peu élitiste et longuet.

Xavier a écrit:

J'avoue que j'aimerais savoir ce que tu y as trouvé de si génial.

Pour faire court, et pour parler d'abord de son sujet, c'est un film qui l'aborde avec pertinence par la dialectique qu'il propose. Contrairement à ce qui est ressorti de la polémique créée aux US, en partie suite aux propos de Marin Alsop, le film s'empare au contraire avec intelligence de certains sujets sociétaux de notre époque par son approche non-binaire (sans jeu de mots) de la notion d'emprise, de manipulation et de pouvoir. Le film propose de dépasser le conflit d'une société contemporaine qui serait divisée entre le progressisme de la cancel culture et le conservatisme : vision avant tout médiatique d'une société occidentale du Spectacle. L'aporie arrive quand le spectateur entre en conflit à la fois avec les excès du personnage de Tár, comme avec les excès de ce qu'on lui oppose (la scène de la masterclass à la Julliard school).

Ensuite, et surtout, la réalisation se donne vraiment les moyens cinématographiques pour avancer dans son projet artistique. La direction et le jeu d'acteur évidement, la photo et les cadres qui racontent l'intimité et la psychologie du personnage, le montage et le travail minutieux sur le rythme de plus en plus elliptique du film pour illustrer la chute de Tár qui en perd son "tempo", les ambiances et les textures sonores mixées en arrière-plan et qui semblent plonger de plus en plus Tár dans un rêve éveillé, symptôme d'un détachement progressif au réel, sont tous au service de ce qui se raconte dans le film, qui devient une vraie experience cinématographique et qui sait justifier son médium pour la valeur artistique qu'il ajoute au propos. Cela nous change des films de plus en plus nombreux qui ne font que "dire" une histoire.
Todd Field, en tant qu'acteur, avait joué dans Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick, on pense forcément à ce dernier quant à cette manière totale de faire du cinéma.

Merci pour ta réponse.

J'avais perçu l'essentiel de ce que tu dis, et a priori ça aurait tout pour me plaire, mais à l'arrivée, sans plus, ça m'a laissé un peu froid.

Peut-être est-ce le genre de film auquel il faut laisser une seconde chance ?
Un peu comme certaines symphonies complexes qui ne se révèlent qu'après plusieurs écoutes

Jean Eustache : Du côté de Robinson        1963


Parfois également exploité sous le titre Les mauvaises fréquentations, ce court-métrage constitue apparemment un diptyque avec Le Père Noël a les yeux bleus (nettement plus réussi) sans doute regroupés pour des raisons économiques. Ce que j'ai le plus aimé dans ce court-métrage, ce sont les vues du Paris des années soixante mais ça s'arrête un peu là : les dialogues n'ont rien d'extraordinaires, l'histoire non plus (deux amis s'ennuient et croisent une fille dans la rue, ils lui tiennent la jambe, elle attend une amie qui ne vient pas et ils se retrouvent finalement tous dans un dancing (!) puis lorsqu'elle est invitée à danser par un gars, ils lui volent son portefeuille et partent ; vers la fin, on les voit se préparer pour remettre le couvert) et je la trouve même assez fatigante puisque ce n'est que ça mais aussi pour ce que ça raconte : assez difficile d'y trouver quelque chose de plaisant.

Louis Garrel : La croisade        2021


Je n'ai jamais été vraiment convaincu par les films de Louis Garrel (à peine plus par son jeu) ; j'ai essayé celui-ci car il était assez court (à peine plus d'une heure) mais je crois que c'est pour moi le pire de tous - je suis curieux de voir ce que vaut son dernier long-métrage L'innocent. Ici, il s'agit d'une comédie principalement centrée sur l'écologie et les jeunes : le film commence sur une scène (sans doute la plus réussie du film) où les parents (interprétés par Laetitia Casta et Louis Garrel) d'un garçon (interprété par Joseph Engel) se rendent compte que celui-ci a vendu pas mal de leurs possessions (vêtements de marque, montres de collections, livres anciens, vins, etc.) et lui hurlent dessus ; ils découvrent ensuite qu'il les a vendus pour remettre l'argent dans un projet écologique ayant pour but de... remplir une partie du Sahara d'eau. Le principal problème de ce film, c'est qu'il part dans tous les sens et au final, rien n'a véritablement le temps de s'installer et, à part la scène d'ouverture, ce n'est vraiment pas très drôle. En plus de ça, j'ai trouvé ça quasiment boomer : d'abord, tous les trucs rapportés autour de l'environnement sont vraiment des trucs infiniment entendus puis ensuite, le "il faut écouter les jeunes... ils ont des bonnes idées...". Bref, tout ça mis bout-à-bout, ça ne donne quasiment rien de bon et donc parfaitement oubliable - mais la maquette était chouette.

En hommage à une personne haut-placée dont je ne citerai pas le nom :

Babylon

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Jean-Jacques Andrien : Le fils d'Amr est mort        1975

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C'est le premier film du cinéaste belge Jean-Jacques Andrien que je vois (et c'est par ailleurs son premier long-métrage) et j'avoue que je ne sais même pas trop quoi en penser : c'est vraiment très dépouillé, on ne sait quasiment rien sur les personnages (de toute façon, il y en a que trois - enfin, quatre si l'on compte le mort), il n'y a pas beaucoup de dialogues. L'histoire est du coup elle aussi assez dépouillée : un homme vit avec sa femme et son fils à Bruxelles et l'on apprend petit à petit qu'il s'adonnait au vol à la tire ; il avait un ami tunisien (dont on ne sait quasiment rien) dont il n'a plus de nouvelles et pour cause, il le retrouve mort dans un bus délabré et en tombant sur les papiers d'identité de celui-ci, il décide de le connaître un peu plus en se rendant en Tunisie. Il est certain que le racisme cerne ce film : tout d'abord, la mort de son ami puis cette définition en tant que voleur à la tire et la volonté du personnage principal d'aller le connaître - enfin bon, c'est un peu tard, maintenant... - mais je trouve que ça reste trop évasif pour que ça fonctionne : on est vraiment à cheval entre quelque chose de documentaire et quelque chose d'onirique comme si le personnage principal allait là-bas mais ne comprenait rien du tout et qu'on restait bloqué dans sa subjectivité ; du coup, c'est plutôt cohérent avec le fait qu'il ne se soit pas intéressé à son ami avant sa mort. En fait, il y a de quoi en faire un film intéressant mais on s'ennuie tout de même pas mal - malgré la présence de Pierre Clémenti dans le rôle du personnage principal.

Hervé Palud : Albert est méchant        2004

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Ce film avait à peu près tout pour être nul : d'abord l'affiche et ensuite Christian Clavier en tête d'affiche, sans oublier le scénario complètement nul ; cela dit, quand on voit le nom de Michel Serrault dans un film pareil, on se dit que ça va cabotiner comme jamais et c'est effectivement le cas - et de manière générale, les acteurices sont tou(te)s en roue libre, sauf peut-être Christian Clavier mais c'est parce que son jeu est tellement plat qu'il ne peut même pas cabotiner. Dans ce film, on suit un pharmacien (interprété par Clavier) dont le commerce semble prospère, il apprend la mort de son père (un écrivain qu'il n'a jamais connu) et s'en réjouit en raison de l'héritage qu'il imagine important sauf que surprise : au moment de signer l'héritage, il apprend qu'il revient en fait à une personne qu'il ne connaît même pas, un certain Albert Moulinot (interprété par Serrault, donc), un libertaire vivant reclus dans les bois qui n'aime pas l'argent ; il décide donc naturellement de lui céder l'héritage sauf qu'il doit venir le signer à Paris et va du coup devoir vivre chez le pharmacien (bourgeois) ; bref, complètement téléphoné, surtout que ça se finit sur l'abandon par le pharmacien de sa vie policée pour rejoindre Moulinot. Le twist final (complètement mielleux) intervient à dix minutes de la fin mais entre les deux, on a vraiment rien du tout à part des cabotinages de Serrault qui feraient presque passer le film pour une épopée - et aussi quelques cabotinages de Dombasle. Bref, un sacré navet qui n'a à mon avis rien à envier à ceux des années soixante du type Le grand bidule ou Le fou du labo 4.

Emeryck a écrit:

Jean-Pierre & Luc Dardenne : Tori et Lokita        2022

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J'ai été un peu déçu par ce film : il reprend la trame de la plupart des films des frères Dardenne (un problème localisé face auquel un duo de personnages essaie tant bien que mal de lutter malgré un personnage intermédiaire lambda qui profite de leur situation) et ça donne une impression assez curieuse puisqu'on a l'impression d'un moule suffisamment générique dans lequel on pourrait à peu près couler n'importe quel problème (ils sont en cela assez loin d'un Ken Loach, par exemple, qui est à mon sens nettement plus inventif et varié) : ils ont un bel avenir devant eux, il reste plein de problèmes ! Plus sérieusement, il n'y a pas trop de doutes sur leur honnêteté (et ils font tout de même ça correctement) mais je peux pas m'empêcher de trouver ça un peu étrange. Le film raconte l'histoire d'un petit garçon prénommé Tori (interprété par Pablo Schils) et d'une fille un peu plus âgée que lui prénommée Lokita (interprétée par Joely Mbundu), ils ont tous deux émigré en Belgique, prétendant être frère et sœur, sans doute pour faciliter les processus administratifs (?) ; Lokita bataille pour avoir ses papiers mais il y a toujours des problèmes, elle décide alors d'acheter des papiers clandestins et travaille pour cela pour le patron d'une pizzeria (?) pour qui elle fait des livraisons de drogue avec Tori. Ce film des Dardenne est peut-être un peu différent par son aspect beaucoup plus frontal mais j'ai trouvé que c'était maladroit : (spoiler) à la fin, Lokita se fait tuer à coup de pistolet et dans la cérémonie funéraire qui clôt (abruptement) le film, Tori déclame un discours dans lequel il dit que si elle avait eu ses papiers, Lokita ne serait pas morte ; c'est effectivement vrai dans le cadre du film mais on dirait que l'obtention des papiers est la panacée et qu'une fois ceux-ci obtenus, ça y est, c'est la belle vie ; je trouve qu'il aurait été pas mal d'introduire un troisième personnage qui aurait obtenu ses papiers - cela dit, ça aurait peut-être fragilisé le duo central qui est vraiment chouette et donne lieu à des scènes assez émouvantes.

J'ai pour ma part trouvé ce film juste.
Juste dans son propos : la construction d'un récit "plausible"* permettant d'accéder au sésame des papiers (récit soumis à investigations, qui est un passage obligé pour leur obtention) ; que cette construction soit aussi réelle que leur propre histoire ; que la clandestinité se double d'asservissements, et pas de solidarité (hormis celle qui unit Tori et Lokita).
Juste surtout dans la cette mise à distance que j'aime dans leur cinéma, qui est une façon d'affirmer l'existence propre de celles et ceux qui sont filmés. Les personnages des Dardenne sont plus forts qu'eux !
Ce film fait d'ailleurs penser à Rosetta, dans la façon de filmer Tori (trop vivant pour être cadré) : comment filmer sans assujettir ?
L'interview des Dardenne qui accompagne le DVD est éclairant, je trouve : sur l'ellipse, l'impossibilité de la musique, la vitesse

* Pour ce que j'en connais, par des personnes proches ayant travaillé dans des Centres d'accueil de demandeurs d'asile (en France, mais ce doit être très similaire en Belgique)

Ingmar Bergman : Une leçon d'amour        1954

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Ce film est l'une des rares comédies réalisées par Bergman (aux côtés de Sourires d'une nuit d'été qui est à mon avis plus réussi), le film donne le ton dès le départ : on a une scène introductif avec un gâteau de mariage sur lequel trône une femme entre deux hommes, une voix-off nous dit que ça pourrait être une tragédie mais que l'histoire sera traitée sous un angle comique. L'histoire est quant à elle assez banale : un gynécologue rompt avec sa maîtresse et sa femme, apprenant qu'il l'a trompée, décide de se venger en épousant un sculpteur de Copenhague ; le gynécologue prend alors immédiatement le train pour Copenhague et une fois arrivée dans son compartiment, il y rencontre un homme et une femme, avec ce dernier, ils jouent à celui qui séduira le premier la femme (!) mais il s'avère que cette femme n'est nulle autre que la femme du gynécologue ; s'ensuit une série de flashbacks sur leur vie passée puis une fois arrivés à Copenhague une série de quiproquos avec une résolution plutôt téléphonée. Malgré son heure et demi, j'ai tout de même trouvé le film un peu long (surtout les séquences de flashbacks...) et c'est vraiment dommage car dans sa narration, le film est un film de déplacements (aussi bien géographiquement qu'en terme de situations), assez théâtral et qui devrait donc être très enlevé mais il n'en est rien : la réalisation (certes élégante) ne suit pas ; si elle parvient à ne pas faire du théâtre filmé avec ce film, elle est assez pataude et n'a pas l'acidité d'un Sourires d'une nuit d'été par exemple ; je pense que le principal problème vient de la succession des flashbacks qui sont vraiment juxtaposés sans véritable attention cinématographique, ils agissent vraiment en boulets. Enfin bon, ça ne rend pas le film mauvais (et même dans cette partie centrale, il y a des bonnes choses et ça n'est pas non plus agaçant) mais simplement assez moyen et pas extrêmement mémorable.

Jean-Daniel Pollet : La ligne de mire        1960

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Ce film est le premier long-métrage de Pollet et il est relativement inédit puisqu'il n'a été projeté qu'une ou deux fois - Pollet l'a ensuite fait passer pour détruit - ; c'est (je crois) ce que je préfère de lui : ça fait beaucoup penser à L'année dernière à Marienbad de Resnais puisque le film met en scène un chansonnier qui revient dans le château de son oncle dans lequel il avait habité lorsqu'il était enfant, il y trouve son oncle et des autres gens qu'il ne connaît pas mais ils ont tous pour point commun de ne pas du tout faire attention au chansonnier - l'oncle compris. Le film comporte deux parties assez disjointes : celle se passant au château et une autre se passant à Paris, l'une déteignant sur l'autre (c'est là sa grosse différence avec le film de Resnais, sa bizarrerie est beaucoup moins baroque et suffocante) et l'on apprend progressivement que le château n'est en fait ni plus ni moins qu'une plateforme de trafic d'armes - on pense un peu à Rivette là, sans l'aspect labyrinthique. J'ai en tout cas vraiment aimé l'ambiance (la bizarrerie du château, les quelques scènes comiques - la danse de Melki ! - et les répétitions croissantes) mais j'ai trouvé dommage que le film soit finalement entre deux eaux : il ne se jette pas totalement dans le refus du narratif global comme le film de Resnais mais à la fois, on dirait qu'il se fout pas mal de raconter quelque chose. En tout cas, c'est quand même chouette.

Bertrand Bonello : Quelque chose d'organique        1998


Ce film est le premier long-métrage de Bertrand Bonello, c'est vraiment un film étrange : vous prenez un film de Desplechin et un film de Garrel, vous mélangez et vous obtenez un résultat assez similaire. J'ai trouvé le film assez cryptique : on y suit un couple dont l'homme est gardien de zoo, il héberge son père (venu de Grèce) et va de temps en temps rendre visite à son fils mourant à l'hôpital ; le film fait alors sa vie, de manière presque malaimable : il se fout complètement de la/du spectateurice. Je pense que c'est ce que suggère le titre et de manière plus précise, il y a beaucoup d'éléments (pas toujours extrêmement fouillés ni intéressants) qui ramènent à la vie ou à l'organicité : le fils du personnage principal, les retours récurrents de "l'amour avec le cerveau" vs. "l'amour avec les molécules" (ils disent vraiment ça dans le film), l'humain et l'animal, le couple. Je ne peux pas dire que ce film soit saisissant ni vraiment abouti mais il y a un (petit) quelque chose et sa crypticité donne envie de creuser davantage. Après ce film viendra Le pornographe qui est nettement moins cryptique et sans doute moins intéressant, d'ailleurs.

Sébastien Betbeder : Ulysse & Mona        2018


Je ne suis jamais complètement convaincu par les films de Betbeder mais je les trouve toujours très agréables à regarder, que ce soit 2 automnes, 3 hivers ou Tout fout le camp ; en fait, il n'y a que Marie et les naufragés qui m'a un peu gonflé et déçu. Ici, l'histoire est toute simple : Mona (interprétée par Manal Issa - très bien) est une étudiante aux Beaux-Arts et Ulysse (interprété par Éric Cantona est un artiste misanthrope qui s'est retiré du milieu de l'art ; elle veut être son assistante, il refuse puis après qu'elle l'a aidé à la suite d'un malaise provoquée par une tumeur au cerveau, il accepte ; il y a bien sûr un truc sur l'interaction réciproque de la vie et de l'art (à plusieurs niveaux) mais honnêtement, je m'en suis pas mal foutu et n'ai pas trouvé ça passionnant : ce qui m'a plu, c'est l'ambiance assez dépareillée, les éléments de scénario assez incongrus (l'ami d'Ulysse et ses extraterrestres) et ce duo central qui fonctionne bien - j'ai également aimé que le film ne repose pas sur une sorte de tension amoureuse (qui aurait été assez cringe, en passant). Bon, après, ce n'est pas non plus complètement extraordinaire - et dans ce registre, c'est tout de même moins réussi que 2 automnes, 3 hivers, je pense que c'est sans doute parce que les thèmes à l'œuvre dans Ulysse & Mona sont davantage rebattus.

Balufu Bakupa-Kanyinda : Le damier        1996


Avec ce moyen-métrage d'une quarantaine de minutes, je découvre Balufu-Kanyinda ; il s'agit d'une comédie satirique : le film se passe dans un pays imaginaire dont le chef s'est déclaré "président fondateur à vie" et "premier citoyen" et qui, pour tromper l'ennui, veut jouer aux dames toute la nuit mais bon, vous comprenez, il lui faut un adversaire à sa hauteur parce qu'il se dit aussi "le plus grand champion" sur ce jeu ; on lui amène alors le "champion populaire toute catégorie" et c'est là que le film devient vraiment plaisant : ce dernier pulvérise complètement le président auto-proclamé qui commence doucement à perdre patience - surtout que son adversaire lui fait remarquer sa nullité. Il y a également une règle assez curieuse : à chaque mouvement de pion, le joueur injurie son adversaire, ça rend le film encore plus drôle. La seule réaction du chef à ça, c'est une voix-off qui sonne comme une auto-persuasion que finalement son adversaire est un pauvre gars qui n'a rien compris et qui veut juste faire le clown (ou plus exactement le "mariole"). En fait, pour acheter son silence il va le nommer "porte-parole sans portefeuille", j'ai trouvé ça assez amusant ; le film se clôt sur une émission radiotransmise qui annonce le nouveau membre du gouvernement "qui n'a pas pu prêter serment car à cause de l'émotion, il a fait une mauvaise chute". En plus de sa drôlerie (et du talent de Yves Mba dans le rôle du champion populaire toute catégorie), j'ai trouvé que le film arrivait à retranscrire la tension qui surplombait cette partie de dames ; c'est vraiment un chouette film.

Emeryck a écrit:

Chantal Akerman : Les trois dernières sonates de Franz Schubert        1989

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Ce documentaire d'une cinquantaine de minutes filme le pianiste Alfred Brendel jouant des extraits (et donnant des bribes d'analyse personnelle) des trois dernières sonates pour piano de Franz Schubert, composées simultanément au milieu de l'année 1828 durant laquelle il est mort à trente-et-un ans. Le documentaire est assez chouette (tout comme les trois sonates) mais j'avoue que je n'ai pas tellement compris le choix de ce qui est présenté : on a l'impression de quelques impressions éparses et que le documentaire est quasiment tronqué - pourquoi commencer le documentaire sur un mouvement de sonate complet dont on ne parle finalement pas trop et pourquoi ne poursuivre ensuite que sur des bribes de mouvement ayant la valeur d'illustration des propos de Brendel ; je crois que j'aurais préféré n'avoir que des bribes et peut-être un mouvement (ou une sonate) complet(e) à la fin. Du côté des éléments d'analyse personnelle de Brendel, c'est pas mal mais rien d'extrêmement ébouriffant : lien entre Schubert et Beethoven, lien(s) entre ces trois dernières sonates, la figure romantique du Wanderer, la réception de la musique de Schubert de son temps, etc. La réalisation est bien (notamment le montage) mais j'avoue qu'on se demande où est Akerman là-dedans ! Dans tous les cas, ça m'a donné envie d'écouter ces sonates par Brendel, une version que je connais assez mal.

C'est comme tu le soulignes une conversation autour de Schubert, de l'unité (ou non) des trois dernières sonates, des traits idiomatiques, du rapport avec Beethoven (le legs, son affranchissement - "un voile d'ordre derrière lequel scintille le chaos" chez Schubert), qui, bien qu'à bâton rompu, nous fait entrer dans ces œuvres de façon assez détaillée (dans leur analyse formelle), et évite pas mal des écueils redoutés (la vision testamentaire de ces sonates)

Tu relève la qualité du montage, je soulignerais la puissance de ce plan fixe qui intervient au début, au milieu, à la fin et va de pair avec la reprise de l'andante sostenuto de la sonate en si bémol majeur (donné intégralement au début, puis seulement la reprise en fin du documentaire). La force graphique, frontale, cyclique de ce plan dont la verticale du piano ouvert occupe la ligne médiane et joue avec la trame de la verrière, le temps lumineux qui s'écoule (dans sa lumière changeante) et nous fait écouter et voir, à défaut de signature, sont un bel indice à la recherche d'Akerman*.

J'ai pas regardé quand se situe le film dans sa filmographie (son rapport à la musique, la rencontre avec Sonia Wieder-Atherton), un autre indice à fouiller peut-être
PS : la même année que les Trois strophes sur le nom de Sacher**

*:

** https://fr.wikipedia.org/wiki/Trois_Strophes_sur_le_nom_de_Sacher

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Jean-Pierre Mocky : La machine à découdre        1986

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Ce film est une adaptation du livre A killer is loose de Gil Brewer ; je sais pas trop comment ce livre est écrit mais ce film est assez bordélique : je trouve que d'habitude, les enjeux de l'histoire sont assez bien circonscrits chez Mocky mais ici, ça reste assez vague : le personnage principale est un ophtalmologiste qui revient effaré de la guerre et qui veut construire un hôpital pour y soigner les blessé(e)s de guerre - rôle bien sûr tenu par Jean-Pierre Mocky lui-même ; bon, en fait, rien de tout ça va advenir et il commence à tirer dans tous les sens et sur tout le monde. À cet égard, on pourrait trouver ce Mocky assez bizarre (même parmi les autres) et assez ennuyeux et si il l'est effectivement, je ne le trouve tout de même pas inintéressant : il m'a pas mal fait penser à Buffet froid de Blier notamment parce que les deux films sont menés par un objet (le couteau dans Buffet froid et ici, c'est le pistolet) et ici, ç'a sans doute encore plus de prise narrative puisque dans le film de Blier, c'est le couteau qui ouvre un lieu narratif alors qu'ici, le pistolet est vraiment le moteur constant du film : il s'agit d'un road movie où le véhicule serait le pistolet - et d'ailleurs, comme le véhicule dans le road movie, le pistolet est ici un vecteur d'opposition. À part ça, je dirais pas que le film est passionnant pour autant : il n'y a pas de pointure parmi les acteurices, techniquement c'est pas terrible et Mocky semble plus intéressé par le fait de filmer le corps nu de sa femme Patricia Barzyk pendant deux bons tiers du film...

Jean Grémillon : Gardiens de phare        1929

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Ce film a une histoire un peu particulière (mais au fond pas si rare parmi les films muets - qu'on pense à l'histoire rocambolesque de la Passion de Jeanne d'Arc de Dreyer) : il a été considéré comme perdu ("perdu en mer" d'après les mots de Grémillon) pendant plusieurs dizaines d'années et on a finalement retrouvé une copie au Danemark (!) au milieu des années cinquante, il semble s'agir d'une copie de travail de qualité vraiment pas bonne. Le scénario a été écrit par le réalisateur et producteur Jacques Feyder et c'est assez minimaliste : comme le titre l'indique, on suit un jeune homme et son père, gardiens de phare (au large de la Bretagne) ; par leur chien malade, le fils attrape la rage et à partir de là, le film alterne les séquences dans le phare avec une mer agitée et les séquences de flash-back du fils avec sa copine. Le film comporte finalement très peu d'intertitres textuels et je trouve qu'avec la manière que le film a de traiter le temps (quelques plans de temps direct (horloge, éphéméride), la progression de la maladie (qui circonscrit un domaine temporel dans lequel le film pourra prendre place et qui lui donne un régime expressif) et cette manière de toujours renvoyer à un point antérieur - qui contraste justement avec l'aspect progressif de la maladie), le film est très prenant et très fort, une sorte de lenteur extatique ; en plus, j'ai beaucoup aimé l'utilisation (très abondante) de la lumière. Ce film gagnerait vraiment à être restauré et je pense que ça deviendrait un chef-d'oeuvre : je crois pas que ça existe en DVD et le seul fichier qui existe est une projection filmée en mauvaise résolution et l'image n'est pas très grande avec pas mal d'espace gâché par des bords noirs ; les premiers films de Grémillon, c'est quand même quelque chose !

William A. Wellman : Beggars of life        1928

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Je connais assez mal Wellman mais il a l'air d'avoir fait des films assez/très chouettes ; je n'ai pour l'instant vu que The public enemy et celui-ci. Dans ces deux-là, le récit met en scène des personnages marginalisés ; j'ai trouvé celui-ci nettement plus réussi que The public enemy (qui est bien, cela dit) : on y suit une jeune femme (interprétée par Louise Brooks, je m'attendais pas du tout à la voir là) qui a tué son père adoptif (qui l'agressait sexuellement de manière répétée) et qui fuit la police (et se fait passer pour un homme) ; chez lui, elle rencontre un homme également en itinérance qui lui propose de s'enfuir et de rejoindre le Canada par le train. Le film est donc une sorte de road movie un peu mélodramatique (assez étonnant, pour la fin des années vingt, je trouve !) avec son lot d'éléments-pivot ; en plus de ça, c'est vraiment très bien mis en scène (la scène de repos dans les herbes, la scène de reconstitution du meurtre en surimpression, et quelle lumière expressive !) et les dialogues ainsi que les acteurices sont vraiment bien aussi ! Pour moi, c'est nettement mieux qu'un road movie genre Bonnie and Clyde de Penn.

xoph a écrit:

Roger Vadim
Barbarella

Celui-ci, ça fait un bout de temps que je l'ai en stock mais je n'ai pas encore osé. 

… tellement qu'il y a pas de quoi débrancher un projecteur

Celui que j'ose pas voir c'est Une Sale Histoire

Pierre Clémenti : Soleil        1988


Ce court-métrage d'une quinzaine de minutes est la dernière réalisation de Pierre Clémenti, elle fait vraiment œuvre de conclusion puisque le film est une sorte de petite rétrospective et méditation ouverte sur la vie du réalisateur. Ce serait apparemment sa réalisation préférée mais elle m'a beaucoup déçu : le texte méditatif qui accompagne les images est d'une lourdeur... ça m'a vraiment sorti du film et même s'il ne fait qu'une quinzaine de minutes, j'ai trouvé le temps un peu long, c'est dommage car les images sont plutôt chouettes.